Jésus, sa résurrection - Adyashanti - E-Book

Jésus, sa résurrection E-Book

Adyashanti

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Beschreibung

Un ouvrage à la fois philosophique et historique qui porte un regard neuf sur un épisode fondateur de notre civilisation.

Enseignant, auteur, conférencier et animateur d’ateliers ouvrant la conscience à notre vérité profonde, Adyashanti, dont la démarche spirituelle est d’inspiration zen bouddhiste, nous demande de considérer l’homme connu sous le nom de Jésus comme un modèle d’engagement éveillé envers son monde. Il met aussi en lumière cinq archétypes liés à son histoire : ceux de Pierre, Jean, Marie Madeleine, Judas et Ponce Pilate, présentant les clefs intuitives qu’ils détiennent quant à la relation à notre dimension spirituelle.
Malgré le constat que plusieurs d’entre nous avons grandi dans une culture imprégnée du mythe de Jésus, nous sentons actuellement une rupture avec l’essence et la vitalité des enseignements christiques.

À travers la vie et les enseignements de Jésus, Adyashanti nous invite à redécouvrir la voie de la transformation la plus radicale : celle de l’éveil spirituel.

EXTRAIT

Jésus est le colosse silencieux qui a déterminé la culture occidentale pour la plus grande part des deux derniers millénaires. Il est le personnage central dans le rêve collectif de la culture occidentale. Au cours des dernières décennies, les érudits ont surtout tenté de distinguer les tranches de l’histoire de Jésus qui seraient historiques et basées sur des faits de celles qui ne le seraient pas – en d’autres mots, ils ont essayé de comprendre ce qui s’est vraiment passé en Judée, il y a deux mille ans. Ils se sont concentrés sur ce que Jésus aurait vraiment dit par opposition à ce qu’il n’aurait pas dit.
À mon avis, nous ne le saurons jamais vraiment avec certitude ; nous ne pouvons pas vraiment savoir ce qui est arrivé ou non, ou départager la réalité historique de la portion mythologique. Cette recherche du Jésus historique, bien qu’intéressante, même fascinante, passe finalement à côté de l’essentiel. Il est question d’histoire ; il est question de rêve collectif.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Adyashanti est un maître spirituel et écrivain américain originaire de la baie de San Francisco. Il offre régulièrement des Satsangs aux États-Unis et sur Internet; occasionnellement, il se rend aussi en Europe. Il est l'auteur de plusieurs livres, CD et DVD et est le fondateur de Open Gate Sangha, Inc., un organisme sans but lucratif créé en 1996 soutenant la tenue de ses conférences et mettant ses enseignements à la disposition des gens intéressés par l'éveil de la conscience.

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DU MÊME AUTEUR

Falling into Grace: Insights on the End of Suffering

True Meditation: Discover the Freedom of Pure Awareness

Emptiness Dancing

My Secret Is Silence: Poetry and Sayings of Adyashanti

The Way of Liberation: a Practical Guide to Spiritual Enlightenment

The End of Your World: Uncensored Straight Talk on the Nature of Enlightenment

The Impact of Awakening: Excerpts From the Teachings of Adyashanti

Ouvrages traduits en français

Conscience pure et Méditation véritable, Les Éditions Ariane

La fin de votre monde : La vraie nature de l’illumination, Les Éditions Ariane

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Adyashanti

[Resurrecting Jesus. Français] Jésus, sa résurrection : incarnant l’esprit d’un mystique révolutionnaire Traduction de : Resurrecting Jesus. Comprend un index.

ISBN 978-2-924470-11-4

1. Jésus-Christ - Interprétations bouddhiques. I. Titre. II. Titre : Resurrecting Jesus. Français.

BT304.914.A3914 2015 232.9 C2014-942053-6

Sounds True, Inc.

Boulder, CO 80306

© 2014 by Adyashanti

ISBN 978-1-62203-094-1 (version papier) ISBN 978-2-924470-11-4 (version ePub)

Conception de la couverture par Jennifer Miles

Photo de couverture © par PavleMarjanovic de Shutterstock.com

Traduction française par Paule Mongeau Correction linguistique et révision de la mise en page par Jacques Côté Mise en page par François Messier

Les Éditions du Grand Ruisseau 1355, ch. du Grand-Ruisseau, Saint-Sauveur-des-Monts, Qc Canada J0R 1R1 1-514-247-3127 www.editionsdugrandruisseau.ca

Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire, d’adapter ou de traduire l’ensemble ou toute partie de cet ouvrage, dans tout pays et dans toute langue, sans l’autorisation écrite du propriétaire du copyright.

Droits d’auteur et droits de reproduction

Toutes les demandes de reproduction doivent être acheminées à :

Copibec (reproduction papier) – (514) 288-1664 – (800) 717-2022

[email protected]

Dépôt légal : 4e trimestre 2015

Remerciements

Ce livre est le produit de l’amour et du dévouement de plusieurs personnes. J’offre une profonde révérence d’appréciation à Mitchell Clute. Ton soutien enthousiaste à ce projet et tes talents en édition de texte furent un vrai cadeau. Après chaque conversation, je suis reparti souriant. J’offre aussi ma gratitude la plus profonde à Tami Simon. Toujours, ton intégrité inébranlable, ta curiosité et ton dévouement à la vérité sont un bol d’air frais et notre amitié est un des magnifiques présents de cette vie.

Je veux aussi citer certains écrivains chrétiens ayant été pour moi des plus inspirants au fil des ans : Maître Eckhart, un des véritables géants de l’histoire du mysticisme chrétien pour ses sermons, brillants et éclairés, à propos du mystère du Christ. Saint Jean de la Croix, pour ses merveilleuses intuitions du voyage mystique intérieur et sa poésie lyrique. Thomas Merton, pour avoir le premier ouvert mes yeux à la signification profonde du voyage chrétien. Joseph Campbell, pour ses merveilleuses intuitions dans la compréhension mythique des grandes histoires du monde. John Carroll, pour m’avoir montré la signification de l’Évangile selon Marc et pour certains des textes les plus puissants que j’aie pu lire.

