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"On ne badine pas avec l'amour" est une pièce de théâtre en trois actes écrite par Alfred de Musset en 1834. L'histoire suit le jeune prince Perdican, qui revient dans sa ville natale après des années passées à l'étranger. Il tombe amoureux de sa cousine Camille, mais refuse de l'avouer par orgueil et peur d'être rejeté. Les personnages de la pièce explorent les thèmes de l'amour, de la fierté, de la trahison et de la quête de soi. Les complications romantiques et les malentendus amoureux créent un environnement dramatique qui met en lumière les nuances de la psyché humaine. La pièce a été adaptée dans de nombreuses productions théâtrales et cinématographiques, et continue de captiver les amateurs de théâtre et de littérature du monde entier.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alfred de Musset (1810-1857) est un poète, dramaturge et romancier français célèbre pour ses œuvres romantiques. Né à Paris, il a commencé à écrire de la poésie dès son plus jeune âge. En 1832, il rencontre George Sand, une écrivaine française célèbre, avec qui il a une relation tumultueuse qui a inspiré certaines de ses œuvres les plus célèbres. Parmi ses pièces de théâtre les plus connues, on peut citer "Les Caprices de Marianne" (1833) et "On ne badine pas avec l'amour" (1834). Alfred de Musset a été élu à l'Académie française en 1852, mais sa santé mentale s'est détériorée à la fin de sa vie et il est décédé en 1857 à l'âge de 46 ans.
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On ne badine pas avec l'amour
Alfred de Musset
– 1834 –
ACTE PREMIER
SCÈNE PREMIÈRE
Une place devant le château.
MAÎTRE BLAZIUS, DAME PLUCHE,
LE CHŒUR
LE CHŒUR
Doucement bercé sur sa mule fringante, maître Blazius s’avance dans les bluets fleuris, vêtu de neuf, l’écritoire au côté. Comme un poupon sur l’oreiller, il se ballotte sur son ventre rebondi, et les yeux à demi fermés, il marmotte un Pater noster dans son triple menton. Salut, maître Blazius ; vous arrivez au temps de la vendange, pareil à une amphore antique.
MAÎTRE BLAZIUS
Que ceux qui veulent apprendre une nouvelle d’importance m’apportent ici premièrement un verre de vin frais.
LE CHŒUR
Voilà notre plus grande écuelle ; buvez, maître Blazius ; le vin est bon ; vous parlerez après.
MAÎTRE BLAZIUS
Vous saurez, mes enfants, que le jeune Perdican, fils de notre seigneur, vient d’atteindre à sa majorité, et qu’il est reçu docteur à Paris. Il revient aujourd’hui même au château, la bouche toute pleine de façons de parler si belles et si fleuries, qu’on ne sait que lui répondre les trois quarts du temps. Toute sa gracieuse personne est un livre d’or ; il ne voit pas un brin d’herbe à terre, qu’il ne vous dise comment cela s’appelle en latin ; et quand il fait du vent ou qu’il pleut, il vous dit tout clairement pourquoi. Vous ouvririez des yeux grands comme la porte que voilà, de le voir dérouler un des parchemins qu’il a coloriés d’encres de toutes couleurs, de ses propres mains et sans rien en dire à personne. Enfin c’est un diamant fin des pieds à la tête, et voilà ce que je viens annoncer à M. le baron. Vous sentez que cela me fait quelque honneur, à moi, qui suis son gouverneur depuis l’âge de quatre ans ; ainsi donc, mes bons amis, apportez une chaise, que je descende un peu de cette mule-ci sans me casser le cou ; la bête est tant soit peu rétive, et je ne serais pas fâché de boire encore une gorgée avant d’entrer.
LE CHŒUR
Buvez, maître Blazius, et reprenez vos esprits. Nous avons vu naître le petit Perdican, et il n’était pas besoin, du moment qu’il arrive, de nous en dire si long. Puissions-nous retrouver l’enfant dans le cœur de l’homme.
MAÎTRE BLAZIUS
Ma foi, l’écuelle est vide ; je ne croyais pas avoir tout bu. Adieu ; j’ai préparé, en trottant sur la route, deux ou trois phrases sans prétention qui plairont à monseigneur ; je vais tirer la cloche.
(Il sort.)
LE CHŒUR
Durement cahotée sur son âne essoufflé, dame Pluche gravit la colline ; son écuyer transi gourdine à tour de bras le pauvre animal, qui hoche la tête, un chardon entre les dents. Ses longues jambes maigres trépignent de colère, tandis que, de ses mains osseuses, elle égratigne son chapelet. Bonjour donc, dame Pluche, vous arrivez comme la fièvre, avec le vent qui fait jaunir les bois.
DAME PLUCHE
Un verre d’eau, canaille que vous êtes ! un verre d’eau et un peu de vinaigre !
LE CHŒUR
D’où venez-vous, Pluche, ma mie ? vos faux cheveux sont couverts de poussière ; voilà un toupet de gâté, et votre chaste robe est retroussée jusqu’à vos vénérables jarretières.
DAME PLUCHE
Sachez, manants, que la belle Camille, la nièce de votre maître, arrive aujourd’hui au château. Elle a quitté le couvent sur l’ordre exprès de monseigneur, pour venir en son temps et lieu recueillir, comme faire se doit, le bon bien qu’elle a de sa mère. Son éducation, Dieu merci, est terminée ; et ceux qui la verront auront la joie de respirer une glorieuse fleur de sagesse et de dévotion. Jamais il n’y a rien eu de si pur, de si ange, de si agneau et de si colombe que cette chère nonnain, que le Seigneur Dieu du ciel la conduise ! Ainsi soit-il. Rangez-vous, canaille ; il me semble que j’ai les jambes enflées.
