Insensible - Sonia Miot - E-Book

Insensible E-Book

Sonia Miot

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Beschreibung

Dans le coma, Maxime ne parvient à s'apaiser qu'en présence de Marie, son infirmière.

Maxime est beau, arrogant et prêt à se marier quand il a un accident le jour de son enterrement de vie de garçon. Le voilà plongé dans le coma avec pour seule occupation : écouter. Difficile pour un jeune homme qui prône l'intolérance et le mépris d'autrui. Piégé dans ses pensées déjantées, une seule personne réussit à l’apaiser : Marie, sa douce infirmière. Une histoire d’amour naît entre l’insupportable comateux et l’infirmière désespérée. Sans pouvoir se voir ni se parler, ils vont y croire malgré tout.

Maxime parviendra-t-il à changer grâce à l'amour de Marie ? Plongez-vous sans plus attendre dans une histoire d'amour puissante et découvrez l'histoire passionnelle d'une infirmière et son patient.

EXTRAIT

"Le grand saut. Face au vide, attiré par la hauteur, les choses deviennent enfin passionnantes. Je m’apprête à me jeter du haut d’une falaise. La tête la première, les pieds en dernier.
Les pouces en avant....
Chanson de beauf.
Allez, Max, il te suffit de laisser la gravité accomplir son travail.
Et tchic et tchac...
Je ferme les yeux, juste un instant puis je me propulse dans les airs.
Un bon dans le vide, à une hauteur bien trop importante pour être définie convenablement.
C’est rapide. Libérateur. J’ai la sensation de voler, d’être lourd et en même temps léger. C’est fabuleux, complètement fou.
Le poids de mon corps me fait irrémédiablement prendre de la vitesse. Le vent devient tout à coup redoutable. Je suis porté comme une feuille morte tombant d’un arbre trop rapidement.
Brutalement, une bourrasque me projette près de la paroi rocheuse.
Trop près.
Un coup monstrueux sur le crâne.
Juliette hurle :
— Oh mon dieu ! Il s’est cogné la tête !
Et là, plus rien...
Le trou noir

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Maxime m'a transporté avec son humour et ses pensées ! J'ai éclaté de rire de nombreuse fois. J'ai adoré les références à Disney et les piques bien placées. Bref je l'ai dévoré !"- Naniiie23, Book Node

"J’ai dévoré ce livre ! Il a tout ce que j’aime et même plus ! J’ai été charmée par tout : le style d’écriture, l’histoire, les références, les caractères des personnages..." - Sophie-432, Book Node

"Un chouette petit roman qui se lit rapidement. Même si Maxime se trouve dans le coma, il ne perd pas son humour. Une histoire touchante et drôle à la fois. - Veromy, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEURE

Sonia Miot a vécu une vraie romance dans la vie : elle s’est mariée à son amour de collège ! Dans la vie de tous les jours, elle est conseillère clientèle, mais sa tête déborde d’histoires d’amour et de bonshommes qui s’agitent, l’obligeant à prendre la plume pour écrire leurs aventures.

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Je n’ai pas d’ami imaginaire, j’ai tout un monde.

À ma cousine, ma sœur de cœur, Mathilde, et à toutes nos heures à débattre sur la trame de cette histoire. Je t’aime.

Prologue

La première fois que je l’ai rencontrée, elle possédait tout de la femme parfaite. Une beauté à couper le souffle : des longs cheveux blonds, un regard vert pétillant de malice et un corps à rendre fou n’importe quel homme normalement constitué.

Bien que je sois le mieux constitué d’entre eux.

J’ai tout de suite été séduit. Sa fougue, mélangée à sa joie de vivre, m’a comblée. C’était elle et pas une autre. Je la voulais et, comme toujours, tout ce que Maxime Minot veut, il l’obtient.

Elle a accepté immédiatement de faire partie intégrante de mon lit. En bel étalon, je l’ai chevauchée jusqu’à plus soif et la dame en a évidemment redemandé.

Deux ans plus tard, le mariage était prévu. Elle a sorti de son sac tout un tas de papiers et j’ai compris, amusé, qu’elle avait tout planifié : le plan de table, la décoration, le repas, et même la robe, étaient déjà choisis.

