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Des informations basées sur plus de 40 ans de pratique en tant que sage-femme
Cet ouvrage a pour but de permettre aux jeunes ou futures grands-mères d’aujourd’hui d’accompagner leur fille, leur belle-fille ou même leur petite-fille dans l’apprentissage de leur vie de mère. Aujourd’hui, après 40 ans de pratique en tant que sage-femme, elle souhaite redonner aux mères et aux grands-mères leur place dans la vie des futures et jeunes mamans.
En effet, la complicité entre femmes qui existait auparavant a été balayée au profit du discours médical, souvent culpabilisant et angoissant. L’auteur, forte de son expérience auprès des femmes de plusieurs générations, donne des pistes pour devenir grand-mère (ou arrière-grand-mère !), en renforçant les liens intergénérationnels.
Elle délivre des conseils pour aider les jeunes femmes à passer de la supermaman à la maman sereine et fait le point sur ce qu’il faut prendre et laisser en terme de pédiatrie et de puériculture, sans prise de tête. Décomplexant et indispensable !
Un guide plein de bon sens pour prévenir le baby-blues et le burn-out maternel
EXTRAIT
Accompagner les femmes
Ce livre a pour but de permettre aux femmes de ma génération d’accompagner leur fille, leur belle-fille et pourquoi pas leur petite-fille dans l’apprentissage de leur vie de femme et de mère. Au préalable, je voudrais rendre hommage à toutes les personnes qui, de près ou de loin, m’ont permis de gagner de la maturité dans mon métier et dans l’écriture.
En premier, mes parents, ma mère surtout, qui avait comme il est souvent dit familièrement une « bonne repartie », une grande curiosité, du caractère et une grande indépendance d’esprit pour quelqu’un de sa génération. J’ai donc été bercée et formée par ses reparties et j’ai absorbé, telle une éponge, toutes ses insoumissions. Plus tard, la vie ne m’ayant pas réservé que des moments heureux, ayant dû mûrir très jeune, je me suis toujours révoltée devant les arbitraires rencontrés dès le début de mes études professionnelles, celles d’infirmière comme de sage-femme.
J’ai eu ensuite la chance de rencontrer des professionnels de qualité, ce qui m’a permis de finir de me former dans mon métier.
À PROPOS DES AUTEURS
Anne-Marie Mouton a suivi la grossesse, participé à l’accouchement et assisté de jeunes mamans pendant plus de 40 ans de carrière, en France mais aussi dans les pays en voie de développement au cours de missions humanitaires. Elle remet ici la sacralité du discours des gynécologues et pédiatres en perspective. Elle exerce toujours à la clinique parisienne de La Muette.
Laurel a appris à lire avec Astérix, et à 5 ans, elle voulait être dessinatrice de BD. Elle a réussi à se faire repérer par le magazine Spirou puis par Glénat, qui lui a confié la réalisation d’un album. Aujourd’hui, elle vit à Metz, en Lorraine.
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Seitenzahl: 149
Veröffentlichungsjahr: 2017
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L’auteur : Anne-Marie Mouton a eu son diplôme d’infirmière en 1964, puis son diplôme de sage-femme en 1967 à la faculté de médecine de Lille. Elle a vu évoluer et se transformer l’obstétrique, elle a accompagné dans le suivi de leur grossesse, leur accouchement et les suites de nombreuses femmes dans tous les milieux, les plus simples comme les plus prestigieux en France et en Afrique. Pour ses engagements, elle a été décorée de la légion d’honneur, honneur qu’elle tient à dédier à toutes les sages-femmes, en France comme dans le monde.
L’illustrateur : elle s’appelle Laurel, car son vrai prénom est Laureline, d’après Valérian et Laureline, agents spatio-temporels. Elle a appris à lire avec Astérix, et à 5 ans, elle voulait être dessinatrice de BD. En grandissant, elle s’est dit que c’était irréalisable, elle a hésité avec le théâtre… Mais à force de petits boulots, de festivals, de rencontres, elle a réussi à se faire repérer par le magazine Spirou puis par Glénat, qui lui a confié la réalisation d’un album.
Aujourd’hui, elle a 29 ans et vit avec sa fille Cerise à Metz, en Lorraine. http://www.bloglaurel.com/
Ce livre a pour but de permettre aux femmes de ma génération d’accompagner leur fille, leur belle-fille et pourquoi pas leur petitefille dans l’apprentissage de leur vie de femme et de mère. Au préalable, je voudrais rendre hommage à toutes les personnes qui, de près ou de loin, m’ont permis de gagner de la maturité dans mon métier et dans l’écriture.
