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Dans le métro de Paris vous fera aimer ou détester le métro de la capitale française. Des histoires, toutes vraies, mettent en lumière ce monde à part et invitent au voyage. Dans un univers où rêve et réalité s'entremêlent, partez à la découverte de ces lieux propices aux rencontres magiques où Paris se dévoile sous un nouveau jour.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Passionné par le métro depuis son enfance,
Dominique Détune s’est investi dans la découverte et l’apprentissage de l’histoire de ce chemin de fer métropolitain à l'aide de tous les guides, livres et plans qui existent. Au bout de plusieurs années, cet amour ne l’a pas quitté et chaque voyage dans ces trains est et restera une découverte unique.
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Seitenzahl: 126
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Dominique Détune
Dans le métro de Paris
Essai
© Lys Bleu Éditions – Dominique Détune
ISBN : 979-10-377-5826-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le réseau métropolitain transporte chaque jour des milliers de voyageurs, souvent perdus dans leurs pensées, leur portable ou pour les plus heureux dans le livre qui les accompagne.
Plus de trois cents stations et des dizaines de kilomètres de voies les accueillent et les conduisent à leur travail, chez eux ou juste à la découverte de Paris.
J’ai sillonné cette fourmilière ferroviaire des dizaines, des centaines de fois. J’ai pris toutes sortes de métros, des Sprague-Thomson, des trains à pneus, automatiques, tous différents et tous unis pour faire de ce réseau une histoire à part entière.
Je me suis parfois perdu dans ces couloirs sans fin, ces escaliers mécaniques, ces trottoirs roulants, ces directions dont il faut repérer toutes les indications.
Mais j’aime ce monde.
Je connais toutes les lignes, toutes les stations et je crois avouer que je suis capable de décrire de la une à la quatorze tous leurs points d’arrêt.
Dans l’ordre !
Alors ces mots et ces impressions, ces souvenirs et anecdotes, ces sentiments amoureux ou parfois de colère, je les offre à ces hommes et ces femmes qui chaque jour nous emmènent dans un monde, dans la plupart des cas, souterrain mais unique.
Paris, depuis le 19 juillet 1900, transporte nos rêves, nos désirs, nos regrets, notre lassitude, notre quotidien.
Mais Paris sans son métro ne serait pas, n’aurait jamais été la même ville…
Il était vert et rouge.
Il a été bleu et jaune.
Gris.
Le monde est plein d’avenir pour lui dans tous les projets qui l’animent.
Mais s’asseoir, les quelques minutes d’attente avant qu’il n’arrive, sur un siège, sur le quai est, pour qui le veut, source d’un rêve sans fin.
Le métro fait totalement et pour mon éternité partie de ma vie.
C’était une fin d’après-midi, il y a de cela cinq ou six ans.
La journée avait été triste et nauséeuse.
J’avais marché dans Paris, bu une bière au comptoir d’un café, et fumé presque un paquet de cigarettes.
Après cette triste errance, je m’étais retrouvé à Nation sur le quai de la ligne 6, direction Étoile.
C’est un terminus un peu mal agencé, où le voyageur pressé risque rapidement de bousculer un traînard. Pas de place, des escaliers confus et étroits, des directions façon labyrinthe.
Et en prime, on ne sait jamais dans quel sens le train va partir.
Je me suis assis, au bonheur la chance, à une place dans ce que je croyais être la première voiture.
Très vite, sur le chemin de Picpus, la RATP me démontra l’inverse.
J’étais bercé par le mouvement du métro et mon esprit se promenait en repensant au malaise de la journée.
Des questions se bousculaient et en amenaient d’autres qui semblaient ne jamais cesser.
Arrêt à Picpus, personne ne monte dans mon wagon.
Après un virage serré vers la droite, je guettai la station suivante : Bel-Air.
L’arrêt est architecturalement original car la ligne passe, en plein air, au-dessus de l’ancien chemin de fer de la Bastille.
La dernière ligne à vapeur fermée en 1969 et remplacée par le RER A.
