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En traitant de la problématique de l’expression de la diversité culturelle en Europe centrale et orientale, cet ouvrage se situe dans l’esprit de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005) de l’Unesco.
Dans cette «région » d’Europe, la problématique est fortement ancrée dans la vie quotidienne des populations en raison de leur situation ethnolinguistique et, surtout, de l’Histoire du XXe siècle. L’angle d’approche des contributeurs est celui de l’expression des minorités reconnues au sein de ces États à travers leurs médias généralistes ou l’existence de médias appropriés dans leurs langues spécifiques. La période prise en compte est celle qui suit leur accès à la démocratie depuis la fin du Bloc soviétique symbolisée par la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989.
Dans ce contexte, la diversité culturelle des populations s’est révélée comme une donnée essentielle pour l’avenir de ces États en tant que tels, mais aussi pour l’Europe en construction, du fait de l’adhésion de la plupart d’entre eux aux Institutions européennes que sont le Conseil de l’Europe (Strasbourg) et l’Union européenne (Bruxelles).
Or, si, dans l’ensemble, les populations minoritaires sont reconnues avec leurs langues nationales, elles ne disposent pas toutes des mêmes supports d’expression que sont les médias car les États de cette région de l’Europe, de la Baltique aux Balkans, n’ont pas pu gérer leur évolution interne dans une perspective convergente. L’éclatement de la Yougoslavie en a été un exemple tragique en raison des guerres internes ayant émergé au sein de cette ancienne République fédérale et du fait des rapports dominants-dominés qu’elles ont révélées. D’autres États ont été confrontés à des crises et tensions, internes et externes, en raison des rapports avec leurs minorités culturelles et linguistiques de part et d’autre de leurs frontières et au fil de l’évolution de l’histoire. Mais celles-ci ont aussi été en lien avec les processus ayant entraîné la liberté d’expression et le besoin d’affirmer ou de réaffirmer leurs identités spécifiques par les médias traditionnels mais aussi les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
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Seitenzahl: 734
© Groupe De Boeck s.a., 2013
EAN : 9782802739364
ISSN : 1782-3358
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.
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Éditions BruylantRue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles
Tous droits réservés pour tous pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
Remerciements
Le présent ouvrage est une publication de la Chaire Unesco de l’Université de Strasbourg intitulée Pratiques journalistiques et médiatiques. Entre mondialisation et diversité culturelle.
Dans le cadre de son programme, les chercheurs qui y sont associés, sur le plan local comme sur le plan international, ont organisé à Čierna Voda, près de Bratislava, capitale de la Slovaquie, trois journées d’études internationales du 20 au 22 juin 2011, placées sous l’égide de Rudolf Chmel, Vice-Premier ministre du gouvernement en charge des Droits de l’Homme et des Minorités.
Le thème traité portait précisément sur « L’expression médiatique de la diversité culturelle dans les pays de l’Europe centrale et orientale » dont les communications ont été retenues pour le présent ouvrage.
Nos premiers remerciements vont à tous ceux qui, constamment, apportent leur contribution à la réalisation de ce type de manifestation, à son Comité de pilotage, ainsi qu’aux participants, sans omettre les co-directeurs de cette publication et les membres du Comité scientifique de la rencontre. L’ensemble a été conduit grâce à l’appui des Universités de Saints Cyrille et Méthode de Trnava, Comenius de Bratislava, de l’Ambassade de France en Slovaquie, de l’Université de Strasbourg et de l’Organisation internationale de la francophonie.
Cette manifestation, avec la publication qui en résulte, relève aussi de l’appui accordé à la recherche dans le domaine des médias par l’Unesco qui a décidé de la création de la Chaire en 2007.
Nous remercions également l’Université de Saints Cyrille et Méthode de Trnava, notamment Martin Klus, son Vice-recteur, Dana Petranová, la Doyenne de la Faculté de communication médiatique, et Hana Pravdová, la Directrice davdová, la Directrice de la Chaire de communication linguistique. De même, à l’Université Comenius de Bratislava, Jaroslav Šušol, le Doyen de la Faculté des Lettres, et Svetlana Hlavčáková, Directrice de la Chaire de journalisme, méritent notre reconnaissance.
Nos remerciements s’adressent également à l’Institut Français de Slovaquie, notamment à Rachid Makhloufi, Attaché de coopération scientifique, technique et universitaire de l’Ambassade de France, ainsi qu’à deux collaborateurs actifs, Martina Saganová et Maxime Antony, et, plus particulièrement, à Christophe Lips pour la lecture attentive des textes originaux des intervenants traduits en français dans le présent manuscrit.
Enfin, les Éditions Larcier-Bruylant méritent notre constante reconnaissance pour la publication de rencontres scientifiques sur des sujets relevant d’un débat public international.
PR. MICHEL MATHIENTITULAIRE DE LA CHAIRE
Les publications de la collection
– Médias et démocratie en Afrique : L’enjeu de la régulation, 2012 (Renaud DE LA BROSSE).
– Médias de la diversité culturelle en Afrique. Entre traditions et mondialisation, 2012 (Serge Théophile BALIMA et Michel MATHIEN, dir.).
– Les médias de la diversité culturelle dans les pays latins d’Europe, Bruylant, Bruxelles, 2011 (Annie LENOBLE-BART et Michel MATHIEN, dir.).
– Les jeunes dans les médias en Europe. De 1968 à nos jours, 2009 (Michel MATHIEN, dir.).
– Histoire, mémoire et médias, 2009 (Régis Latouche et Michel MATHIEN, dir.).
– Les journalistes et l’Europe, 2009 (Gilles ROUET, dir.).
– Éthique de « la société de l’information », 2008 (Jean-Louis FULLSACK et Michel MATHIEN, dir.).
–Le journalisme : avis de recherches. Les études françaises dans le contexte international, 2008 (Nicolas PÉLISSIER).
– L’Écologie des médias, 2008 (Patrick-Yves BADILLO, dir.).
– Le Sommet Mondial sur la Société de l’Information et « après » ?, Perspectives sur la Cité globale, 2007 (Michel MATHIEN, dir.).
– Évolution de l’économie libérale et liberté d’expression, 2006 (Alain KIYINDOU et Michel MATHIEN dir., préface de Francis BALLE).
– La Guerre en Irak. Les médias face aux conflits armés, 2006 (Gérald ARBOIT et Michel MATHIEN, dir.).
– La « société de l’information ». Entre mythes et réalités, 2005 (Michel MATHIEN, dir., préface de Michèle GENDREAU-MASSALOUX).
– La médiatisation de l’histoire. Ses risques et ses espoirs, 2004 (Michel MATHIEN, dir., préface de Jean FAVIER).
Comité scientifiquedes journées internationales de ČiernaVoda-Bratislava et de la publication
– Serge Théophile BALIMA, professeur de sciences de l’information et de la communication à l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso).
– Artan FUGA, professeur de philosophie à l’Université de Tirana (Albanie) et en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Paris X (France), membre de l’Académie des Sciences de la République d’Albanie.
– Svetlana HLAVČÁKOVÁ, maître de conférences, directrice de la Chaire de journalisme de la Faculté des Lettres de l’Université Comenius, Bratislava, Slovaquie.
– Ioan HORGA, professeur de Relations internationales, doyen de la Faculté d’Histoire, Relations internationales, Sciences politiques et de la communication, à l’Université d’Oradea (Roumanie).
– Martin KLUS, maître de conférences, vice-recteur de l’Université de Saints Cyrille et Méthode, Trnava (Slovaquie).
– Renaud DE LA BROSSE, maître de conférences, habilité à diriger des recherches, Université de Reims Champagne-Ardenne (France), coordonnateur de la relecture.
– Annie LENOBLE-BART, professeur émérite de sciences de l’information et de la communication à l’IUT-Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3 (France).