En premier, mes parents, ma mère surtout, qui avait comme il est souvent dit familièrement une « bonne repartie », une grande curiosité, du caractère et une grande indépendance d’esprit pour quelqu’un de sa génération. J’ai donc été bercée et formée par ses reparties et j’ai absorbé, telle une éponge, toutes ses insoumissions. Plus tard, la vie ne m’ayant pas réservé que des moments heureux, ayant dû mûrir très jeune, je me suis toujours révoltée devant les arbitraires rencontrés dès le début de mes études professionnelles, celles d’infirmière comme de sage-femme.
J’ai eu ensuite la chance de rencontrer des professionnels de qualité, ce qui m’a permis de finir de me former dans mon métier.
Mais ce qui a été sans doute l’étincelle, c’est le choc de notre départ, pour mon mari et moi-même, en Afrique. J’ai eu l’occasion de travailler quasiment seule, avec et pour les Africaines. Certes, quoique encore jeune, j’avais été bien formée et ma petite expérience me permettait de travailler consciencieusement. J’ai la conscience professionnelle chevillée au corps (héritage de ma mère), un humour et une capacité de distance vis-à-vis de mes actes qui m’ont permis, sans doute, de ne pas trop me prendre au sérieux. Toutefois, ce qui m’étonne le plus, c’est finalement le peu d’erreurs que j’ai commises là-bas, alors que l’obstétrique n’y était pas facile. En définitive, moins d’erreurs que lorsque j’ai travaillé plus tard avec et sous la responsabilité de médecins censés être plus compétents que moi ! Sans doute parce que, lorsque nous travaillons en équipe, surtout avec des personnes que nous respectons, nous avons tendance à leur faire une grande confiance, parfois à tort. Il m’est arrivé de le regretter, mais c’est une autre histoire, comme dirait Kipling.
Tandis que je finis ma carrière et que je regarde derrière moi, je ne suis pas si mécontente de mon parcours. Ce livre m’offre la possibilité de transmettre aux femmes de ma génération, mais également aux plus jeunes, mon expérience, mes interrogations mais aussi mes doutes. Dans ce métier merveilleux qui garde si jeune, je me suis peu prise au sérieux – d’ailleurs, pour faire un peu d’humour, à chaque fois que j’ai été tentée de le faire, j’ai fait une bêtise qui m’a fait redescendre sur terre !
J’ai eu la chance, car c’en est une, de faire ma carrière au cours d’une période qui a vu la gynécologie et l’obstétrique passer du Moyen Âge à la modernité la plus futuriste, à la « science fiction » presque, puisqu’on parle même aujourd’hui d’utérus artificiel ! Cependant, je voudrais évoquer et parfois dénoncer toutes les dérives qui en résultent. Ces dérives fascinent souvent, inquiètent parfois, interrogent toujours. Toutes les générations qui nous ont précédés savent bien que l’arrivée de la période génitale, la grossesse, l’accouchement et ses suites, la maternité en général, sont des périodes physiologiques. Comme tout fonctionnement physiologique peut se dérégler, il faut donc savoir, sans excès, y remédier. Or, très souvent, les mères et belles-mères (je le confesse sans honte) ont été mises de côté par ma génération, les histoires de « bonne femme » étaient dénoncées comme un monceau d’inepties qu’il fallait évacuer à tout jamais de la tête des jeunes femmes pour leur permettre de vivre leur sexualité et leur maternité sereinement.
Pourtant cette complicité des femmes entre elles, ce passage d’expériences entre mère et fille, ont été purement et simplement supprimées au nom de la « science », en tout cas dans nos sociétés occidentales dites « modernes ». Car dans les pays dits « sous-développés », cette transmission de « femme à femme » existe toujours.
Si certaines superstitions ou « histoires de bonne femme » perdurent (nous aurons l’occasion de les évoquer), la plupart s’éteint petit à petit grâce à la vulgarisation de la médecine et à l’éducation. Ceci étant dit, il faut laisser intacts la complicité et le passage de flambeau entre les générations. Il est d’ailleurs important d’aider les grands-mères à passer justement le flambeau en les « préparant ». C’est ce que j’ai fait récemment en recevant une de mes anciennes patientes en consultation pour l’aider à accompagner la grossesse de sa fille résidant au Honduras qui ne pouvait venir accoucher en France, et c’est ce que je m’apprête à faire dans cet ouvrage.
