Clara - Gérard Peycelon - E-Book

Clara E-Book

Gérard Peycelon

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Beschreibung

Une prophétie funeste peut-elle lier le destin d’une enfant à celui d’un complot contre l’ordre mondial ? Ésotérisme mortifère et chevaliers blancs s’affrontent dans une épopée sans merci pour que la prémonition ne s’accomplisse pas. Un héros va surgir, implacable justicier à la poursuite du cerveau de la conspiration. Tour à tour, les dominos de la conjuration vont tomber, mais à quel prix et pour quel résultat ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Du HLM de son enfance stéphanoise à son aventure professionnelle de globe-trotter, Gérard Peycelon a dévoré la vie. Son goût pour l’action et sa passion du voyage et des rencontres ont stimulé une imagination universelle et féconde. Sa plume y puise un souffle épique, romanesque et puissant, intimement corrélé à l’âpreté de notre époque.








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Gérard Peycelon

Clara

Ne meurs qu’une fois !

Roman

© Lys Bleu Éditions – Gérard Peycelon

ISBN : 979-10-422-1658-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

L’estrade, Le Lys Bleu Éditions, septembre 2022.

À Marie-Pierre, ma chance

Clara

« Ne meurs qu’une fois ! »

Rien n’est réel sauf le hasard.

Paul Auster, City of glass

Préambule

Le 11 septembre 2001, alors que les Twin Towers s’effondraient, naissait aux États-Unis une organisation ultra réactionnaire.

Son nom ? « The cercle ». Son mantra ? Enrayer la chronique du chaos annoncé d’un occident malade et perverti et établir un ordre nouveau.

Le Big One, cerveau de la conspiration, disposait de l’atout majeur d’un groupe d’hyper médiums, les cléromanciens. Gouverner c’est prévoir. Les colossaux bénéfices générés sur les marchés financiers par leurs anticipations des crises offraient au complot des moyens illimités.

BO étendait et ramifiait ainsi son réseau telle une pieuvre mafieuse. Tout a un prix et l’argent corrompt tout.

Bien que d’apparence minuscule, un ultime obstacle se dressait encore sur sa route. Clara.

Entre chasseur et proie, inégale, tragique et sans merci, une course contre le temps était engagée. L’avenir était-il une page blanche ou, déjà, était-il écrit ?

Le premier dimanche du printemps 2006, ma vie a basculé. L’être aimé, m’avait été enlevé et avec elle, la promesse de l’enfant qu’elle portait. Maintes fois, j’ai pensé les rejoindre.

Un rêve insensé me hantait et me retenait encore. J’étreignais Clara dans mes bras, petite fille qui m’avait été prise, et la voyais grandir, aimer, enfanter et réenchanter ma vie.

Cela me rendait fou. Rien ne pouvait repousser ce fantasme dont j’avais alors entrepris de me libérer par l’écriture.

Clara s’épanouissait sous ma plume dans une aventure espagnole aussi romanesque que troublante avec un torero, fils de famille et activiste sulfureux d’un ambitieux mouvement nationaliste.

Seul un don du ciel pouvait me sauver de cet abîme fictif où je glissais. Lorsqu’il se produisit, j’ignorais que le miracle avait un prix.

3 ans plus tard, Clara me fut en effet accordée comme une deuxième chance. Elle allait m’aspirer dans l’univers ésotérique et violent d’une conjuration internationale.

Les cléromanciens ne se trompaient jamais. Cette naissance accomplissait une prophétie dont Clara était l’alpha et l’oméga1 fatal au rêve de domination planétaire d’un mégalomane fortuné et puissant. Cela en faisait la victime désignée de la conspiration.

L’obstacle devait être effacé. La mort était la sentence dont une poignée d’indépendantistes bretons seraient l’instrument.

Dès lors, tous les moyens ne suffiraient pas pour la sauver de cette malédiction et rompre la prophétie, à l’exception peut-être, de mon entêtement et de la froide détermination d’un agent spécial des renseignements.

La guerre serait impitoyable contre un ennemi tentaculaire et sans scrupule.

Prise en otage dans l’affrontement du bien et du mal, l’innocence s’en remet à ses chevaliers blancs.

De l’ami dévoué à une extra-lucide névrosée et coopérative, du détective séducteur et rusé à un agent spécial implacable, un bouclier protecteur s’était forgé.

De la Bretagne à Paris, de Genève à Florence et de Montréal à Miami, une course effrénée s’engageait alors pour démasquer les instigateurs de cette cabale planétaire et conjurer le sort.

Les héros peuplent notre imaginaire jusqu’à l’instant où ils nous apparaissent, le plus souvent, là où on ne les attend plus. Armés du glaive justicier, ils se manifestent lorsque le destin s’acharne.

Qu’importe le nom qu’on leur donne, hasard, chance ou espoir, ils sont du bon côté de la force. You’ll never walk alone.2

Le rêve n’est jamais qu’une déformation de la réalité.

1re partie

Trois petits soldats

Le temps d’un soupir

Ploemeur, Morbihan,

11 h 30, dimanche 26 mars 2006

En ce premier dimanche de printemps, le marché de Ploemeur battait son plein, grouillant d’une foule bigarrée, mélange de familles en vadrouille et de commerçants hâbleurs au timbre haut perché.

