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Fantasio est cynique, blasé, révolté. Il a « le mois de mai sur les joues, le mois de janvier dans le coeur ». Bref, il s'ennuie, malgré sa jeunesse. Dans cette Allemagne mi-bourgeoise, mi-féodale et romantique où il vit, son ami Spark, solide gaillard qui sait composer avec la médiocrité de la société, tente en vain de le ramener au « normal ». Mais ce que Fantasio cherche au plus profond de lui, c'est une grande pensée, une grande action à accomplir. Celle-ci se présente à lui le jour où l'on prépare le mariage --forcé -- de la princesse Elsabeth avec un fat et ridicule prince de Mantoue.
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Seitenzahl: 53
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Personnages
Acte premier
Scène I
Scène II
Scène III
Acte second
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
LE ROI DE BAVIÈRE. LE PRINCE DE MANTOUE. MARINONI, son aide-de-camp. RUTTEN, secrétaire du roi. FANTASIO, jeune homme de la ville. HARTMAN, jeune homme de la ville. FACIO, jeune homme de la ville. OFFICIERS, PAGES, etc. ELSBETH, fille du roi de Bavière. LA GOUVERNANTE D’ELSBETH.
(Munich.)
À la cour Le roi, entouré de ses courtisans ; Rutten.
LE ROI
Mes amis, je vous ai annoncé, il y a déjà longtemps, les fiançailles de ma chère Elsbeth avec le prince de Mantoue. Je vous annonce aujourd’hui l’arrivée de ce prince ; ce soir peut-être, demain au plus tard, il sera dans ce palais. Que ce soit un jour de fête pour tout le monde ; que les prisons s’ouvrent, et que le peuple passe la nuit dans les divertissements. Rutten, où est ma fille ?
Les courtisans se retirent.
RUTTEN
Sire, elle est dans le parc, avec sa gouvernante.
LE ROI
Pourquoi ne l’ai-je pas encore vue aujourd’hui ? Est-elle triste ou gaie de ce mariage qui s’apprête ?
RUTTEN
Il m’a paru que le visage de la princesse était voilé de quelque mélancolie. Quelle est la jeune fille qui ne rêve pas la veille de ses noces ? La mort de Saint-Jean l’a contrariée.
LE ROI
Y penses-tu ? la mort de mon bouffon ? d’un plaisant de cour bossu et presque aveugle ?
RUTTEN
La princesse l’aimait.
LE ROI
Dis-moi, Rutten, tu as vu le prince ; quel homme est-ce ? Hélas ! je lui donne ce que j’ai de plus précieux au monde, et je ne le connais point.
RUTTEN
Je suis demeuré fort peu de temps à Mantoue.
LE ROI
Parle franchement. Par quels yeux puis-je voir la vérité, si ce n’est par les tiens ?
RUTTEN
En vérité, sire, je ne saurais rien dire sur le caractère et l’esprit du noble prince.
LE ROI
En est-il ainsi ? Tu hésites ? toi, courtisan ! De combien d’éloges l’air de cette chambre serait déjà rempli, de combien d’hyperboles et de métaphores flatteuses, si le prince qui sera demain mon gendre t’avait paru digne de ce titre ! Me serais-je trompé, mon ami ? Aurais-je fait en lui un mauvais choix ?
RUTTEN
Sire, le prince passe pour le meilleur des rois.
LE ROI
La politique est une fine toile d’araignée, dans laquelle se débattent bien des pauvres mouches mutilées ; je ne sacrifierai le bonheur de ma fille à aucun intérêt.
Ils sortent.
Une rue Spark, Hartman et Facio, buvant autour d’une table.
HARTMAN
Puisque c’est aujourd’hui le mariage de la princesse, buvons, fumons, et fâchons de faire du tapage.
FACIO
Il serait bon de nous mêler à tout ce peuple qui court les rues, et d’éteindre quelques lampions sur de bonnes têtes de bourgeois.
SPARK
Allons donc ! fumons tranquillement.
