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Chloé, dix-sept ans, vit dans un monde entièrement dominé par les femmes et où la population mâle est réduite en putains, castrats ou simples reproducteurs. Elle y fait la rencontre de Jan avec qui elle partage un amour sincère et profond. Profitant de cette idylle, la jeune fille veut changer l’ordre des choses et rétablir l’égalité des sexes. Y parviendra-t-elle ?
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Seitenzahl: 250
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Dominique Détune
Et qui créa la fem… ?
Roman
© Lys Bleu Éditions – Dominique Détune
ISBN : 979-10-377-6048-7
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Une fem : une femme.
Mame : madame.
Mama : maman.
Un hom : un homme.
Un bobon : masculin d’une bobonne.
Un hommelet : mâle excisé (castré).
Un exmâle : un hommelet.
Un putain : masculin d’une putain.
Un père maquereau : tenancier de bordel.
Les cop’s : les copines.
Le headball : le football avec la tête.
Un visiophone : un téléphone vidéo.
Visiophoner : passer un appel.
Un visioscreen : une télévision.
Un miniscreen : petit écran portable.
Une cabcar : une voiture.
Une limoucabcar : une limousine.
Un cabbus : un autobus.
Un cabcar : un camion.
Un crédit : l’unité monétaire.
Un flyjet : un avion à décollage vertical.
Un astroport : un aéroport.
Un appt : un appartement.
Un studappt : un studio.
Il fut un temps, il y a de nombreuses années, où les hommes, depuis des millénaires, avaient le pouvoir.
Le pouvoir sur la terre et la nature.
Le pouvoir sur l’économie et toutes les décisions importantes.
Le pouvoir de faire la guerre quand bon leur semblait et de laisser se faire tuer, au nom d’une cause absurde, des milliers, des millions d’innocents.
Le pouvoir de régir les flux de populations dans l’intérêt d’une infime minorité avide de dollars ou d’euros.
Le pouvoir de faire naître des espèces hybrides quitte à nier la nature.
Car les hommes, il y a de nombreuses années et depuis la nuit des temps, s’imaginaient invincibles et totalement absous de toute responsabilité.
Et ils y avaient le pouvoir sur les femmes.
Pouvoir millénaire.
Les hommes croyaient que tout leur était dû : la nourriture, le logis, les plaisirs sexuels, le travail, la pensée.
Au milieu du 20e siècle, les femmes françaises, par exemple, obtinrent le droit de vote. Mais maintes et maintes épouses votèrent comme leur mari, leur frère, leur père.
Et attendirent des dizaines d’années avant d’avoir le droit d’ouvrir un compte en banque seules.
Seules.
De toute façon, elles étaient toujours infantilisées, jusqu’à être…
La bonne épouse.
La bonne épouse, garante du foyer, de l’éducation des enfants, du confort du mari, de la satisfaction de tous ses désirs…
Et ce sans jamais se plaindre.
Jamais…
Et puis des femmes se levèrent bien des années après.
Elles revendiquaient le droit au travail, le droit à vivre une grossesse désirée, le droit d’être libre et émancipée…
D’être les égales des hommes.
Certaines luttes aboutirent et malgré une contestation réactionnaire, les femmes purent légalement interrompre une grossesse non désirée.
Mais…
Oui, il y a toujours des mais car il est difficile, c’est un travail acharné, de changer des mentalités millénaires.
Les violences faites aux femmes étaient une plaie quotidienne.
Combien de jeunes femmes furent agressées sexuellement dans le métro, le bus : une main qui se promène un peu trop, un regard lubrique, une bousculade provoquée et tous ces mots, ces mots que l’on a, maintenant, à jamais oubliés mais qui venaient résonner dans les oreilles pour violer la tendresse, la douceur, le bonheur.
Car les femmes étaient douces, tendres, sensibles.
Très sensibles.
On parlait de sensibilité féminine et gare aux hommes qui en étaient envahis.
Car la sensibilité ne pouvait être que féminine.
Et puis toujours et toujours, malgré ces luttes, malgré des lois, malgré ce discrédit permanent, les hommes cherchaient à dominer…
Alors des femmes, en quête de réelle émancipation ou par simple souci d’imitation firent comme les hommes : elles s’engagèrent dans l’armée, dans la police, aimèrent le football, burent de la bière jusqu’à plus soif et s’oublièrent…
Le monde n’a pas besoin d’armées.