Solange avait présumé de ses forces. Elle s’engagea avec lassitude sur le passage pour piétons de la place Falquerho.

Soudain, face à elle, de l’autre côté de la rue, une bousculade précipita à terre deux femmes, entravées par le trottoir sur lequel elles tentaient à reculons de se mettre à l’abri.

Quel était ce danger et pourquoi subitement les événements qui suivirent lui semblèrent, image par image, se dérouler au ralenti ?

Quelques minutes plus tôt, dans une file compacte agglutinée devant le camion réfrigéré de Titouan Kervarec, poissonnier patenté du marché dominical, Solange s’était sentie fléchir.

Piétiner n’est pas marcher et l’attente était interminable. 2 heures de flânerie entre les étales avaient eu raison de son entrain initial. Les jambes lourdes et une succession de petits coups de pied du bébé qu’elle portait lui rappelaient qu’elle n’était pas seule à s’agacer.

Laissez passer, laissez passer ! Le bébé s’impatiente !

Du haut de son estrade, Titouan donna de la voix désignant Solange dont la grossesse avancée ne prêtait pas à confusion.

4 filets de merlus et 500 grammes de belles crevettes roses comme la dernière fois ?

Échalotes et citrons !

avait-il ajouté sans attendre de réponse.

Trop lasse pour modifier sa commande habituelle, rentrer devenait urgent. À bientôt 40 ans, la promesse d’une naissance relevait du miracle.

Les clients s’étaient écartés avec bienveillance. Elle se confondit en remerciements. À cet instant, son corps demandait grâce. C’est en vain que je lui avais déconseillé de prolonger le rituel de ses emplettes dominicales où je me proposais de la remplacer.

Promis, Adrien, c’est la dernière fois, il fait un temps splendide, ça me fera du bien !

m’avait-elle répondu, énième procrastination sur la délicate question de limiter une liberté de déplacement à laquelle elle restait obstinément attachée.

Elle s’apprêtait à traverser la rue après avoir quitté l’étale du poissonnier quand ce dernier envoya un signal sur son téléphone portable.

La temporisation du feu vert pour piétons que Solange venait d’actionner était de 10 secondes, une éternité…

Les hurlements des deux femmes à terre se propagèrent à la foule.

Les regards apeurés de tant de visages crispés, déformés par les cris, fixaient une scène surréaliste.

Solange s’était arrêtée au milieu du passage pour piéton, paralysée par ce début de panique dont elle ignorait encore l’origine.

Au signal reçu, la Citroën C4 grise avait démarré en trombe devant l’église Saint-Pierre et aimantait toutes les attentions.

La reconnaissance nocturne effectuée le mardi précédent lui laissait 10 secondes à fond, soit le temps nécessaire pour contourner la place jusqu’à la hauteur du passage.

Le crissement des pneus à chaque changement de rapport déchirait l’espace. L’accélération du missile était continue dans le vrombissement des vitesses inférieures poussées à l’extrême.

Les témoins décriront un jeune conducteur, crispé à son volant, regard halluciné, kamikaze fondant sur sa cible.

Parmi les spectateurs terrifiés du drame qui se jouait, un homme, chétif et de petite taille, apparut soudainement quelques pas devant elle.

Il était vêtu d’une longue tunique noire. Son visage disproportionné, lisse, irréel, occultait le reste d’un corps sans importance.

De grands yeux exorbités la fixaient. Mains en étau sur les oreilles, une bouche sans lèvres formait un cercle d’où s’échappait la douleur d’un cri qu’elle seule semblait entendre.

Solange entrevoyait-elle furtivement le reflet de sa propre terreur ?

Réalité ou hallucination, sa vie défila en un éclair.

J’étais près d’elle, nous marchions soleil couchant sur les chemins des hautes chaumes de notre Forez natal.

Une enfant gambadait dans la bruyère. Elle lui tendait les bras, la couvait des yeux lui rappelant sur un ton léger « Clara, ne t’éloigne pas ! ».

Le passage protégé s’était vidé à l’exception de Solange, interdite, tétanisée par l’imminence du choc.

Kénavo

— Allô ! C’est fait !
— Rendez-vous à la décharge. Dépêche-toi !

La Citroën roulait à tombeau ouvert sur la voie rapide en direction de Quimper. Ronan pleurait à chaudes larmes, entre excitation et désespoir.

Le choc avait provoqué une paralysie de ses processus mentaux.

Submergé par un tsunami d’adrénaline, il conduisait dans un état second.

Cette femme au ventre rond avait un regard empli de compassion à l’instant fatal. Assailli de remords, le gamin se remémorait en boucle la transe inconsciente qui l’avait conduit à l’irréparable.

Alors convaincu de la légitimité de son acte supposé anti-Gallo,3 il en avait 1 mois plus tôt accepté la mission. L’émancipation de son statut de bleu au sein de son groupe d’autonomistes bretons lui semblait à ce prix.

Affichage clandestin, caillassage de gendarmeries et vidéos cagoulées lui laissaient ce parfum romanesque de révolte avec lequel flirte la jeunesse universelle. Désormais, il avait déclaré la guerre à la société et commençait à se demander pourquoi…

Peu après la sortie Quimperlé, Ronan s’engagea sur une petite route conduisant à une décharge à ciel ouvert.

