Covid et médecine douce - Dienaba Kakou Diawara - E-Book

Covid et médecine douce E-Book

Dienaba Kakou Diawara

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Beschreibung

Adja est une femme courageuse étreinte par les affres multiples des temps incertains de la covid. Face aux limites des traitements modernes, elle se tourne vers les voies traditionnelles africaines pour trouver la guérison. Entre héritage ancestral et réalités contemporaines, ce récit palpitant vous plonge au cœur d’une quête de rétablissement où foi, ténacité et détermination s’entrelacent. De même, il vous convie à un voyage fascinant, riche en émotions et en réflexions sur la résilience humaine et le potentiel de la médecine alternative.




À PROPOS DE L'AUTRICE

C’est en traversant une période difficile que la lecture et l’écriture sont devenues les piliers de Dienaba Kakou Diawara , lui offrant ainsi un refuge. Ces deux centres d’intérêt l’ont aidée à faire face à la douleur tout en assumant des responsabilités familiales. Désormais, cette passion la consume avec une force inébranlable, guidant sa vie de manière incontestable et donnant naissance à une histoire captivante.

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Dienaba Kakou Diawara

Covid et médecine douce

© Lys Bleu Éditions – Dienaba Kakou Diawara

ISBN : 979-10-422-2114-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Remerciements

À mes enfants, puissiez-vous toujours croire en votre maman chérie.

À mon soutien inconditionnel, mon ami et époux, Djime.

Clinique Alfa

Depuis des heures, j’éprouve une céphalalgie qui ne s’estompe pas avec les analgésiques que je consigne dans mon bahut (Doliprane 1000, Nurofen 400, Dafalgan 1000, Efferalgan 500). En fin de soirée, je joins mon époux Ali sur son mobile pour l’aviser de mon intention d’aller me faire examiner à la clinique Alfa, pas très loin de la maison ; je ne peux plus endurer le calvaire de ces dernières vingt-quatre heures. À une heure aussi tardive, il comprend de suite que c’est sérieux, il m’exhorte à y aller. Je dispose du numéro de téléphone d’un des thérapeutes qui a examiné mon petit dernier il y a quelques semaines dans cet hospice, un certain docteur Diop. Je manipule les chiffres sur mon portable ; par chance il décroche. Je me présente brièvement et lui déroule dans la foulée mes afflictions. Il me recommande de venir vu qu’il est sur place. Je m’évertue à réveiller ma servante Fatou afin qu’elle puisse fermer la porte du logement derrière moi ; je n’arrive pas à la ranimer. Je secoue mon cousin Ahmad qui a une torpeur plus légère pour qu’il ferme le portail, après des explications brèves sur le pourquoi de cette sortie tardive. Dès que je m’apprête à quitter l’immeuble, Assane le vigile sort sa tête de sous le palier où il s’était installé.

ASSANE : Qui est-ce ?

MOI : C’est Adja. Je veux aller à la clinique Alfa, je ne me sens pas bien. D’ailleurs, veille sur le reste de la tribu en haut s’il te plaît.

ASSANE : D’accord.

Devant la bâtisse, je découvre la chaussée qui est très animée dans la journée, là abruptement désertique. J’hésite entre poursuivre ou renoncer et languir jusqu’au lever du jour. Je ressens une souffrance si vive au milieu de la tête qu’elle m’alerte que je souffre d’un mal plus drastique que je ne l’imagine. Je sens mes jambes pâtir au niveau des genoux, j’appréhende le pire, ce qui me motive à poursuivre l’initiative. Les praticiens nous interrogent sur une échelle de 1 à 10 pour évaluer l’intensité d’une douleur pendant les examens médicaux d’urgence ; dans mon cas, je peux affirmer être à 9 sans tergiverser pour ne pas désigner le chiffre 10 qui sous-entend la dégénérescence. Ali me recontacte pour avoir de mes nouvelles. Je lui explique que je suis devant le bâtiment, mais qu’il n’y a ni automobiles qui passent ni individus à l’horizon, ce qui me rend indécise. Il déclare être très soucieux lui aussi, mais il me préconise d’y aller quand même. Je prends mon courage à deux mains après ce coup de fil et m’achemine en direction de la clinique Alfa qui est à seulement cinq minutes à pied de la maison.