Le monde n’a pas plus besoin de guerrières que de guerriers.
Mais de quoi le monde a-t-il besoin ?
***
Chloé s’éveilla au sortir d’un sommeil agité, ponctué de rêves désagréables dont elle n’avait aucun souvenir.
Elle s’étira et bâilla bruyamment chassant tous les démons de la nuit.
Elle adorait ces moments où son corps reprenait ses esprits.
Il ne lui manquait plus qu’un café serré bien sucré et une douche suave pour que toutes les choses rentrent dans l’ordre.
Comme la plupart des fems, elle dormait nue.
Elle se leva lentement, se dirigea vers la patère où était suspendu son peignoir en coton et eut juste le temps de s’entrevoir dans le grand miroir qui trônait dans sa chambre.
Un cadeau de sa mama.
Elle admira sa poitrine qui, contrairement aux autres fems, était très développée.
Souvent, avant, elle en avait eu des complexes et puis le temps passant, elle avait fini par aimer ces deux protubérances fermes.
« Je suis un peu différente, se dit-elle dans un soupir, mais j’aime ça… »
Elle enfila son peignoir rouge et gagna la pièce de séjour.
Sa mama la regarda avec un grand sourire.
Un sourire inhabituel pour une journée qui allait être inhabituelle : Chloé, accompagnée de sa génitrice, allait se rendre au bordel voir un putain pour la grande cérémonie du dépucelage.
Elle attendait ce jour depuis des mois et avait, avec sa mama, choisi sur le catalogue en ligne, que le père maquereau éditait chaque mois, le putain qui allait œuvrer et la faire vraiment fem. Il était beau, autant que peut l’être un putain, il semblait grand.
Mais ce qui avait poussé Chloé à le choisir, c’était son regard.
Pas son sourire car tous les putains du catalogue souriaient béatement.
Non ! Il y avait dans son regard quelque chose d’indéfinissable.
Et Chloé était infiniment troublée par cet indéfinissable…
Peut-être une sensibilité inconnue…
« Georges, le petit déjeuner ! cria la mama.
Le bobon qu’on appelait aussi hommelet était le serviteur, plutôt l’un des serviteurs car chaque bonne maison avait plusieurs bobons.
C’étaient des restes d’hommes car, à cinq ou six ans, ils subissaient une excision.
On les castrait : plus de pénis, plus de testicules, plus d’agressivité mâle.
Une totale soumission…
Ils étaient éduqués, autant qu’un exmâle puisse l’être, dans des espèces de jardins d’enfants à la stricte discipline.
À quinze ans, les fems venaient les acheter et ils gagnaient le foyer où l’esclavage commençait vraiment.
Ils étaient rarement battus mais parfois il arrivait qu’une fem, un peu ivre, après un match perdu de headball sur le visioscreen, se délecte à en fouetter un.
Parfois jusqu’au sang.
Ils subissaient ce sévisse sans broncher tant ils avaient été bien éduqués.
On dirait conditionnés…
À trente ans, la RDH, Régie Des Hommelets, venait les chercher et invitait la fem à venir se fournir au magasin pour renouveler le stock.
Ce qu’il advenait d’eux après, nulle n’en savait rien.
Et chacune s’en moquait éperdument.
Ce n’était que des bobons, juste bons à servir avec le minimum de sourire requis.
Georges arriva, vêtu de sa combinaison rose bonbon, avec le copieux petit déjeuner que prenaient chaque matin Chloé et sa mama : œufs au plat, tartines beurrées, céréales au lait de soja ou d’amande et café noir. Un jus d’oranges pressées accompagnait le tout.
Avec une salutation déférente, le bobon alla vaquer à ses tâches quotidiennes.
Clara, la mama de Chloé, regarda sa fille avec tendresse, autant qu’elle le put.
« Alors c’est le grand jour ! Comment te sens-tu ?
Chloé mangea ses œufs, ses tartines et ses céréales en silence, le regard tourné vers un ailleurs…
Clara n’osa pas la déranger tant elle sentait sa fille nerveuse.