– Rachid MAKHLOUFI, Docteur es sciences, attaché de coopération scientifique, technique et universitaire, Ambassade de France en Slovaquie.
– Michel MATHIEN, professeur de sciences de l’information et de la communication, Chaire Unesco en Communication, Université de Strasbourg (France).
– Dana PETRANOVÁ, docteur en philosophie, doyenne de la Faculté de communication médiatique de l’Université Saints Cyrille et Méthode, Trnava (Slovaquie).
– Danuša SERAFÍNOVÁ, professeur à la Chaire de Journalisme de la Faculté des Lettres de l’Université Comenius, Bratislava et à la Chaire de Journalisme de la Faculté des Lettres de l’Université catholique de Ružomberok (Slovaquie), rédactrice en chef de Otázky žurnalistiky, revue spécialisée sur le journalisme et les médias.
Ouverture officielle du colloqueinternational de Čierna Voda-Bratislava
PARJEAN-MARIE BRUNOAMBASSADEUR DE FRANCE EN SLOVAQUIE
Dans la mondialisation, aujourd’hui plus qu’hier, le maintien de la diversité culturelle est un enjeu fondamental, tant pour chacun de nos pays qu’à l’échelle internationale. À l’ère du numérique, dans laquelle la proximité peut perdre tout son sens, la place de chacune des expressions culturelles et des minorités se pose en effet, avec plus d’acuité encore.
La mondialisation s’est imposée à la communication et à la culture, deux domaines de l’activité humaine intimement liés à l’identité des individus et des peuples. Du coup, la cohabitation culturelle et le dialogue interculturel sont devenus des enjeux primordiaux en ce début de siècle.
La communauté internationale s’est attachée à donner un cadre à ces préoccupations. Parmi les références importantes, citons la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe (1992), sa Convention-Cadre pour la protection des minorités nationales (1994), la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco (2005), ou encore la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones (2007).
Force est pourtant de constater que, dans la plupart de nos pays, les médias généralistes ignorent souvent les minorités ou traitent des informations les concernant de manière unilatérale et, en même temps, les médias de ces minorités sont souvent sous-représentés.
Pourtant, la visibilité médiatique des minorités, que ce soit dans des organes généralistes ou spécifiques, est indispensable à leur protection et à leur promotion, voire dans certains cas, à leur survie.
Le colloque sur les médias d’information et leurs publics identifiés par leurs spécificités culturelles, linguistiques ou historiques, s’inscrit dans le cadre du Pôle Dialogue interculturel soutenu par l’Unesco et il rejoint les préoccupations de diverses institutions internationales comme le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, mais également l’Organisation Internationale la Francophonie.
La présente rencontre, qui fait suite à celles de Bordeaux et de Ouagadougou, a pour objectif de faire un premier état des lieux en Europe Centrale et Orientale sur les médias porteurs de la diversité culturelle afin de relever convergences, divergences ou spécificités. Cette rencontre tentera d’embrasser les registres historiques, juridiques, économiques et sociologiques de la problématique.
Nous nous réjouissons que ce colloque réunisse des chercheurs slovaques, français, roumains, tchèques, polonais, bulgares, albanais, tous invités à décrire et à expliquer la situation des médias concernant les « minorités » présentes dans leur pays et qui tenteront de répondre à la question « quel relais pour des expressions culturelles et linguistiques spécifiques ? »
La qualité des intervenants et la richesse du programme nous laissent espérer que cette manifestation apportera une contribution utile aux enjeux de la diversité culturelle et aux réflexions de la société slovaque.
Nous sommes particulièrement heureux que l’Ambassade de France ait pu soutenir l’organisation de cette rencontre, avec nos partenaires slovaques, tout particulièrement la Faculté des médias et de la communication de l’Université Saints Cyrille et Méthode de Trnava et la Chaire de Journalisme de la Faculté des lettres de l’Université Comenius de Bratislava. Cette rencontre n’aurait pas pu se tenir sans la caution de la Chaire Unesco de l’Université de Strasbourg, dirigée par le Professeur Mathien, et sans le soutien financier de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Nous tenons à les en remercier.
ČIERNA VODA-BRATISLAVA,LE 20 JUIN 2011
Introduction IL’expression médiatique de la diversitéculturelle dans les pays de l’Europecentrale et orientale.Poursuite d’une problématique
PARMICHEL MATHIEN
Une démarche bien engagée
Le présent ouvrage participe de la démarche de la Chaire Unesco en sciences de l’information et de la communication de l’Université de Strasbourg. Celle-ci s’inscrit dans la suite du programme de réflexion de l’agence spécialisée des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture ayant abouti à la Déclaration (2001) puis à la Convention (2005) sur la Protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Son préambule, ayant depuis 2007 valeur de loi internationale, affirme que : « la liberté de pensée, d’expression et d’information, ainsi que la diversité des médias, permettent l’épanouissement des expressions culturelles au sein des sociétés ».
Ses principes rappellent notamment que :
« La protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles impliquent la reconnaissance de l’égale dignité et du respect de toutes les cultures, y compris celles des personnes appartenant aux minorités et celles des peuples autochtones ».
Et, en conséquence :
« Les Parties peuvent prendre toutes les mesures appropriées pour protéger et préserver les expressions culturelles » (art. 8.2).
L’ouvrage est le troisième de la démarche initiée par la Chaire de Strasbourg créée en 2007. Intitulée « Pratiques journalistiques et médiatiques, entre mondialisation et diversité culturelle », elle a mis en place, dans le cadre du réseau Unitwin Orbicom des Chaires Unesco en communication, une recherche participative interuniversitaire et transdisciplinaire sur « les médias de l’expression de la diversité culturelle ».
Une rencontre internationale en Slovaquie
La première étape a porté sur « les médias de l’expression culturelle dans les pays latins d’Europe », ceci dans le cadre d’une rencontre internationale organisée les 1er et 2 juin 2010, à Bordeaux, par Annie Lenoble-Bart au sein de l’Université Michel de Montaigne avec l’équipe de recherche Médiations, Information, Communication, Arts (MICA)1.
La deuxième, du 24 au 26 janvier 2011, fut mise en œuvre par Serge Théophile Balima, à l’Institut Panafricain d’Étude et de Recherche sur les Médias, l’Information et la Communication (IPERMIC) de l’Université de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Sujet comparable : « les médias de la diversité culturelle en Afrique. Entre traditions “et” mondialisation »2. Sur place, son enjeu était inscrit dans la conjonction de coordination, dans cet « et » porteurs d’interrogations multiples et implicites !
Dans la même continuité, ce livre porte sur les minorités de la « région » longtemps appelée Pays d’Europe Centrale et Orientale (ou PECO). Il résulte d’une rencontre internationale organisée, du 20 au 22 juin 2011 à Čierna Voda, près de Bratislava, capitale de la Slovaquie, par la Faculté de communication médiatique de l’Université Saints Cyrille et Méthode de Trnava, et par la Faculté des lettres et la Chaire de journalisme de l’Université Comenius de Bratislava.
La thématique a été d’autant plus intéressante que les États concernés ont connu un passé marqué par des ruptures ou des unifications forcées, avant et au cours du XXe siècle, suite aux deux conflits mondiaux et à des luttes idéologiques concrétisées par des modes de gouvernement autoritaires. Qu’ils aient été vassalisés par rapport au gouvernement de Moscou, ou colonisés de facto selon les cas, ils ont vu se développer au sein de leurs populations des réactions face à l’essor de l’insupportable pour reprendre une expression maintes fois utilisée par le « philosophe de l’histoire » que fut Jean-Baptiste Duroselle3. Après la Chute du Mur de Berlin en 1989, ils ont non seulement découvert ou retrouvé les principes de la démocratie, mais des modes de vie avec leurs divers symboles et références culturelles. De même, ils ont été placés dans un nouveau rapport à la vie sociale face, notamment, à la libéralisation des médias considérés comme des activités entrepreneuriales de production de contenus journalistiques ou culturels.