Je longe la route défoncée qui est en chantier depuis presque un an. Je garde la tête droite, évite de la tourner pour inspecter derrière moi et me rendre compte que, non seulement je suis la seule femme sur la voie, mais aussi l’unique personne dans les parages à une heure pareille, ce qui pourrait me décourager. Tout est noir en premier lieu. Je distingue de loin quelques illuminations qui proviennent de vitrines d’échoppes et de véhicules. Je passe devant le grand baobab, gouy gui en wolof, puis devant l’arbre neem1 dont j’ai usage d’extraire des feuilles quand je veux m’imbiber de leur macération, depuis que madame Ndiaye professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, me l’a recommandé au départ de la covid. J’accède à une autre frondaison d’arbres occultes, puis à une droguerie à la devanture éclairée en permanence. Je dépasse la manufacture de l’ébéniste qui m’avait demandé 200 000 FCFA pour une armoire en bois de chêne ; au final, il m’avait livré une espèce de placard de rangement que je ne peux baptiser « armoire » et qui ne valait même pas la moitié de la valeur versée. J’avais refusé qu’il l’installe dans ma chambre et il était reparti avec. Ali avait insisté pour qu’il nous restitue l’argent quelques jours plus tard. En trottinant, j’entends le chant d’oiseaux sans m’attarder sur l’encoignure où ils se nichent à cette heure-ci. J’aperçois enfin un homme en uniforme qui avance vers moi, peut-être un vigile qui revient ou qui se rend à son travail. Un vent frais me saisit, mon appartement est si torride qu’on active constamment les ventilateurs pour pouvoir y séjourner, depuis que je m’y suis établie avec mes trois petits il y a quelques mois. J’appréhende d’attraper un courant d’air et je regrette de n’avoir pas pris un gilet ou un châle en quittant le domicile. J’accède enfin à l’établissement Alfa. L’enseigne reste allumée toute la soirée. Je prévoyais un gardien à l’entrée principale, il est en fait logé à l’intérieur et m’ouvre quand la sonnette retentit. Après une salutation furtive, froide, je réclame le docteur Diop. Il me désigne un espace avec des chaises fixées sur le carrelage où je peux patienter. Quelques minutes filent, il réapparaît et me conduit jusque devant une porte, m’ordonne d’y frapper puis d’y entrer. Je tape et ouvre instantanément, peut-être parce que je n’ai ni le réflexe de cogiter correctement ni celui d’attendre plus longtemps à cause du mal de tête qui s’avère de plus en plus atroce. Je découvre docteur Diop et une jeune femme qui est soit une aide-soignante soit une infirmière, tous deux dans une position pas très catholique sur la table de consultation. La jeune femme se hâte de s’asseoir et se rhabille. Diop qui était soit sur elle, soit trop proche d’elle, s’est écarté. Je n’ai pas la tête à arbitrer ce qui s’y passait ni ce qui allait s’y passer. Je ne me sens pas penaude non plus, mais eux le sont un peu quand même parce qu’on est des adultes et qu’ils ont compris que j’ai compris. Je ne sais pas si je verrai le jour suivant, mon seul tourment pour l’instant est de connaître impérativement mon état de santé, d’être soulagée le plus tôt possible si je suis encore curable. L’employée disparaît de la salle assez précipitamment. Je me retrouve face à docteur Diop et lui relate en bloc la situation, ma situation. Il m’ordonne de m’allonger sur la même table avec timidité. Il prend ma tension artérielle, inspecte ma gorge en m’adjurant de tirer la langue, puis il tapote mon abdomen et termine par le contrôle de mon rythme cardiaque comme dans tous les examens de routine.

DIOP : Votre tension artérielle est très élevée, cela peut justifier les névralgies qui persistent malgré les antalgiques. Passez à la salle d’en face, qu’on vous pose une perfusion pour atténuer la douleur et qu’on tente de stabiliser l’hypertension avant de vous laisser regagner votre domicile.

Je descends sans broncher, accède à la pièce indiquée où la jeune femme me rejoint et articule avec énormément d’embarras :

« Allongez-vous, je vais vous perfuser. »

J’ai remarqué quand elle s’est approchée, un insigne où il était calligraphié : « infirmière ».