Des nuées de mouettes rieuses tournoyaient en déchirant l’espace de leur « kreeay » strident, si caractéristique.

Ronan s’immobilisa et ralluma le joint de cannabis entamé sur la place du marché. Cou et trapèzes intimement noués provoquaient une raideur paralysante.

Le cannabinoïde l’apaisait. L’inhalation du THC estompait ses angoisses. Il se détendit sur l’appui-tête et ferma les yeux.

Le gosse, un peu paumé des quartiers HLM de Lanester, s’était réfugié dans l’addiction à la beuh et les compagnies trop faciles. Sans but, il était de ces suiveurs fragiles que l’on entraîne et manipule. Aujourd’hui, il avait rompu ses chaînes.

Quelques minutes plus tard, la Honda 750 Four de ses 2 comparses venait se ranger à hauteur de la Citroën.

Alors que le pilote restait assis, moteur au ralenti, son passager descendit, ouvrit la portière et s’installa à la place du mort, ou supposée telle.

Alors petit, t’as pas l’air en forme.

Ça va aller !

T’es sûr que c’est terminé ?

Comment survivre à un choc pareil ?

Personne ne t’a suivi ?

J’ai foncé sans m’arrêter, mais la voiture a certainement été identifiée.

OK. On va cramer tout ça.

Des paroles aux actes, il n’y a qu’un pas…

La mini matraque dissimulée dans la manche de la combinaison du motard s’abattit à la base de la nuque de Ronan.

Stupéfaits, les yeux grands ouverts du gamin fixaient son exécuteur.

Sans un mot, la tête s’effondra sur le volant, déclenchant le klaxon de la Citroën. L’écrasement des vertèbres cervicales avait provoqué une mort instantanée.

Kénavo Ronan ! Les ordres sont les ordres.

3 bouteilles de vodka jetées sur les sièges arrière et un bidon d’essence plus tard, la C4 partait en fumée.

La moto était déjà loin que l’on entendait encore la plainte lancinante de l’avertisseur sonore de Ronan, corne de brume d’une âme en perdition.

DGSI

Larmor Plage

Vendredi 7 avril 2006, 21 h

Maître Pennaneac’h, jeune avocat du barreau de Quimper, spécialisé dans les délits routiers, m’avait été conseillé par Patrick, mon médecin et meilleur ami.

Après avoir pris connaissance du rapport de police, il s’était montré dubitatif face aux circonstances troublantes de l’accident.

Les témoignages laissaient penser à un acte délibéré. L’absence de toute tentative d’évitement et de traces de freinage corroborait cette version.

J’avais été invité à me rendre au commissariat de Lorient pour répondre aux premières questions des enquêteurs concernant Solange, ses relations, ses habitudes, jusqu’à ses opinions…

La Citroën avait été retrouvée en feu sur un parking proche de Quimperlé, le corps de son conducteur, ou ce qu’il en restait, encore attaché à sa ceinture.

Les premiers éléments d’enquête s’orientaient vers une bouffée délirante sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants, suivie d’un suicide par immolation.

J’en étais là, en état de sidération, lorsque je reçus la visite d’un personnage singulier. Depuis l’accident, j’étais prostré et n’attendais personne.

L’homme qui sonnait à la porte me présenta à travers le judas un badge d’officier de la Direction générale de la Sécurité intérieure.

Il était tard et j’étais peu disposé à ouvrir à un inconnu, fût-il de la DGSI.

Les lettres anonymes de menace, reçues l’année précédente, m’incitaient à redoubler de prudence.

Le temps était exécrable. Un mélange de bruine et d’embruns venait battre le perron ou patientait l’officier, impassible, col relevé et capuchon d’imperméable vissé sur la tête. Imperturbable, l’inconnu alluma une cigarette.

Cela pouvait durer longtemps, car je n’avais pas l’intention d’ouvrir.

Le pied de grue du mystérieux visiteur dura un bon quart d’heure avant qu’un véhicule de gendarmerie n’arrive tous feux éteints, moteur au ralenti et stoppe à hauteur de l’escalier d’entrée.

Nouveau coup de sonnette. À travers le judas, je reconnus le brigadier le Floch pour l’avoir sollicité à diverses reprises dans mes activités professionnelles.

Il s’approcha encore de la porte pour me présenter ses condoléances puis m’invita à laisser entrer mon visiteur.

Il était sa caution. Mission accomplie.

Je n’allais cependant pas laisser s’installer dans mon salon un officier des renseignements sans un motif minimum et l’interpellais à travers la porte.

Que voulez-vous à une heure pareille ?

Toujours collé à mon œilleton, je le regardais patienter et tirer sur sa cigarette.

Exposé aux embruns que les bourrasques de mer vaporisaient à l’unisson d’une bruine pénétrante, il ne trahissait aucun empressement.

Après avoir, d’un signe, invité le Floch à remonter dans sa voiture, l’enquêteur s’exécuta.

Le capitaine Matthis Keller était venu spécialement de Paris. Il collectait de l’information sur des groupuscules d’activistes bretonnants auxquels appartenait Ronan Pleven, le conducteur fou, carbonisé et très vite identifié.

Je déverrouillais la porte et le laissais pénétrer dans le vestibule. L’homme était trempé, mais je ne m’excusais pas.