Ces divers changements, plus ou moins rapides, ont conduit leurs populations à faire face, parfois non sans difficultés, à des problèmes oubliés, voire cachés, dont la réalité de la diversité culturelle au sein de leurs entités « nationales » respectives. Les guerres ayant conduit à l’éclatement de la République fédérale de Yougoslavie en ont été une triste révélation ! La rupture, constituée par la fin du Bloc soviétique, a inévitablement eu de multiples incidences sur la vie politique et culturelle. Cela a été constaté, ou l’est toujours, dans le domaine en expansion des industries culturelles au sein desquelles s’intègrent de plus en plus de groupes incluant des entreprises en charge de l’information publique.
Ce rappel n’induit pas pour autant que tout ce qui s’est passé dans cette « région » depuis 1989 ait été satisfaisant. Notamment sur le plan de l’évolution économique, en rapport avec la mondialisation au sens de l’anglais globalization, avec sa perspective politique fondée sur le libéralisme sans frontières, au propre comme figuré ! Dans les pays examinés, celle-ci n’a pas non plus été sans poser des problèmes, y compris à l’égard des populations caractérisées par des spécificités identitaires marquées.
Prévue en 2012 à Strasbourg, la quatrième étape de la démarche a pour but de recenser les principaux problèmes relevés à la suite de ces rencontres internationales et les questions en suspens pour l’avenir. C’est-à-dire, en raison des enjeux, de porter des regards prospectifs en vue de l’intérêt général.
Les étapes antérieures
Bordeaux 2010 et le contexte européen
Après un séminaire international initial, le 25 septembre 2009 à Strasbourg, la rencontre de Bordeaux a porté sur l’Europe des pays latins. En plus de la présentation de la situation dans les pays concernés avec leurs spécificités (Belgique, France, Portugal, Espagne, Italie et Suisse), nous y avons rappelé la dimension globale de la diversité culturelle en lien avec le processus de mondialisation faisant débat. Nous avons fait appel à l’histoire de ces États, à leurs principes de droit constitutionnel, à leurs pratiques politiques, et à leurs réalités sociologiques et démographiques concernant les rapports majorités/minorités et les moyens d’information ou d’expression à disposition des populations.
Pour des motifs de choix et d’opportunités, nous avons traité de cette partie de l’Europe de l’Ouest où bien des problèmes avaient ré-émergé à la fin du XXe siècle. En l’occurrence, celui du commerce international avec les débats sur « l’exception culturelle » à propos du libéralisme économique défendu par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), avec l’appui des États-Unis et de sa théorie du free flow of business et de ses prolongements dans le free flow of information applicable aux industries culturelles4. Ceci s’est produit dans un environnement international postérieur à l’ère des Blocs. Or, comme cela avait été démontré en son temps par l’historien Fernand Braudel, l’évolution économique n’est pas strictement délimitée à un domaine, celui des échanges de biens, elle concerne aussi le sens de tous les échanges. Pour lui : « l’histoire économique du monde, c’est l’histoire entière du monde, mais vue d’un seul observatoire, l’observatoire économique. Choisir cet observatoire, c’est privilégier à l’avance une forme d’explication unilatérale et dangereuse »5.
La mondialisation ne saurait mettre de côté les trois autres aspects de toute collectivité humaine, à savoir, le politique, le culturel et le social. Or, comme l’a également démontré l’anthropologue Edward T. Hall, « chaque culture est un ensemble unifié, dont toutes les composantes sont étroitement intriquées »6. Qu’on en ait ou non conscience, comme l’a montré l’auteur du Langage silencieux (1959, 1984) et de La Dimension cachée (1966, 1971) ! Acquise et non innée, partagée avec les membres d’un groupe auquel nous appartenons, loin d’être superficielle au regard de tout ce qui la structure, la culture est avant tout « un système de communication, une extension de notre code génétique ». « Elle est notre manière, à nous humains, d’évoluer »7.
Il y a sur ce registre un lien avec les « lois de l’imitation » de Gabriel Tarde8 concernant les faits sociaux, dans leurs dimensions individuelles et collectives, et auxquelles nous avons déjà fait référence, notamment lors des journées de Ouagadougou9.
À Bordeaux, nous avons rappelé que l’Europe – dans sa dimension d’Organisation d’intégration économique régionale (définition de l’Union Européenne des 27) ou d’Organisation de coopération (comme le Conseil de l’Europe des 47) – s’était déjà engagée dans l’« exception culturelle ». Dès 1954, l’instance de Strasbourg avait mis en place une Convention dans le but de protéger et de promouvoir la diversité culturelle, ainsi que de valoriser la variété des identités nationales formant un patrimoine commun, dont les langues, l’histoire et la société. À ce texte, qui engage les parties signataires, s’est ajoutée la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires adoptée le 5 novembre 1992 et devenue aussi Convention le 1er mars 1998. Mais, lors du premier Sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays membres du Conseil de l’Europe (Vienne, 8 et 9 octobre 1993), qui avait pris en considération les mutations au sein des États de l’Europe centrale et orientale, il avait déjà été admis que « les minorités nationales que les bouleversements de l’histoire ont établies en Europe doivent être protégées et respectées afin de contribuer ainsi à la stabilité et à la paix ». D’où la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, entrée en vigueur le 1er février 1998.
Avec ces références, le lien est fait entre les rôles et fonctions des médias appropriés auprès des locuteurs des langues régionales ou minoritaires pour la protection et la promotion de celles-ci. Et les difficultés à s’entendre sur une définition commune du mot « nation » n’ont pas été un obstacle à l’action comme rappelé par le Comité Directeur pour les Droits de l’Homme10. Sur bien des aspects, nous avons relevé que l’Europe pouvait servir de référence. Par exemple, l’Observatoire européen de l’audiovisuel qui dépend du Conseil de l’Europe, avec ses données et méthodes d’analyse, est devenu une référence, notamment pour la poursuite de l’action de l’Unesco à côté de la mise en place du Fonds d’investissement pour la diversité culturelle (FIDC). Par cette mention, nous pointons le lien entre l’avenir d’un aspect de notre thématique et la problématique des médias comme moteurs de la dynamique culturelle, en particulier dans l’audiovisuel. Nous ne saurions omettre le Fond Eurimages, aussi créé par le Conseil de l’Europe pour favoriser les industries cinématographiques des États membres ou associés, notamment la coproduction d’œuvres audiovisuelles.
Ces approches sont, de facto, des réponses à la mondialisation des industries culturelles afin de pondérer leurs incidences dans la vie quotidienne des minorités culturelles, notamment sous l’angle des règles strictes du marché.
Comme rappelé par Annie Lenoble-Bart dans son texte transmis aux journées de Bratislava : « tout ne pouvait pas être détaillé mais les liens privilégiés de chercheurs et universitaires bordelais avec des collègues espagnols ou spécialistes de l’Espagne expliquent l’importance qu’a prise la place du basque (voire du catalan) dans la rencontre et dans le livre, prouvant les différences de part et d’autre des Pyrénées ». Mais, au-delà, la spécificité du statut des langues nationales en Espagne a été complétée par les cas suisse ou italien, exemples très différents de plurilinguisme au sein d’un État. Bien évidemment la situation de pays officiellement francophones (la France, la Belgique…) et de leurs politiques en matière de médias a permis de saisir les difficultés de survie de certaines expressions de minorités.
