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Le Chandelier est paru dans la Revue des deux Mondes en 1835. Il a ensuite été monté au Théâtre-Historique le 10 août 1848. Une jeune actrice prometteuse, mademoiselle Maillet, remplissait le rôle de Jacqueline. Elle mourut quelques mois plus tard. La distribution des autres rôles était si défectueuse et l'exécution si insuffisante, que le public put à peine comprendre la pièce. C'était une oeuvre trop délicate pour attirer la foule au boulevard du Temple, elle disparut après quelques représentations. Le 29 juin 1850, il reparut sur l'affiche de la Comédie-Française, avec Delaunay dans le rôle de Fortunio et Allan dans le rôle de Jacqueline, et cette fois elle fut jouée avec une rare perfection. C'est pourquoi on a considéré les artistes de la Comédie-Française comme ayant créé les rôles. Cette histoire est celle du chandelier qui brûle les doigts de celui qui l'avait allumé : le notaire maître André est courroucé contre sa femme, la jeune et jolie Jacqueline, car un de ses clercs a vu un homme escalader son balcon. Il veut en acquérir la preuve pour mener la coupable en justice... Adaptations : À l'opéra-comique : En 1861, Jacques Offenbach, qui a écrit la musique de scène pour la production de la Comédie-Française, donne une suite à la pièce sous la forme d'un opéra-comique intitulé La Chanson de Fortunio. En 1907, André Messager écrit Fortunio, un opéra-comique adapté de la pièce. Au cinéma : En 1910, André Calmettes réalise pour le cinéma une adaptation de la pièce sous le titre La Mésaventure du capitaine Clavaroche. À la télévision : En 1974, Paul Blouin réalise pour la télévision de Radio-Canada le téléthéâtre Le Chandelier, avec Daniel Gadouas. Claude Santelli réalise Le Chandelier, un téléfilm diffusé pour la première fois le 17 décembre 1977.
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PERSONNAGES
ACTE I
SCENE I
SCENE II
ACTE II
SCENE I
SCENE II
SCENE III
SCENE IV
ACTE III
SCENE I
SCENE II
SCENE III
SCENE IV
MAITRE ANDRÉ, notaire.
JACQUELINE, sa femme.
CLAVAROCHE, officier de dragons .
FORTUNIO, CIerc.
LANDRY, Clerc.
Guillaume, Clerc.
Une Servante, Un Jardinier, etc.
Une petite ville.
Une chambre à coucher.
JACQUELINE, dans son lit. Entre MAITRE ANDRÉ en robe de chambre.
MAITRE ANDRÉ Holà, ma femme ! hé, Jacqueline ! hé, holà, Jacqueline, ma femme ! La peste soit de l'endormie. Hé, hé, ma femme, éveillez-vous ! Holà, holà! levez-vous, Jacqueline. Comme elle dort ! Holà, holà, holà, hé, hé, hé, ma femme, ma femme, ma femme! c'est moi, André, votre mari, qui ai à vous parler de choses sérieuses. Hé, hé, pstt, pstt, hem ! brum ! frum ! pstt ! Jacqueline, êtes-vous morte ? Si vous ne vous éveillez tout à l'heure, je vous coiffe du pot à l'eau.
JACQUELINE Qu'est-ce que c'est, mon bon ami ?
MAITRE ANDRÉ
Vertu de ma vie, ce n'est pas malheureux. Finirez vous de vous tirer les bras? c'est affaire à vous de dormir. Ecoutez-moi, j'ai à vous parler. Hier au soir, Landry, mon clerc...
JACQUELINE
Hé, mais, bon Dieu, il ne fait pas jour. Devenez vous fou, maître André, de m'éveiller ainsi sans raison ? de grâce, allez vous recoucher. Est-ce que vous êtes malade ?
MAITRE ANDRÉ
Je ne suis ni fou ni malade, et vous éveille à bon escient. J'ai à vous parler maintenant ; songez d'abord à m'écouter, et ensuite à me répondre. Voilà ce qui est arrivé à Landry, mon clerc ; vous le connaissez bien...