Station bizarre, deux cents ou trois cents mètres à l’air libre…
Elle est montée et s’est assise en face de moi.
Elle regardait vers un ailleurs et je contemplais ses jolis yeux bleus.
En même temps, l’émergence soudaine d’un problème un peu enfoui me fit faire une espèce de grimace de malaise et je perçus soudain que la voyageuse, jeune femme habillée un peu à la va-vite, s’en était aperçue.
Quelques stations défilèrent, le train roula à toute vitesse entre Dugommier et Bercy et la jeune femme n’arrêtait pas de me regarder.
C’était un peu gênant surtout que son visage semblait un peu étrangement inexpressif.
Après Bercy, nous sortîmes du tunnel et nous nous retrouvâmes bien vite sur le viaduc.
Vue sur la Seine.
Temps triste.
Pas de pluie mais une grisaille permanente.
Juste avant la fin du pont, la jeune femme commença très lentement à se lever.
Elle allait descendre.
Soudain, un immense sourire plein de compassion et d’empathie à mon égard éclaira son visage.
Elle ne prononça aucun mot mais son discours était limpide, clair et humain.
« Je ne te connais pas, mais je suis avec toi. Bonne chance. »
Elle descendit quai de la gare.
Et je restai durant tout mon trajet empli de cette douce et tendre caresse d’un instant unique.
Je suis monté à Reuilly-Diderot, ligne 8, direction Créteil.
Je voulais absolument découvrir cette station qui me fait rêver (pourquoi ?) depuis des mois : le terminus de la plus longue ligne du métro de Paris : la Pointe-du-Lac.
À Créteil.
J’imaginais des arbres qui, nonchalamment, laissaient leurs branches pendre dans l’eau, des oiseaux qui paressaient dans une mare, un soleil qui se frayait un chemin dans la verdure.
Bref, je rêvais.
Je rêvais totalement.
Et la rencontre que j’ai eue en cette fin de matinée me fit, quelque part, très très peur.
Je me suis assis, à Reuilly-Diderot, comme je l’ai dit, dans l’avant-dernière voiture. Un strapontin bleu, je peux étendre les jambes. Tout va bien.
Puis je me mets, avec ce qu’il faut de sérénité, à observer les voyageurs qui m’entourent.
Et très vite, mon regard est happé par un petit garçon.
Quatre ans, quatre ans et demi.
Il est assis, lui aussi, avec sa maman, sur un strapontin qui me fait face.
Il est droit, redressé, les mains posées sur les genoux, le regard fixe, vers un ailleurs impossible à définir.
Aucune émotion ne semble l’habiter.
Il n’est pas triste.
Il n’est pas gai.
Il n’est rien…
Aucun sentiment ne semble vivre en lui.
Je regarde, curieux, la dame qui l’accompagne.
Trente-cinq ans, brune, les cheveux mi-longs, habillée de manière banale mais propre sur elle.
Ce qui me fascine, et certainement dans le premier sens du mot, c’est l’obsession qui l’envahit totalement pour son téléphone portable.
Son regard ne quitte, à aucun moment, l’écran.
Une succession de mimiques accompagne cette étrange connexion.
De plus, elle est équipée de deux oreillettes qui, naturellement, la coupent encore plus du monde et de sa réalité.
Elle s’est totalement isolée dans ce monde que crée, au fur et à mesure, l’engin qu’elle manipule.
Elle s’est isolée et le métro tomberait en panne, aurait un accident, un voyageur un malaise, rien n’y changerait…
Elle est isolée et ce petit garçon, si bien assis, si droit sur son siège, l’est aussi.
A-t-elle conscience de son existence dans ce moment étrange de coupure totale et radicale avec le réel ?
A-t-elle conscience, finalement, j’exagère peut-être, mais parfois il faut exagérer pour se rapprocher de la réalité, a-t-elle conscience que son enfant l’accompagne ?
Plus les minutes passent, plus les stations défilent, plus une sourde angoisse m’étreint.