Il ne restait plus qu’à trouver une date, et cette date, c’était demain. Juliette Hénin allait devenir Juliette Minot, jeune mannequin mariée au plus agréable agent immobilier de la ville. Pays. Monde... Comme vous voulez.

Mon meilleur ami, Gilles Philibert, avait décidé de s’occuper de mon enterrement de vie de garçon. À deux jours de notre mariage, il m’annonçait une journée mémorable en sa compagnie.

C’est comme ça que nous nous sommes retrouvés là, sur le bord de la mer en plein soleil, entourés de sable et d’eau. Tout ce qu’il y a de plus ennuyeux.

— Allez, mec, ne fais pas ton timide, les requins ne risquent pas de vouloir de toi.

Assis sur les grains chauds, je jette un œil complice à Gilles lorsqu’il glisse une tape dans le dos de mon jeune frère, Soan. Le plus peureux de tous les hommes.

Une chiffe molle.

— Je n’ai pas la trouille. Je n’ai juste pas envie d’aller me baigner, se plaint mon cadet, penaud.

— Bon, fini de rigoler. Tu viens avec moi, de gré ou de force.

Déterminé à faire de mon cadet sa tête de Turc, Gilles encercle les jambes de Soan et le dépose avec virilité sur son épaule. Le corps frêle du gamin ballotte au rythme de sa marche enjouée.

— Ton frère est trop drôle, chéri, m’indique Juliette.

C’est une mauviette.

Installée à mes côtés sur une serviette à même le sol, ma future femme se badigeonne les bras de crème solaire. Elle semble s’éclater à regarder mon petit frère se débattre. Il lui en faut peu.

— Oui, sûrement.

Je m’ennuie à mourir. Même le spectacle de torture avec Soan ne parvient pas à satisfaire mon esprit espiègle.

La plage est déserte et le soleil est si haut dans le ciel que j’ai l’impression de brûler comme une merguez sur un barbecue.

Il ne manque plus que l’odeur de la viande grillée et nous pourrions croire que nous y sommes vraiment.

« Une journée mémorable. » C’est ce que Gilles avait dit. Il n’avait pas précisé à quel point on allait s’en souvenir...

— Max, viens nous rejoindre, hurle mon meilleur ami les bras en l’air.

Super, me retrouver dans l’eau avec une tapette et un rouquin. Dernier jour de célibat mémorable en effet

Je souffle en cherchant une activité plus ludique. Mon regard s’arrête sur la grande paroi rocheuse qui entoure la mer : une falaise, à la hauteur vertigineuse.

Juliette est allongée sur le dos, en pleine séance d’UV, Soan éclabousse Gilles au gré des vagues et moi... moi, je viens d’avoir l’idée du siècle.

— Je veux bien aller dans l’eau, si vous sautez avec moi du haut de la falaise !

Je montre du doigt l’immense rocher abrupt. Attirant les regards curieux de mes compagnons. Je me marre en les voyant pâlir.

Cette fois, on va réellement s’amuser.

— Alors quoi, vous avez peur, les avortons ?

Juliette redresse la tête puis baisse ses lunettes sur son nez, rigide.

— J’espère que c’est une plaisanterie, dit-elle le plus sérieusement du monde.

Je me lève, frotte le sable collé sur mes mollets et lui tends la main.

— J’ai l’air de plaisanter ?

Que la fête commence.

I believe I can fly.

D’en haut, la vue est imprenable. L’étendue de la mer, indomptable. Je suis si proche du ciel que j’ai l’impression de pouvoir le toucher.

I believe I can touch the sky.

Par contre, Gilles en est toujours loin. Petit et roux, il a tout pour plaire ce pauvre Gillou.

— Maxime, c’est du suicide, déclare Soan sa main posée sur mon torse.

D’un geste vif, j’écarte son bras.

— Laisse-moi passer poisseux. Je n’ai pas besoin de tes craintes débiles.

Chiffe molle.

Le rire de mon meilleur ami fait écho quand j’avance vers le précipice. À l’évidence, je suis le premier à vouloir me lancer. Les autres sont bien trop froussards pour avoir le cran de le faire.

— Ce n’est pas grave Soan. Tu peux rester avec moi si tu as peur, le rassure Juliette, un tantinet moqueuse elle aussi.

— Je n’ai pas peur.