À l’inverse, pendant de nombreuses années, sous prétexte de sécurité, la médecine a commis des erreurs et, par conséquent, a été tout aussi dangereuse que les superstitions, et j’ose dire parfois plus dangereuse car non contestée ! Les femmes de notre génération, qui ont commencé leur vie de femme après la Seconde Guerre mondiale, ont été les dindons de la farce.
Aussi me propose-je de faire tout d’abord un peu d’histoire de l’obstétrique, j’évoquerai l’arrivée des connaissances par les premières sages-femmes, puis l’évolution dans ces 40 dernières années pour arriver à l’époque moderne. Pourquoi 40 ans ? Parce qu’en obstétrique, il y a nettement un « avant 1970 » et un « après 1970 ». Pour la gynécologie et la contraception, cela a été sans doute plus progressif car les connaissances sur l’anatomie, la physiologie du corps féminin ont évolué plus doucement. Ensuite, j’essaierai de faire l’inventaire des progrès de la médecine et de ses connaissances dans la gynécologie, l’obstétrique, la puériculture et la pédiatrie, pour en lister les bienfaits et les dérives. Et pour conclure je voudrais, autant que faire se peut, vous parler de cette possibilité de transmissions intergénérationnelles.
Les termes suivis d’une astérisque (*) lors de leur première occurrence sont définis dans le glossaire situé en fin d’ouvrage.
Le métier de sage-femme est l’un des plus vieux du monde, nous partageons cette gloire avec les prostituées.
Il y eut de très grandes sages-femmes au temps des Grecs et des Romains, notamment la mère de Socrate. Les sages-femmes sémites étaient très réputées. Une contemporaine de Socrate, Aspasie, a écrit sur tout ce qui concerne la femme et son enfant, tant sur les soins à donner aux femmes enceintes* que sur les causes des accouchements difficiles. Elle a même décrit la version podalique* qui consiste, par des manœuvres externes, à transformer la position du bébé de siège en tête. Comme d’habitude nous n’avons rien inventé, nous avons même perdu (nous y reviendrons). Dans ses écrits, nous retrouvons une qualité de travail tout à fait moderne puisque, vraisemblablement, elle faisait des touchers vaginaux.
Comme pour beaucoup de choses, l’obscurantisme du Moyen Âge a fait son œuvre et nous avons oublié toutes les connaissances de l’Antiquité égyptienne ou grecque. L’Église catholique ayant interdit les dissections sur les humains, les savants disséquaient les animaux et extrapolaient ensuite sur les humains ! Pendant longtemps, nous n’entendrons plus guère parler des sages-femmes même si elles continuaient à exercer. En effet, personne ne pouvait témoigner de leur travail : elles n’avaient pas le droit ou pas la possibilité d’écrire et les hommes, médecins ou barbiers, seuls habilités à écrire, n’avaient pas le droit d’approcher les femmes enceintes ou en train d’accoucher. Les sages-femmes étaient donc muettes.
Au XVIe siècle, enfin, « Dame Trotte », de son vrai nom Trotula de Ruggiero, qui fit ses études à l’école de médecine de Salerne, effectuait les premières sutures périnéales. Jusqu’alors, les périnées* restaient déchirés.
Puis à la fin du XVIe siècle, la sage-femme de Marie de Médicis, Louise Bourgeois, ayant reçu son enseignement d’Ambroise Paré lui-même, écrivit des observations très intéressantes dont médecins et sages-femmes se serviront pendant de longues années. Elle faisait partie des rares vraies sages-femmes, celles qui possédaient un diplôme de sage-femme jurée du Châtelet, les autres étant des matrones ignorantes, un peu sorcières et très souvent dangereuses.
Il faut attendre Angélique Marie Le Bourcier, épouse du Coudray, pour retrouver, enfin, un vrai enseignement de la profession de sage-femme. Dès 1757, après avoir fabriqué un mannequin (« la Machine »), elle devint sage-femme itinérante, allant de village en village pour enseigner aux matrones l’art des accouchements, en quelque sorte l’intelligence du geste, afin de limiter l’hécatombe de femmes et d’enfants ! En 20 ans, elle a formé 5 000 sages-femmes.