Elle m’empoigne un bras, me le ligote avec un extensible jaune, frotte fortement une partie de ma main où elle a aperçu une veine et introduit l’aiguillon. Je fais pivoter ma tête pour ne pas observer l’acte, je ne supporte pas les piqûres. Dès qu’elle déclenche le processus, je ressens une douleur intense quand le liquide s’infiltre dans mon bras. J’appuie pour bloquer le mouvement, car cela fait mal et je ne comprends pas pourquoi c’est aussi douloureux. Je veux savoir quelle substance liquide elle est en train de m’injecter. Elle m’inventorie deux anesthésiques.

INFIRMIÈRE : Et pour l’hypertension, l’ordonnance est à acheter demain, nous n’avons pas le produit sur place.

Elle reprend l’opération, je me plains encore d’avoir mal en me redressant sur la table.

INFIRMIÈRE : Je vais appeler docteur Diop.

MOI : Appelez-le, parce qu’il faut qu’il m’explique pourquoi cet antalgique fait aussi mal quand le produit passe dans mon corps, cela m’inquiète, je ne comprends pas.

Docteur Diop apparaît et me questionne sur ce qui se passe. Je réplique que je sens une douleur au niveau du bras quand le liquide s’introduit dans mon organisme, que j’ai souvent reçu des perfusions pour calmer des migraines, mais jamais quelque chose de si pénible n’a pénétré dans mon organisme et je veux savoir de quel antidouleur il s’agit. Il réitère la même chose que l’infirmière : du Tramadol, et un second élément dont je ne me souviens pas de la dénomination.

« Peut-être est-ce la fusion des deux qui conditionne cette désolation », finis-je par articuler pour qu’il ne pense pas que je doute de ses pratiques. En réalité, je ne lui fais pas confiance et je ne peux exprimer sur le moment pourquoi. Je sais qu’il exerce en tant que médecin généraliste, pédiatre et ophtalmologue dans ce même endroit. En ressassant les faits, c’est la combinaison des trois compétences hétéroclites qui fait que viscéralement je ne lui octroie pas du crédit. En Europe, je n’ai jamais croisé ou entendu parler d’un thérapeute avec autant de casquettes, qui de plus les exercerait en même temps dans un même service de soins. Et j’espère qu’il ne fait pas partie des cliniciens qui dupent la société, car mon existence est entre ses mains. Il y a un autre hospice vers le centre de Cambérène, mais je n’y suis jamais allée et j’ignore leur renommée. Je ne pense même pas que beaucoup de gens dans ce pays évaluent la notoriété et/ou l’authenticité des structures de santé qu’ils consultent. Cette disposition, c’est-à-dire évaluer les prestations des omnipraticiens en Afrique, certains ne s’encombrent pas de cette vigilance. Les humains se basent sur l’étiquette, supposent qu’ils possèdent l’érudition qui va avec et dédaignent ce que l’andragogie curative implique de méticuleux, de remaniements dus à la bonification constante de l’art, de savoir-faire authentiques, de machinations novatrices. Les pathologies, dont la covid-19, nous ont professé qu’on ne peut plus faire à l’aveugle en reconduisant une pratique sans lucidité et badiner dans la foulée avec la destinée des souffrants. Par conséquent, je n’accorde pas ma confiance à un disciple simplement parce qu’il est paré d’une blouse blanche, même en Europe. Mais là-bas à l’étranger, il y a plus d’investigations, les acteurs dans la profession sont perspicaces, sont soucieux et impassibles, parce qu’ils n’aspirent en aucun cas à un réquisitoire.

DIOP : Pourtant, on prescrit ce traitement à beaucoup de malades dans cette clinique et c’est la première fois qu’on nous dit que ça pose problème.

MOI : Je vous garantis que je ne fais pas de cinéma et c’est la première fois pour moi aussi qu’une perfusion me traverse le corps et me fait mal, c’est pourquoi je me suis alarmée.

DIOP : Il ne faut pas. Si c’était risqué, je ne vous l’infligerais pas.

Je songe au pire, par exemple, que le produit soit périmé, mal conservé ; ce qui peut occasionner une catastrophe sanitaire et entraîner la mort d’un patient. De plus, je sais que ce n’est pas une chose impossible dans ce genre d’établissements de santé de notre pays, où il y a des coupures de courant très souvent.

« Je vous fais confiance, je vais supporter », finis-je par arguer pour qu’on accélère. Les douleurs au crâne m’accablent intensément et interrompre cette perfusion ne me paraît pas être la meilleure solution. Je ne souhaite pas regagner mon appartement avec ce malaise infernal, donc je choisis de m’assagir et d’autoriser docteur Diop à remettre le dispositif. Je me rallonge en implorant Allah de me tirer de là sans séquelles. Je ne suis guère sûre que je sortirai vivante de cette clinique Alfa. Par ailleurs, j’ignore si je me réveillerais demain si toutefois je retournais chez moi sans soins.