Et de préciser : « cette question rejoint celle de pays africains étudiés lors de la deuxième étape de la Chaire Unesco, à Ouagadougou, au cœur de la francophonie ». « Ne peut-on pas faire un parallèle entre les radios communautaires africaines qui privilégient les langues maternelles de locuteurs ? Eux qui, au nom de l’unité nationale, se sont vu imposer le français, avec un décalage de quelques décennies, comme dans l’Hexagone… ». Aussi, pour elle : « Il y a un même souci, de part et d’autre de la Méditerranée, d’utiliser des parlers qui sont en voie de disparition dans les médias, ce qui met en cause leur simple survie. Même maintien, à l’inverse, de certaines langues qui utilisent tous les canaux disponibles pour confirmer leur visibilité. »
« Le tout, bien sûr, dans un cadre envahissant de mondialisation uniformisant mais qui offre, également, d’efficaces solutions d’expression de minorités, cause à laquelle se dévouent de très nombreux volontaires, quels que soient le lieu et la langue, sur fond d’un passé historique parfois pesant. La formule du local au global peut être valablement inversée. Partout on note les trois niveaux d’expression : en langues minoritaires à une échelle qui peut prendre des dimensions variables ; au niveau national avec les difficultés pour asseoir un État-Nation qui exprime l’unité dans la différence ; à l’international pour participer au concert mondial et espérer en récupérer quelques fruits ».
Ouagadougou 2011 : l’Afrique dans un contexte complexe
Les pays africains sont confrontés aux mêmes mutations évoquées. Mais celles-ci sont d’une ampleur incomparable par rapport à l’évolution que l’Europe a connue au fil de l’histoire et avec une réalité vécue de la diversité culturelle sans commune mesure avec celle du « vieux continent ». Vaste territoire, l’Afrique comprend plus d’un tiers des langues, ethniques ou vernaculaires, recensées dans le monde, ceci indépendamment des langues héritées de l’ère coloniale qui, dans bien des cas, sont devenues des langues maternelles pour les récentes générations. Soit 2 500 langues sur les quelque 7 000 recensées, mais dont 10 % sont menacées de disparition au cours de ce siècle ! Mais, par rapport à l’Europe ou à d’autres régions du monde, elles ont pu garder leur légitimité au sein de la plupart des États même si leurs locuteurs sont confrontés à des problèmes nationaux ou universels liés à l’usage et aux pratiques des médias ainsi qu’à l’évolution des industries culturelles qui ne les prennent guère en considération.
Présentant sa synthèse des journées de Ouagadougou, Serge Théophile Balima a notamment rappelé l’ampleur des langues ethniques ou vernaculaires recensées dans le monde. « De ce fait, il y a, en Afrique, une diversité culturelle à faire connaître au monde, mais le rapport de force dans le jeu des relations culturelles internationales constitue un facteur de distorsion sinon de blocage ».
Pour lui, les contributions de Ouagadougou révèlent à souhait toute la complexité de la diversité culturelle dans le contexte de la mondialisation. Beaucoup d’interrogations demeurent sur les problématiques africaines : les médias, les langues, les traditions, les identités nationales, la citoyenneté, les questions de genre… « Ainsi, par exemple, la citoyenneté est-elle fondée sur le privilège d’une seule identité, celle conférée par l’État-nation ou sur la diversité constitutive des ethnies vivant sur le même espace territorial. En Afrique, la question se pose de savoir s’il y a une citoyenneté à géométrie variable située à mi-chemin entre les classes dirigeantes et le reste de la population. Faut-il militer pour une citoyenneté différenciée pour prendre en compte les intérêts des groupes ethniques quand ceux-ci sont victimes de l’analphabétisme et du fossé numérique qui les séparent des autres composantes de la société ? Y a-t-il risque à figer une identité alors que chaque Africain est porteur de plusieurs identités mouvantes et contradictoires ? »
Et de rappeler le contexte propre à l’histoire récente du continent. « Si l’on peut admettre que toutes les cultures du monde sont syncrétiques ou plus ou moins mélangées, le cas de l’Afrique n’est pas dépourvu de connotations particulières en raison du fait colonial. Certes, il est suranné de ressasser le fait colonial dans l’évolution contemporaine de l’Afrique mais le fait est que l’anthropologie s’est construite à l’ombre de plusieurs dichotomies : civilisés/sauvages, culture orale/civilisation de l’écriture, chrétien/païen, société étatique/société sans État, développé/sous-développé, etc. »11.
« Tout comme en Europe centrale, a-t-il précisé, il y a une incidence de l’histoire et de la géographie qui caractérise bien la situation culturelle de l’Afrique : les migrations inter-États et intra-États, la problématique des minorités ethniques ou des minorités nationales selon les concepts politiques. Au-delà de ces questions ethniques, émerge le facteur économique devenu le plus déterminant parmi tous les autres. Exprimé différemment, le développement de la langue va de pair avec l’économie. C’est pourquoi, en dépit des richesses linguistiques du continent africain, l’économie et les intérêts portent les langues de la colonisation, faisant d’elles des langues de promotion sociale. Il n’y a donc pas de langue supérieure mais un usage de classe de la langue dans un contexte socio-historique donné. Alors quel avenir pour les langues africaines à l’heure de la mondialisation ? Si beaucoup d’entre elles sont à l’article de la mort, beaucoup d’autres sont à l’agonie alors que le français et l’anglais acquièrent chaque jour le statut de langue de communication internationale ».
Et de reprendre l’interrogation sur le rôle des médias dans le nouveau contexte africain ! « Ils ont quelques similitudes avec ceux de l’Europe centrale et orientale : une nouvelle découverte de la liberté, des problèmes de régulation avec les technologies de l’information et de la communication, le risque de voir l’information médiatique être victime de la liberté. En effet, l’Afrique, débutante dans ses expériences démocratiques, se trouve être témoin d’une époque où l’espace de communication est caractérisé par sa richesse et sa diversité. Les cycles technologiques s’accélèrent au Nord en offrant aux pays du Sud des possibilités virtuelles inouïes qui, bien appropriées, entraînent de nouveaux comportements dans la gestion de l’information ».
« Dans ce mouvement planétaire », selon Serge Théophile Balima, « les États africains connaîtront leurs “printemps tropicaux” à l’instar des pays arabes. Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, il devient plus facile d’imiter que de faire valoir nos savoirs, nos savoir-faire et nos valeurs du terroir ».
« Si les radios locales communautaires, avec la libéralisation des ondes, s’efforcent d’animer le pluralisme culturel à l’égard des langues, leur effort reste informel parce que ce sont les populations à la base qui régulent l’utilisation des langues selon leurs intérêts et leurs zones géographiques. Or, cette pratique sociale est dictée par la recherche de la paix interethnique, réel facteur de développement économique et social sur le continent ».
Mais, finalement, tous ces pays peuvent-ils préserver leurs identités culturelles dans le contexte économique actuel ? Question récurrente.
Un sujet déjà dans le passé
La CIC ou Commission MacBride
Comme déjà répété antérieurement, un événement passé ne peut être oublié12. En 1977, l’Unesco avait mis en place la Commission Internationale d’étude des problèmes de la Communication ou CIC dont la présidence fut confiée à Sean MacBride (1904-1988). Le 27 février 1980, celle-ci remettait son rapport, Voix multiples. Un seul Monde. Vers un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication plus juste et plus efficace, traduit sous le sigle de NOMIC13. Mais, de nos jours, on oublie trop souvent le débat d’arrière fond portant sur le « nouvel ordre économique international » ou NOEI. En effet, la 4e Conférence des Pays non alignés et des Pays en voie de développement (PVD), en septembre 1973 à Alger, interpellait le contexte de leur dépendance à l’égard des ex-colonisateurs. Elle avait envisagé ce NOEI en mettant en cause l’Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce (General Agreement on Tariffs and Trade ou GATT) du 1er janvier 1948.