Mon frère déteste être décrédibilisé devant ma future femme. Je pourrais presque croire qu’il en pince pour elle si je ne l’avais pas chopé il y a quelque temps avec un homme...

Il est faible et sans intérêt.

Le grand saut. Face au vide, attiré par la hauteur, les choses deviennent enfin passionnantes. Je m’apprête à me jeter du haut d’une falaise. La tête la première, les pieds en dernier.

Les pouces en avant....

Chanson de beauf.

Allez, Max, il te suffit de laisser la gravité accomplir son travail.

Et tchic et tchac...

Je ferme les yeux, juste un instant puis je me propulse dans les airs.

Un bon dans le vide, à une hauteur bien trop importante pour être définie.

C’est rapide. Libérateur. J’ai la sensation de voler, d’être lourd et en même temps léger. C’est fabuleux, complètement fou.

Le poids de mon corps me fait prendre de la vitesse. Le vent devient tout à coup redoutable. Je suis porté comme une feuille morte tombant d’un arbre trop rapidement.

Une bourrasque me projette près de la paroi rocheuse.

Trop près.

Un coup monstrueux sur le crâne.

Juliette hurle :

— Oh mon dieu ! Il s’est cogné la tête !

Et là, plus rien...

Le trou noir.

1

Les coudes en arrière, les genoux pliés et une porte qui claque.

Ma tête va exploser. Fatigué, à bout de forces, c’est pire qu’un lendemain de soirée.

J’éprouve un besoin absolu de me reposer. Avachi au milieu d’un lit, éreinté et quelque peu étourdi.

Comme assommé.

À dire vrai, je n’arrive même pas à dissocier ce que j’entends. Il y a des bruits de pas et des couinements, des gémissements... des pleurs étouffés.

Oui, c’est ça, ce sont des pleurs.

Juliette a l’habitude de s’abandonner dans un trop-plein d’émotions. Elle verse des larmes à la moindre occasion, mais je ne peux tout de même pas la laisser sangloter, seule, dans son coin.

Et pourtant, je me sens faible, trop faible, pour réussir à me lever. Il faut qu’elle vienne à moi.

Il n’y a que moi qui puisse sécher ses vilaines larmes.

J’imagine qu’elle est recroquevillée, la tête dans les genoux, le visage trempé par son chagrin.

Pour ma part, mon corps est amorphe, vide. Incapable de bouger pour l’instant, je ne veux même pas ouvrir les yeux.

Mais bon sang, pourquoi est-ce qu’elle ne vient pas ?

Soyons honnêtes, elle adore se faire consoler par son bel étalon. Elle gaspille son temps à pleurnicher pour le plus petit détail du monde juste pour avoir une raison d’être dans mes bras. Il faut dire que ce n’est pas donné à tout le monde...

Maxime Minot, la légende de l’étalon sauvage. Le retour.

Les sanglots de ma petite amie résonnent de plus belle me poussant à réagir. Il est temps de me lever, tant pis pour la fatigue, on repassera.

Je dois consoler ma femme, c’est mon devoir.

Dans un élan de force, je reprends connaissance et tente d’ouvrir les yeux.

Mais rien.

Non, rien de rien.

Il ne se passe strictement rien ! Je suis toujours allongé sur ce maudit lit. Coupé de la femme que j’aime par un sommeil de plomb, mon esprit tourne à plein régime.

Deux solutions, soit je suis en plein cauchemar, soit je suis mort.

Je dois me lever. Il n’y a pas d’autre possibilité.

De toutes mes forces, je m’emploie à bouger mon corps. Si mes yeux me trahissent, mes membres, eux, ne peuvent pas m’abandonner.

Je suis bien trop fort pour ça.

Cette fois, la panique m’envahit, me submerge. Je suis piégé dans ma propre enveloppe corporelle. Je ne peux rien faire. Je ne peux pas gesticuler ni hurler mon affolement.

Je ne comprends pas ce qu’il se passe.

Cette sensation me glace le sang. La frayeur s’empare de moi. Je me sens défaillir. Ma respiration s’emballe, m’emportant avec elle.

Un hurlement mécanique se déclenche dans la chambre.

J’étouffe. Je deviens fou.

Il y a mon souffle court. Mon état d’angoisse. Cette alarme incessante, qui crie, hurle, alors que je m’enfonce dans un flot d’anxiété.