HARTMAN
Je ne ferai rien tranquillement ; dussé-je me faire battant de cloche et me pendre dans le bourdon de l’église, il faut que je carillonne un jour de fête. Où diable est donc Fantasio ?
SPARK
Attendons-le ; ne faisons rien sans lui.
FACIO
Bah ! il nous retrouvera toujours. Il est à se griser dans quelque trou de la rue Basse. Holà, ohé ! un dernier coup !
Il lève son verre.
UN OFFICIER, entrant.
Messieurs, je viens vous prier de vouloir bien aller plus loin, si vous ne voulez point être dérangés dans votre gaîté.
HARTMAN
Pourquoi, mon capitaine ?
L’OFFICIER
La princesse est dans ce moment sur la terrasse que vous voyez, et vous comprenez aisément qu’il n’est pas convenable que vos cris arrivent jusqu’à elle.
Il sort.
FACIO
Voilà qui est intolérable !
SPARK
Qu’est-ce que cela nous fait de rire ici ou ailleurs ?
HARTMAN
Qui est-ce qui nous dit qu’ailleurs il nous sera permis de rire ? Vous verrez qu’il sortira un drôle en habit vert, de tous les pavés de la ville, pour nous prier d’aller rire dans la lune.
Entre Marinoni, couvert d’un manteau.
SPARK
La princesse n’a jamais fait un acte de despotisme de sa vie. Que Dieu la conserve ! Si elle ne veut pas qu’on rie, c’est qu’elle est triste, ou qu’elle chante ; laissons-la en repos.
FACIO
Humph ! voilà un manteau rabattu qui flaire quelque nouvelle. Le gobemouche a envie de nous aborder.
MARINONI, approchant.
Je suis étranger, messieurs ; à quelle occasion cette fête ?
SPARK
La princesse Elsbeth se marie.
MARINONI
Ah ! ah ! c’est une belle femme, à ce que je présume ?
HARTMAN
Comme vous êtes un bel homme, vous l’avez dit.
MARINONI
Aimée de son peuple, si j’ose le dire, car il me paraît que tout est illuminé.
HARTMAN
Tu ne te trompes pas, brave étranger, tous ces lampions allumés que tu vois, comme tu l’as remarqué sagement, ne sont pas autre chose qu’une illumination.
MARINONI
Je voulais demander par là si la princesse est la cause de ces signes de joie.
HARTMAN
L’unique cause, puissant rhéteur. Nous aurions beau nous marier tous, il n’y aurait aucune espèce de joie dans cette ville ingrate.
MARINONI
Heureuse la princesse qui sait se faire aimer de son peuple !
HARTMAN
Des lampions allumés ne font pas le bonheur d’un peuple, cher homme primitif. Cela n’empêche pas la susdite princesse d’être fantasque comme une bergeronnette.
MARINONI
En vérité ? vous avez dit fantasque ?
HARTMAN
Je l’ai dit, cher inconnu, je me suis servi de ce mot.
Marinoni salue et se retire.
FACIO
À qui diantre en veut ce baragouineur d’italien ? Le voilà qui nous quitte pour aborder un autre groupe. Il sent l’espion d’une lieue.
HARTMAN
Il ne sent rien du tout ; il est bête à faire plaisir.
SPARK
Voilà Fantasio qui arrive.
HARTMAN
Qu’a-t-il donc ? il se dandine comme un conseiller de justice. Ou je me trompe fort, ou quelque lubie mûrit dans sa cervelle.
FACIO
Eh bien ! ami, que ferons-nous de cette belle soirée ?
FANTASIO, entrant.
Tout absolument, hors un roman nouveau.
FACIO
Je disais qu’il faudrait se lancer dans cette canaille, et nous divertir un peu.
FANTASIO
L’important serait d’avoir des nez de carton et des pétards.
HARTMAN
Prendre la taille aux filles, tirer les bourgeois par la queue et casser les lanternes. Allons, partons, voilà qui est dit.
FANTASIO
Il était une fois un roi de Perse…
HARTMAN
Viens donc, Fantasio.
FANTASIO
Je n’en suis pas, je n’en suis pas !
HARTMAN
Pourquoi ?
FANTASIO