Or, cette perspective ne pouvait s’envisager sans volonté démocratique et acceptation des droits des peuples du Tiers-monde. La Communauté européenne, quant à elle, après l’indépendance des colonies, avait pris des accords commerciaux plus équitables (Convention de Yaoundé (Cameroun) du 20 juillet 1963, première Convention de Lomé (Togo) du 28 février 1974). Mais un bémol s’est imposé : la « crise économique » faisant suite à l’effondrement du dollar en 1973-1974, un premier « choc pétrolier » puis un second en 1979. Le principe du NOEI fut adopté le 1er mai 1974 par l’Assemblée générale des Nations unies grâce au Groupe des 77 formé par les PVD et qui fut à l’origine de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED, 1964)14.
Ce rappel montre que la critique de l’économie ne s’était pas faite dans le seul affrontement Est-Ouest tel que mis en avant à l’époque, surtout en Occident. En 1972, des économistes du Club de Rome avaient validé un rapport intitulé « Halte à la croissance ? »15. Ayant analysé les difficultés des États en interdépendance économique accrue, il les invitait à une compréhension mutuelle et à un développement solidaire. De nos jours, des économistes s’interrogent, à l’exemple de Joseph Stiglitz, Prix Nobel 2001, dénonçant la spéculation des marchés financiers comme le libéralisme sans limite de l’OMC et sa non-prise en compte des réalités sociales, socio-culturelles, politiques et, surtout, du rôle des État16.
Nous plaçant dans une position d’observation de l’évolution, un tel rappel, avec la problématique des médias internationaux et de la dépendance des médias des PVD ou des Pays non alignés, n’est pas sans lien avec notre thématique. D’ailleurs, bien des chercheurs et spécialistes de l’économie politique dite « critique » avaient, entre-temps, fait le lien entre l’internationalisation de l’activité des médias et l’économie capitalistique et réfléchi sur ses conséquences culturelles17.
Les cultures face à l’emprise des médias
Or, depuis, l’environnement planétaire s’est complexifié malgré les apparences ou les discours tenus. L’aire des mass media, ou l’ère, au sens d’époque (pour profiter de l’homophonie), est une réalité des contextes de vie qui n’a jamais été aussi imposante dans nos quotidiennetés. De ce fait, et en raison de l’évolution globale nous concernant tous, dans nos divers cadres et niveaux de vie, de compétence et de responsabilité, la réflexion s’impose sur les finalités de ces entreprises en lien avec les systèmes sociaux, les populations et leurs cultures18.
Depuis, que d’innovations et de perspectives nouvelles avec des pratiques et usages, conformes ou détournés, liés à de nouvelles offres d’instruments et de réseaux relevant de ce qu’on a appelé la « société de l’information » ! Vaste sujet car, comme relevé par le Rapport MacBride, la compétition accentuée des médias à l’échelle mondiale fait que l’on aboutit, plus ou moins, à une uniformisation des contenus, des choix de thématiques et de leurs formes de communication, à des modes. Or, en termes de « représentation », les contenus ne sont jamais neutres en soi, car en lien avec les populations, notamment celles des territoires de réception, a fortiori quand ils touchent des publics hors culture occidentale, c’est-à-dire au-delà de leurs bassins linguistiques. L’univers des médias produit de l’information selon des logiques et valeurs propres à une partie du monde et l’on peut comprendre qu’il y ait, ici et là, des réactions relevant d’un « choc des cultures ».
Personnellement, nous avions été saisi de cette problématique lors d’une rencontre « méditerranéenne »19, et cela bien avant que Samuel Huntington ne traite du « choc des civilisations »20. Des universitaires et chercheurs arabes nous avaient tenu ce genre de propos : « les technologies de communication, ce sont les vôtres ; vous venez avec vos valeurs ; nos valeurs, elles, existent aussi et vous ne les prenez jamais en compte ». Or, l’univers des médias n’a cessé de susciter des remarques de ce genre auxquelles s’ajoutent des questions sur l’uniformisation des valeurs culturelles et morales, voire des modes de vie accompagnant aussi bien les techniques que les images et autres contenus. Autrement dit, qu’en est-il du local ou du régional, au sens de la proximité de vie des populations identifiées à un territoire, unies par leurs valeurs grâce à une langue originale et, surtout, quand elles sont devenues minoritaires face à une population majoritaire dans un espace national ?
Or, comme l’ont saisi depuis longtemps les linguistes, le langage n’est pas qu’un moyen de communication, mais « ce qui fonde toute la communication », autrement dit « toute culture ». « Par rapport au langage, pour Umberto Eco, tous les autres systèmes de symboles sont accessoires et dérivés »21.
Retour à l’histoire de l’Europe
Une approche commune en « multiperspectivité »
Indépendamment de ces aspects, quitte à nous répéter d’une publication à l’autre, notre positionnement se fonde sur l’Histoire de l’ensemble de l’Humanité. C’est-à-dire sur son évolution dépassant les querelles anciennes ou les positionnements politiques, voire idéologiques, et plus ou moins centrées sur des approches fort éloignées d’une démarche constructive propre au dialogue dans ce domaine.
Dans cette optique, nous mettons toujours en avant l’approche de la « multiperspectivité dans l’histoire » développée par le Conseil de l’Europe et dont le premier résultat fut un manuel franco-allemand22. À savoir, des regards croisés bien plus constructifs pour la compréhension des contextes des populations que les visions nationales ou orientées. Or, une telle approche gagnerait à être mise en œuvre dans le traitement de l’actualité. Autrement dit, elle invite les journalistes, d’où qu’ils soient et quels qu’ils soient, à considérer l’histoire comme « débat pour un avenir solidaire », a fortiori quand un sujet du passé émerge dans le présent23.
L’Histoire dans sa dimension sociale et d’actualité
Les sujets anciens peuvent avoir une fonction prédictive d’une réalité ayant pris corps et fort présente dans l’actualité. Des événements récents, dans plusieurs États africains, ne relèvent pas de la surprise ou de l’exception. En l’occurrence, la Conférence de Berlin de 1885 sur le partage de l’Afrique entre puissances dominantes est toujours en arrière-fond de problèmes actuels. La délimitation des territoires coloniaux n’a pas été remise en cause après les indépendances. Ainsi, a-t-il fallu un long conflit pour que le Sud Soudan devienne le 54e État africain !
Que le gouvernement hongrois ait récemment décidé de donner la nationalité à tout Magyar établi au-delà des frontières de ses cinq États voisins peut surprendre ! Or, suite au Traité de Trianon (4 juin 1920), le Royaume de Hongrie a été délibérément cassé par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Cette décision peut donc être comprise comme une réparation de drames humains 90 ans après. Mais auparavant, les crises traversées par l’Europe depuis cette période ont fortement marqué l’histoire de cette région. La création d’un état multinational unifiant Tchèques et Slovaques dans la Tchécoslovaquie, avec des frontières intégrant l’ancienne Bohème et la Moravie avec ses multiples minorités (germaniques, polonaises, hongroises, ruthènes ou ukrainiennes des Carpates…), ne fut pas réalisée sans conflits internes (à propos de la Silésie, des Sudètes…), voire d’affrontements armés dès la fin de l’année 1918, surtout avec l’expansion concomitante du communisme ! Tchèques et Slovaques ne représentaient alors que les deux tiers des habitants de ce nouvel État24.
Il y a eu d’autres cas ensuite. Les guerres de l’ex-Yougoslavie furent le résultat de l’incompréhension de peuples devenus des « minorités » au sein d’une nouvelle entité étatique créée dans les Balkans, avec des modes de gouvernement et de choix politiques qui n’ont pas favorisé leur respect mutuel, à commencer par leurs propres droits à l’expression. Les exemples ne manquent pas qui, notamment de nos jours, invitent à des efforts de compréhension des situations internes et du vécu des populations face à des totalitarismes, puis à des transitions vers la démocratie plus ou moins délicates ou conflictuelles comme en Albanie25. Des exemples qui montrent, quitte à être analysés par les historiens comme par les spécialistes de la science politique, que la légitimité démocratique n’est pas qu’une simple affirmation, qu’elle se conquiert dans la permanence de la dialectique de la « force » et de la « peur », avec l’appui de réseaux ou de corps intermédiaires en fonction de leurs intérêts.