Ce n’est que quand elle eut fini sa tasse de café qu’elle lui dit :
« Va te préparer Chloé, nous avons rendez-vous à onze heures et Félix n’aime pas que l’on soit en retard. »
Félix était le père maquereau du bordel qui correspondait au secteur où vivaient les deux femmes. C’était un privilégié. Il avait longtemps été un putain renommé et nombreuses étaient les femmes qui voulaient se faire prendre par lui. Parfois, il en recevait une, vieille connaissance, qui lui laissait un bon pourboire.
Félix tenait son bordel avec fermeté mais il était juste avec ses putains. Il avait aussi la réputation d’être parfaitement ponctuel.
Et Clara s’y soumettait.
Celle-ci cria :
« Alain, va masser Chloé, c’est un grand jour aujourd’hui et je veux qu’elle soit bien en forme.
Alain était l’hommelet préposé au bien-être de ces dames : massages, coiffure, habillement, soins du visage et du corps. C’était un bobon de luxe et vu son prix d’achat, il pouvait durer jusqu’à 35 ans voire 40.
Vers dix heures trente, Chloé descendit de sa chambre précédée par Alain. Elle était resplendissante avec sa belle et abondante chevelure rousse. Sa robe verte mettait indéniablement en valeur le galbe de sa poitrine que sa mère regarda avec admiration.
Il était temps d’aller au bordel.
Celui-ci se trouvait à dix minutes de marche de la maison.
Elles ne seraient donc pas en retard.
C’était une tradition que les mères accompagnent leur fille le jour du dépucelage. Une vieille tradition héritée dont on ne sait où !
Je m’appelle Jan, j’ai vingt-quatre ans et je suis un putain depuis six ans.
Les putains ont cinq prénoms : Jan, Félix, Yul, Alan et Jon.
J’ai été élevé dans un centre spécialisé où l’on m’a appris, dès l’âge de seize ans, comment baiser pour le plaisir de la femme. Les instructrices étaient sévères et certains putains en herbe rejoignaient, à la suite de maladresses, les bobons.
Autant dire qu’ils étaient excisés à vif…
Tous les jours, je reçois ma dose de Chloropraxine, le médicament qui me permet de bander et de pouvoir tirer jusqu’à quinze coups par jour.
Du plaisir j’en ai infiniment peu, voire pas du tout, et les journées sont parfois harassantes, surtout quand la fem ne met pas du sien…
J’espère un jour devenir père maquereau comme Félix et peut-être trouver avant une femme avec qui j’aurai un peu de plaisir.
Car je dois l’avouer, je ne sais pas ce que c’est…
Le plaisir ! J’en parle souvent avec les autres putains du bordel et chacun se demande ce que c’est.
Certains disent que ça s’appelle l’éjaculation mais ils n’en savent pas plus.
Trente minutes c’est la durée de la passe.
Ni plus.
Ni moins.
Aujourd’hui, j’ai un dépucelage de prévu.
À onze heures.
Je n’aime pas cette corvée. J’ai toujours peur de faire mal à la jeune fem.
J’espère juste que ça se passera bien car certaines fois, il y en a qui se mettent à hurler en voyant mon sexe dressé…
Les pénis, elles ne les ont vus qu’en photos ou sur le visioscreen et la réalité les effraie.
J’espère car bien que je sois un putain, je respecte cette jeunesse que parfois je trouve tout innocente.
Parfois seulement.
Parfois car j’ai entendu dire que dans les écoles on parle des mâles de façon épouvantable, nous accusant de tous les maux que la terre a pu subir dans les siècles et les millénaires qui nous ont précédés.
Je sais juste qu’elle se prénomme Chloé.
Je n’arrive pas à savoir pourquoi, mais j’aime bien ce prénom.
Chloé.
Il y a comme une petite musique qui tranche totalement avec l’électrojazz synthétique qu’on entend à longueur de journée…
Chloé…
Et comme c’est un dépucelage, j’aurai à passer une heure avec elle…
***
Je m’appelle Clara.
Clara MXC203.
J’ai quarante-sept ans depuis deux mois.
À trente ans, j’ai eu un enfant.
Une fille naturellement.
