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« En hiver, à l’approche du vingt-cinquième anniversaire de mon fils bien-aimé, j’ai failli céder au désespoir. Mon médecin m’a conseillé en urgence une retraite spirituelle que j’ai acceptée. Ce processus m’a aidée à redonner un sens à ma vie en me rappelant les paroles de Saint Irénée de Lyon : “La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ; la vie de l’homme, c’est de contempler Dieu.” »
À PROPOS DE L'AUTRICE
Finistérienne,
Florence Burel a toujours été fascinée par les mots, leur pertinence et leur musicalité dans l’écriture d’une belle histoire ou la composition d’un poème vibrant. C’est donc tout naturellement qu’elle s’est orientée vers des études littéraires, afin de devenir professeur de Lettres classiques et de tenter de transmettre à son tour la passion que lui ont prodiguée ses maîtres.
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Florence Burel
Ergo vitam elige ut vivas…
Roman
© Lys Bleu Éditions – Florence Burel
ISBN : 979-10-422-2008-2
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« Marie, soyez l’étoile qui nous guide. »
Marthe Robin
Secouée par l’inquiétude de mon médecin, convaincue aussi de la nécessité de me protéger de moi-même en cette situation de souffrance aiguë qui ramenait en moi des pensées mortifères, j’appelai à l’aide celui qui demeure pour moi pasteur de cœur et accompagnateur, le Père Joseph. Réflexe de tendresse, instinct de survie inspiré par le ciel ? Sa réponse me prouva, s’il en était besoin, combien mon recours à lui, suscité par ma rechute dans l’abîme de souffrance et de désarroi au-dessus duquel je joue toujours un peu à l’équilibriste, l’avait touché. Loin de moi, cependant, tout dessein de lui causer le moindre mal : je donnerais beaucoup, en revanche, pour sa santé et pour sa joie. Mais nous étions de nouveau au mois de février, le mois de naissance de mon aîné Florian.
On dit des personnes qui ont subi une amputation qu’elles ressentent toujours la présence du membre ou de l’organe dont on les a privées, qu’elles continuent d’éprouver des sensations, essentiellement douloureuses, dans cette partie de leur corps qui n’existe plus. Ainsi en va-t-il pour moi quand me reviennent, en esprit et au cœur, les espérances d’une première naissance et tout l’amour voué à ce fils bien-aimé. Les fées qui s’étaient penchées sur son berceau s’étaient montrées généreuses ; il était doté de multiples dons, il portait en lui toutes les promesses. Comment échapper, chaque nouvelle année qui met entre nous toujours plus de distance, à la submersion de la détresse, l’assaut de la déréliction, le vœu d’en finir avec l’écoulement cinglant des jours sans soleil ni projet ni hâte ? Alors m’accable également le défilé des liens tissés en vain, de toutes ces petites morts du quotidien que constituent l’éloignement d’un ami cher, le départ d’un proche, la vanité de tout effort pour échapper au non-sens ou à la prédominance de l’absurde.
Je déclinai donc la proposition d’un séjour en hôpital psychiatrique pour lui préférer une retraite spirituelle. Mes amis Carine et Joseph approuvèrent mon choix : pour l’une c’était une alternative, pour l’autre « une bonne idée ». L’enfermement n’aurait-il pas décuplé la torture psychique et physique, sinon transformé en pathologie un mal affectif et partant, rationnel ? Personne hélas, pas même Dieu auquel pourtant rien n’est impossible, ne dispose du pouvoir de me rendre l’enfant que j’ai perdu de façon si violente. Dans quel état de prostration arrivai-je dès lors à destination ! Il me tardait d’entrer dans le silence de la retraite pour me perdre dans l’oubli de moi-même et me laisser modeler comme il plairait à ceux qui auraient soin d’un cœur brisé.
« Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé. »
Psaume 50, 19
Ce dimanche soir 19 février au Centre dont le programme m’avait paru en adéquation avec mes attentes, l’accueil se faisait assez tôt pour que chaque retraitant, installé sur place, pût se préparer à l’expérience qu’il allait vivre en s’accoutumant pareillement à son environnement. Le dîner devait être partagé avec la communauté, avant que n’intervînt la conférence d’introduction à la retraite spirituelle – et silencieuse – annoncée. J’aspirais tant à ce moment que j’éprouvai quelque difficulté à suivre, et davantage encore à soutenir, les conversations engagées.
Le Centre ne m’était pas inconnu. J’y avais déjà passé une semaine avec Yann, mon époux, quelque dix-huit mois après le décès de notre fils ; nous avions l’un comme l’autre accueilli comme des signes des découvertes que nous y avions faites, celle d’une médaille de Marie qui contre toute attente avait par son scintillement attiré un œil incrédule. Avec Florian, j’y étais venue, aussi, en juin ou juillet 2014, afin de lui permettre de s’entretenir avec le Père référent que Benoît, mon premier porteur de lumière, nous avait recommandé. Florian avait notamment admiré, dans une déchirure de la brume qui recouvrait le parc, la finesse émouvante de la modeste statue de Notre-Dame, laquelle insuffle la douceur apaisante et nostalgique d’un amour sans limite.