Préface de l’éditeur anglophone

Le Jésus que vous êtes sur le point de rencontrer dans Jésus, sa résurrection est un révolutionnaire spirituel, un exemple d’humanité éveillée dans l’action, au-delà des limites de toute religion ou théologie. Ce Jésus n’est pas enraciné dans le temps et l’histoire ; il nous dirige vers le royaume éternel de l’esprit. Mais il n’est pas non plus éloigné et transcendant ; son histoire est une invitation à incarner l’esprit dans le présent, en nous.

Lorsque j’ai d’abord été mis en présence des enseignements d’Adyashanti sur Jésus, j’ai été captivé par ses intuitions inattendues sur Jésus en tant qu’être éveillé. Ses conférences ont ravivé Jésus pour moi, d’une façon jamais éprouvée auparavant. J’ai découvert que les explorations d’Adya dans l’histoire évangélique étaient une tradition annuelle du temps de Noël, une période appréciée de toute évidence.

Quand est venu le temps de lancer des idées au sujet d’un nouveau projet avec Adya, j’ai suggéré que nous lui demandions d’enseigner sur Jésus. En fait, il préparait déjà une retraite d’une semaine sur la vie de Jésus et ses enseignements et la création d’un livre et d’un programme audio sur ce sujet l’enthousiasma.

Ainsi, au printemps 2013, j’ai voyagé avec Tami Simon, l’éditeur de Sounds True, en Californie pour l’enregistrement du matériel qui devint Jésus, sa résurrection : Incarnant l’esprit d’un mystique révolutionnaire. Nous avons passé quatre jours avec Adya dans un studio confortable, profondément enfoncé dans les bois au-dessus de Santa Cruz, à l’écouter attentivement faire la lumière sur les significations plus profondes de l’histoire de Jésus.

Comme Adya parlait, j’ai été frappé à maintes reprises par l’histoire fantastique racontée par les Évangiles, particulièrement celui de Marc, le texte au cœur de Jésus, sa résurrection. À partir du moment où Jésus apparaît au Jourdain pour y être baptisé, l’histoire se meut rapidement et inexorablement vers la crucifixion, croisant en chemin la joie et le triomphe, la peine et la trahison. À la lumière de l’enseignement d’Adya, le Jésus qui transparaît est profondément humain, entièrement divin et complètement inattendu.

Dans la préparation de ses conférences, Adya a utilisé deux traductions de la Bible : la Nouvelle version internationale (NIV) et la Version standard anglaise (NSV). Pour chaque citation, il a choisi la version qui traduit mieux le contexte et les sources sont indiquées ainsi que le chapitre et le verset. L’autre texte clé est le Livre de l’Évangile [apocryphe] de Thomas, une collection en langue copte de paroles attribuées à Jésus, d’abord découverte en 1945.

En écoutant Adya au studio et, plus tard, en révisant le manuscrit de cet ouvrage, j’ai commencé à voir les façons dont ces enseignements réduisent l’écart entre nous et Jésus, entre nous et le divin. Tout comme le Jésus d’Adya est un modèle révolutionnaire, Jésus, sa résurrection est un livre révolutionnaire défiant les interprétations conventionnelles et confondant nos attentes à tout moment. L’histoire de Jésus telle qu’Adya la transmet est un plan du processus d’éveil, un enseignement nous montrant comment nous pourrions incarner l’être divin sous forme humaine, comme Jésus l’a fait.

En effet, Adya enseigne que Jésus est le fils de Dieu – et, de la même façon, chacun d’entre nous est le fils ou la fille de Dieu. Chacun de nous est le verbe fait chair. Ainsi, que signifie ressusciter Jésus – le libérer des additions de l’histoire, de la théologie et de la croyance ? Que signifie, pour l’histoire de Jésus, qu’elle s’éveille en vous ? Découvrez-le ! Voilà l’invitation de Jésus, sa résurrection.

Mitchell Clute

Éditeur et producteur, Sounds True

Janvier 2014

Boulder, Colorado

Adyashanti

« Voici le miracle qui dépasse tous les autres miracles : l’habileté de Jésus à refléter la divinité pour ceux qui se trouvent en sa présence. Ce miracle est de loin supérieur à celui de marcher sur l’eau ou de changer l’eau en vin. C’est le miracle de la rédemption, lequel éveille les gens à leur propre vraie nature. »

« Lorsque l’éternel et l’humain se rencontrent, voilà où naît l’amour - non de la fuite de notre humanité ou de la tentative de disparition dans la transcendance, mais en trouvant cet espace où elles entrent en union. »

Jésus, sa résurrection est un livre destiné à la réalisation de cette union dans notre propre vie, l’union du cœur et de l’esprit, à chaque instant grand ouverts au mystère logeant en chacun de nous.

Ce livre est dédié à mon grand-père, Harold Foster. Il fut le premier vrai chrétien rencontré en cette vie et une rare incarnation de l’amour inconditionnel du Christ. Sa capacité à affirmer la meilleure part de chaque personne qu’il aura croisée transforma de nombreuses vies. Puisses-tu connaître un repos éternel dans l’amour, la grâce et la miséricorde de Dieu.

Prologue : Jésus, le révolutionnaire spirituel

Jésus est le colosse silencieux qui a déterminé la culture occidentale pour la plus grande part des deux derniers millénaires. Il est le personnage central dans le rêve collectif de la culture occidentale. Au cours des dernières décennies, les érudits ont surtout tenté de distinguer les tranches de l’histoire de Jésus qui seraient historiques et basées sur des faits de celles qui ne le seraient pas – en d’autres mots, ils ont essayé de comprendre ce qui s’est vraiment passé en Judée, il y a deux mille ans. Ils se sont concentrés sur ce que Jésus aurait vraiment dit par opposition à ce qu’il n’aurait pas dit.