Je faisais partie de ces vingt-cinq pour cent de fems autorisées à enfanter.
On m’a sélectionnée grâce à mes mensurations qui s’approchent de la norme idéale : grande, mince, très peu de poitrine.
Mon QI élevé m’a fait emporter la décision du comité.
Une après-midi, je me suis rendue dans le laboratoire du dix-neuvième district de Paris.
Après un long entretien, un dernier, avec une médecin, on m’a demandé les critères que devait avoir le donneur de sperme.
Toutes les fécondations se font par inséminations artificielles.
Je rêvais d’une fille rousse avec une belle chevelure, des yeux verts et une belle intelligence.
Les progrès de la science sont tels que mes vœux furent exaucés.
Et Chloé est née…
Je suis professeure d’histoire.
On n’enseigne plus la géographie depuis plus de trente ans, les nations ayant disparu depuis l’Unification Radicale et la physique de la terre n’intéresse plus personne.
Sauf moi.
Car contrairement aux directives du Pouvoir Suprême, j’ai conservé un vieil atlas d’il y a soixante ou soixante-dix ans…
J’adore, même encore maintenant, laisser mon regard se promener sur toutes ces taches de couleurs qu’étaient les pays. Je rêve aux noms qu’ils portaient et je dois avouer que comme quand j’avais huit ans, je connais toutes les capitales de ce monde à jamais disparu.
Je vais au bordel tous les dimanches matin depuis cinq ans. Avant, j’en fréquentais un autre mais nous avons déménagé.
Je connais tous les putains du bordel…
Mais mon préféré, c’est Jan 2. (Il y a quatre Jan dans ce lieu)
Il me donne énormément de plaisir et je suis ravie que ce soit lui que Chloé ait choisi pour son dépucelage…
Mais je suis parfois inquiète pour ma fille : d’abord physiquement, elle est pourvue d’une abondante chevelure rousse et elle a trop de poitrine et j’ai peur que cela lui ferme des portes.
Les sélectionneuses n’aiment pas les fems trop femmes.
Et puis je la trouve rêveuse.
Elle a un fort potentiel intellectuel et ses résultats scolaires sont bons, voire excellents, surtout en mathématiques, mais je ne sais pas pourquoi, je trouve qu’elle n’est absolument pas dans la norme.
J’ai peur que cela lui joue des tours…
Le monde est apaisé, j’aimerais qu’elle soit en harmonie avec.
J’aimerais qu’elle y trouve sa place et vive bien ce monde de paix.
Mais finalement, parfois, je m’aperçois que je ne sais rien d’elle.
Juste des bribes.
Des mots échangés au hasard d’un dîner.
Des mots que parfois je ne comprends pas.
Je m’appelle Chloé.
J’ai dix-sept ans depuis un mois et demi.
Je suis en classe supérieure à l’école.
J’ai de très bons résultats qui font plaisir à mama.
Mais…
Mais je n’aime pas l’école…
Et je ne peux rien y faire car elle est obligatoire jusqu’à vingt-deux ans.
Je suis rêveuse et ça, ça ne passe pas…
J’aime m’évader vers des contrées inconnues où je peux laisser libre cours à ma fantaisie de refaire le monde.
J’aime les mots et les musiques qui me viennent à l’esprit et que je fredonne au cours des longues marches que je fais dans la ville.
J’aime ma solitude.
Car finalement j’ai peu d’amies.
Peu ?
En ai-je vraiment ?
Je ne sais pas…
Je m’interroge sur le monde dans lequel je vis.
J’ai entendu dire qu’avant, il y a bien, bien longtemps, il y avait ce qu’on appelait une famille.
Une famille ? Un papa (mais c’est devenu un gros mot), une maman (la mama de maintenant) et des enfants.
J’ai entendu dire que le mâle, on disait l’homme à l’époque, baisait avec la fem, on disait la femme, souvent et que parfois ça donnait un enfant au bout de neuf mois.
Bizarre.
Mais de tout cela, je ne parle jamais ni avec mama ni avec mes soi-disant amies…
Je ne sais même plus où j’ai glané ces informations.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’aimerais savoir quels sont les gènes qui sont en moi et qui, finalement, est mon…
J’ose à peine prononcer ce mot.