Dans cette perspective, les réflexions critiques sur les « révolutions », dont celles de l’Italien Guglielmo Ferrero (1871-1942), gardent leur pertinence dans l’examen de ce genre de situations, a fortiori lors de la mutation d’un « ordre social » vers un autre, en lien avec le diptyque « droit d’opposition » et « liberté de suffrage »26.
Par rapport à notre thématique, des clarifications sont apportées ici sur l’évolution de l’Europe centrale et orientale, au sens le plus large de cette expression allant au-delà de l’Öster Reich d’autrefois.
Une région d’Europe oubliée à l’Ouest
De toute évidence, les pays de cette « région » sont concernés par des problèmes touchant des populations définies par leurs spécificités, qu’elles soient linguistiques, religieuses, ou forgées par une histoire plus ou moins mouvementée et caractérisée par la géographie. Autrement dit, par les milieux naturels et la richesse des sols pour s’établir sur un territoire, se l’approprier au quotidien pour y vivre et assurer son avenir (cf. Braudel27). L’arc de cercle de la chaîne des Carpates n’a pas échappé à cette réalité humaine, allant de l’Ukraine à la Roumanie, via la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, tout comme le Danube, deuxième fleuve d’Europe (2 850 km) après la Volga, né en Forêt Noire et s’écoulant vers la Mer Noire après avoir traversé dix pays.
L’histoire de cette région ne saurait être comprise sans la prise en compte des réalités des territoires investis par les peuples successifs au fil des millénaires, et souvent confrontés les uns aux autres tout en trouvant des périodes d’harmonie et de paix. Mais, en Europe centrale et orientale, que de bouleversements depuis les processus de démocratisation tardifs avec des transitions plus ou moins rapides ! Notamment dans le domaine des industries culturelles et dans les marchés des médias privés, en particulier dans l’audiovisuel ! Le rôle des médias d’information, alors placés sous l’autorité du gouvernement ou du Parti communiste, est encore un sujet peu analysé lors des mutations de ce genre28. D’où l’intérêt des contributions apportées par les spécialistes de cette partie de l’Europe.
Ayant récemment participé, à Paris, à un colloque sur l’Europe du Centre-Est dans l’Union européenne29, nous confirmons ce dont nous nous doutions in situ lors de divers déplacements. Des historiens de l’Ouest, y compris en France, reconnaissent avoir oublié, pour ne pas dire sous-estimé, cette région de l’Europe. Or, dans l’Union en construction, il est utile de dialoguer davantage afin d’avoir une vue convergente sur la communauté de destin projetée, mais en tenant compte des diverses réalités historiques. Y compris quand il y a des contraintes nationales et des temporalités différentes face à une évolution semblant aller de soi à l’Ouest ! On y oublie souvent que, lors de la transition du XIXe au XXe siècle, il n’y avait que deux Républiques : la France et la Suisse !
Si décalage chez les historiens il y a, même quand ils se sont démarqués de l’histoire officielle, échanger est donc nécessaire. A fortiori face à l’importance prise par l’activité médiatique, sous toutes ses formes, avec ses productions et représentations des peuples, des États, des passés, sans tenir compte des réalités locales et des fondements culturels des uns et des autres. Si la Pologne peut faire référence à son expérience d’une Res Publica polono-lituanienne ayant pris fin au XVIe siècle, la Slovaquie, en tant que territoire et en raison de sa géographie, peut-elle affirmer avoir toujours été occupée par les Slovaques ? Quid des royautés multiples confrontées à l’Empire Ottoman au fil du temps ? De même, le concept d’Europe centrale ou médiane, qui a émergé après la victoire de la Prusse sur la France en 1870, impliquait déjà la reconnaissance des nationalités. Quid de l’accord de libre-échange Centre-Europe établi à Višegrad (Hongrie) en 1992 entre la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie, appelé V4 après la séparation de la Slovaquie en 1993 ? Or, à l’Ouest, l’Europe centrale a été oubliée après 1945.
Certes, en tant que symbole, l’année 1989 a engagé des retrouvailles. Mais était-ce toujours dans la clarté par rapport aux espérances ? À lire la presse ou à regarder la télévision sur certains événements ou prises de position politiques, on peut être surpris par bien des incompréhensions concernant cette région de l’Europe ! Présentement, nous ne discutons pas ici des choix politiques de Georges Clemenceau, président du Conseil des ministres français, après l’armistice du 11 novembre 1918, ou de la manière dont les 14 points du Président des États-Unis, Thomas Woodrow Wilson, ont été pris en compte, notamment celui sur le respect du « développement autonome pour les peuples de l’Autriche-Hongrie » (point 5), lors des traités de Paix de Versailles, Saint-Germain, Trianon, Sèvres30. Les interventions des historiens en montrent les conséquences concrètes et humaines.
Une réalité ré-émergeante
En rappelant, encore une fois, que le sujet traité relève de réalités qui ré-émergent à l’échelle planétaire, nous concluons modestement cette présentation. Venant de l’Université de Strasbourg, capitale de l’Alsace, nous nous permettons de rappeler que les Lorrains et Alsaciens du Bitcherland ou Pays de Bitche, situé au nord de cette région frontalière, sont environ 40 000 dans la Batschka et le Banat de Temesvar, entre Budapest et Belgrade ! Des territoires relevant de l’Autriche-Hongrie au XVIIIe siècle à qui l’Empire Ottoman les avait cédés après sa défaite en 1718, mais partagés en 1919 entre la Hongrie, la Roumanie et la Yougoslavie ! Il est vrai que ces Alsaciens-Lorrains, comme d’autres Sarrois et Luxembourgeois, avaient été « invités » par la famille des Habsbourg (dont l’impératrice Marie-Thérèse), à coloniser une zone pour assurer leur avenir économique et familial. L’Empire Russe fit de même au XIXe siècle en appelant des populations du Rhin à s’installer en Podolie, en Tauride ou en Crimée. Idem pour les Allemands de Transylvanie dont on a redécouvert les origines à l’occasion de l’attribution du Prix Nobel de littérature 2009 à Herta Muller, roumaine d’origine allemande ayant fui le régime de Ceausescu en 1987 avec son compagnon, l’écrivain Richard Wagner !
Beaucoup d’autres cas de populations déplacées pourraient être rappelés… En France, par exemple, Le Monde a récemment fait état des tentations autonomistes ou séparatistes des Magyars des Sicules en Roumanie31. Bien des sujets de ce genre sont méconnus à l’Ouest, à l’instar de la Transylvanie déjà mentionnée et rattachée à la Roumanie, ou des problèmes interactifs et plus ou moins récurrents entre la Bessarabie, l’Ukraine et la Russie, la Moldavie et ses voisins. Mais les identités régionales ou locales demeurent aussi une réalité au Nord, comme en Finlande avec des rattachements successifs à ses voisins dont la Carélie demeure un exemple…
Comme chaque contributeur à l’ouvrage, nous avons une insertion culturelle que nous partageons avec d’autres, même si nous pouvons en discuter sur bien des aspects ! Nous étant référé à Edward T. Hall, il est évident que nous ne sommes pas observateur de n’importe quel point de vue culturel, et ceci malgré les efforts faits en termes de distanciation en vue des échanges transculturels valorisés par cet auteur ! Chacun aborde l’existence avec ses racines et règles culturelles implicites. Autant en avoir conscience dans nos contextes respectifs et, notamment, dans une démarche se voulant nécessairement distanciatrice !