À mon avis, nous ne le saurons jamais vraiment avec certitude ; nous ne pouvons pas vraiment savoir ce qui est arrivé ou non, ou départager la réalité historique de la portion mythologique. Cette recherche du Jésus historique, bien qu’intéressante, même fascinante, passe finalement à côté de l’essentiel. Il est question d’histoire ; il est question de rêve collectif.

Notre culture occidentale a majoritairement oublié le pouvoir de l’histoire, le pouvoir du mythe de porter et transmettre la vérité – la vérité suprême, la vérité spirituelle. Le mythe est ce qui parle à nos âmes. Le mythe est le langage qui nous relie à notre inconscient et qui déclenche le sens de l’éternité, du rayonnement perçant le monde du temps et de l’espace. Le mythe, en fin de compte, est une façon de parler de ce qui ne peut être dit, de transmettre ce qui ne peut être écrit. Et alors l’histoire de Jésus, je crois, s’éveille pleinement lorsque nous pouvons abandonner l’obsession de l’histoire, de ce qui est arrivé ou non.

En fin de compte, il importe peu de lire la Bible comme une histoire précise et factuelle ou encore mythique et métaphorique, cette dernière pouvant mener les vérités du divin à notre être conscient et inconscient et nous aider à révéler ce que les faits ne peuvent atteindre.

Nous pouvons examiner cette histoire et le personnage de Jésus sous plusieurs angles. Chacun d’entre nous, souhaitons-le, voit l’histoire à sa manière, d’une façon qui nous parle. Dans Jésus, sa résurrection, je perçois l’histoire de Jésus par une lentille particulière. Ma lentille interprétative met de l’avant Jésus le révolutionnaire spirituel, Jésus comme une présence du rayonnement et de l’éveil divins, abolissant les frontières et les lignes séparatrices nous emprisonnant – que ces lignes séparatrices soient culturelles, interpersonnelles, tribales, ou simplement propres à notre psychologie.

À mon sens, Jésus le révolutionnaire a une façon unique de déballer le rayonnement de l’esprit et dans ce livre, je veux offrir cette lentille particulière, ce point de vue. Mais à la fin, chacun d’entre nous interprétera l’histoire de Jésus de la façon qui lui conviendra ; c’est ainsi que cela devrait être. En fait, cela a besoin d’être ainsi, parce que regarder exclusivement l’interprétation d’un autre, ne regarder que par une seule lentille, cela entrave complètement notre créativité innée et unique. Ainsi, tandis que je vais regarder l’histoire de Jésus à travers la lentille de Jésus le révolutionnaire, il importe au premier chef que tous nous entrions dans cette histoire de telle façon qu’elle prenne vie pour nous.

Considérer l’histoire de Jésus par la lentille de cette personnalité spirituelle révolutionnaire est un moyen de la raviver entièrement. Je sens que regarder Jésus par cette lentille insuffle un nouvel élan de vie dans l’histoire, sonne l’éveil d’une belle façon très stimulante, parce que Jésus le révolutionnaire spirituel a la capacité de nous réveiller de notre propre rêve individuel de séparation et d’isolement.

Dans notre culture occidentale, la plupart d’entre nous en sont venus à considérer Jésus comme l’incarnation de la plus haute forme d’éthique et de principes moraux – il est le bon berger, nous sommes le troupeau et il nous montre le chemin. C’est le Jésus des Églises ; les Églises sont très attirées vers Jésus le prédicateur éthique et moral. Cela a du sens, parce que le domaine de l’éthique et de la morale fait partie de ce que toute religion soutient, avance et transmet dans la culture.

Toutefois, si c’est tout ce nous voyons dans l’histoire de Jésus, alors cela cache finalement la transcendance sous-jacente, le rayonnement de la présence de Jésus. Sans cet éclat transcendant, Jésus ne devient qu’un autre personnage dans la longue nomenclature des prophètes moraux et éthiques.

Nous savons que la façon dont la culture en général a déterminé et interprété l’histoire de Jésus ne touche plus profondément le cœur des gens. L’assistance aux services dans les églises baisse à un rythme alarmant. L’année dernière, en visitant l’Europe, j’ai vu des cathédrales étonnantes, certaines d’entre elles ayant plus de mille ans. Ces cathédrales sont la preuve qu’il fut un temps où l’histoire de Jésus, vivante et vibrante, informait les sociétés. Mais la plupart de ces églises sont vides maintenant et cela nous révèle une chose importante. Cela nous dit que, dans l’ensemble, l’Église a échoué à réinterpréter les récits et le message afin de rester actuelle et indispensable, comme étant quelque chose qui parle à notre cœur, qui parle à ces impulsions mystérieuses en nous, nous permettant de nous pencher sur le mystère de notre être1.

1 NDLT : Le mot « being » en anglais est un verbe autant qu’un substantif. En français, nous devons opter pour l’un ou pour l’autre, mais veuillez garder en mémoire que l’auteur indique la forme active de l’être autant que sa substance lorsque le mot apparaît en italique, tel qu’il l’est dans le texte original.

Donc je pense que nous devons revoir l’histoire. Lorsque nous commençons à interpréter l’histoire de Jésus mythologiquement, nous commençons à y chercher ses métaphores et ses symboles. Nous commençons à nous demander : Que signifient pour moi les métaphores ? Que représente Jésus pour moi ?

Si nous ne considérons pas uniquement Jésus comme un personnage historique qui est né, a vécu, a marché sur la terre, enseigné, apporté son message et ensuite est mort sur la croix, et si plutôt nous considérons également Jésus comme une présence vivante éternelle, comme une métaphore de l’éternité en nous, nous pouvons commencer à entrer dans cette intériorité où nous devenons les fils et les filles de Dieu. Alors l’histoire est revitalisée. Alors le périple de Jésus peut prendre vie d’une façon vraiment significative pour nous.