Une boule de stress me tranche la gorge, m’invitant à sombrer dans une détresse obscure.

J’ai besoin d’air.

Soudain, je sens la douceur, la chaleur d’une peau se collant à la mienne.

Sa main sur la mienne.

Je me concentre sur ce contact à la fois discret et apaisant. Juste sur ça.

Nos respirations se calent l’une sur l’autre, malgré les derniers sanglots de Juliette. Elle me redonne un souffle.

Je dois me calmer pour y voir plus clair et c’est ce qu’elle essaie de faire.

C’est quand ses doigts se retirent que le bruit des machines autour de moi me parvient de nouveau.

Des bips mécaniques.

Je me demande d’où vient cette odeur piquante. Un mélange entre le désinfectant et les médicaments...

Bips incessants. Médicaments.

Un flash ! Ça me revient. Je me souviens de la paroi, des vagues, d’un cri.

La porte s’entrouvre.

— Marie, enfin ! Je t’ai cherchée dans toutes les chambres, hurle une femme, hystérique.

Marie et pas Juliette.

— J’arrive, répond une voix plus fluette.

Des pas résonnent autour de moi et je comprends que la fille en question s’éloigne de mon lit.

Les deux femmes se retrouvent près de la porte.

— De tous les services de cet hôpital, il a fallu que tu te caches dans celui des comateux... Je ne te comprendrai jamais ma belle.

L’hôpital...

Je suis dans une chambre d’hôpital.

Dans le coma.

2

Mémorable, il disait... Ah ça, oui, c’est le mot ! Merci Gilles.

Ça restera dans les mémoires, ça, c’est sûr ! Je suis coincé dans la mienne.

Mon meilleur ami m’a emmené vivre mon dernier jour de célibat dans un bac à sable.

Enterrement de vie de garçon... enterrement tout court !

Comme s’il pensait que j’allais faire des châteaux de sable la veille de mon mariage.

Mon témoin... témoin de mon assassinat !

J’aurais dû rester avec ma femme, Gilles n’a jamais su se débrouiller sans moi. J’ai toujours tout organisé, nos sorties, nos rencontres et même notre emploi. C’est moi qui lui ai proposé d’ouvrir notre agence immobilière. Il serait à la rue, en train de faire du porte-à-porte si je ne l’avais pas aidé.

Stupide rouquin !

Me voilà coincé sur un lit d’hôpital, dans le coma, alors que lui est certainement en train de se faire mousser par mon entourage et nos clients.

À l’heure qu’il est, il prépare ma succession.

Le grincement de la porte me sort de ma fureur. Je me concentre, j’écoute attentivement.

C’est la seule chose que je peux faire, écouter.

Juliette, c’est elle, j’en suis certain.

Des pas feutrés, des murmures et un raclement de gorge. C’est tout ce que je perçois.

— Tu crois qu’il peut nous entendre ?

Ma mère chuchote, la voix emplie de sanglots étriqués.

— Je ne sais pas Amélia, je n’en sais rien, répond mon père.

C’est fou comme le simple fait de les entendre me donne une force herculéenne. Je me sens comme un jeune enfant égaré venant tout juste de retrouver ses parents.

Votre attention s’il vous plaît, le petit Maxime a perdu ses parents, le petit Maxime...

C’est bon de les savoir près de moi, si seulement je pouvais...

— Je t’avais dit que cette greluche ne lui apporterait rien de bon. Si ça tombe, il a voulu mettre fin à sa vie, râle mon père.

— Ne dis pas n’importe quoi Alphonse, il pourrait nous entendre.

Je tombe des nues.

— Regarde-le, elle a transformé mon fils en légume. Je n’aurais jamais dû t’écouter. Il ne serait pas sur son lit de mort si je lui avais dit ce que je pensais de cette fille !

Mon paternel se lâche beaucoup trop à mon goût. Il reporte la faute sur Juliette, c’est bien lui. Toujours prêt à accuser le monde pour ne pas avoir à accepter les défaites de sa descendance.

Maxime Minot, le parfait fils à papa.

Heureusement, j’ai tout de même réussi là où lui a échoué. Simple maçon, il ne serait rien sans ma mère. Il n’a fait aucune étude, il sait à peine écrire et apparemment, encore moins réfléchir.

— Tu es injuste, crie maman avant d’éclater en sanglots et de se sauver de la chambre.