En pleine réflexion, je sens un chambardement interne, une sorte de traumatisme dans mon organisme que je ne peux décrire. Je hèle l’infirmière à haute voix, l’avertissant que je vais vomir. Elle s’empresse, me procure un objet qui ressemble à du carton d’œufs vide, objet utilisé dans les structures de soins pour ce cas de figure. Je régurgite tout le repas et d’autres aliments que j’ai ingérés depuis le dîner. Je vomis à nouveau quelques minutes après et encore quelques instants plus tard. Entre-temps, la perfusion est terminée.

Avec les régurgitations, je suis plus mal en point que lorsque j’ai franchi le seuil de cette maison de santé il y a une heure. Docteur Diop me recommande de rester pour la nuit. Il ne peut pas permettre que je rejoigne mon appartement dans cet état et seule, à ce moment de la nuit : 2 h 21 du matin d’après l’horloge suspendue sur l’un des pans de la pièce. Je n’ose pas m’obstiner ni objecter dans mon état pitoyable. J’ai des étourdissements et je me sens bizarre. Je spécule même qu’ils veulent m’achever, « mais pourquoi ? » me dis-je. Je ne trouve pas d’hypothèses qui tiennent la route. « Arrête d’être tourmentée ! Après tout, qu’est-ce qu’ils y gagneraient s’ils réussissaient à t’exterminer ? » Je commence à réfléchir aux sacrifices humains dont j’entends parler aussi souvent cette décennie, qui sont pratiqués je ne sais où en Afrique et je ne sais par quel type de personnes ou d’ethnies, si cela est réellement vrai. Car je continue d’espérer que les gens de mon pays ne « vendront pas leur âme au diable » en recourant à ces diaboliques machinations, qu’on ne voit que dans les films jusqu’à présent, et cela malgré la polémique. Je cogite aussi sur le business d’organes humains, qui occasionne un autre débat sur le sol africain ces derniers temps. Je persiste à croire que tous ces procédés énumérés restent des cacophonies abusives, mais cela n’empêche pas que la fatalité s’emballe dans mon esprit, comme ma tension artérielle certainement, et cela quoi que je fasse. Le bon sens me pousse à obéir à docteur Diop et je serre les dents pendant une bonne heure. Les douleurs à la tête s’affaiblissent. Cependant, la sensation de malaise s’accentue. Je signale l’urgence de rentrer en évoquant mes enfants seuls à la maison pour qu’il m’autorise à partir. Par chance, il a terminé son service et mon habitation se trouve sur son chemin. Il s’engage à me déposer jusque devant la bâtisse avec sa voiture par précaution et j’accepte sans faire de chichis.

Au petit matin, mon état de santé global a empiré. Je régurgite tout aliment et boisson que j’ingère, y compris les traitements qui stabilisent l’hypertension. On ne m’a jamais diagnostiqué une hausse de tension artérielle auparavant, c’est pourquoi le fait m’alarme au point que je crois que je vais mourir. Je continue à ne rien pouvoir garder, même quand je bois de l’eau. Les désagréments durent une bonne semaine. Je conclus que je n’ai pas reçu un bon traitement ou obtenu un bon bilan de santé à la clinique Alfa. Je me remémore ce cocktail d’analgésiques qu’ils m’ont injecté, soit putréfié, soit toxique. Je contacte docteur Diop pour lui signaler que je ne suis pas guérie et pire, que je continue de vomir. Il m’annonce que c’est certainement la covid-19 puisque cela perdure et me conseille de revenir pour d’autres examens et pour une thérapie adaptée. J’ai peur de retenter quelque acte médical que ce soit avec lui. Une partie de mon esprit m’insuffle que je vais y passer si j’y retourne. Ali insiste pour que je me rende plutôt dans un des grands hôpitaux de Dakar.

MOI : Et si on m’injectait une substance qui entrait en interaction avec cette étonnante perfusion que je ressens toujours dans mon corps ? Dans l’immédiat, je tiens à ne quémander l’aide d’aucun praticien, qualifié ou pas. Laisse-moi consulter le vendeur de plantes qui se trouve sur le rond-point de Cambérène demain, car je compte m’en dépêtrer toute seule avec le soutien du Créateur bien sûr.