LE CHŒUR
Défripez-vous, honnête Pluche, et quand vous prierez Dieu, demandez de la pluie ; nos blés sont secs comme vos tibias.
DAME PLUCHE
Vous m’avez apporté de l’eau dans une écuelle qui sent la cuisine ; donnez-moi la main pour descendre ; vous êtes des butors et des malappris.
(Elle sort.)
LE CHŒUR
Mettons nos habits du dimanche, et attendons que le baron nous fasse appeler. Ou je me trompe fort, ou quelque joyeuse bombance est dans l’air d’aujourd’hui.
(Ils sortent.)
SCÈNE II
Le salon du baron.
EntrentLE BARON, MAÎTRE BRIDAINE, et MAÎTRE BLAZIUS.
LE BARON
Maître Bridaine, vous êtes mon ami ; je vous présente maître Blazius, gouverneur de mon fils. Mon fils a eu hier matin, à midi huit minutes, vingt et un ans comptés ; il est docteur à quatre boules blanches. Maître Blazius, je vous présente maître Bridaine, curé de la paroisse ; c’est mon ami.
MAÎTRE BLAZIUS, saluant.
À quatre boules blanches, seigneur ! littérature, botanique, droit romain, droit canon.
LE BARON
Allez à votre chambre, cher Blazius, mon fils ne va pas tarder à paraître ; faites un peu de toilette, et revenez au coup de la cloche.
(Maître Blazius sort.)
MAÎTRE BRIDAINE
Vous dirai-je ma pensée, monseigneur ? le gouverneur de votre fils sent le vin à pleine bouche.
LE BARON
Cela est impossible.
MAÎTRE BRIDAINE
J’en suis sûr comme de ma vie ; il m’a parlé de fort près tout à l’heure ; il sentait le vin à faire peur.
LE BARON
Brisons là ; je vous répète que cela est impossible.
(Entre dame Pluche.) Vous voilà, bonne dame Pluche ! Ma nièce est sans doute avec vous ?
DAME PLUCHE
Elle me suit, monseigneur, je l’ai devancée de quelques pas.
LE BARON
Maître Bridaine, vous êtes mon ami. Je vous présente la dame Pluche, gouvernante de ma nièce. Ma nièce est depuis hier, à sept heures de nuit, parvenue à l’âge de dix-huit ans ; elle sort du meilleur couvent de France. Dame Pluche, je vous présente maître Bridaine, curé de la paroisse ; c’est mon ami.
DAME PLUCHE, saluant.
Du meilleur couvent de France, seigneur, et je puis ajouter : la meilleure chrétienne du couvent.
LE BARON
Allez, dame Pluche, réparer le désordre où vous voilà ; ma nièce va bientôt venir, j’espère ; soyez prête à l’heure du dîner.
(Dame Pluche sort.)
MAÎTRE BRIDAINE
Cette vieille demoiselle paraît tout à fait pleine d’onction.
LE BARON
Pleine d’onction et de componction, maître Bridaine ; sa vertu est inattaquable.
MAÎTRE BRIDAINE
Mais le gouverneur sent le vin ; j’en ai la certitude.
LE BARON
Maître Bridaine, il y a des moments où je doute de votre amitié. Prenez-vous à tâche de me contredire ? Pas un mot de plus là-dessus. J’ai formé le dessein de marier mon fils avec ma nièce ; c’est un couple assorti : leur éducation me coûte six mille écus.
MAÎTRE BRIDAINE
Il sera nécessaire d’obtenir des dispenses.
LE BARON
Je les ai, Bridaine ; elles sont sur ma table, dans mon cabinet. Ô mon ami ! apprenez maintenant que je suis plein de joie. Vous savez que j’ai eu de tout temps la plus profonde horreur pour la solitude. Cependant la place que j’occupe et la gravité de mon habit me forcent à rester dans ce château pendant trois mois d’hiver et trois mois d’été. Il est impossible de faire le bonheur des hommes en général, et de ses vassaux en particulier, sans donner parfois à son valet de chambré l’ordre rigoureux de ne laisser entrer personne. Qu’il est austère et difficile le recueillement de l’homme d’État ! et quel plaisir ne trouverai-je pas à tempérer par la présence de mes deux enfants réunis la sombre tristesse à laquelle je dois nécessairement être en proie depuis que le roi m’a nommé receveur !
MAÎTRE BRIDAINE
Ce mariage se fera-t-il ici ou à Paris ?
LE BARON
Voilà où je vous attendais, Bridaine ; j’étais sûr de cette question. Eh bien ! mon ami, que diriez-vous si ces mains que voilà, oui, Bridaine, vos propres mains, — ne les regardez pas d’une manière aussi piteuse étaient destinées à bénir solennellement l’heureuse confirmation de mes rêves les plus chers ? Hé ?
MAÎTRE BRIDAINE
Je me tais ; la reconnaissance me ferme la bouche.
LE BARON
Regardez par cette fenêtre ; ne voyez-vous pas que mes gens se portent en foule à la grille ? Mes deux enfants arrivent en même temps ; voilà la combinaison la plus heureuse. J’ai disposé les choses de manière à tout prévoir. Ma nièce sera introduite par cette porte à gauche, et mon fils par cette porte à droite. Qu’en dites-vous ? Je me fais une fête de voir comment ils s’aborderont, ce qu’ils se diront ; six mille écus ne sont pas une bagatelle, il ne faut pas s’y tromper. Ces enfants s’aimaient d’ailleurs fort tendrement dès le berceau. — Bridaine, il me vient une idée.
MAÎTRE BRIDAINE
Laquelle ?
LE BARON
Pendant le dîner, sans avoir l’air d’y toucher, vous comprenez, mon ami, — tout en vidant quelques coupes joyeuses ; — vous savez le latin, Bridaine.
MAÎTRE BRIDAINE