J’assiste bien malgré moi à un acte horrible : ce n’est même plus du désamour, c’est la non-existence d’un être, d’un enfant.
Créteil préfecture.
Le train s’arrête.
Sans quitter son portable, sans enlever ses oreillettes, la dame sort en tenant son enfant par la main.
Je les vois marcher sur le quai.
La mère réfugiée dans un imaginaire à quatre sous et lui, l’enfant, droit, marchant vers nulle part, car incapable de réclamer une once d’amour que le portable de sa mère lui volait.
En ce lieu, il n’est pas forcément question de vaccin mais d’histoire métropolitaine.
À cette station, un passé de plus de cent ans d’âge rattrape le voyageur qui, finalement, pour un petit ticket et une espèce de paradoxe, revit la destinée du métro de Paris.
Plongeons-nous dans les débuts de cette extraordinaire aventure parisienne.
Dès 1900, la CMP, Compagnie du Métro de Paris, exploite les différentes lignes.
Mais, après avoir été créée en 1902, une autre société, le Nord-Sud voit le jour et crée deux lignes (la A et la B) en 1910 puis 1911.
À la station Pasteur, nous rencontrons ces deux réseaux : la ligne 6 (Étoile-Nation) et la ligne 12 (ancienne ligne A du Nord-Sud, Porte de la Chapelle-mairie d’Issy).
Pour témoigner et attester de l’existence de deux réseaux différents, nous trouvons deux entrées sur le boulevard : un magnifique habillage Guimard pour la CMP et une décoration beaucoup plus sobre et aisément reconnaissable pour le Nord-Sud.
Deux entrées qui chacune mènent à sa propre ligne, de sa propre compagnie.
On veut aller à la Chapelle (ligne 12) et on rentre dans le réseau par l’entrée CMP, on va sur le quai et on trouve la correspondance.
Cette installation se veut presque unique sur tout le réseau de Paris. Une telle différenciation n’existe qu’en trois lieux et la rend étrangement absurde.
Outre Pasteur, Pigalle et Marcadet-Poissonniers sont bâties sur le même schéma. Toutes les trois, sur la ligne 12.
L’ancienne ligne A du Nord-Sud.
Bien sûr, nous aurons la joie et le plaisir de recroiser dans les méandres du métro ces deux lignes aux stations étrangement décorées : nom immense entouré d’un liseré vert pour les correspondances et marron pour les autres.
L’année 2021 a commencé masquée.
L’année 2020 avait fini de même.
Alors, nous tous, voyageurs du métro et du bus, nous devons faire, chaque jour, preuve d’une grande imagination.
Des dizaines de gens, croisés au hasard des chemins, me regardent.
Je rencontre leurs yeux, marron, bleus, verts…
Surtout marron.
C’est fou ce que le bleu est en totale minorité.
Chaque regard croisé laisse la créativité totalement déchaînée : cette partie de nous-mêmes, cette partie essentielle, cette identité, qui depuis ces mois et ces mois est cachée, rentre complètement dans le rêve.
Et les yeux deviennent, au fur et à mesure de nos observations, de précieux, d’indispensables indicateurs sur la partie du visage que l’on ne voit plus.
Tel regard, et on devine le sourire.
Tel autre mouvement oculaire et l’individu bâille.
Telle façon de faire vivre sa vue et on devine un rictus de contrariété.
Cette façon d’être en interaction avec les autres est entrain, sans que l’on se rende totalement compte, de bouleverser intrinsèquement les rapports sociaux.
Des dizaines de mimiques ont disparu du jour au lendemain, des dizaines de mots non dits ne font plus partie de notre vocabulaire.
Mais, quelque part, j’ai envie de crier miracle !
Toute une panoplie de regards s’est créée.
Il me vient une comparaison, liée certainement à ma cinéphilie : avant et après, le port du masque correspond à l’arrivée, à la fin des années 20, du cinéma parlant.
Toutes les situations avaient une totale interprétation différente.