Au XIXe siècle, Mme de la Chapelle permit que, pour la première fois dans l’histoire de l’obstétrique, les progrès ne soient plus occultés derrière les prudences politiques et les superstitions religieuses. Elle décrivit et expliqua en effet par le détail tout ce que nous connaissons de la mécanique obstétricale, nous n’avons rien appris de plus depuis, et encore une fois, nous avons même oublié tout ce qui faisait sa finesse puisque maintenant, en tous cas dans les pays dits « civilisés », nous ne permettons plus les accouchements difficiles par « voie basse », la césarienne* s’étant généralisée. Mme de la Chapelle présida à quelque 50 000 accouchements, mettant au point des conduites à tenir dans chaque situation obstétricale. Elle a donné un véritable essor à l’étude statistique et scientifique de l’accouchement.
Nous, sages-femmes, sommes l’une des trois professions médicales. Nous faisons nos études dans des écoles de sages-femmes après avoir effectué une première année de médecine. Nos études sont devenues depuis peu universitaires. Elles durent, en sus de l’année commune, 4 ans et sont sanctionnées par un diplôme d’État nous autorisant à exercer le noble art des accouchements. Depuis peu, pour être en règle avec les lois européennes, notre profession a dû accueillir les hommes, dont le nom reste : « sage-femme. » Ils demeurent toutefois très peu nombreux : 81 pour 17 000 sages-femmes.
Avec l’arrivée des études divisées en LMD (licence, maîtrise, doctorat), nous allons entrer dans les études exclusivement universitaires, avec semestre commun entre les professions médicales et choix d’orientation vers la maïeutique. Issu du grec maieutikê, signifiant l’art des accouchements, ce terme correspond à la philosophie prônée par Socrate — dont la mère était sage-femme — et relayée par Platon, Socrate n’ayant rien écrit lui-même. Les sages-femmes espèrent que leur diplôme sera sanctionné par un doctorat.
Nous exerçons soit en libéral, soit en tant que salariées, à l’hôpital ou en milieu privé (cliniques) et dans le cadre des PMI1. Il existe également des sages-femmes expertes auprès des tribunaux. Les sages-femmes sont enseignantes dans les écoles de sages-femmes, et responsables dans les services de maternité. Notre profession est régie par un ordre qui est, tout comme celui des médecins, garant et protecteur de la déontologie. L’ordre peut être saisi en cas de problèmes.
Si, pendant de longues années, les sages-femmes françaises ont été, grâce à leur formation, parmi les meilleures avec les sages-femmes néerlandaises, ce n’est plus le cas maintenant. Lorsque les études ont été harmonisées dans les pays de l’Europe des 15, les autres pays se sont alignés sur nos études et, petit à petit, nous ont pour certains bien dépassés ! Car les sages-femmes des autres pays européens ont su garder leur place privilégiée dans le suivi des grossesses physiologiques tout en augmentant leurs compétences dans l’accouchement, certaines ayant le droit de faire des ventouses, des forceps en partie basse2 et prescrire la contraception depuis longtemps3. En France, nous avons petit à petit glissé vers une place importante dans la pathologie alors que par ailleurs, les médecins ont pris de plus en plus de place dans la physiologie !
Définitions utiles4
Physiologie : science qui étudie les fonctions normales des organes et des tissus des êtres vivants.
Pathologie : science qui a pour objet l’étude des maladies et des effets qu’elles provoquent, lésions, troubles.
(1) Protection Maternelle et Infantile : cet organisme d’État est chargé de protéger la mère et l’enfant. Au sein de cet organisme travaillent des médecins, des sages-femmes, des puéricultrices diplômées ou des auxiliaires de puériculture, ainsi que des psychologues et des assistantes sociales.
Une précision importante : cet organisme se situe dans le cadre de la Prévention, donc les médecins et sages-femmes des PMI n’ont pas le droit de prescrire.
(2) En bas du bassin, sur les muscles du périnée.
(3) Nous n’en avons le droit que depuis 2011.
(4) Définitions du dictionnaire Le Petit Robert.
Même si je n’ai nullement envie de revenir aux conditions difficiles du début de ma carrière, je déplore les excès et les dérives de l’hypermédicalisation qui a rendu les femmes, sans qu’elles n’en prennent conscience, esclaves de la médecine, dépossédées de leur corps, infantilisées et, contrairement à ce qu’elles pensent, livrées à un monde très machiste !