Mon père soupire et j’entends la porte se rouvrir aussitôt.

— Qu’est-ce que tu as encore fait papa ?

Super. Il y a réunion de famille dans ma piaule.

— Ta mère est à fleur de peau, comme nous tous..., poursuit mon père, accablé.

Je voudrais me sentir touché par son intonation attristée, mais c’est tout le contraire. J’ai presque envie de dire que c’est bien fait. Accuser ma future femme ne le soulagera pas.

Soan claque ses pieds par terre, il s’approche du lit.

— Comment il va ? demande-t-il.

Surtout, faites comme si je n’étais pas là. Allez-y. N’hésitez pas.

J’entends tout. Je ne peux pas bouger, mon cerveau refuse de m’obéir, mais à part ça... tout va pour le mieux.

Abruti.

— Il est stable. C’est grâce à toi, Soan, tu as sauvé ton frère.

J’écoute les imbécillités que sort mon paternel.

Soan, le plus froussard des cadets me... sauver ? On aura tout entendu dans cette chambre.

Abruti fois deux.

— Je n’ai rien fait de spécial. C’est mon frère, j’ai sauté sans réfléchir. Il aurait fait pareil.

Baliverne, je n’en crois pas un mot.

Soan a toujours paniqué pour un rien. À peine monté sur le rocher, il tremblait comme une feuille. Lorsque nous étions enfants, je m’amusais à lui faire peur. Il partait pleurer dans les jupons de ma mère à la moindre occasion.

— Quand il se réveillera, il te remerciera immédiatement, déclare papa, avec fierté.

Tu te mets le doigt dans l’œil, papy.

Je ne ferai jamais ça.

Je les imagine tous les deux, me regardant. Mon père une main dans le dos de mon frère comme signe de soutien et mon cadet, les doigts sur son menton, effleurant sa légère barbe brune.

Soudain, les talons de ma mère ressurgissent, suivis d’un pas plus lourd. Plus bourru.

La bête et la belle.

— Bonjour, je suis le docteur Claude Delaforge, le médecin de votre fils.

Le silence règne en maître dans la pièce. Nous sommes tous les quatre pendus aux lèvres de Claude.

Ou Claudi pour les intimes.

J’attends une sentence, un espoir ou même la plus petite information possible. Tout ce que je veux, c’est savoir combien de temps encore je vais rester dans cet état.

En fait, d’ordinaire, je ne prête pas l’oreille aux cancans des autres. Je me désintéresse des dires de mes proches. C’est moi qui parle, eux qui m’écoutent. Alors, en ce moment, ce que je vis est un supplice. Une torture. Immobile, coincé dans mon corps.

— Je suis le meilleur médecin de la région.

Gaston.

Dans la Belle et la Bête, celui qui se la pète, c’est Gaston.

— Pour l’instant, nous ne constatons pas d’amélioration depuis son arrivée ici. Mais ça ne saurait tarder, poursuit Claudi, sûr de lui.

Trêve de plaisanterie.

Depuis combien de temps suis-je là au juste ?

3

Je ne sais pas. Je n’ai aucune idée du temps qui passe, ni même de mon état de santé. Tout ce que je perçois, c’est que je vis dans ma conscience, coincé à l’intérieur de ma tête depuis plusieurs jours, peut-être même plus... Mon corps n’est plus à moi. Je ne contrôle plus rien.

Il ne réagit pas, ne reçoit aucun de mes appels à l’aide. J’ai beau tout essayer, je suis dans un coma bien plus lourd que les conséquences d’une simple bosse. Mes cinq sens sont réduits de moitié.

Je m’acharne à trouver une solution pendant que deux de mes infirmières, ou bourreaux, s’extasient sur mon physique de rêve. Physique qui leur appartient davantage qu’à moi en ce moment.

— Non, mais tu y crois, toi. Il lui a acheté une maison une semaine à peine après l’avoir mise dans son lit, déclare l’une d’entre elles, tout en me massant les mollets.

Si je me concentre assez, je suis certain de réussir à ouvrir les yeux. Après tout, les yeux, ce n’est pas très loin du cerveau...

— Il paraît même qu’ils ne peuvent pas avoir d’enfant, continue la commère.

Un petit effort Maxime, tu y es presque.