Bien sûr, pour beaucoup de gens, cela peut constituer tout un défi. Pour certains, incarner l’histoire tel que je viens de le suggérer peut même sembler blasphématoire. Mais je pense que toutes les invitations à cet égard sont inscrites dans l’histoire même. Quand j’écoute vraiment le message de ces récits, c’est comme si Jésus disait : « Entrez, entrez dans le Royaume des Cieux. Le Royaume des Cieux est répandu sur la surface de la terre et les hommes et les femmes ne le comprennent pas. »

Il me semble que la présence de Jésus est une incarnation vivante de l’éternité, une incarnation de ce qui existe en nous.

L’histoire de Jésus est un miroir aidant à nous percevoir plus clairement. La fonction primordiale de la transmission d’un mythe est de rendre la vie transparente à la transcendance sous-jacente qui nous illumine. C’est le pouvoir du conte. Le conte nous invite à une relation créative avec l’histoire. Nous ne pouvons pas simplement être des spectateurs à distance ; nous devons nous projeter dans l’histoire afin de commencer à en devenir les personnages. Nous devons nous permettre de voir la vie par les yeux de Jésus, les yeux du Christ, de voir le monde à travers les yeux des disciples, par les yeux de ceux qui furent guéris, rendus complets, rachetés par la présence du Christ.

Je le rappelle, chacun d’entre nous aura sa façon unique d’examiner l’histoire de Jésus. Je veux présenter une perspective particulière que je considère comme très puissante, génératrice de potentiel et pertinente pour notre temps. Mais en passant ensemble le seuil de l’histoire, je veux aussi vous inviter à votre propre relation créative avec l’histoire même. Gardez ouvertes vos oreilles afin que chaque segment de l’histoire vous parle de façon unique. Entendu de cette façon, ce voyage mythique et deux fois millénaire de Jésus devient notre propre voyage en nous, dans la révélation de Dieu en nous, dans la réalisation de qui et de ce que nous sommes vraiment.

Adyashanti

Los Gatos, Californie

Février 2014

SECTION UN – À la rencontre de Jésus

1. Ma connexion à Jésus

Je ne peux me nourrir d’autre chose que de la vérité.

SAINTE THÉRÈSE DE LISIEUX

Vous devriez savoir que Dieu agit et Se verse au moment où Il estime que vous êtes prêts.

MAÎTRE ECKhART

Ainsi, comment un enseignant spirituel de formation zen bouddhiste peut-il être intéressé par l’histoire de Jésus ? Eh bien, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai été fasciné par l’histoire de Jésus. En tant qu’enfant, j’ai vu le film Les Dix Commandements, ainsi que toutes les autres épopées spirituelles présentées à la télévision et dans les cinémas de cette époque.

Dans ma jeunesse, nous avions des portes vitrées coulissantes autour de notre baignoire. Assis dans le bain, je griffonnais des croix avec des cercles tout autour dans la buée laissée sur la vitre. Chaque fois que je tenais un morceau de papier, je griffonnais des croix avec de grands cercles tout autour. Je n’ai pas même pensé à un symbole chrétien et je ne l’ai pas consciemment associé à l’histoire de Jésus, mais mes carnets, à partir du début de mes études jusqu’à l’université, sont remplis de croix. Quand je retourne à ce passé, je pense que l’histoire entière de Jésus, l’image et le symbole de la croix étaient logés au plus profond de mon inconscient ; en mon tréfonds, j’étais grandement attiré par ce symbole.

Je n’ai pas grandi dans une famille particulièrement religieuse et je n’étais pas vraiment intéressé par une religion organisée. Lorsque j’avais huit ou neuf ans, mes parents ont décidé de nous amener, nous les enfants, à l’église pendant un certain temps. Bien sûr, on m’a inscrit à l’école du dimanche, alors que mes parents quittaient vers ce que j’appelais « la Grande Pièce » pour écouter le pasteur. Après deux ou trois présences à l’école du dimanche, j’ai dit à mes parents que je ne voulais désormais plus y aller. Le professeur nous faisait colorier des images de Jésus dans un livre et chanter des chansons, et j’étais plus intéressé par ce qui se passait dans « la Grande Pièce » où le pasteur et tous les adultes se trouvaient. Après quelques semaines, nous avons cessé d’y aller et ce fut la fin.

Ma famille n’était pas particulièrement religieuse dans le sens conventionnel, toutefois mes parents et grands-parents entretenaient plusieurs conversations religieuses et spirituelles dans la famille. Vivant à proximité de mes grands-parents paternels et maternels, aussi bien que de tantes, d’oncles et de cousins, nous nous réunissions assez souvent. Il n’était pas inhabituel que la conversation évolue vers des sujets spirituels et religieux divers. Les deux couples de grands-parents étaient pratiquants et un de mes grands-pères était ce que j’appellerais « un vrai chrétien » ; il incarnait l’esprit chrétien de générosité et d’amour d’une façon que j’ai rarement revue. Ses amis le surnommaient « le diacre » parce qu’il passait tellement de temps à servir son église en tant que diacre.

Ces conversations m’influençaient profondément. Je les trouvais si mystérieuses et engageantes, ces conversations sur Dieu, l’esprit et Jésus, et comme enfant, je demeurais assis et j’écoutais avec une espèce de crainte mêlée de respect. Je ne comprenais pas tout, mais cela a engendré en moi un profond sentiment du mystère de la vie, d’une présence transcendante que je pouvais sentir. Heureusement, la discussion était toujours très ouverte et étendue, non dogmatique. Personne n’essayait de défendre son point de vue ; il s’agissait davantage d’un genre d’enquête, d’un regard profond sur ces choses.

Dès mon plus jeune âge, j’eus divers types d’expériences spirituelles, comme je les nomme maintenant, et quand j’entendais parler de religion ou de spiritualité, je faisais un lien entre ces expériences et certains sujets abordés par les adultes. Donc, comme je l’ai dit, même si nous n’étions pas une famille religieuse, d’après ce que je peux me rappeler, la religion et la spiritualité faisaient partie de notre vie.