Récemment, j’assistais à une réunion professionnelle où étaient vantés les effets bénéfiques de la recherche de la position fœtale en cours de travail* à l’aide d’une échographie transpérinéale5. En écoutant pérorer le grand « mandarin » qui nous vantait cette méthode, une comparaison m’est tout de suite venue à l’esprit : dans le film Rabbi Jacob de Gérard Oury, un mouton entre dans une machine et un pull tout tricoté en ressort… Irrésistiblement, je n’ai pu m’empêcher de voir la parturiente* entrer dans la machine et en ressortir avec le bébé tout habillé et elle, toute pimpante !
Cependant, je trouve extrêmement déplorable qu’il y ait de moins en moins de contact humain en médecine — c’est d’ailleurs le cas dans d’autres domaines6— souvent sous prétexte d’hygiène. Ainsi, soit nous ne touchons plus les personnes, soit nous les touchons avec des gants. Or l’affectivité et la confiance passent par les mains des sages-femmes. Je crois que cette évolution déplorable découle de la relation médecin/sage-femme.
Comme je l’ai déjà évoqué, si nous sommes arrivées à ces dérives en France, c’est en raison de notre histoire personnelle. Les sages-femmes et les médecins en partagent la responsabilité.
Presque tous les accouchements physiologiques (c’est-à-dire sans difficultés particulières) étaient alors pratiqués par les sages-femmes, en clinique privée comme dans les hôpitaux, les sages-femmes elles-mêmes possédant leur propre clinique ou faisant les accouchements à la maison. D’ailleurs, pendant très longtemps, dans les villes, seuls les indigents allaient à l’hôpital. Dans les campagnes, les femmes accouchaient avec les matrones. Les bourgeoises accouchaient chez elles, accompagnées par les sages-femmes qui n’appelaient le médecin que dans les cas difficiles : nous avons donc mis au monde, nous les sages-femmes, l’élite de la nation. Et nous étions sans doute les mieux formées dans le monde. Mais nous n’avons pas su nous protéger : d’une part, en raison d’un orgueil qui nous a aveuglé sur l’évolution des autres sages-femmes de la planète et en particulier d’Europe ; d’autre part, à cause de l’évolution même de notre profession en France, qui nous a permis d’accéder à la gestion de la pathologie, mais qui, pour cette raison, nous a fait sortir de nos compétences originelles. Ainsi sommes-nous passées de plus en plus sous la coupe des médecins puisque nous avons abandonné notre autonomie. Les instances de la sécurité sociale, jamais les dernières dans les choix calamiteux et très onéreux, sont aussi responsables, aidées par nos instances ordinales et syndicales qui n’ont pas su anticiper la dégradation de notre métier.
Pour comprendre mes propos, il faut savoir qu’avant les années 1980, dans le secteur privé (les cliniques), la sage-femme étant salariée. Lorsqu’elle faisait l’accouchement, le « forfait accouchement » était payé à la clinique par la sécurité sociale. Ce forfait comprenait l’acte et la surveillance de la mère et de l’enfant. Le forfait accouchement était donc réglé pour le matériel utilisé, mais aussi le salaire de la sage-femme salariée. Évidemment, si un acte technique qui n’entrait pas dans les compétences de la sage-femme était réalisé, il était payé au médecin de garde, en sus du forfait accouchement de la sage-femme.
La sécurité sociale a décidé qu’elle ne paierait pas deux fois (sic) le forfait accouchement, puisqu’elle avait déjà réglé l’intervention de la sage-femme (comme vous pouvez le constater, la sécurité sociale ne nous considérait pas mieux que des compresses !). Il fut donc décidé que seuls les intervenants libéraux toucheraient les forfaits accouchements. Les sages-femmes seraient rémunérées par le forfait « salle de naissance ». Comme, dans les cliniques, seuls les médecins étaient libéraux, la sécurité sociale a tranché : un forfait accouchement pour le médecin, plus cher que celui de la sage-femme, et un forfait salle de naissance également plus cher. Les cliniques ont cherché à récupérer un peu sur la salle : perdant l’accouchement par la sage-femme, elles ont favorisé l’intervention des médecins. Il ne faut pas être grand économiste pour voir la dérive avec un accouchement et un forfait salle de naissance plus chers, oh ! La belle économie !