Et ce merveilleux langage, non verbalisé, des mots non dits, rappelle tout ce qu’acteurs et actrices du muet faisaient passer dans leurs mimiques.
Ce métro, antichambre des nouveautés, est en train de révolutionner les rapports humains et tout ce non-dit que partagent chaque jour ces inconnus, qu’au fil des stations, des bousculades, des attentes, on croise.
Un jour, bientôt peut-être, les masques vont disparaître de notre quotidien et nos visages vont de nouveau totalement s’exprimer.
Mais, malgré moi, j’ai le sentiment que nous serons, inconsciemment, devenus d’autres êtres.
D’autres voyageurs dans ces wagons du métro de Paris.
Le 1er août 1991, la RATP a définitivement supprimé la première classe du métro.
Souvenirs : les wagons rouges de la CMP, les jaunes du Nord-Sud, les sièges en moleskine et l’extraordinaire possibilité de voyager en première classe, avec un populaire billet de seconde classe avant huit heures…
Tout un monde a disparu où les riches et les pauvres, les nantis et les prolétaires ne se côtoyaient pas.
Mais une question me taraude.
Une question essentielle.
Pourquoi avoir supprimé la première classe et non la seconde ?
C’est dans le couloir de correspondance, entre les lignes 8, 12 et 14, de la station Madeleine, tout près du monumental vitrail en hommage au métro de Moscou, que l’ai vue.
Vue est un peu exagéré car je n’ai jamais regardé son visage, son regard et la tristesse qui devait l’habiter car elle était en position, à genoux, de prière.
Mains en avant, totalement pieuse, visage contre le sol.
Aucun mouvement.
Je suis passé en milieu de matinée dans un sens et dans l’autre en fin d’après-midi.
Elle était là.
Elle n’avait pas bougé.
Elle était immuable.
Je suis repassé le lendemain, le surlendemain, trois ou quatre jours après ;
La posture était identique.
Le mouvement ramené à néant.
Une question m’a interpellé.
Un peu exagérée, mais sait-on jamais ?
Était-elle bien vivante ?
Je suis resté, le cinquième jour, une bonne dizaine de minutes à l’observer.
Je n’ai vu aucun mouvement.
Quelque chose me semblait absurde : qui est cette femme et d’où vient-elle ?
Comment est-elle capable de supporter cette position ?
Et surtout : comment peut-elle assumer de s’humilier ainsi ?
Car cette position est à mon sens humiliante.
Fondamentalement humiliante.
Ai-je de la compassion pour cette femme ?
Ai-je un refus total de la voir ainsi ?
Et parfois, car les jours se sont prolongés indéfiniment, j’ai envie de lui envoyer un coup de pied pour la sortir de ce monde absurde dans lequel elle s’est réfugiée.
Lui balancer un coup de pied et l’insulter…
C’est étrange la manière dont une femme qui vit dans le dénuement, qui n’a pas d’argent pour manger, peut pousser un voyageur lambda à des extrémités qu’il n’aurait jamais soupçonnées ?
Quelle est cette souffrance, quel est ce désarroi, quelle vie a-t-elle eue, telles sont les questions qui, chaque jour maintenant, durant cette éphémère rencontre, viennent envahir mes pensées ?
Et chaque jour, chaque fin de matinée et chaque fin d’après-midi, les questions reviennent, prenantes, obsédantes.
Et chaque jour, d’autres surgissent et je me crée toute une histoire sur ce que cette femme a pu vivre.
Et je n’y lis que du malheur.
Et pourtant, chaque fin de matinée et chaque fin d’après-midi, j’ai envie de lui balancer un coup de pied, certainement pour l’obliger, oui, l’obliger à enfin se redresser et me parler.
Se redresser et enfin montrer son visage.
Écouter ses mots et lire sur sa figure ses mimiques.
Peut-être, enfin, voir de la dignité dans son regard.
Et là, je serais le premier à l’aider.
Monter, descendre, remonter, redescendre…