J’ai l’impression d’être un enfant qui essaie de faire marcher une sorte de pouvoir psychique.

Superman n’a plus qu’à mourir de rire en me voyant.

— Oui, enfin, tu sais Déborah, c’est de son côté à elle que ça flanche. Claude, lui, a tout ce qu’il faut là où il faut, crois-moi, répond la seconde infirmière.

Allez, Clark Kent, donne tout ce que tu as. Luthor n’a qu’à bien se tenir.

Se concentrer. Juste se concentrer. Il n’y a pas de raison, ça va marcher. Mon corps m’appartient. Je bouge depuis ma naissance et même avant !

Si un fœtus sait le faire, alors je peux y arriver les doigts dans le nez.

Finger in the nose.

— Mais je te crois, ma Suzanne... Si tu veux mon avis, elle a de la chance de l’avoir encore près d’elle.

Je grogne, crie intérieurement. C’est une lutte acharnée et je vais gagner.

— Tu m’étonnes ! Surtout, quand on sait à quoi il pourrait prétendre..., reprend Suzanne, l’infirmière, en me triturant l’autre jambe.

Mais rien. Il ne se passe strictement rien. Pas même un poil ne bouge.

La porte s’ouvre avec brutalité, ce qui fait glousser les deux dindes.

— Encore en train de jacasser, les commères, crie à travers la chambre une autre femme à la voix plus dynamique.

Tuez-moi, c’est un supplice.

— Qu’est-ce que tu fais là, Joëlle ? Ce n’est même pas ton service, grogne Suzanne.

Un-zéro pour Suzy, voix de crécelle.

Les quatre mains qui envahissaient mes muscles se dérobent et j’entends la dernière arrivée, Joëlle, à hauteur de mon visage.

— On m’a fait venir en renfort. Apparemment, les vieilles biques de ce service sont incapables de gérer seules leurs patients.

Fin du game. Joëlle grande gagnante par KO.

— Très drôle. Nous avons terminé de toute façon, peste Déborah en faisant claquer ses pieds jusqu’au couloir.

Le pire dans tout ça, c’est que j’en viens à connaître leur prénom par cœur. Je suis capable de savoir qui parle rien qu’en entendant leur voix. Je deviens faible. C’est un cauchemar.

Un court silence m’apaise.

Vraiment très court.

— C’est bon, Marie, elles sont parties, tu peux venir, chuchote Jojo, amusée.

— Bon sang, je ne sais pas ce que je ferais sans toi !

Et moi donc !

Je ne me suis jamais aussi peu reposé que depuis que je suis ici. Elles n’arrêtent jamais.

— Il a encore dû en raconter des bonnes sur toi, ma belle... elles sont remontées comme des pendules, les deux garces ! annonce Joëlle.

L’infirmière Joëlle...

Mais où est ce brave Sacha ?

— Elles adorent ça... soupire Marie, la pleurnicheuse.

— Tu vaux tellement mieux que lui... je ne comprends pas pourquoi tu restes là... avec ce sale....

— Joëlle ! C’est mon mari...

Bla, bla, bla...

Leurs mots sont comme des bourdonnements incessants que je refuse d’écouter. Je me fiche de toutes leurs histoires stupides. Je veux juste me faire soigner pour récupérer ma vie. À trente ans, je suis à l’apogée de mon existence.

— Je sais, mais je déteste te voir aussi malheureuse, se défend Joëlle, en soupirant.

Le calme reprend toute la place et je comprends qu’elles sont enfin parties.

Ma conscience s’apaise, mon ouïe se relaxe. Il n’y a plus personne sauf moi et ces foutus bips mécaniques. Une rustre mélodie à laquelle je ne me fais pas.

En fait, je ne me fais à rien. Je ne supporte pas d’être dans cet état végétatif. Ne pas pouvoir me lever, ne pas marcher et le pire de tout, ne pas pouvoir parler... c’est insupportable.

Je perds patience et malgré tout le remue-ménage constant dans ma chambre, je me sens seul.

À mon plus grand désespoir, le grincement de la porte retentit une nouvelle fois.

C’est reparti pour les feux de l’amour. La rediffusion.

Des talons résonnent sur le sol.

— Salut bébé, murmure la plus jolie de toutes les voix.

Juliette, enfin !