Spécificité de notre approche
Notre manière de prendre en compte des réalités observées et observables, non seulement par les spécialistes mais aussi par ceux qui les vivent, sur le plan individuel comme sur le plan social, nous conduit à rester concret. Nous ne nous fondons donc pas sur des théories ou des constructions épistémologiques toutes faites et toujours débattues comme les Cultural Studies initiées par Stuart Hall32. Nous considérons au mieux les approches se référant à la Déclaration universelle des droits des êtres humains compris comme personnes et membres de groupes ou communautés. Notre démarche, certes, fait appel aux connaissances acquises au sein des disciplines relevant des sciences humaines et sociales, des sciences politiques et juridiques. Mais, comme aucune d’entre elles ne saurait prétendre à l’examen de la globalité de notre champ d’observation, la transdisciplinarité s’impose. Au service de l’objet, elle suppose la mise à disposition des disciplines utiles à son étude, a fortiori quand celui-ci se présente comme complexe, tout comme elle invite au dépassement de chacune d’elles et de ses frontières afin de mieux saisir une réalité ne pouvant être considérée comme figée.
Si cette orientation s’impose en raison des contextes spécifiques, elle n’exclut pas les savoirs existants et invite à l’émergence de savoirs nouveaux pour une meilleure compréhension de l’objet repositionné in situ. Elle ne se porte pas vers une représentation théorique ou symbolique unique, voire une idéologie de l’universel liée à une forme de mondialisation de l’intellect ne se prêtant guère à discussion. Nous essayons de relater les réalités du vécu en lien avec le passé et un avenir ne se construisant pas hors du présent et de la compréhension des êtres humains. Comme indiqué, nous utilisons divers « observatoires ». Si celui de l’économie tend à s’imposer (cf. Braudel), nous ne saurions laisser les autres de côté, dont les sciences de l’information et de la communication avec leurs apports sur les connaissances relatives aux médias et aux industries culturelles. Toute théorisation de la problématique ne saurait donc s’imposer en l’état des données et des indicateurs disponibles et/ou utilisés par les auteurs avec leurs références disponibles et actuelles.
En conclusion, après avoir pris en compte les apports de la rencontre internationale réalisée en Slovaquie, nous restons modestes quant aux résultats. Si le sujet est loin d’être épuisé faute de pouvoir être traité de façon exhaustive, les prestations faites sont déjà fort utiles. Si la mondialisation renvoie à biens des imaginaires et représentations collectives discutées, car discutables33, « l’expression médiatique de la diversité culturelle dans les pays de l’Europe centrale et orientale » gagnera encore à être examinée en d’autres occasions dans le souci de la meilleure compréhension mutuelle possible.
Mais, sur le registre qui est le nôtre, et a fortiori dans cette région du monde en raison de son histoire, un constat majeur s’impose allant à l’encontre des paroles de l’hymne célèbre d’Eugène Pottier (1816-1887), devenu l’Internationale34.
« Du passé faisons table-rase ! » De formes du passé, mais nullement de tout le passé. Qu’en serait-il alors du présent ?
1. Cf. Annie LENOBLE-BART et Michel MATHIEN (dir.), Les médias de la diversité culturelle dans les pays latins d’Europe, Bruylant, Bruxelles, 2011.
2. Serge Théophile BALIMA et Michel MATHIEN (dir.), Médias de la diversité culturelle en Afrique. Entre traditions et mondialisation, Larcier-Bruylant, Bruxelles, 2011.
3. Cf. Jean-Baptiste DUROSELLE,Tout empire périra, Publications de la Sorbonne, Paris, 1981.
4. D’où la Convention de l’Unesco de 2005.
5. Selon Jacques LE GOFF, « Heurs et malheurs des mondialisations », Cahiers français, décembre 2001, no 305, Paris, La Documentation française, pp. 3-6. Cf. Fernand BRAUDEL, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, 3 vol., Armand Colin, 1979.
6. Cf.Guide du comportement dans les affaires internationales, Seuil, Paris, 1990.
7. Op. cit., p. 32.
8. Gabriel TARDE, Les lois de l’imitation, Les Empêcheurs de penser en rond / Seuil, 2001, préface de Jean-Philippe ANTOINE (1re édition 1890, 2e 1895).
9. « La diversité culturelle en Afrique. Un enjeu de la mondialisation. Perspectives d’une démarche », in Médias de la diversité culturelle en Afrique. Entre traditions et mondialisation, op. cit., pp. XXVI-XXVII.
10. Cf. les Commentaires du CDDH sur la Recommandation 1735 (2006) de l’Assemblée parlementaire sur le concept de « nation », y compris la question de l’appui des États d’origine aux minorités nationales (adoptés à sa 65e réunion, 6-9 novembre 2007). Dont les commentaires 2 et 3 sur la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte des langues minoritaires. Il a rappelé (commentaire 4) que « la protection des minorités nationales fait partie intégrante de la protection internationale des droits de l’Homme ».
11. Gilbert RIST, La culture otage du développement, L’Harmattan, Paris, 1994, p. 42.
12. Cf. notamment Les médias de l’expression de la diversité culturelle en Afrique, op. cit., « Pour enter en matière », pp. XVI-XXIV ; ou aussi Michel MATHIEN, « L’actualité du NOMIC ou la récurrence d’un débat international discret », in Annuaire français de relations internationales, Bruylant, La Documentation française, Bruxelles, Paris, vol. 12, 2011, pp. 967-987.
13. Unesco, Documentation française, Nouvelles éditions africaines, Paris, Dakar, 1980, 367 pages.
14. Groupe réunissant les « Pays en voie de développement » ou « Pays du Sud ».
15. Dennis L. MEADOWS et al., Halte à la croissance ?, Fayard, Paris, 1972.
16. Joseph E. STIGLITZ,La Grande désillusion, Fayard, Paris, 2002.
17. Cf. par exemple, Herbert I. SCHILLER, Communication and Cultural Domination, White Plains, International and Sciences Press Inc., 1976, ou Armand MATTELART, Multinationales et systèmes de communication. Les appareils idéologiques de l’impérialisme, Anthropos, Paris, 1976 ; ou du même sur l’enjeu de notre thématique dans ce contexte, Diversité culturelle et mondialisation, La Découverte, Paris, 2005.
18. Cf. par exemple, Jean-Michel VALANTIN, Hollywood, le Pentagone et le monde. Les trois acteurs de la stratégie mondiale, Autrement, Paris, 2010.
19. À l’occasion du colloque du Centre d’études et de documentations économiques, juridiques et sociales (CEDEJ, Le Caire, 2-3 novembre 1991), sur « Identité culturelle arabe et nouvelles technologies de communication », qui n’a pas donné lieu à publication. À la même époque, cf. l’étude critique de Tamar LIEBES et Elihu KATZ, The Export of Meaning. Cross-Cultural Readings of Dallas, Oxford University Press, New York, 1990 ; ou, récemment, François JOST, De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme, CNRS Éditions, Paris, 2011. À cette rencontre, notre propos portait (comme par hasard !) sur « La communication régionale ou de proximité. Un contrepoids à l’emprise de la télévision sans frontières ».
20. Samuel P. HUNTINGTON,Le choc des civilisations, Odile Jacob, Paris, 1997 (trad. The Clash of civilizations and the Remaking of World Order, 1996).
21. Umberto ECO, L’Œuvre ouverte, Seuil, Paris, 1965, p. 48.
22. Trois tomes parus depuis 2006 dans les deux langues. Si cette expérience peut prêter à débat car centrée en priorité sur l’entente franco-allemande, elle est un précédent à la compréhension des peuples. Relevons que Germaine de Staël avait déjà amorcé une démarche de ce genre mais élargie à la philosophie, la culture et la connaissance des peuples dans son ouvrage De l’Allemagne paru en 1813, lors de son exil à Londres, car censurée par Napoléon ne supportant plus la fille de Jacques Necker – nom signifiant « taquin » en allemand –, une française libérale !
23. C’est la conclusion et l’esprit de l’ouvrage que nous avions dirigé, La médiatisation de l’histoire. Ses risques et ses espoirs, Bruylant, Bruxelles, 2005 (préface de Jean Favier, membre de l’Institut).