Une fois libéré de son imperméable que je suspendais à une patère. Stature martiale, la quarantaine, cheveux courts et regard bleu topaze, l’officier me tendit la main.

Cette poignée franche me rassura suivi d’un élégant « Merci de me recevoir » fort immérité.

Je tentais de rattraper le coup avec un cognac Jean Martell servi dans sa carafe de cristal de Sèvres des grandes occasions.

Installé au salon, ses premières questions portèrent sur les jours ayant précédé l’accident et mon ressenti lors de mes contacts avec la famille de Ronan.

Je m’étais en effet rendu aux obsèques du jeune homme de 23 ans, après avoir accepté la présence de ses parents lors de la bénédiction donnée à ND de Larmor avant que Solange ne quitte la Bretagne pour notre caveau familial Forézien.

Notre couple, nos activités, notre mode de vie, nos amis, nos ennuis, nos projets intéressaient aussi mon interlocuteur jusqu’à ce qu’il en vienne à mon parcours professionnel.

Vous présidez la Fédération Française des Banques en Bretagne.

Quel rapport ?

Vous n’avez pas une bonne image dans le milieu de la pêche.

Si vous voulez parler de notre retrait l’année dernière des opérations de cautions à la criée

4

, j’assume les décisions de ma direction générale.

Ça a fait couler beaucoup d’encre, assorti de quelques menaces.

On ne peut rien vous cacher.

Après la tragédie de Ploemeur, je m’étais posé la question d’un acte d’intimidation qui aurait mal tourné. Mais cela me paraissait tellement disproportionné.

Votre épouse portait votre enfant.

Ce n’était pas une question. Il me dévisageait d’un regard bleu, sans émotion, professionnel. Je commençais à m’agacer et rompis le silence qui s’installait.

Nous pourrions peut-être en rester là.

Était-ce sa 1

re

 grossesse ?

Mais enfin, je ne vois pas où vous voulez en venir.

Répondez-moi s’il vous plaît.

Ensuite, j’aurai fini de vous importuner.

La conversation avait duré près d’une heure. Je n’en attendais rien et n’avais rien appris. Je m’enfermais alors dans un mutisme têtu. Keller ne trahissait aucune impatience. Son regard transparent posé sur moi me mettait mal à l’aise. J’aspirai à rester seul. Il fallait en finir.

Solange allait avoir 40 ans.

Cette 1re grossesse nous ne l’espérions plus.

Je suis profondément désolé, Monsieur Lorentz.

Je vous présente mes sincères condoléances.

En parfait gentleman, l’officier s’était levé, s’inclinant pour prendre congé face au deuil. L’échange était terminé. Une carte de visite changeait de mains sur quelques mots équivoques.

N’hésitez pas à vous en servir. Tous les détails comptent.

L’ultime question posée par Keller sur la grossesse de Solange ne cessait de me tourmenter et d’alimenter les fantasmes les plus farfelus.

Un enfant à naître pouvait-il détenir une part de vérité dans une énigme dont je tentais désespérément de me détacher ?

Sur le pas de la porte, l’agent de renseignements se retourna.

Félicitations pour votre cognac. Un assemblage parfait. C’est unique !

Il disparut en un instant dans la nuit sombre, remontant la rue du port copieusement arrosée d’embruns arrachés aux paquets de mer qui submergeaient la digue de l’anse de Thoulars.

La tempête s’était levée pour de bon. Derrière la baie vitrée saturée d’eau de la véranda, je me resservais un dé de ce nectar subtil sur fond de notes orientales et boisées. Les effluves de bergamote, d’écorces d’orange, de baies noires et de cassis, emportaient mes pensées sur l’océan démonté.

La vie est-elle une tragédie ?

Quelle malédiction avait détruit mon couple ?

Pourquoi les renseignements intérieurs enquêtaient-ils ?

J’attendrais 2 ans et demi pour l’apprendre à mes dépens et entendre à nouveau parler du capitaine Keller.

Ken tuchantig

Larmor Plage

Jeudi 20 avril 2006, 20 h

Le téléphone sonne alors que je m’apprête à ingurgiter ma ration quotidienne d’informations au journal télévisé.

Le ton aigu de la voix de maître Pennaneac’h trahit une excitation inhabituelle.

Je suis désolé de vous déranger à cette heure, mais je dispose d’une information qui ne peut pas attendre.

C’est si important ? Il me semble pourtant que tout a été dit.

Pas tout à fait. J’ai revu l’officier de police judiciaire qui a dressé le procès-verbal de l’accident.

Je me souviens de cet homme qui m’avait accompagné aux urgences de l’hôpital Bodélio à Lorient où était déposé le corps de Solange.

J’avais répondu par un « oui » laconique à sa demande d’identification puis il s’était retiré, mais son visage restait attaché à cet instant.

Pardonnez-moi, j’imagine combien c’est difficile… mais la PJ enquête sur un groupe d’autonomistes bretons dont ils ont une preuve d’affiliation de Ronan Pleven via une association caritative Ken tuchantig

5

.

Pardon… ?

Ce groupe est considéré comme dangereux et l’association n’était qu’une couverture.

Pléven était un gosse !

L’association a été perquisitionnée et dissoute pour activités séditieuses. Les documents saisis mentionnent clairement la présence active de Ronan.