Je perçois ses petites fesses rebondies s’asseoir sur le rebord du lit.

Si seulement mon corps pouvait me répondre...

Je me demande ce qu’elle porte aujourd’hui, une robe... ou peut-être une jupe, elle préfère les jupes !

Une mini-jupe blanche montrant ses fines jambes élancées. Un simple top rouge assez décolleté pour y voir le haut de sa poitrine et ses longs cheveux blonds détachés, tombant dans le milieu de son dos. C’est comme ça que je l’imagine.

— Cette chambre est atroce, chéri.

Je la reconnais bien là, toujours pleine de malice et de joie de vivre. En plus, elle a raison, les dépôts de malade sont rarement de belles pièces design.

— Mon pauvre amour... si seulement tu n’avais pas sauté, déplore-t-elle.

Nous serions mariés, heureux, en lune de miel sur une plage paradisiaque.

Si seulement Gilles ne m’avait pas emmené faire des châteaux de sable !

— Hum... ce n’est peut-être pas si mal, finalement ! Après tout, la robe que ta mère voulait porter pour le mariage était atroce ! Et entre nous... avoir ta sœur et son affreux look de gothique dans le paysage m’horripilait. Alors bon, l’argent, c’est bien, mais je me soucie trop de mon image pour supporter ta famille.

Rectification : dix-zéro pour Juliette.

4

Elle est triste. Triste et énervée. Tout ça ne lui ressemble pas, elle en veut à la terre entière. En fait, c’est plutôt légitime. Juliette rêve de se marier depuis l’enfance et elle m’aime... J’en suis certain. Alors, me voir là, au beau milieu d’une chambre d’hôpital, allongé sur un lit comme un pauvre vieux, proche de sa dernière heure, ça la rend morose. D’où sa réaction. Jamais ma femme ne se serait permise de parler ainsi de ma famille. Ce n’est pas son genre. Elle est bien trop élégante pour ça.

Élégante et bonne à souhait, dans tous les sens du terme.

C’est sa manière de rester forte. Je l’admire pour ça. Là où d’autres seraient brisés, elle ravale ses larmes et fait preuve de dignité. C’est tout à son honneur.

Emporté dans mon élan de certitude, je ne distingue pas mon nouveau visiteur se hisser dans ma chambre. Mis à part son souffle et le bruit discret de ses pas près de moi, celui-ci semble plus censé que mes infirmières infernales.

Une main se pose sur mon épaule. Toujours sans la moindre agitation, cet individu, bienveillant à souhait, prend le temps de soulever la chaise pour s’installer à quelques centimètres de mon lit.

Son calme me fait du bien, me rassure.... J’ai espoir que ce soit Juliette, ma magnifique femme qui soit venue se repentir, me glisser des mots doux dans l’oreille pour me signifier qu’entre nous, rien n’a changé.

Un ricanement résonne et me surprend dans mes rêveries.

— T’as pris cher, mon frère, se moque ma petite sœur, Astrid.

Elle continue de rire alors que je rage intérieurement.

Moi, il m’a fallu un rocher, toi, c’est depuis la naissance, Morticia.

— Pas mal ta chambre... mange cailloux, moi, j’en ai profité pour prendre la tienne à la maison. Je me suis dit que tu n’en rêverais pas.

En fait, ce n’est même pas ma sœur. Mon père a fauté avec une traînée et l’a ramenée chez nous sans nous demander notre avis. C’est pour ça, son aspect gothique, rebelle, en dehors de la société. Elle n’est pas finie. J’entends Astrid ouvrir la bouche pour reprendre ses tirades mesquines lorsqu’une autre personne entre dans la chambre.

— Oh, excusez-moi, je ne vous ai pas vu arriver, s’alarme Marie, mon infirmière.

Un soupir envahit mes pensées. Cette soignante est la reine des cruches. Ma sœur se lève de sa chaise, provoquant un grincement aussi désagréable qu’elle au passage.

— Non, restez. Je vous en prie. Mon frère n’est pas des plus bavards, vous savez....

La none glousse, intimidée, mais amusée par les stupides blagues de ma cadette.

Mais pour qui elle se prend, au juste ?

— Il paraît qu’ils peuvent nous entendre, déclare Marie.

Elle agite un objet juste au-dessus de moi.