Plus récemment, « mon dernier photophore », le Père Joseph avait conçu l’idée, un autre après-midi estival, de faire visiter les lieux aux paroissiennes de Servel venues le voir avec moi dans sa nouvelle villégiature, après qu’il eut quitté Lannion, à l’issue d’un repas partagé chez lui. Ce fut ainsi qu’affluèrent des souvenirs ensevelis sous la poussière des gravats à déblayer sans cesse pour tenter de tracer un chemin de survie et de persévérance parmi les ruines provoquées par ce que nous vécûmes comme une apocalypse.
« Quand le rayon divin s’est posé sur une âme, si elle veut, si elle est docile et confiante, il n’en sortira plus. »
« Il ne faut jamais rester au seuil de son âme, il faut entrer, y descendre, y réfléchir, y méditer, y travailler et s’y laisser travailler… face à face avec Dieu ! »
« L’âme est comme la terre, il faut qu’elle soit déchirée pour être féconde. »
Marthe Robin
Si j’avais eu le choix du lieu, sans doute aurais-je opté pour Locquirec et sa situation côtière si inspirante. Seul toutefois ce Centre singulier proposait une retraite du 19 au 25 février : aubaine providentielle ! Le 15, une réponse positive me provenait : on m’y recevrait. Restait à rassembler son courage, dans l’espérance d’un soutien et celle d’une rencontre, d’un ressourcement salutaire au sein d’un sanctuaire de campagne dédié à Maximilien Kolbe dans la mémoire de son sacrifice.
Le prédicateur de la retraite, le Père Armand, avait pour référence un verset du paragraphe trois de la Première épître de saint Jean, le dix-neuvième :
« 18 Petits-enfants, n’aimons ni de mots ni de langue, mais en actes et en vérité.
19À cela, nous saurons que nous sommes de la vérité, et devant lui nous apaiserons notre cœur, si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout. »
Il s’agissait d’une retraite fondamentale, soit essentielle et constitutive tout à la fois, d’un appel à la conversion dans la conviction que notre foi nécessite une structure, ou pour mieux dire « une colonne vertébrale ». Ainsi le conférencier nous avisa-t-il que nous devrions, cinq jours durant, nous porter les uns les autres, de même que tous ceux que nous représentions, dans le recueillement et le travail intérieur. La rencontre des deux amours qui nous avaient attirés en cet endroit, à savoir Jésus et Marie, incitait au dépôt des fardeaux, au lâcher-prise et au laisser-conduire, afin que l’Esprit saint rejoignît notre cœur, l’élargît et le rendît disponible, et que la prière nous permît de fixer sur Jésus un regard décentré de nous-mêmes. Nous y parviendrions, tout particulièrement en nous inscrivant dans la prière de louange d’une part, de répétition d’autre part.
Chercheurs de Dieu comme André et son frère Simon-Pierre, exprimer notre désir et entreprendre une marche qui dure autant que la vie relevait de notre initiative individuelle et nous engageait personnellement. À l’instar de saint Philippe Néri, nous étions invités à oser la litanie : « Vierge Marie, priez Jésus pour moi. »
Ce furent les propos qui ponctuèrent cette première soirée, entraînant d’emblée une dilatation de cœur comparable à celle qui survient à l’issue du sacrement de réconciliation, quand la main du ministre de Dieu s’est levée pour absoudre le pénitent et lui offrir la grâce de la bénédiction.
Je m’en remis aux propos de saint Augustin qui me furent soufflés :
« S’il est une consolation parmi les agitations et les peines de la société humaine, c’est la foi sincère et l’affection réciproque de bons et vrais amis. »
Ainsi, dans la sérénité de la nuit de mon refuge, priai-je pour mes anges gardiens comme pour tous les miens, familles et proches, avant de sombrer dans un sommeil d’une profondeur inaccoutumée.
Au matin du premier jour, comme il en serait les suivants, les laudes précédèrent la première conférence, consacrée au thème de l’Alliance. Le Père Armand insista sur la nécessité d’être fidèle à la prière avant d’exhorter chacun de nous à entrer dans l’étonnement.