Je suis pris d’une toux sèche, signal irrépressible des mauvais moments, immédiatement interprété comme tel par mon interlocuteur.

Pardonnez-moi, je me suis précipité. Je vous rappelle demain.

Non, mais quel rapport avec l’accident ?

Ce groupe est dirigé par un mystique, Erwan Barzic dit le druide.

L’officier de police m’a parlé d’une secte séparatiste très hiérarchisée où Ronan appartenait à l’échelon inférieur des exécutants.

Je n’y comprends rien !

Moi non plus ! Le policier m’a simplement dit que votre nom et votre position à la tête d’une banque étiquetée Gallo apparaissaient dans les documents saisis.

Un an plus tôt, la malheureuse affaire de dénonciation des cautions à la criée avait alimenté les colonnes de Ouest France après que j’ai dû m’expliquer auprès du préfet de région.

Nos agences du Finistère, du Morbihan et des Côtes-d’Armor avaient été taguées « Gallo dehors ! » dans les jours qui suivirent la parution de l’article.

J’éteins la télévision et presse le combiné contre ma poitrine.

Le souvenir des menaces reçues à mon domicile, sous la forme de 2 lettres anonymes signées d’une triskèle, ne m’a jamais quitté.

La première comportait une allusion directe à ma position.

Gallo dehors ! La Bretagne c’est la pêche ! Breiz Atao6.

La seconde était plus personnelle.

Gallo dehors ! Tu vas payer ! Breiz Atao.

Allô, allô !

Pennaneac’h s’agite au téléphone.

Il ne m’a pas perdu. Je suis simplement ailleurs. L’accident, les menaces, une secte, la police et la DGSI… la confusion est un ordre en lambeaux.

Je reprends mes esprits.

Pourquoi ces confidences de la part d’un policier ?

L’inspecteur enquête sur chaque membre de l’association et Ronan en faisait partie.

L’alcool et la vitesse ! C’est tellement ordinaire…

L’inspecteur chargé de l’enquête souhaitera sans doute vous rencontrer.

J’avais omis d’informer mon avocat de la visite de Keller.

J’ai déjà rencontré un inspecteur.

Il n’a pas perdu de temps. Vous auriez dû m’en parler.

Désolé. Il s’agit d’un certain Capitaine Keller de la DGSI.

La DGSI ?!

La surprise de Pennaneac’h n’est pas feinte.

Je pensais que vous le saviez.

Mais la DGSI… c’est l’antiterrorisme !

Là est précisément la question que je retourne depuis le 7 avril et la visite de ce capitaine Keller.

Si Ken tuchentig intéresse la DGSI, c’est une tout autre histoire, Monsieur Lorentz. Êtes-vous sûr de ce Keller ?

Il était accompagné d’un brigadier de gendarmerie que je connais bien.

Il m’a laissé une carte de visite pour le joindre.

Soyez prudent ! S’il vous plaît, ne faites plus rien dans cette affaire sans m’en parler.

Je raccroche d’un remerciement du bout des lèvres.

Que cherche l’antiterrorisme ? Quel est le lien avec Ken tuchentig ?

Les questions sur la grossesse de Solange et sur mon conflit avec les mareyeurs me plongent dans une énigme dont je ne maîtrise rien.

La nuit promet d’être longue.

Pérello

Loemener

Samedi 15 septembre 2007

Près de 18 mois se sont écoulés depuis la tragédie du marché de Ploemeur.

Je dissimule mes tourments à l’abri d’un cocon de sable et de roches déchiquetées prisonnières de la mer à Loemener dans la crique du petit Pérello.

J’ai découvert cet endroit sur le trajet de mes courses folles de la plage de Thoulars à la croix du Christ de Kerroc’h, en foulées de raider, courtes et rases, sur le chemin des douaniers.

Le sud de la Bretagne n’en finit pas de retenir les langueurs d’un été qui s’étire en pente douce. Jusqu’à cet après-midi de septembre, ma vie s’en contentait, retirée, simple, contemplative.

L’océan étirait sa houle au large de la pointe de Kerroc’h, plissant les vagues comme autant d’ourlets d’écume parfumée d’iode et de sel portés par le vent du large.

La météo n’a pas d’importance, en Bretagne, l’océan est à la température de l’air et le bain efface la fatigue et purifie les miasmes de l’esprit. J’aspirais de profondes goulées de ce trésor frais et léger.

Solange, nous étions l’un à l’autre, corps et âme. Depuis sa disparition, je sollicitais mon corps jusqu’à la maltraitance. L’épuisement compense la dépression.

J’avais fini par renoncer à la rejoindre pour n’être jamais resté seul. Séparée de papa, maman s’était installée près de moi. Elle veillait au grain et pourvoyait à tout.

Elle peignait admirablement de flamboyantes marines dont elle puisait l’inspiration les jours de tempête où la gîte couchait les grand-voiles les plus intrépides défiant la houle, les embruns et le vent.

L’océan est une éternité avec laquelle les hommes aiment à se mesurer, gommant les différences pour ne retenir que le courage et la soif d’aventures.

Il est ce vertige partagé auquel succombent les dévoreurs d’espace en communion avec cet élément liquide et mouvant qu’aucun atome de mon corps ne veut oublier.

Jamais je ne manquerai un rendez-vous avec l’océan.