Qui est mon père.
Mon père…
Un inconnu inscrit sur un ord à qui on a extrait quelques gouttes de sperme pour me faire.
Je sais maintenant, je sens maintenant que j’ai infiniment besoin de tendresse.
La tendresse, c’est presque un mot tabou.
La tendresse, cette chose indéfinissable qui nous fait un bien énorme et dont on ne peut se passer.
Mais la tendresse n’existe pas dans le monde où je vis.
Pour mon dépucelage, j’ai choisi Jan 2.
Mama sait qu’il me baisera bien et que je n’aurai pas mal.
Je vais enfin voir un hom nu.
En vrai.
Des photos et des films pornos, j’en ai vu autant qu’une jeune fem de dix-sept ans peut en voir. Mais là, je sais que ce sera différent.
Je serai dans la vraie vie, pas allongée sur le canapé à regarder le visioscreen en mangeant des pop-corn.
Ça me fait penser aux samedis soir chez moi avec toute cette bande qui déboule.
Je n’aime pas les samedis soir.
Mama reçoit plein de cop’s et toutes ces fems braillardes, en train de boire de la bière et de la vodka en regardant un match de headball sur le visioscreen, me font m’interroger sur ce qu’est la féminité.
Elles sont toutes, les cheveux courts, bien aplaties de la poitrine sous leurs combinaisons.
Elles se ressemblent toutes.
Copies conformes.
Je préfère aller dans ma chambre et lire sur mon miniscreen.
J’aime lire mais je ne sais plus que choisir car nombre de romans sont parfaitement inintéressants : ça ne parle que de courses de cabcars, de matchs truqués de headball où la fem coupable se fait lyncher par ses cop’s, de baise entre fems…
J’ai entendu parler, quand j’avais neuf ou dix ans, d’un truc qui existait il y a très longtemps, un truc qui avait un joli nom : l’amour.
Je ne sais pas exactement ce que c’est mais le peu que j’ai entendu m’a donné envie d’en savoir plus.
J’ai simplement compris que ce truc, l’amour, c’était entre une fem et un hom…
Mais je n’en sais pas plus.
Et j’ignore où me documenter tant les informations sur le monde d’avant sont verrouillées.
Et je n’ose pas demander à mama.
J’aurais aimé joindre grandma par visiophone, pour lui demander ce que c’est que l’amour. Quand elle est née, le monde était dans une période trouble juste avant l’Unification Radicale et peut-être qu’elle aurait pu avoir quelques souvenirs.
Mais grandma est partie Outre-Terre il y a deux ans.
Je vais rejoindre mama qui m’appelle et nous partons.
Nous partons au bordel…
Et j’ai peur.
***
Clara et sa fille se retrouvèrent bien vite dans la rue.
Peu de monde.
Quelques cabcars, des cabbus au compte-gouttes.
Le bordel n’était vraiment pas loin et les deux fems eurent tôt fait d’en franchir la porte.
Félix les attendait.
« Mame Clara, comme je suis heureux que la cérémonie de votre fille ait lieu dans mon modeste établissement… »
Il en faisait visiblement un peu trop.
« Félix, tu es le plus charmant père maquereau que j’ai rencontré depuis que j’ai baisé pour la première fois…
Félix claqua des doigts et un bobon vint d’une arrière-salle avec deux coupes de champagne et quelques fruits secs.
Clara et Chloé s’assirent dans des fauteuils confortables et burent lentement le liquide pétillant.
Le cœur de la jeune fem battait à tout rompre.
« Tu es trop sensible Chloé ! lança Clara. On dirait un hommelet. Sois une fem. Une vraie…
Chaque fem, de dix ans à vingt-deux ans, allait chaque semaine rencontrer une conseillère qui, outre des conseils, lui faisait suivre, dans chaque décision qu’elle avait à prendre, le bon chemin.
Celle de Chloé s’appelait Hanna et avait à peu près l’âge de Clara.
La jeune fem eut soudain le sentiment que depuis le début, elle ne faisait que lui mentir ou du moins maquiller toutes ses pensées.
Pour rester dans la norme.
La norme de l’Unification Radicale.