J’ai toujours aimé Noël. Évidemment, il me semble bien que tout enfant aime Noël, tous les cadeaux, l’arbre, les lumières et ces émissions spéciales à la télé prévues pour les enfants. J’ai aimé toutes ces choses, mais pour moi Noël était aussi un temps sacré. Chaque année, dès le mois d’octobre, je me sentais envahi par une sorte de présence, une présence transcendante, belle, riche et intime. Je l’associais à l’histoire de Jésus, laquelle bien sûr est le propos de Noël.

Ce sentiment du sacré m’envahissait plusieurs mois avant Noël. Plus Noël approchait, plus ce sens du sacré me saisissait. Cette fête apportait un sentiment de grande signification et d’intimité profonde. Je vivais littéralement dans un état de grâce deux ou trois mois par année, et cela ajoutait une dimension sacrée à toute cette célébration de Noël qui surpassait les paquets et les lumières scintillantes. Ainsi donc, Noël et le message chrétien ont toujours résonné en moi à un niveau profond ; pour moi, l’histoire de Jésus a toujours été significative.

En vieillissant, à mon adolescence, je participai à la communion lors d’une messe catholique. Je ne savais pas qu’on n’était pas censé prendre la communion sans avoir été confirmé à l’église. En y repensant, je suis heureux de l’avoir ignoré, parce que je l’ai fait innocemment, et en participant au rituel de la communion prise et du vin bu, j’ai constaté la profondeur extraordinaire de ce rituel silencieux. Je ne m’attendais pas à ce que cela se produise ; j’étais allé à la messe avec une autre famille et je participais simplement pour voir à quoi ça ressemblait. Cela a aussi servi à me lier à l’histoire de Jésus.

TOMBANT EN AMOUR AVEC SAINTE THÉRÈSE

Vers la fin de mon adolescence, j’ai vraiment commencé à m’intéresser à une forme plus profonde de spiritualité. Je ne pensais pas au christianisme, à l’époque. J’avais commencé à lire quelques livres spirituels et dans un livre sur le bouddhisme zen, j’ai croisé par hasard le mot illumination. Quand j’ai lu ce mot, j’ai eu une réaction énorme, qui a vraiment changé l’orientation de ma vie. Je devais connaître la signification de ce mot. J’imagine que vous pourriez dire qu’à ce moment-là, je suis devenu un chercheur spirituel ; je cherchais l’illumination portée à mon attention par la lecture de ce livre zen.

Je trouvai une enseignante zen dans l’annuaire, laquelle par hasard ne demeurait qu’à quinze minutes d’où j’ai grandi, ce qui était étonnant parce qu’à l’époque, il y avait très peu de temples ou de centres zen aux États-Unis. Arvis Justi avait longtemps reçu une formation de ses propres maîtres. En fait, elle enseignait chez elle. J’avais environ vingt ans lorsque je l’ai rencontrée et j’ai étudié et médité auprès d’elle pendant plus d’une décennie. Un de ces jours, lors de mes trente-trois ans, elle me demanda d’enseigner.

L’entraînement zen est en réalité centré sur ce que vous faites – autrement dit, centré sur comment vous vous engagez dans une pratique réelle qui peut vous ouvrir aux dimensions les plus profondes, aux réalités les plus profondes du mystère en nous tous. De ce fait, je m’engageai dans le zen et je méditai beaucoup. M’asseoir en silence était la pratique primordiale et ce fut une expérience profondément significative pour moi ; ce fut réellement l’avenue par laquelle j’ai entrepris ma quête spirituelle.

Mais les années passant, il y avait quelque chose dans la pratique du zen avec lequel je ne pouvais pas trouver de connexion ; ça commençait à être un peu sec. Je ne me sentais pas profondément engagé sur le plan émotionnel. Alors, sans vraiment prendre conscience de ce que je faisais, mais simplement selon mon intérêt et mon intuition, j’ai commencé à m’ouvrir de nouveau, particulièrement grâce à ma lecture. Un jour où je me trouvai dans une minuscule librairie spirituelle à Palo Alto, en Californie, je tombai sur l’autobiographie de sainte Thérèse de Lisieux. Sainte Thérèse était une nonne catholique du dix-neuvième siècle, morte très jeune ; pendant les dernières années de sa vie, sa mère supérieure lui demanda d’écrire l’histoire de sa vie. En feuilletant son autobiographie dans le magasin, un aspect de sa sainte piété m’intrigua : j’achetai donc le livre pour l’apporter à la maison.

En lisant l’histoire de sa vie, j’ai tellement été fasciné par elle ; son innocence et son dévouement envers Dieu m’ont vraiment touché. Sa relation avec Dieu était très sincère et très simple, et une dimension de la simplicité et de la sincérité de son approche toucha des cordes sensibles chez moi. Et à ma grande surprise, je suis tombé littéralement amoureux de cette sainte, décédée depuis fort longtemps. Quand je dis cela, je veux vraiment dire « tombé amoureux », comme ce coup de foudre ressenti à l’école secondaire où une personne vous obnubile totalement. J’ai lu trois ou quatre versions de son autobiographie, des commentaires sur sa vie et ses écrits et j’ai été complètement emporté par elle durant quelque deux ans, dans cet amour de cœur. Cette expérience m’a tellement pris au dépourvu et c’était si inattendu que je ne savais pas vraiment composer avec cet appel.

En fait, mon cœur s’ouvrait. L’évocation de son amour réel pour Dieu, profondément centré dans le cœur, ouvrait mon cœur en pleine expansion. C’était le début de la découverte en moi de ce que je perçois comme la transmission du christianisme et de l’histoire de Jésus, la transmission de l’amour du cœur sacré, de l’intimité profonde, ouverte, vulnérable de l’amour.

