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Parmi tant d’idoles que nous avons à choisir, puisqu’il en faut adorer au moins une, Léonard de Vinci fixé devant son regard cette Rigueur Obstinée, qui se dit ellemême la plus exigeante de toutes.
La rigueur instituée, une liberté positive est possible, tandis que la liberté apparente n’étant que de pouvoir obéir à chaque impulsion de hasard, plus nous en jouissons, plus nous sommes enchaînés autour du même point, comme le bouchon sur la mer, que rien n’attache, que tout sollicite, et sur lequel se contestent et s’annulent toutes les puissances de l’univers.
L’entière opération de ce grand Vinci est uniquement déduite de son grand objet; comme si une personne particulière n’y était pas attachée, sa pensée paraît plus universelle, plus minutieuse, plus suivie et plus isolée qu’il n’appartient à une pensée individuelle. L’homme très élevé n’est jamais un original. Sa personnalité est aussi insignifiante qu’il le faut. Peu d’inégalités; aucune superstition de l’intellect. Pas de craintes vaines. Il n’a pas peur des analyses; il les mène, – ou bien ce sont elles qui le conduisent, – aux conséquences éloignées; il retourne au réel sans effort. Il imite, il innove; il ne rejette pas l’ancien, parce qu’il est ancien; ni le nouveau, pour être nouveau; mais il consulte en lui quelque chose d’éternellement actuel.
Il ne connaît pas le moins du monde cette opposition si grosse et si mal définie, que devait, trois demi-siècles après lui, dénoncer entre l’esprit de finesse et celui de géométrie, un homme entièrement insensible aux arts, qui ne pouvait s’imaginer cette jonction délicate, mais naturelle, de dons distincts; qui pensait que la peinture est vanité; que la vraie éloquence se moque de l’éloquence; qui nous embarque dans un pari où il engloutit toute finesse et toute géométrie; et qui, ayant changé sa neuve lampe contre une vieille, se perd à coudre des papiers dans ses poches, quand c’était l’heure de donner à la France la gloire du calcul de l’infini…
Pas de révélations pour Léonard. Pas d’abîme ouvert à sa droite. Un abîme le ferait songer à un pont. Un abîme pourrait servir aux essais de quelque grand oiseau mécanique…
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Symbols & Myths
PAUL VALÉRY
INTRODUCTION À LA MÉTHODE
DE LÉONARD DE VINCI
Edizioni Aurora Boreale
Titre: Introduction à la méthode de Léonard de Vinci
Auteur: Paul Valéry
Série: Symbols & Myths
Avec une préface de Boris Yousef
ISBN ed. e-book: 979-12-80130-30-3
Image de couverture:
Léonard de Vinci: Salvator Mundi, 1505-1515
(Louvre Abou Dabi)
Edizioni Aurora Boreale
© 2021 Edizioni Aurora Boreale
Via del Fiordaliso 14 - 59100 Prato - Italia
www.auroraboreale-edizioni.com
PAUL VALÉRY
Paul Valéry, nom de plume d’Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry, est un écrivain, poète et philosophe français.
Naît à Sète (Hérault) le 30 Octobre 1871 d’un père d’origine corse, Barthélemy Valéry, vérificateur principal des douanes, et d’une mère génoise, Fanny Grassi, fille du consul d’Italie Giulio Grassi. En 1876, il entame ses études chez les dominicains à Sète. En 1878, il fait son entrée au collège de Sète et poursuit sa formation, de 1884 à 1888, au lycée de Montpellier.
En 1889, il commence des études de droit. Cette même année, il pu-blie ses premiers vers dans la Revue Maritime de Marseille. La poésie qu’il rédige à cette époque s’inscrit dans la mouvance symboliste. En 1890, sa rencontre avec Pierre Louÿs sera déterminante pour l’o-rientation de sa vie de poète. Ce dernier lui présentera André Gide et l’introduira dans le cercle étroit de Stéphane Mallarmé. Paul Valéry restera fidèle à Mallarmé jusqu’à sa mort. Il publie ses premiers textes dans la revue L’Ermitage.