***
Je m’appelle Chloé et à onze heures précises un hommelet est venu me chercher pour me conduire à la salle de Jan.
Jan 2 pour être précis.
La porte était ouverte et le putain m’attendait avec un sourire de circonstance à cinquante crédits la passe…
Je ne prêtai guère attention à cette manifestation commerciale et nos regards se croisèrent.
Je ne sais pas ce que j’ai lu dans ses yeux mais j’ai ressenti en moi quelque chose de nouveau.
Quelque chose d’intrigant, de beau peut-être.
Quelque chose qui ne m’était jamais arrivé.
Je sentis mon cœur battre un peu plus fort que d’habitude.
Juste un peu plus fort.
Jan ferma la porte derrière lui et me souhaita la bienvenue avec toute la soumission requise.
Je lui demandai ce que je devais faire, que c’était la première fois.
Il me répondit avec une voix, une voix que je n’avais jamais entendue, une voix douce, une voix tendre (deux choses que je ne connais pas vraiment) que nous avions une heure devant nous et que nous allions prendre notre temps.
Il ajouta avec un sourire qui n’avait plus rien de commercial qu’il allait faire extrêmement attention à moi et à mon plaisir…
Il m’indiqua un fauteuil et me demanda si je voulais qu’on parle.
Mais je ne savais pas quoi dire à un hom…
Un hom, je ne sais rien d’eux, juste ce que j’ai lu dans les livres, ce que j’ai appris à l’école.
Il me proposa alors de me déshabiller.
Ce que je fis.
Il en fit autant et je remarquai avec presque de la fierté qu’il regardait mes seins.
Mes seins hors-norme.
Quand il fut nu, je vis son sexe, dressé, prêt à œuvrer.
Je lui demandai alors comment il allait faire.
J’avais peur.
« Je vais vous caresser longuement pour faire monter en vous le désir…
***
Je m’appelle Jan.
Jan 2.
Je suis un putain et je fais ce que l’on m’a appris à faire dans une école spécialisée : baiser les femmes pour qu’elles aient du plaisir, de la jouissance, qu’elles sortent du bordel heureuses.
J’ai dépucelé mame Chloé aujourd’hui.
J’ai dépucelé mame Chloé aujourd’hui et elle a eu du plaisir car elle n’a pas eu mal…
J’ai rempli mon rôle.
Je l’ai pénétrée tout doucement. Je l’avais longuement caressée, j’avais une heure devant moi…
Son sexe était humide et je n’ai eu aucune difficulté à m’y frayer un chemin. Elle a poussé juste un petit cri et m’a souri.
Elle m’a souri.
Chloé m’a souri.
Je l’ai amenée jusqu’à l’orgasme.
Elle semblait heureuse.
Heureuse, envahie d’un bonheur que je n’avais jamais vu chez une fem que j’avais baisée.
Et puis elle m’a parlé.
On était allongés tous les deux sur le grand lit, les draps portaient encore la marque de son dépucelage et elle m’a parlé.
Jamais une fem ne m’avait parlé ainsi.
Elle m’a dit…
Elle m’a dit des choses que j’ai peur de répéter.
Chloé.
Chloé a rejoint Clara.
Celle-ci était assise dans le même fauteuil et dégustait une autre coupe de champagne.
La jeune fem s’est assise en face d’elle et a lancé :
« Ça y est, je suis une vraie fem.
Et Clara lança à l’adresse de Félix qu’il garde son champagne…
Sur le chemin de retour, les deux fems restèrent silencieuses.
La mama avait un air revêche.
Et Chloé semblait profondément épanouie.
Heureuse.
Et cela ne semblait pas du tout convenir à Clara.
Je m’appelle Hanna.
Hanna MKX 7 B.
Et je suis conseillère.
J’ai quarante-cinq ans et je ne sais pour quelle raison on ne m’a pas autorisée à avoir d’enfant. Peut-être pour mieux me consacrer à ma charge.
C’est ce que je suppose.
Le métier de conseillère est né une dizaine d’années après l’Unification Radicale. Notre rôle est de guider les jeunes fems à bien s’intégrer dans notre société, à en assumer les règles, à s’y sentir bien.
À s’épanouir en tant que fem.