Je poursuivis ma pratique zen bouddhiste – côtoyant mon maître, pratiquant ma méditation –, mais avec mon cœur éclaté en pleine expansion, l’expérience était bien différente. Cet amour était l’élément manquant, celui que je n’avais pas trouvé dans ma pratique zen. Bien sûr, en regardant le passé, je vois qu’il y était ; il n’était simplement pas accessible à une connexion de ma part. C’est très sensé, car je n’ai pas grandi dans une culture bouddhiste, en conséquence ce n’était pas ­facile pour moi de brancher sur leurs icônes, images et histoires. Celles-ci me sont un peu étrangères. Pour moi, le zen consistait à s’engager dans une pratique spirituelle, comme dans une investigation sérieuse et approfondie. Mais grâce à l’histoire de Jésus et par le biais de sainte Thérèse, je commençais à ressentir l’extase de l’amour sacré. Elle fut l’entrée par laquelle j’avançai dans la vérité au centre du christianisme.

« VOILÀ COMMENT JE VOUS AIME ET COMMENT VOUS DEVEZ AIMER TOUTE CHOSE »

Peu après ma rencontre avec sainte Thérèse, j’eus une expérience profonde lors d’une retraite zen. Ces retraites sont très exigeantes, avec pas moins de quinze périodes de quarante minutes de méditation quotidienne, requérant plusieurs séances en position assise sans dire mot, à bercer dans la quiétude. J’avais vécu des retraites zen auparavant et je commençais à penser que je devenais bon à mon arrivée à cette retraite de sept jours. J’avais vraiment hâte d’être là, mais à mesure de son déroulement, un malaise commença à me faire perdre la raison. Cela tournait au cauchemar. Je sentis un inconfort intense et j’ignorais pourquoi. Une sensation de profond confinement m’envahit, à l’image d’un animal en cage, et je voulus m’évader.

Après autant de retraites, je savais demeurer assis en méditation, ayant passé par toutes sortes d’émotions ou d’états d’esprit, et j’avais compris depuis longtemps que parfois on doit seulement endurer ces inconforts. Mais celui-ci me laissait vraiment perplexe ; j’étais si émotionnellement inconfortable, avec une anxiété intense et des symptômes de fuite ou de combat se bousculant en moi. À un moment donné, je ne pouvais plus le supporter. J’ai juste craqué. C’était dévastateur, je me suis senti profondément humilié. Et alors, j’ai écrit une petite note pour annoncer mon départ et, pendant que tous les autres méditaient, je l’ai fixée sur la porte de l’enseignant. Personne n’était censé partir sans rencontrer le maître, mais j’étais si humilié que je ne pouvais lui faire face. J’ai laissé la note, j’ai pris le volant de ma voiture et je suis entré à la maison.

J’étais si dévasté que j’ai vraiment pensé que c’était la fin de ma quête. Je me suis dit : Eh bien, tu as donné cinq ou six bonnes années, tu as réellement tout investi, mais tu as échoué. Tu n’es pas fait pour ça ; baisse les bras. J’avais vingt-cinq ans et j’étais certain, absolument certain que c’était la fin de ma recherche spirituelle. Je suis donc revenu en voiture avec la pensée que tout était bien fini, mais une fois à la maison, une petite voix dans ma tête a dit : « Tourne simplement à droite après la porte d’entrée et sors par-derrière, assieds-toi dans ta cabane de méditation et médite. » J’ai appris à faire confiance à cette petite voix immuable dans ma tête au fil des ans. Cela n’avait aucun sens puisque j’étais certain d’avoir mis fin à ma recherche spirituelle, mais j’ai suivi les consignes de ma voix intérieure. J’ai littéralement marché de la voiture à la porte d’entrée, que j’ai franchie pour traverser la maison vers la porte arrière et entrer dans ma cabane de méditation.

Dès que je m’assis, ce cœur spirituel – le cœur d’amour ressenti à ma première lecture de sainte Thérèse – explosa littéralement. Il ne serait pas même exact de dire qu’il a pris de l’expansion ; cela ressembla à une explosion dans ma poitrine. Je suis passé d’un état de découragement, certain d’avoir conclu ma quête spirituelle et d’avoir échoué, à cette immensité d’amour, d’un bien-être supérieur à tout ce que je n’avais jamais éprouvé. Ensuite, j’entendis ces mots dans mon cerveau, comme si le Dieu de la Bible parlait, et la voix dit : « C’est ainsi que je vous aime et c’est ainsi que vous aimerez tous les êtres et toutes les choses. » Ça semblait littéralement être la voix de Dieu, et cette explosion du cœur a tout changé.

Le soir même, l’enseignant du temple zen me téléphona et me demanda ceci : « Qu’est-il arrivé ? » J’ai dit : « Je ne sais pas ! » Il a demandé : « Pourquoi ne revenez-vous pas ? » Et j’ai répondu : « O. K., je serai de retour demain ! » C’était la fin de la conversation ; vite évacuée parce que je n’avais aucune réserve sur mon retour. Je n’ai pas nécessairement senti que ma vie spirituelle était en bonne voie de retour, mais dans cette immensité d’amour que j’avais éprouvée, j’eus l’impression d’être une plume dans le vent. Revenir ? D’accord, je reviendrai.

Je suis donc retourné au temple et comme j’étais sur le point d’entrer dans le pavillon de méditation, j’aperçus le leader de retraite, celui qui s’assure de faire respecter les règles. À la porte du pavillon, ce moine m’a regardé tout droit dans les yeux et a prononcé ces mots : « Tu n’aurais pas dû partir et tu n’aurais pas dû revenir. » Savez-vous qu’il s’agissait des meilleures paroles qu’il ait pu prononcer ? En effet, j’ai constaté qu’à l’écoute de ces mots, rien en moi n’a bougé : l’amour n’a pas diminué ni perdu de l’ampleur, ne s’est pas déplacé d’un iota. En fait, j’ai juste voulu l’entourer de mes bras et l’embrasser parce qu’il m’a montré que rien ne pourrait altérer ce que j’éprouvais.

Sans l’ouverture de mon cœur, cela m’aurait dévasté d’entendre quelqu’un me lancer : « Tu n’aurais pas dû partir et tu n’aurais pas dû revenir. » Au lieu de cela, l’effet produit en moi m’indiquait simplement l’immensité et l’intensité de l’amour que j’éprouvais. Je franchis directement cette porte et participai à une merveilleuse retraite.