Et voilà qu’au plus profond de cet instant limpide, résonne une voix, un souffle féminin venu courber l’espace si rectiligne de la bienheureuse banalité de ma solitude.

17°, vous êtes courageux !

À peine l’ai-je entrevue, furtive, elle a plongé.

Est-ce bien prudent de nager seul, si loin jusqu’aux bouées ?

Elle est là. Je ne rêve pas. Un sublime ovale me dévisage, incliné, yeux vert et noisette, rieurs et délicieusement bridés. Sa longue chevelure brune enlace un cou vertigineux. Le temps est suspendu.

Le personnage de Clara a surgi, fiction d’un petit manuscrit griffonné dans le vide de ma solitude et probablement égaré dans le capharnaüm de ma chambre.

Comment est-ce possible ? J’avais dû la rêver. C’est elle, trait pour trait.

Je cherche quelque chose de rationnel auquel me raccrocher. Mais l’image de Clara, l’héroïne de mon petit essai s’est installée, saturant ma pensée. Je flotte et n’émets aucun son.

Cela fait longtemps que le petit frisson de l’apparition d’une femme ne m’avait effleuré. J’avais inventé Clara et voilà qu’elle m’apparaît…

Elle m’a réveillé, comme une source fraîche. Demi-tour, mais il est déjà trop tard. Elle a disparu. Reste l’écume de sa présence. Mousse légère au milieu d’un rond dans l’eau qui s’élargit pour se dissoudre en une infinité de bulles pétillantes.

La parole me revient.

Mais où êtes-vous ?

Sursaut inutile, je suis à contretemps, à contrecœur, à contre-courant aussi. Le ressac m’éloigne de la côte. À la dérive, j’atteins les bouées de limite de baignade.

A-t-elle nagé derrière la petite barre de rochers qui referme la passe ? J’hésite à la poursuivre.

Après tout, ce n’était que quelques paroles de solidarité dans cette eau fraîche soudain devenue glacée.

Un vigoureux crawl plus tard, je m’ébroue et me recroqueville en frisson sur la plage. Je tremble comme un enfant sortant de l’eau.

Le cœur bat la chamade. Le puissant tic-tac de mon horloge interne me rappelle que stress, froid et émotion ne font qu’un.

Je scrute la mer désespérément vide. Mon fantôme a bel et bien disparu. Improbable scénario pensé à toute vitesse, le fantasme entrevu s’est effondré.

Une silhouette, un regard, quelques mots et des ronds dans l’eau, j’ai dû rêver à haute voix.

Je suis très agité et la confirmation de quelques regards obliques venant des serviettes voisines ne m’incite pas à m’attarder.

J’enfile à la dérobée, short, tee-shirt et chaussures et reprends ma course sur le sentier des douaniers comme si le diable était à mes trousses.

Combien de chimères hantent cette côte où tant de mâts espérés à bon port n’ont jamais franchi l’horizon ?

Ai-je entrevu la sirène d’une de ces femmes de marins disparus sur les Grands bancs de Terre-Neuve ? Suis-je de ceux qu’elle tourmente en quête de réponse ?

La Bretagne est une terre de mystères, un entre deux mondes où les marées de tempête rejettent à la côte l’écume de ses festins tragiques.

De là naissent les légendes.

Où que porte le regard, la Bretagne nous raconte une histoire. C’est l’histoire insaisissable d’une poignée d’eau qui m’attendait au petit Pérello.

Apparition ou hallucination ? Avais-je réveillé un esprit ?

Loemener

Samedi 22 septembre 2007

La semaine avait été longue, sans relief, excepté la promesse du week-end. La lande morbihannaise sent bon l’iode, le thym et la bruyère. Une brise marine disperse des embruns parfumés de varech.

Je nage vers les bouées, bravant quelque péril imaginaire de mes lectures enfantines peuplées de monstres marins.

Parfois, une onde sous-marine et fugace me rappelle la fraîcheur de l’océan.

De longues algues à la dérive m’enroulent et me transforment en quelque créature marine tentaculaire. La symbiose est parfaite.

À hauteur du petit cap, à l’est de la barre rocheuse qui protège la crique, la houle se renforce. Je n’irai pas au-delà. C’est à cet endroit qu’elle est apparue.

L’océan s’agite entre sac et ressac au resserrement du goulet.

Je ris à pleins poumons, d’un rire réfrigéré et nerveux et me parle tout haut à moi-même. Plainte dérisoire à la poursuite d’une illusion qui m’avait réchauffé le cœur.

Je risquerais un petit 18°. Aujourd’hui, l’eau est presque bonne…

J’ai dû le penser si fort qu’un écho me répond

18°, c’est moins courageux que la semaine dernière !

Demi-tour, je ne rêve pas, elle est là. D’instinct j’émets enfin quelque chose d’audible.

Vous êtes toujours aussi pressée ?

Comment faire autrement dans cette eau froide ?

J’aimerais tant disposer d’une fraction de temps plus généreuse pour dire quelque chose d’original.

Incrédule, j’observe le petit cercle concentrique d’où venait la réponse juste avant qu’elle n’ait replongé, fluide, insouciante.

Cette fois, il n’est pas question d’en rester là, je dois savoir qui est cette apparition et pourquoi, oui pourquoi moi… ?