J’aime mon métier car je me sens utile et les jeunes que je rencontre m’expriment souvent, très souvent leur reconnaissance.
Elles me parlent de leurs doutes, de leurs incertitudes, du besoin constant de bien s’intégrer dans notre société.
Parfois, certaines pourraient devenir déviantes mais en quelques mots, quelques pensées je les remets sur le droit chemin.
Ce n’est jamais simple et toujours plein de surprises.
C’est un métier passionnant.
Je suis Chloé depuis le début et je dois avouer que cette jeune femme me trouble…
Je la sens différente des autres.
Rêveuse.
Mais je n’arrive pas à définir ses rêves et cela me gêne beaucoup.
Perdue dans des pensées que j’ai beaucoup de mal à appréhender.
Et sa poitrine tellement hors-norme sous son t-shirt moulant ou sa combinaison me procure quelque chose d’indéfinissable.
Peut-être du désir…
Peut-être l’envie folle de la toucher, la caresser.
Ou la voir, la sentir, la connaître…
Multitudes de sensations que je refoule à chaque fois que je la vois dans mon bureau.
Je n’ai pas osé en parler à ma conseillère de supervision.
Aurais-je dû ?
Ai-je bien fait ?
Je ne sais pas mais cela est une réelle entrave à mon métier avec Chloé.
Je ne dois pas être troublée car je suis conseillère et je me sens infiniment responsable de ma tâche.
Je ne dois pas être troublée mais je le suis.
Un moment, j’ai voulu envoyer Chloé voir une autre conseillère…
Mais…
Mais cela aurait semblé être suspect car j’aurais dû avouer mes désirs.
Car ce sont des désirs.
Et je ne l’aurais plus vue…
Inconcevable.
Oui, je rêve de son corps, je rêve de le caresser, de le sentir palpiter de désir et de plaisir.
J’ai eu beaucoup de mal à dormir pendant un moment tant d’images interdites venaient naître, le soir, au moment du sommeil et me tirer la nuit de mes rêves.
Je suis allé voir ma médecin et sous un prétexte futile et innocent j’ai demandé un somnifère.
Et j’ai mieux dormi.
Mais les images sont là.
Alors je vais au bordel.
Deux, trois, voire quatre fois par semaine.
Cinquante crédits à chaque fois.
Mais je suis accro.
Le père maquereau m’offre le champagne, maintenant, à chacune de mes visites.
J’ai essayé tous les putains du bordel, mais il y en a un que j’apprécie plus particulièrement.
Il s’appelle Jan.
Jan 2.
Il a quelque chose d’indéfinissable qui, curieusement, entre en lien avec Chloé.
Jan.
Jan 2.
***
Je m’appelle Félix.
J’ai été dans ma vie Félix 2, puis Félix 6, puis Félix 2 à nouveau…
Maintenant, je suis Félix tout court.
Je suis père maquereau dans un bordel.
Le bordel du 19e district.
Mes putains n’ont pas à se plaindre de moi car je sais trop ce que c’est que l’être.
À 18 ans, j’ai atterri chez Jon, un père maquereau odieux, détestable, horrible.
Ils nous filaient double dose de Chloropraxine pour qu’on fasse dix à quinze passes par jour.
C’est là où j’étais Félix 2.
Les fems étaient toutes des perverses préUnification Radicale et nous demandaient des choses pas possibles.
Pas un jour de libre ou juste quelques heures.
De la baise encore de la baise, toujours de la baise et ce Jon qui venait nous mater d’un air vicelard quand on était en pleine baise.
Et un matin, on a retrouvé Jon, assis dans son fauteuil, terrassé par une crise cardiaque.
C’est du moins ce que la médecin a diagnostiqué.
Mais elle s’en foutait totalement.
Quelle importance a un père maquereau et encore moins un putain dans ce monde si aseptisé ?
Alors, un nouveau père maquereau est venu.
C’était son premier poste.
Il s’appelait Jan.
Tout a changé.
Le calme.
La recherche et le désir d’offrir du plaisir.
L’écoute des visiteuses.
L’image préUnification Radicale a disparu du bordel.
Jan savait nous écouter et on lui racontait nos techniques pour faire jouir très vite les fems que nous voyions.