Ainsi, ce qui avait débuté par cette sainte chrétienne ouvrant mon cœur d’une façon totalement inattendue a vraiment culminé vers ce grand éclatement du cœur à un moment de grand désespoir. Encore une fois, l’histoire de Jésus – et de cette sainte si intimement connectée à son histoire – joua un rôle central dans ma vie.

C’est à ce moment que j’ai commencé à lire une tonne d’ouvrages sur le mysticisme chrétien – jusqu’à deux cents livres des mystiques chrétiens. Depuis, j’ai raconté aux gens que j’avais compris le zen au moyen du mysticisme chrétien ; et, d’une certaine façon, c’est vrai. J’ai vraiment amorcé ma plus profonde compréhension du zen grâce au christianisme. Inversement, ma pratique bouddhiste zen et tout mon temps de méditation m’ont aidé à prendre conscience des messages des mystiques chrétiens ; donc ces deux axes allaient vraiment de pair pour moi à l’époque.

Par mes lectures, j’ai aussi acquis une compassion plus profonde pour l’histoire de Jésus, autant de qui il était, que de la signification de son histoire pour diverses personnes. Par la lecture des mystiques, je me suis rendu compte que la vérité et l’amour du Christ ont représenté des choses différentes pour des gens différents. Les nombreux mystiques avaient une compréhension très variée de la relation entre Jésus et Dieu, de leur relation à Dieu, ainsi que de leur relation à Jésus. J’ai senti que j’avais arpenté un monde mystérieux. Enfant, j’ai toujours été intrigué par l’histoire de Jésus d’une façon très puissante ; elle a captivé mon imagination. Mais lorsque j’ai pénétré le monde des anciens mystiques chrétiens, je l’ai examiné sous un angle complètement distinct. Ceux-ci m’ont indiqué que l’histoire de Jésus pouvait en réalité révéler une chose vraiment importante sur nous-mêmes – comment envisager la vie et se relier au mystère fondamental de l’être.

Pour chacun d’entre nous, notre propre existence est très mystérieuse. Simplement être, exister, est un grand mystère. En surface, chacun a sa personnalité, une image, une structure d’ego – une façon de se présenter au monde. Mais notre intériorité est tout à fait distincte. Ainsi, dans la vingtaine, j’ai étudié à l’université la psychologie et la sociologie ; donc, initialement, j’ai songé à ce qui nous habitait du point de vue psychologique. Puis, par mon étude du zen, j’ai perçu une dimension de l’être qui va largement au-delà de ce que nous considérons comme notre psychologie personnelle. Finalement, lorsque j’ai rencontré ces mystiques chrétiens, c’est comme s’ils m’avaient attiré dans un espace plus créatif, vers un lieu de rencontre où l’histoire de Jésus allait de pair avec la puissance créatrice de l’inconscient. C’est une dynamique très puissante lorsque le mystère de notre propre existence et une histoire vraiment extraordinaire se rejoignent. Cette rencontre peut susciter quelque chose de tout à fait transformateur.

LA PRÉSENCE DU CHRIST

Me voilà donc, avec un grand cœur ouvert, étudiant les mystiques chrétiens. J’ai été captivé non seulement par leurs mots, mais aussi par ce que ma lecture réveillait en moi : une certaine présence ou une vitalité – une présence distincte et profonde appartenant à la tradition chrétienne dans son ensemble. En Europe, il vous suffit d’entrer par les portes de ces vieilles églises et vous ressentez immédiatement une transmission spécifique, très différente de la transmission du bouddhisme, de l’hindouisme, de l’islam ou de toute autre religion. Chaque religion a bien sûr sa propre transmission, sa propre présence.

Cela provient des fondateurs de la religion, de leur essence et des centaines ou, dans le cas du christianisme, des milliers d’années où diverses personnes ont investi cette histoire fondamentale. Quand nous nous ouvrons à la présence christique, elle peut évoquer un sens interne de vitalité et d’amour illimité.

En plongeant plus en profondeur dans l’univers de ces mystiques chrétiens, je commençais à me demander si je devais effectuer une conversion de cheminement, du bouddhisme zen au christianisme. Il s’était écoulé plusieurs années depuis ma première messe catholique et je décidai de retourner à la messe une seconde fois. Cette fois-ci, je savais que je n’étais pas censé prendre part à la communion, alors je suis demeuré assis et j’ai observé, lorsque tout le monde s’est levé. Même dans l’observation, j’ai constaté qu’il y a un profond mystère autour de ce rituel qu’il est très difficile de traduire en mots. Tout rituel religieux puissant aura cette qualité de contact avec un aspect de nous très profond et très ancien. Un bon rituel évoque le mystère d’être, le mystère de notre propre existence, le mystère de la vie, le mystère de Dieu. Il est conçu pour évoquer ce sentiment d’éternité brillant à travers le treillis du temps et de l’espace. C’est réellement la raison d’être d’un rituel : nous mettre en contact avec un sentiment d’éternité, avec le sens du sacré.

J’étais donc assis à l’arrière de l’église, à observer communier les gens. Ayant lu les mystiques décrivant avec grande éloquence leurs propres expériences profondes, j’ai senti une imposante connexion, comme si j’avais rétrogradé de quelques centaines d’années et communié à la présence vivante d’une autre personne. Ainsi avais-je une attente inconsciente de vivre le même sentiment en entrant dans cette église et en observant la messe. Mais lorsque le prêtre commença à parler, ce fut extraordinairement décevant. Il parla d’avortement, d’attitudes familiales, de questions intimes concernant la sexualité et la façon de vivre sa vie ; au fil de sa parole, j’ai senti qu’il avait utilisé la présence créée par ce rituel de la communion pour la jeter au plancher, puis la piétiner. Il semblait avoir complètement raté le message chrétien. La modification du comportement intime des gens et l’adhésion à certains points de vue politiques semblaient l’intéresser davantage que la tâche première d’un prêtre consistant à nous ouvrir au mystère, à rendre l’histoire de Jésus transparente à la présence transcendante qu’elle évoque.