Comment tout existe-t-il, en effet ? Pourquoi l’harmonie, et non le chaos ? La création se donne à voir comme une œuvre admirable à redécouvrir : un événement divin qui ne peut susciter que l’émerveillement. N’est-ce pas par une décision entièrement libre que Dieu en fait bénéficier l’homme ? Par amour et dans le Christ, il fait venir à l’existence ce qui n’était pas. Or, puisque rien ne naît ni ne vient au jour spontanément, ne faut-il pas aussi que l’acte créateur se renouvelle ? Ô merveille ! À l’instar de sa Parole qui sans fin s’actualise, le Seigneur ne cesse donc ni d’aimer ni de créer. Fi de l’autolimitation avancée par Hans Jonas et ainsi formulée par Hölderlin :
« Dieu a fait l’homme comme la mer a fait les continents, en se retirant. »
Cette image particulièrement suggestive, qui m’avait précipitée dans la désespérance la plus totale, dans ce sentiment d’abandon qui revient me hanter si souvent, pouvait dès lors cesser de me heurter. Déjà, mon âme s’allégeait pour s’élever vers le ciel, déchargée des lourdeurs terrestres, débarrassée aussi de son aspiration taraudante à la paix du linceul.
À la relecture de la Genèse, citations de saint Irénée et de saint Jean-Paul II à l’appui, je repris conscience, non de la dimension spirituelle de notre personne humaine, inaccessible à la science, que j’avais perçue dès mes premiers ans, mais du saut ontologique que ce texte impliquait : le respect dû à toute personne humaine, être sacré.
« Tout ce que vous faites trouve un sens dans ce que vous êtes », déclarait le Pape polonais ; et l’évêque de Lyon :
« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. »
En découlait l’injonction du Deutéronome chapitre trente verset dix-neuf : « Choisis la vie », comme si notre instinct ne nous y conduisait pas, mais qu’une force sourde et maligne nous tirait du côté obscur, de ce qui nous tue intérieurement, psychiquement, spirituellement. Stupeur de se sentir ainsi démasquée : si nous sommes condamnés à délaisser les forces de la mort, à combattre les puissances négatives, ne serait-ce pas parce qu’il y a en chacun de nous, et dans le monde, une volonté de destruction et par conséquent, une possibilité de revenir en arrière, au chaos ?
« Toute vie est un combat spirituel », me confirmerait Joseph au fil d’un entretien. À quoi je devrais reconnaître que j’étais par trop démunie face à tant de luttes. Autrefois, j’avais du courage, en dépit de ma vulnérabilité ; aujourd’hui, pour ne pas être tentée de rendre les armes, j’étais trop brisée dans ma fierté de mère et les certitudes qui m’avaient naguère poussée à aller de l’avant, debout dans le vent.
Programmée quelques heures plus tard, la deuxième conférence s’intitulait « Vers la foi ». Elle prenait plus précisément appui sur le terme « d’alliance », qui nous fut donné comme le fil conducteur de toute la Bible, elle-même « autorévélation » de Dieu. Le chapitre douze de la Genèse nous fait voir de fait que tout commence par un appel, une promesse : Dieu, qui n’a besoin de rien, va chercher l’homme ; c’est donc un Dieu personnel qui lui adresse la Parole : n’est-ce pas bouleversant ? Le Dieu de l’Alliance, qui attend la réponse d’Abraham depuis la fondation du monde, bénit Abraham, même s’il n’en apparaît pas moins comme un Dieu exigeant :
« Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le paysque je t’indiquerai. »
Abraham se laisse toutefois modeler par l’obéissance afin d’entrer dans le projet de Dieu : œuvre de l’Esprit dans le cœur de l’homme, ainsi la foi est-elle un don de Dieu doublé d’un acte libre et humain, une réponse personnelle et une grâce, un assentiment et une ouverture. Si elle implique une conversion, entraînant docilité et libération, elle est sortie de soi et mouvement vers Dieu. C’est dire si elle change notre échelle de valeurs ! Saint Augustin et saint François d’Assise l’avaient tous deux compris, elle est la voie à laquelle Dieu donne accès pour opérer des merveilles. Celui qui la suit devient « bénédiction » pour le monde et les autres êtres humains, tant il s’avère que l’élection n’est pas un privilège, mais une mission : être à la fois serviteur et témoin.
Du reste, s’appuyer sur quelqu’un de solide procède de la raison : même si la première réaction d’Abraham fut l’appréhension, il « crut en Yahvé, qui le lui compta comme justice. » (Genèse, 15, 6) C’est pourquoi il nous appartient de considérer la foi comme un itinéraire à suivre en toute humilité : saint Benoît en a d’ailleurs fait sa règle : « Marche en ma présence et sois parfait », en connaissance de cause. Ce qui compte, c’est la relation à Dieu. Que la foi se fonde sur un événement, le Christ Jésus, influe sur notre comportement, lequel a pour base une morale dictée par l’amour – et devient état d’âme. Rappelons-nous Michée chapitre six verset huit :
« On t’a fait savoir, ô homme, ce que Yahvé réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de t’appliquer à marcher avec ton Dieu. »