La curiosité est trop forte. Guidé par quelque pressentiment, j’oblique vers la grève rocheuse derrière la pointe de la passe.

Tic-tac, tic-tac…

La panique n’est plus très loin. Serais-je assez pleutre pour me contenter de l’apercevoir, poser une question et m’en retourner à mes démons solitaires ?

Allez, un peu de courage. Je plonge sous la barre de houle qui se forme entre les rochers refermant la crique.

Elle a franchi le cap et s’est laissée glisser sur le petit promontoire d’une roche plate, à fleur d’eau. D’un geste de la main, elle me désigne le meilleur endroit pour accoster.

Je n’y suis plus, un ange passe… une armée de scrupules monte à l’assaut et a tôt fait de transformer mon audace en hésitation. Je viens d’avoir 50 ans, elle n’en a pas 35.

Le doute m’assaille. J’hésite et jette un coup d’œil soupçonneux vers le large. La crainte d’être surpris s’empare de moi et mon bel élan initial se transforme en une lamentable déroute.

Instinctive, mon apparition se déploie, divine, s’étire et plonge. C’est bref, mais j’en sais assez pour ne pas insister. Elle a tout ce que je n’ai plus, avec en prime, mes illusions perdues.

Tout cela n’a aucun sens. J’ai honte et bats en retraite en toute hâte vers ma serviette et l’exil exquis de ma voiture.

Dans la tiédeur du repli sur soi, le cœur apaisé, sans exigence, vaincu, je reste ainsi de longues minutes les mains sur le volant, regard perdu au large vers l’île de Groix.

Le malaise s’étend. J’ai transgressé mes repères les plus précieux. Envahi de cette intime confusion qu’inflige la déloyauté. Je me maudis.

Le parking est animé de ces familles joyeusement éparpillées, surchargées de serviettes, de sots et de pelles, bruyantes du bonheur des enfants qui peuplent les plages familiales de la côte bretonne.

L’éclat des voix enfantines, interceptées par les rappels de parents un peu distraits, s’entremêle avec le rire des mouettes moqueuses pour s’évanouir, emporté par le vent qui se renforce avec la marée.

Vitres baissées, j’aspire l’air frais et iodé de cette fin d’été à l’abri de la voûte d’un taillis de baies sauvages que je partage avec un groupe d’enfants qui tourbillonne autour de la voiture.

Hé, toi !

Bras tendu, je tente d’intercepter celui qui me semble le plus âgé. Le garnement me dévisage puis la nuée de ces papillons éphémères se dissipe en un éclair.

Désolée ! Je vous ai senti si gêné…

Côté passager se penche un visage étonnement familier pour ne l’avoir observé qu’à deux reprises. Mes brumes se dissipent bien que je bafouille encore.

Non, je… Mais vous êtes insaisissable.

Le vent est son allié, il joue dans ses cheveux et lui fait don des mouvements les plus gracieux, s’épuisant à dompter de longues mèches brunes aux reflets roux qui s’entrelacent en tous sens.

Je me ressaisis d’une phrase toute faite.

Le week-end, tout est simple ici. Ce pourrait être la devise de cet endroit si vous n’étiez pas si pressée.

Je m’extrais de la voiture et lui tends la main pour me présenter.

Adrien, et vous ?

Michèle. Vous aimez Pérello ?

Sa main est ferme et douce à la fois. Je la retiens probablement un peu.

Oui, j’y viens de temps en temps. J’habite Larmor près de la grande plage de Thoulars. Ici, l’océan est plus sauvage.

Mon regard se faufile sous la petite casquette que dessine une main fine pour se protéger de la nébulosité de la cote.

Sous l’ombre improvisée battent de longs cils, papillons pris au filet d’un soleil tardif. Sa réponse accompagne un regard qui balaie l’océan.

J’adore cet endroit et quand le temps le permet, j’y passe des week-ends entiers.

Je m’enhardis d’une courte répartie sans calcul.

Alors, je vais devoir changer mes habitudes.

Elle sourit de cette assurance, vieille audace masculine qui me condamne à poursuivre de la manière la plus banale.

Vous avez bien un numéro de téléphone ?

Ma carte si vous voulez. Je suis assistante-vétérinaire à Guidel, et vous ?

Je dois bien avoir une carte par-là, quelque part dans la boîte à gants.

Me voilà plongé sous le tableau de bordà retourner l’utile et l’inutile de mon bric-à-brac.De retour à la surface sans le précieux sésame, je tente une compensation.

Je suis… enfin je travaille dans une banque.

Tour de magie féminin, une petite carte émerge d’un insondable sac à main.

Nos doigts s’effleurent, son visage se voile, comme une émotion retenue.

Nos regards se fixent où chacun tente d’ouvrir un bref passage dans l’univers de l’autre.

Nos rires accompagnent le retour sur terre.

Alors à samedi Michèle, faites-moi une petite place sur votre rocher.

On se téléphone si vous voulez !

Elle n’a pas insisté pour ma carte. Le temps de réaliser, elle s’est envolée, complicité entrevue, fragment d’éternité. La balle est dans mon camp.

Holy

Pendant ce temps, de l’autre côté de l’atlantique se jouait une partie aux enjeux démesurés.

Lire l’avenir, c’est posséder le monde.

Le vieux rêve chamanique de l’humanité se mesurait enfin à la science des probabilités.