Je suis si persuasive dans ma posture qu’il ne se permet pas d’imposer son avis.

Ainsi je reprends la phytothérapie avec force, en associant des plantes médicinales naturelles, tout en n’étant pas sûre du résultat. Mais je patiente que jour après jour le poison trépasse et sorte de mon corps, comme attendant un miracle. Je réagis comme si j’avais déjà signé avec Dieu sur l’issue des évènements et je me sens très remuée. Mon heure va peut-être bientôt sonner. Je ne peux contenir mes larmes en observant mes enfants et en me demandant comment ils finiront s’ils sont dépossédés de leur mère si tôt…

Le destin sera-t-il plus clément avec eux ?

Allah les protégera-t-Il du diable, des démons, des mauvaises personnes ?

Réussiront-ils à devenir adultes dans ce monde où la vérité est dépourvue de tous ses pouvoirs et où le mensonge règne sur tous les aspects ? Comment vont-ils évoluer, comment vont-ils s’en sortir ?

Mon petit Moussa qui n’a que quatre ans pénètre dans le séjour et me surprend en train de verser de chaudes larmes. Il avance vers moi, me serre très fort dans ses bras comme s’il avait entendu mes questionnements, comme s’il avait perçu le traumatisme que j’essaye de confiner au plus profond de moi, pour ne pas les emporter dans ma chute, eux mes chers chérubins. Il se met à larmoyer à son tour en énonçant : « Je veux que ma maman, elle guérisse. »

Cet aphorisme a raisonné très longtemps dans mon subconscient. Avec le recul, je me dis que Dieu a perçu son signal de détresse et qu’Il a exaucé son vœu. Je continue de méditer sur le fait que j’ai été épargnée à cause de ses vocables. J’ai arrêté de vomir comme par magie. Mon état de santé était loin d’être au beau fixe, mais j’ai recommencé à m’alimenter, à renouer avec l’espoir et je me suis accrochée à nouveau à la vie. Ce fut la dernière fois que je foulai le seuil de la clinique Alfa et je suis devenue phobique à tout établissement hospitalier après cet épisode. Mes voisins qui résident en face m’ont indiqué d’autres structures de soins, mais j’ai dédaigné catégoriquement toute offre en ce sens. Cette tentative a failli tragiquement me coûter la vie et durant cette période, j’ai résolu de réfléchir longuement avant de remettre les pieds dans une structure de santé. En réalité, j’ai même décidé que je ne me hasarderai plus jamais dans cette voie avant de regagner la France, même si on me vantait la valeur d’un omnipraticien ou d’un quelconque lieu de santé. Je me suis résignée à la médecine douce tout en n’étant plus sûre qu’elle me soit bénéfique. Je ne la pratique pas convenablement peut-être, surtout au niveau du dosage, ce qui peut expliquer son résultat, loin d’être spectaculaire. Néanmoins, je persévère à croire qu’elle m’a protégée parce que je me dresse encore sur mes deux jambes et que je m’alimente presque correctement, même si je perçois encore un harassement général.

Cambérène, Dakar

Je suis encore chevillée au lit à cause d’une indisposition corporelle, tout en ayant la crainte de développer la covid-19 ou de la traîner depuis l’épisode de la clinique Alfa, maintenant qu’elle s’est généralisée et que différentes versions patrouillent encore sur la terre à la recherche de nouvelles proies. J’ai prévu de m’esquiver avec mes fameuses tisanes de plantes et j’ai renforcé l’automédication. Le chauffeur de taxi que j’ai recruté, qui m’a vue cavalcader partout pour me soigner et en vain, m’a conseillé un négociant de plantes naturelles de son village, à la sortie de la ville de Thiès. La vendeuse de fruits et légumes, qui a son stand de l’autre côté de la route nationale, me rappelle sans cesse que les remèdes ancestraux font partie de nos coutumes et des évidences dans ce pays, donc que je devrais m’y atteler avant que cela ne soit trop tard. Je persévère dans le refus de solliciter un guérisseur, un marabout, depuis mon arrivée sur ce continent. Cependant, je suis face à deux difficultés. J’ai peur des médecins, des hôpitaux, des vaccins à cause de la covid et de ma dernière expérience scandaleuse à Alfa. Par ailleurs, je suis aussi perplexe, voire phobique également, des marabouts et de tous ceux qui se disent guérisseurs, voyants et autres, d’autant que notre culte censure intégralement tous les aspects ou presque de cette perspective. Mais il faut choisir, l’automédication a ses limites et je commence à m’en rendre compte. J’admets avoir franchi la ligne rouge dans l’affaire. Mon état de santé se désagrège au quotidien. Ali m’a suggéré de retourner en France et de me faire ausculter, mais avec les décès liés à la covid dont j’entends parler au quotidien et les variants qui poussent comme des champignons dans de nombreux lieux dans le monde et surtout en Europe, je ne me déporterai pas à l’étranger pour aucune affection, in shaa Allah. En revanche, j’ai choisi d’accentuer dans l’incrédulité, l’automédication. Les jours, les mois continuent de filer. Quand je réalise au bout de trois mois que je sombre, que je ne m’en relèverais peut-être jamais, je me rends à la clinique Saaba implantée dans le secteur, qui m’a été conseillée par ma cousine Ndack pour une consultation dans les normes.