Dans la nuit du 4 au 5 Octobre 1892, il connaît à Gênes ce qu’il décrit comme une grave crise existentielle. Il en sort non seulement ré-solu à «répudier les idoles» de la littérature, de l’amour et de l’im-précision, mais aussi à consacrer l’essentiel de son existence à ce qu’il nomme «la vie de l’esprit». Les Cahiers dans lesquels il s’a-streint à noter toutes ses réflexions au petit matin en témoignent. «Après quoi», ajoute-t-il en manière de boutade, «ayant consacré ces heures à la vie de l’esprit, je me sens le droit d’être bête le reste de la journée».
La poésie n’est pas pour autant exclue de sa vie, car justement, selon Valéry, «tout poème n’ayant pas la précision exacte de la prose ne vaut rien». Tout au plus a-t-il vis-à-vis d’elle la même distance que Malherbe affirmant sérieusement qu’ «un bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles».
Il indique à plusieurs reprises qu’il considère cette nuit passée à Gê-nes comme sa véritable origine, le début de sa vie mentale.
En 1894, il s’installe à Paris, où il commence à travailler comme ré-dacteur au Ministère de la Guerre, et où il se lie avec Paul Léautaud. Il reste à distance de l’écriture poétique pour se consacrer à la connaissance de soi et du monde.
Depuis 1900 jusqu’en 1922, secrétaire particulier d’Édouard Lebey, administrateur de l’agence Havas, il s’affaire chaque matin aux petites heures à la rédaction de ses Cahiers, journal intellectuel et psychologique dont l’essentiel n’est publié qu’après sa mort. Lors de l’Affaire Dreyfus, Valéry est anti-dreyfusard, conformément à son na-tionalisme de jeunesse, qu’il abandonnera. Ainsi, non sans réflexion, donnera-t-il 3 francs pour le Monument Henry, une souscription lan-cée en 1899 en faveur de la veuve de l’accusateur d’Alfred Dreyfus (le nom de Valéry apparaît à la page 175 de ce document).
En 1900, il épouse Jeannie Claudine Gobillard (1877-1970), cousine germaine de Julie Manet (fille de Berthe Morisot et d’Eugène Manet, frère d’Edouard Manet), cette dernière épousant le même jour Er-nest Rouart. Le double mariage est célébré en l’église Saint-Honoré d’Eylau, dans le quartier de Passy, à Paris. Le couple Valéry est lo-gé dans l’immeuble construit par les parents de Julie Manet, dans la rue de Villejust (aujourd’hui, rue Paul-Valéry) dont a hérité la jeune fille, alors qu’elle n’avait pas dix-huit ans (1895). Le couple Valéry-Gobillard aura trois enfants – Claude, Agathe et François – et demeurera lié au couple Rouart-Manet (qui aura trois fils), au point que les deux familles partageront aussi leurs vacances dans la propriété “Le Mesnil”, achetée par Berthe Morisot et Eugène Manet sur les bords de Seine, en aval de Meulan, peu avant la mort d’Eugène en 1893. Julie, unique héritière après le décès de Berthe Morisot en 1895, laissera les portes du Mesnil ouvertes au couple Valéry-Go-billard jusqu’à ce que la mort les sépare.
Il se rend régulièrement rue de Rome aux “mardis” de Stéphane Mal-larmé, rencontres littéraires qui ont lieu au domicile du poète dont il sera l’un des fidèles disciples.
Alors qu’il est marié et approche de la cinquantaine, au commence-ment de sa célébrité, il entame, en 1920, une liaison tumultueuse a-vec la poétesse Catherine Pozzi, alors âgée de trente-huit ans et séparée de son mari Édouard Bourdet. Cette relation durera huit ans et donnera lieu à une importante correspondance, par la suite détruite. La rupture douloureuse provoquera chez sa maîtresse des appréciations peu flatteuses à son encontre comme celle-ci: «Il s’intéressait à l’intelligence, mais pas à l’esprit».
En 1917, sous l’influence de Gide notamment, il revient à la poésie avec La Jeune Parque, publiée chez Gallimard. Il brise un «long silence» avec ce poème de 512 vers auquel il a consacré quelque quatre années. Initialement, il devait écrire – à la demande de son éditeur Gallimard et de son ami André Gide – une préface poétique d’une trentaine de lignes pour accompagner une réédition de ses premiers poèmes. Mais il fut dépassé par le projet initial et écrivit alors ce que d’aucuns considèrent comme son chef-d’œuvre: le monologue intérieur d’une jeune femme en proie à un combat entre le corps et l’esprit, écrit dans un formalisme digne de son maître Mallarmé.