24. Pour une bonne synthèse de ce passé entre deux Guerres mondiales, cf. Pierre BONNOURE, Histoire de la Tchécoslovaquie, PUF (« Que sais-je ?), Paris, 1968.
25. Cf. Artan FUGA, L’Albanie entre la pensée totalitaire et la raison fragmentaire, L’Harmattan, Paris, 1998.
26. Guglielmo FERRERO, Pouvoir. Les génies invisibles de la Cité, Librairie Générale Française, Livre de Poche, Paris, 1988. Décédé en France où il s’était réfugié, l’auteur avait, notamment et largement, analysé les révolutions du XIXe siècle, leurs espoirs et leurs déceptions, en France et en l’Italie.
27. Fernand BRAUDEL, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, LGF, Paris, 1993.
28. Sur ce sujet peu traité, cf. la publication des actes du colloque tenu à Oradea (Roumanie) du 11 au 14 octobre 2001, réalisée par Ioan HORGA et Renaud DE LA BROSSE (dir.), Le rôle des médias et des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la démocratisation des sociétés de l’Europe centrale et orientale, Bruxelles, 2002 (publié par l’Institut International des Sciences Administratives IISA).
29. Place de l’Europe du Centre-Est dans l’Union européenne : spécificités, apports, perspectives (18 mai 2011) ; journée organisée par l’Association des Internationalistes présidée par Georges-Henri Soutou.
30. Cf. par exemple, l’ouvrage original récent réalisé par Olivier LOWCZYK, La fabrique de la paix. Du Comité d’études à la Conférence de la paix. L’élaboration par la France des traités de la première guerre mondiale, Economica, Paris, 2010 ; il permet de revenir sur un sujet sous-traité en lien avec des problèmes actuels.
31. Mirel BRAN, « Tensions entre la Roumanie et la Hongrie autour de la minorité magyare des Sicules », Le Monde, 8 juin 2011.
32. Cf. son article de référence : « The Local and the Global : Globalization and Ethnicity », in Anthony D. KING (ed.), Culture, Globalization and the World-System. Contemporary Conditions for the Representation of Identity, University of Minnesota Press, Minneapolis, 1991, 1997.
33. Zaki LAÏDI, « Les imaginaires de la mondialisation », Esprit, octobre 1998, pp. 85-98.
34. Pottier, chansonnier, poète, écrivit le poème original en pleine révolution de la Commune de Paris en 1871, Pierre Degeyter, musicien de la chorale lilloise du Parti Ouvrier Français en fit la musique en 1888, (« Qu’enfin le passé s’engloutisse ! » – 6e couplet de la première version chantée – passé au cinquième verset du 1er couplet devenu universel : « Du passé faisons table rase »).
Introduction IILa diversité culturelleen Europe centrale et orientale.Une réalité forte
PARDANUŠA SERAFÍNOVÁ
Le colloque international sur « L’expression médiatique de la diversité culturelle dans les pays de l’Europe centrale et orientale », qui s’est tenu du 20 au 22 juin 2011 à Čierna Voda/Bratislava, est le troisième d’un cycle organisé par la Chaire Unesco de l’Université de Strasbourg sur l’initiative de Michel Mathien, son titulaire. Après Bordeaux et Ouagadougou, les organisateurs slovaques et français ont réussi à rassembler un groupe d’universitaires, chercheurs et autres spécialistes de Slovaquie, République tchèque, Russie, Pologne, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Albanie, pour discuter de la pratique journalistique et médiatique, entre mondialisation et diversité culturelle des pays susnommés.
Cette rencontre eut lieu sous l’égide de Rudolf Chmel, Vice-premier ministre du gouvernement de la République slovaque pour les Droits de l’Homme et les Minorités. En son nom, Kálmám Petöcz, directeur général de la Section des Droits de l’Homme et du traitement égalitaire du Bureau du gouvernement de la République Slovaque, s’est adressé aux participants. Jean-Marie Bruno, Ambassadeur de France en Slovaquie, a souligné l’importance de l’organisation de telles rencontres dans son discours introductif. Au nom des universités coorganisatrices, Jozef Matúš, recteur de l’Université Saints Cyrille et Méthode de Trnava, et Jana Benická, vice-doyenne de la Faculté des lettres de l’Université Comenius de Bratislava, nous ont fait l’honneur d’ouvrir les débats. Puis, Dana Petranová, doyenne de la Faculté de communication médiatique de l’Université Saints Cyrille et Méthode, a mis en évidence l’importance et les enjeux de ce colloque en Europe centrale et orientale. Enfin, Anne-Marie Laulan, professeur émérite de sociologie à l’Université française de Bordeaux 3, a fait une approche comparative de la sociologie de la diversité culturelle.
Cet ouvrage contient les interventions faites à cette rencontre. Après les préliminaires et le cadrage général de la dynamique engagée, divers aspects de la problématique sont présentés après cette introduction. Des rappels philosophiques et politiques sont mis en avant ainsi que des descriptions et explications de la situation des médias concernant les minorités dans les pays cités de l’Europe centrale et orientale classés géographiquement.
Le tour d’horizon de la problématique se concentre ensuite sur des réflexions sur l’avenir de la diversité culturelle ainsi que sur les conclusions sur l’état actuel du sujet en Europe centrale et orientale dont les enjeux et les perspectives. D’où la présentation en cinq parties de l’ouvrage.
Aspects généraux de la problématique et des rapports humains
En première partie, le cadre philosophique et universel est mis en valeur par Tadeusz Zasępa par une réflexion sur le besoin pressant de confiance entre les nations et les peuples allant au-delà des déclarations et des mots (chapitre 1). Jozef Matúš et Tatiana Blahútová mettent en avant l’enjeu de l’expression médiatique de la diversité culturelle dans les pays européens, surtout sous leurs aspects législatifs, institutionnels et économiques (chapitre 2). Miroslav Dudok, dans le contexte de la linguistique ainsi que dans celui de la théorie de la littérature, traite des aspects linguistiques de la diversité culturelle en la thématisant sur la base de la situation concrète du slovaque (chapitre 3). Les aspects juridiques et éthiques du sujet en Slovaquie sont ensuite expliqués par Miloš Mistrík (chapitre 4). Puis, Hana Pravdová pose les problèmes de « colonisation » et de « décolonisation » liés au contexte du développement des industries culturelles avec leurs discours dominants (chapitre 5). Quant à Jozef Švoňavský, acteur engagé et vice-président du Bureau de la Coalition slovaque pour la diversité culturelle, il montre (chapitre 6) le rôle de la société civile au sein d’une organisation membre de la Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle (FICDC) créée par l’Unesco.
En Slovaquie et au-delà
Nous-mêmes ouvrons la deuxième partie par un regard sur le passé de la diversité culturelle en Slovaquie, ceci dans le contexte de la formation des États (chapitre 7). La situation actuelle des médias de la diversité culturelle en Slovaquie, appuyée sur les statistiques concernant les minorités (Ruthènes, Allemands, Polonais, Roms établis en Slovaquie), est exposée par Svetlana Hlavčáková (chapitre 8). Puis, Eva Poláková décrit la situation de la minorité la plus nombreuse en Slovaquie (les Hongrois), accompagnant son texte d’une riche annexe (chapitre 9). Ruthènes et Ukrainiens en Slovaquie et leurs médias sont présentés par Mária Follrichová (chapitre 10). Pavol Holeštiak apporte ensuite une vue générale sur la presse de la minorité slovaque dans les pays du V41 et dans l’Europe du Sud-est (chapitre 11). Le journalisme de la minorité slovaque en Ukraine est traité par Mária Follrichová (chapitre 12). Enfin, Imrich Fuhl, fondateur du portail des Slovaques en Hongrie luno.hu