JACQUELINE
Quelle heure est-il donc, s'il vous plaît ?
MAITRE ANDRÉ
Il est six heures du matin. Faites attention à ce que je vous dis ; il ne s'agit de rien de plaisant, et je n'à pas sujet de rire. Mon honneur, madame, le vôtre, et notre vie peut-être à tous deux, dépendent de l'explication que je vais avoir avec vous. Landry, mon clerc, a vu cette nuit...
JACQUELINE
Mais, maître André, si vous êtes malade, il fallait m'avertir tantôt. N'estce pas à moi, mon cher coeur, de vous soigner et de vous veiller ?
MAITRE ANDRÉ
Je me porte bien, vous dis-je ; êtes-vous d'humeur à m'écouter ?
JACQUELINE
Eh ! mon Dieu, vous me faites peur; est-ce qu'on nous aurait volés ?
MAITRE ANDRÉ
Non, on ne nous a pas volés. Mettez-vous là, sur voue séant, et écoutez de vos deux oreilles. Landry, mon clerc, vient de m'éveiller, pour me remettre certain travail qu'il s'était chargé de finir cette nuit. Comme il était dans mon étude...
JACQUELINE
Ah ! sainte Vierge, j'en suis sûre! vous aurez eu quelque querelle à ce café où vous allez.
MAITRE ANDRÉ
Non, non, je n'ai point de querelle, et il ne m'est rien arrivé. Ne voulez-vous pas m'écouter ? Je vous dis que Landry, mon clerc, a vu un homme, cette nuit, se glisser par votre fenêtre.
JACQUELINE
Je devine à votre visage que vous avez perdu au jeu.
MAITRE ANDRÉ
Ah ! ça, ma femme, êtes-vous sourde ? Vous avez un amant, madame ; cela est-il clair ? Vous me trompez.
Un homme, cette nuit, a escaladé nos murailles.
Qu'est-ce que cela signifie ?
JACQUELINE
Faites-moi le plaisir d'ouvrir le volet.
MAITRE ANDRÉ
Le voilà ouvert; vous bâillerez après dîner; Dieu merci, vous n'y manquez guère. Prenez garde à vous, Jacqueline ! Je suis un homme d'humeur paisible, et qui ai pris grand soin de vous. J'étais l'ami de votre père, et vous êtes ma fille presque autant que ma femme. J'ai résolu, en venant ici, de vous traiter avec douceur ; et vous voyez que je le fais, puisque avant de vous condamner je veux m'en rapporter à vous, et vous donner sujet de vous défendre et de vous expliquer catégoriquement. Si vous refusez, prenez garde. Il y a garnison dans la ville, et vous voyez, Dieu me pardonne, bonne quantité de hussards. Votre silence peut confirmer des doutes que je nourris depuis longtemps.
JACQUELINE
Ah ! maître André, vous ne m'aimez plus. C'est vainement que vous dissimulez, par des paroles bienveillantes la mortelle froideur qui a remplacé tant d'amour. Il n'en eût pas été ainsi jadis ; vous ne parliez pas de ce ton ; ce n'est pas alors sur un mot que vous m'eussiez condamnée sans m'entendre. Deux ans de paix, d'amour et de bonheur, ne se seraient pas, sur un mot, évanouis comme des ombres. Mais quoi! la jalousie vous pousse; depuis longtemps la froide indifférence lui a ouvert la porte de votre coeur. De quoi servirait l'évidence, l'innocence même aurait tort devant vous. Vous ne m'aimez plus, puisque vous m'accusez.
MAITRE ANDRÉ
Voilà qui est bon, Jacqueline, il ne s'agit pas de cela.
Landry, mon clerc, a vu un homme...
JACQUELINE
Eh ! mon Dieu, j'ai bien entendu. Me prenez-vous pour une brute, de me rebattre ainsi la tête ? C'est une fatigue qui n'est pas supportable.
MAITRE ANDRÉ
A quoi tient-il que vous ne répondiez ?
JACQUELINE, pleurant.