ITC7, un groupe de scientifiques composé d’anthropologues et de mathématiciens, avait en effet déterminé, à l’issue d’une expérimentation implacable, qu’un être humain sur mille possède une aptitude à la divination.

Les résultats de 10 années de recherche auprès d’un échantillon de 10 000 personnes, publiés au cours des années 90 dans les meilleures revues spécialisées aux États-Unis et en Europe, s’étaient cependant heurtés à un mur de scepticisme de la part de la communauté scientifique internationale.

Freiné par cet accueil réservé sur les aptitudes divinatoires d’une fraction de l’humanité, l’ITCavait développé un programme clandestin de recherches appliquées afin d’en exploiter tout le potentiel.

Les cléromanciens, sélection de 10 hypermédiums, constituaient le noyau du modèle expérimental.

À partir d’une thématique prédéfinie, ils se soumettaient à d’intenses séances de méditation aboutissant à des situations de transes cognitives suivies d’un état de conscience modifiée.

Au réveil, le degré de convergence de leurs visions engendrait une probabilité soumise à l’algorithme de Graham, mathématicien, médaille fields8 et membre de l’ITC. La prédiction était retenue lorsque l’algorithme exprimait une probabilité supérieure à 80 %.

Financés par la Sky Florida Corp. les recherches fondamentales de l’ITC n’avaient officiellement jamais cessé. Publiées dans quelques revues secondaires, les travaux du groupe de recherche n’attiraient plus l’attention, se résumant le plus souvent à un communiqué annuel sibyllin.

Le coup de grâce fut cependant asséné de manière sarcastique par la revue scientifique Scientific American dans son numéro spécial de septembre 1999, surfant sur les prédictions les plus fantaisistes du passage à l’an 2000. En préface de ce numéro, on pouvait lire ceci.

Dans leur publication de septembre, célébrant le 1er anniversaire d’une start-up du nom de Google située dans un garage en Californie, les chercheurs de l’Intelligence Trap Cercle poursuivent leur chimère. Leurs médiums nous prédisent en effet un développement exponentiel de géants du numérique et l’avènement d’une intelligence artificielle no limit ! Qui dans cette course entre humains divinateurs et big data nous offrira bientôt le miracle de l’anticipation du futur ? 2000 ans après la naissance de Jésus Christ, l’homme se mesurera-t-il à Dieu ? Citons Albert Einstein « un peu de science nous éloigne de Dieu, beaucoup en rapproche ».

Le suspense reste entier.

Les cléromanciens avaient devancé l’envergure internationale des futurs géants du WEB en matière de nombre d’utilisateurs et de stockage des données.

Un investissement massif dans les GAFA9 fournit rapidement à Holy des moyens considérables. Sur l’émergence des GAFA, le taux de convergence de l’algorithme frôlait les 100 %. Le succès fut spectaculaire.

Holy opérait sur les marchés sous le contrôle du cercle via la Sky Florida corp.

L’explosion de la bulle internet à la fin des années 90 et la chute boursière vertigineuse des valeurs technologiques avait validé les anticipations des cléromanciens. Le modèle mis au point par Graham était opérationnel.

C’est ainsi que le jeu à la baisse sur l’ensemble des valeurs technologiques à Wall Street, via de colossales ventes à découvert,10 s’était soldé par un gain de 5 milliards de dollars.

Puis, la crise des subprimes11 de 2007 et 2008 avait à son tour généré un gain plus de 2 fois supérieur, tirant profit de la débandade en domino des valeurs financières.

Les grands événements planétaires, anticipés par les cléromanciens, offraient désormais au cercle, via des investissements financiers spéculatifs, des moyens quasi illimités.

À Wall Street, Sky Florida était valorisée, fin 2008, à plus de 15 milliards de dollars !

Le mantra de ce trust, dominé par l’hubris de Big One, inaccessible, mais omniprésent, consistait à inverser un processus de désagrégation de l’ordre mondial conduisant à sa perte.

Considérée comme le maillon faible, porte d’entrée d’un effondrement occidental programmé, l’Europe était sa priorité.

Le moyen était l’assassinat politique, la corruption des élites et le noyautage des institutions gouvernementales, financières et culturelles ainsi que l’avènement d’une génération spontanée de partis populistes.

Si les pays dits du club med12 furent les cibles les plus poreuses de cette entreprise à grande échelle, c’est pourtant là que grandissait une menace mortelle pour le cercle.

Les cléromanciens l’avaient formellement identifié, alertés par la prédiction de l’une des leurs. Une enfant naîtrait bientôt en Bretagne, apparentée à la famille du prochain lider maximo européen pressenti par le cercle.

Adulte, elle infiltrerait l’organisation et provoquerait sa chute.

Louane, la cléromancienne avait prononcé son nom « Clara » et ajouté qu’elle était l’alpha et l’oméga du cercle. Cela impliquait que l’alpha soit éliminé dans l’œuf, unique période de vulnérabilité. Ensuite, il serait trop tard.

L’exécuteur fut rapidement désigné en la personne du druide, chef d’un groupe d’indépendantistes bretons.

Englué dans la toile de financements occultes de la nébuleuse Holy depuis un siège social boîte aux lettres à Saint-Hélier sur l’île de Jersey, Ken tuchantig