Je vois docteur Guèye qui est présent ce jour-là. Il n’est à la clinique que les mardis et les vendredis d’après la secrétaire médicale. Ce qui me dérange énormément, c’est qu’à chaque fois que l’on vient se faire examiner dans ce genre de centre de santé ou de clinique, où les praticiens ne sont pas permanents, on tombe systématiquement sur de nouvelles personnes, et on doit toujours réexpliquer les mêmes choses, venir avec les médicaments qu’on a déjà pris, les analyses, les radios qui ont été faites en amont. Le danger de ce processus, c’est qu’en cas d’oubli de ces derniers, on peut se voir prescrire d’autres traitements qui peuvent être en interférence avec les préexistants, si vous n’avez pas la chance de tomber sur un médecin rigoureux et conscient de sa responsabilité. Malencontreusement, on croise souvent des omnipraticiens monomanes à cause des contingences, des chiffres, ou d’autres qui ne sont là que pour entasser un maximum d’argent, qui ne prennent pas le temps d’écouter les patients comme cela se doit et qui ne prennent pas conscience qu’ils leur font courir énormément de risques. Par malchance ou parce que c’est mon destin, c’est la clinique qu’il ne fallait pas. Le chef du service annonce à tous les patients qui se présentent en cette période qu’ils sont porteurs du virus de la covid-19, sans même pratiquer de test ou nous ordonner de le faire. Il affirme sans hésitation aucune :

« En ce moment, toute personne qui est grippée est covidée et ce n’est même pas la peine de faire un test ; c’est la covid qui est là et tout le monde est covidé. »

Cela s’est passé quelques semaines après l’annonce du variant Delta. Cela a paniqué tous les malades, leur entourage et sa clinique ne désemplit pas. Il prescrit sûrement la même chose à tout le monde, ce qui est normal si tous les patients s’avèrent être atteints de covid : des antibiotiques, un certain « Zomic » je ne sais plus quoi, des antidouleurs un peu lourds, cela contient de la caféine et des vitamines qui sont censées nous remettre en forme assez rapidement. Il semble maîtriser son affaire, et on ne peut que le croire et on le croit, puisqu’il s’y connaît mieux que nous après tout. C’est cela qu’on se dit sûrement tous. Il ne m’a pas ordonné de me confiner. Normalement, la personne atteinte de la covid doit se faire confiner à l’hôpital ou faute de place, on lui demande de le faire chez elle ; enfin, c’est ce que je croyais. Mais il ne m’a rien dit à ce propos. Je suis repartie à la maison en annonçant la mauvaise nouvelle à la famille, qui est restée sceptique face au diagnostic. Je spécule que certains membres de la famille ont cru que c’est moi qui en rajoutais peut-être pour les effrayer ou pour que l’on prenne plus au sérieux mes plaintes côté santé. À vrai dire, pour Ali, je n’ai pas pu cerner ses raisonnements réellement à cet instant. Il est lui aussi souffrant et le médecin nous a annoncé la même chose : « Vous avez la covid. » Il nous a prescrit un antibiotique différent, mais le reste est presque similaire sûrement pour éviter un copier-coller au niveau de la procédure, qui prouverait même à un idiot qu’il le prend pour un idiot et qui alerterait n’importe quel imbécile qu’il doit y avoir un souci.