Seigneur, mon Dieu, que je suis malheureuse! qu'est-ce que je vais devenir ? Je le vois bien, vous avez résolu ma mort ; vous ferez de moi ce qui vous plaira ; vous êtes homme, je suis femme ; la force est de votre côté. Je suis résignée ; je m'y attendais ; vous saisissez le premier prétexte pour justifier votre violence. Je n'ai plus qu'à partir d'ici ; je m'en irai avec ma fille, dans un couvent, dans un désert, s'il est possible; j'y emporterai avec moi, j'y ensevelirai dans mon coeur le souvenir du temps qui n'est plus.
MAITRE ANDRÉ
Ma femme, ma femme, pour l'amour de Dieu et des saints, est-ce que vous vous moquez de moi ?
JACQUELINE
Ah ! ça, tout de bon, maître André, est-ce sérieux ce que vous dites ?
MAITRE ANDRÉ
Si ce que je dis est sérieux? Jour de Dieu! La patience m'échappe, et je ne sais à quoi il tient que je ne vous mène en justice.
JACQUELINE
Vous, en justice ?
MAITRE ANDRÉ
Moi, en justice; il y a de quoi faire damner un homme d'avoir affaire à une telle mule; je n'avais jamais ouï dire qu'on pût être aussi entêté.
JACQUELINE, Sautant à bas du lit.
Vous avez vu un homme entrer par la fenêtre? L'avez-vous vu, monsieur, oui ou non ?
MAITRE ANDRÉ
Je ne l'ai pas vu de mes yeux.
JACQUELINE
Vous ne l'avez pas vu de vos yeux, et vous voulez me mener en justice ?
MAITRE ANDRÉ
Oui, par le ciel ! si vous ne répondez.
JACQUELINE
Savez-vous une chose, maître André, que ma grand mère a apprise de la sienne ? Quand un mari se fie à sa femme, il garde pour lui les mauvais propos, et quand il est sûr de son fait, il n'a que faire de la consulter.
Quand on a des doutes, on les lève ; quand on manque de preuves, on se tait; et quand on ne peut pas démontrer qu'on a raison, on a tort. Allons, venez; sortons d'ici.
MAITRE ANDRÉ
C'est donc ainsi que vous le prenez ?
JACQUELINE
Oui, c'est ainsi ; marchez, je vous suis.
MAITRE ANDRÉ
Et où veux-tu que j'aille à cette heure ?
JACQUELINE
En justice.
MAITRE ANDRÉ
Mais, Jacqueline...
JACQUELINE
Marchez, marchez ; quand on menace, il ne faut pas menacer en vain.
MAITRE ANDRÉ
Allons, voyons, calme-toi un peu.
JACQUELINE
Non ; vous voulez me mener en justice, et j'y veux aller de ce pas.
MAITRE ANDRÉ
Que diras-tu pour ta défense ? dis-le-moi aussi bien maintenant.
JACQUELINE
Non, je ne veux rien dire ici.
MAITRE ANDRÉ
Pourquoi?
JACQUELINE
Parce que je veux aller en justice.
MAITRE ANDRÉ
Vous êtes capable de me rendre fou, et il me semble que je rêve. Eternel Dieu, créateur du monde ! je m'en vais faire une maladie. Comment? quoi? cela est possible ? J'étais dans mon lit ; je dormais, et je prends les murs à témoin que c'était de toute mon âme.
Landry, mon clerc, un enfant de seize ans, qui de sa vie n'a médit de personne, le plus candide garçon du monde, qui venait de passer la nuit à copier un inventaire, voit entrer un homme par la fenêtre ; il me le dit, je prends ma robe de chambre, je viens vous trouver en ami, je vous demande pour toute grâce de m'expliquer ce que cela signifie, et vous me dites des injures ! vous me traitez de furieux, jusqu'à vous élancer du lit et à me saisir à la gorge ! Non, cela passe toute idée ; je serai hors d'état pour huit jours de faire une addition qui ait le sens commun. Jacqueline, ma petite femme ! c'est vous qui me traitez ainsi !
JACQUELINE
Allez, allez, vous êtes un pauvre homme.
MAITRE ANDRÉ