— Tant mieux, j’espère qu’il pourra même s’en souvenir, se distrait Astrid, machiavélique.

En plus de son air sombre, je suis prêt à affirmer qu’elle a encore mis ses horreurs en guise de vêtements. Souvent recouverte par tout un tas de tissus noirs arrachés, ma sœur prend un malin plaisir à se peindre le visage en blanc, couvrant ses lèvres et ses yeux d’un noir opaque.

Soudain piquée par une tique, ou autre chose, elle replace la chaise dans le coin de la pièce et me dépose un baiser répugnant sur le front.

— Allez, à plus, Bonduelle.

Bonduelle, comme les légumes ?

La garce traverse la chambre à grandes enjambées et s’enfuit.

Astrid a toujours fait ça. Elle adore me rendre fou de rage, c’est son plaisir. Elle est venue me voir dans le but de me narguer, espérant que je puisse l’entendre. Si elle savait... J’ai conscience de tout ce qu’il se passe autour de moi, c’est là ma torture : écouter sans pouvoir réagir.

J’avais presque oublié la présence de mon infirmière avant qu’elle gigote près de moi. Elles passent tant de temps dans ma chambre que je n’y fais plus attention. J’ai seulement l’impression d’avoir un remake de Dallas dès qu’elles se mettent à parler.

— Vous avez de la chance, j’aurais aimé avoir une sœur comme la vôtre, s’exprime la soignante, la voix enjouée.

À cet instant, j’aimerais pouvoir lui dire de faire son boulot et rien d’autre.

Béca...

Je me sens soudain étriqué, à l’étroit. C’est comme si mon cœur me donnait des coups de poignard, ma respiration s’écourte, ma poitrine se comprime. J’ai mal, trop mal pour que ce soit une simple crise d’angoisse.

J’ai le sentiment d’être en train de mourir lorsque toutes les machines se mettent à hurler. Je sombre dans un supplice épouvantable.

— Maxime ? Maxime, restez avec moi ! panique Marie.

Une douleur brutale m’irradie la nuque alors que ma jeune infirmière s’affole autour de moi. Je meurs de chaud et je meurs tout court. Mon cerveau lutte contre mon corps. Toutes mes alarmes internes sont au maxima.

— Non, non, non ! Ne partez pas !

Marie hurle, pourtant, je l’entends à peine. Je crois qu’elle est sur moi, à califourchon sur mon ventre, pressant de toutes ses forces sur mon torse.

— De l’aide ! À l’aide ! Il fait un arrêt !

La nausée m’emporte, les poignards infligés à mon cœur me provoquent d’horribles douleurs insupportables. J’ai la sensation que ça dure depuis des heures. Je m’épuise dans mon combat intérieur tandis que Marie essaie de toutes ses forces de me garder en vie.

C’est drôle, parce qu’avant ça, je voulais qu’elle parte de la chambre. Je voulais me reposer, ne plus avoir à supporter cette femme craintive, plaintive... Et pourtant, j’ai l’intime conviction que mon sort est entre ses mains. Ses mains délicates, hésitantes, transformées pour l’occasion en deux robustes membres prêts à tout pour me sauver.

Et là, plus rien.

Le trou noir.

Dommage que cet ange arrive trop tard.

Et tchic et tchac...

5

Ce jour-là, il faisait beau. J’avais passé toute la nuit avec Juliette, dans ma chambre d’enfant. Mise à part notre chevauchée sauvage, nous avions discuté de notre futur mariage et de nos projets d’avenir. Entre autres, pour notre maison, nous avions décidé de faire construire. J’avais étudié tous les plans avec les meilleurs architectes de la ville et Juliette avait choisi la décoration.

C’était donc d’humeur enjouée que je poussais la porte de l’agence pour retrouver mon collègue et ami, Gilles Philibert.

— Tu en fais une tête, quelqu’un est mort ?

Il se lève avec nonchalance alors que je m’avance vers lui, tout sourire, pour le saluer d’une généreuse accolade.

— Je me suis encore fait larguer, gémit Gillou.

En vérité, le voir aussi abattu, affalé sur son bureau, me donne envie d’éclater de rire.

Avec le plus grand naturel, je me laisse tomber sur mon énorme fauteuil, mes pieds sur la table.

— Tu en trouveras une autre.

On ne peut pas tous avoir une Juliette dans son lit.