Un autre grand poème suit quelques années plus tard, Le Cimetière marin (1920), puis un recueil, Charmes (1922). Toujours influencé par Stéphane Mallarmé, Paul Valéry privilégia toujours dans sa poésie la maîtrise formelle sur le sens et l’inspiration: «Mes vers ont le sens qu’on leur prête». En particulier dans le tercet de la page 96:
«Cette main, sur mes traits qu’elle rêve effleurer
Distraitement docile à quelque fin profonde,
Attend de ma faiblesse une larme qui fonde».
Il existe une controverse sur le fait que le verbe utilisé soit fondre ou fonder.
Après la Première Guerre Mondiale, il devient une sorte de «poète officiel», immensément célèbre – peu dupe, il s’en amuse – et comblé d’honneurs.
En 1924, il devient président du Pen Club Français, puis est élu membre de l’Académie Française l’année suivante. Dans le discours de réception qu’il prononce le 23 Juin 1927, Paul Valéry fait l’éloge d’Anatole France, son prédécesseur, sans prononcer son nom une seule fois. En effet il ne pardonnait pas à Anatole France de s’être autrefois opposé à la publication de poèmes de Mallarmé.
En 1931, il est promu au grade de commandeur de la Légion d’Hon-neur; la même année, il prononce le discours de réception de Philippe Pétain à l’Académie Française; en 1932, il entre au conseil des mu-sées nationaux; en 1933, il est nommé administrateur du Centre Uni-versitaire Méditerranéen de Nice; en 1936, il est nommé président de la Commission de synthèse de la coopération culturelle pour l’Expo-sition Universelle; en 1937, on crée pour lui la chaire de poétique au Collège de France; en 1938, il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’Honneur; en 1939, enfin, il devient président d’hon-neur de la SACEM. Il fut par ailleurs membre du comité d’honneur de l’Association du Foyer de l’Abbaye de Royaumont.
Sous l’Occupation allemande, Paul Valéry, refusant de collaborer, pro-nonce en sa qualité de secrétaire de l’Académie Française l’éloge fu-nèbre du «juif Henri Bergson». Cette prise de position lui vaut de per-dre ce poste, comme celui d’administrateur du Centre Universitaire Méditerranéen de Nice. En 1942, il dédicace un de ses livres à Hé-lène Berr, ce qui décide la jeune femme à tenir son journal. Elle sera considérée comme l’«Anne Frank française».
Membre du Front National de la Résistance, il meurt le 20 Juillet 1945 au 40 rue de Villejust, quelques semaines après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Après des funérailles nationales à la deman-de du général de Gaulle, il est inhumé à Sète, dans la partie haute de ce cimetière marin qu’il avait célébré dans son poème:
«Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes…».
Il repose dans le caveau de son grand-père, Giulio Grassi. Les quelques vers en guise d’épitaphe proclament:
«O récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux».
Son épouse, Jeannie Gobillard, petite-nièce de Berthe Morisot, que Paul Valéry avait épousée en 1900, est morte à Paris le 9 Juillet 1970 à l’âge de 93 ans.
Les essais de Valéry traduisent ses inquiétudes sur la pérennité de la civilisation («Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles»), l’avenir des «droits de l’esprit», le rôle de la littérature dans la formation, et la rétroaction du progrès sur l’homme.
Sa série «Variété» se compose d’un autre type d’écrits: ceux qui lui ont été commandés et qu’il n’eût sans doute, de son aveu, jamais écrits de lui-même. Ils n’en témoignent pas moins d’une profondeur d’analyse que l’on retrouve aussi dans la série de courts essais sur divers sujets d’actualité du XXᵉ siècle publiée sous le titre: Regards sur le monde actuel.
Sa correspondance avec André Gide a été plusieurs fois publiée à la NRF, la dernière édition à ce jour (2013) datant de 2009. On y découvre un Gide impressionné par la puissance intellectuelle de Valé-ry, quelques aspects humains peu connus concernant le second (dont un flirt «poussé»), et surtout un témoignage sur la façon dont ces deux écrivains assistaient, inquiets, à la «montée des périls» des années 1930.
Il a aussi publié L’Idée fixe. Il est également connu comme traducteur en vers (Les Bucoliques de Virgile) et apprécié pour ses préfaces critiques (Lucien Leuwen de Stendhal, Les Chimères de Nerval, Lettres persanes de Montesquieu).