Lorsque j’entendis ce prêtre, la présence et le mystère s’évanouirent et tout retourna au monde relatif. Ce fut le moment où je compris : « D’accord, je devine que le chemin chrétien ne sera pas ma voie privilégiée. » J’avais besoin d’un élément très profond et je pouvais le trouver chez les anciens mystiques, mais pas dans une église actuelle et moderne. Même si je savais que le christianisme ne serait pas la voie favorisée, je me rendis aussi compte que toute l’histoire de Jésus et de la transmission du christianisme continuerait à occuper une place importante dans mon développement spirituel. Ma pratique de méditation zen m’avait mené jusqu’à un certain point, mais j’avais besoin que mon cœur spirituel fleurisse pour que je puisse avancer et non stagner. La transmission chrétienne a inspiré mon cheminement spirituel global et, en quelque sorte, ma vie entière.

2. Le Jésus des Évangiles

Jésus dit : « J’ai mis le monde en feu, et voici, je le protège jusqu’à ce qu’il flamboie. »

ÉVANGILE DE THOMAS

« Soyez tel que Dieu vous a conçu et vous allez embraser le monde. »

CATHERINE DE SIENNE

Avançons maintenant d’une douzaine d’années. Mon enseignante zen m’a alors demandé d’enseigner et j’ai commencé à partager le dharma – donnant des conférences, dirigeant des retraites suivant la trajectoire d’un enseignant spirituel contemporain. Je n’ai jamais senti qu’à ce titre, je tenterais de répandre le bouddhisme et, de fait, ma formatrice ne me l’a jamais demandé. Ce qui m’attira vers la spiritualité dès le début – la question « Qu’est-ce que l’illumination ? » – est ce à quoi je me suis principalement intéressé en tant que maître et ce que j’ai à éveiller dans les cœurs et les esprits des gens venant à moi.

Dans le cadre de mon enseignement, j’ai découvert que chaque fois que je parle de l’histoire de Jésus, elle tend à résonner pour les gens. Ce n’est pas surprenant, car le christianisme a dominé le cerveau occidental pendant plus de deux millénaires ; ainsi, que vous soyez juif, bouddhiste, musulman ou même athée, vous ne pouvez éviter d’être touché par cette histoire. Ce seul fait rend l’histoire digne d’un nouvel examen et, chemin faisant, nous pourrions constater que le Jésus dont on nous a parlé diffère énormément du Jésus des Évangiles. Telle est bien la nature de l’enquête que j’aimerais mener.

LIRE LA BONNE NOUVELLE

Comme pour beaucoup de gens, ma compréhension de Jésus a été essentiellement modelée par la culture dominante. Le Jésus que je connaissais était en réalité celui qu’on voyait à la télévision et dans les films, le Jésus dépeint en chaire et, plus tard, celui que j’ai découvert en étudiant les mystiques, soit un Jésus mystique. Au cours des trente-cinq premières années de ma vie, ces aspects me sont devenus familiers. Cela peut sembler étrange, mais lors de mon étude de la mystique chrétienne, je ne m’étais jamais assis pour lire les quatre Évangiles. Je n’avais jamais vraiment parcouru l’histoire biblique de Jésus. Et lorsque je le fis, j’ai été stupéfié, abasourdi même, par ce que j’ai trouvé.

Le Jésus découvert dans les Évangiles ne ressemblait pas au personnage assimilé par le biais de ma culture ni même au Jésus mis au jour par les mystiques. J’ai découvert au moyen de son histoire un être incroyablement révolutionnaire, ayant aboli les barrières et les lignes de séparation, autant dans la culture en général et dans l’arène politique que dans la religion où on l’avait élevé. À la lecture des Évangiles, une partie de moi s’est sentie étroitement liée au Jésus révolutionnaire mystique, qui en réalité est assez courageux pour évoluer dans la vie, guidé et inspiré par la dynamique de son essence spirituelle. Voir Jésus à travers la lentille du révolutionnaire spirituel est puissamment transformateur ; si nous réussissons à incarner cet esprit, nous pouvons commencer à abolir les murs internes qui nous isolentdes autres, du monde et de notre propre divinité.

Plusieurs types de lentilles permettent de scruter l’histoire de Jésus. Celle de Jésus le révolutionnaire est, je crois, l’une des plus puissantes en fonction de notre culture spirituelle contemporaine. Notre religion et notre culture contemporaines nécessitent un afflux de vie nouvelle. Je pense que les Églises des États-Unis sont à revitaliser ; elles ont besoin de la présence défiante de Jésus qui dit : « Il importe que vous réalisiez la vérité de votreêtre. Il y a de sévères conséquences à vivre dans l’obscurité. » Comme Jésus l’exprime dans l’Évangile selon Thomas : « Si vous n’engendrez pas ce qui vous habite, ce que vous n’engendrez pas vous détruira. » [Thomas 70:4-5]

En tant que révolutionnaire, Jésus est une loupe puissante, mais comme je l’ai dit, elle n’est pas la seule. Chacun des quatre Évangiles du Nouveau Testament offre un portrait unique de Jésus. Chaque évangéliste décrit Jésus et son histoire à travers une lentille interprétative unique. Les Évangiles selon Marc, Matthieu, Luc et Jean offrent chacun une interprétation distincte de l’histoire. Les évangélistes diffèrent profondément quant à la position des éléments de l’histoire, quelques auteurs plaçant certaines scènes au début, d’autres à la fin. Il est très clair que les évangélistes écrivaient ces histoires avec créativité afin de créer différents sens et de transmettre des messages originaux. Chacun brossait un portrait distinct de Jésus.

L’ÉVANGILE DE MARC

Je constate que la lentille par laquelle l’Évangile de Marc voit Jésus est particulièrement fascinante. Jésus y est dépeint comme un vrai révolutionnaire et un individu qui, au fil de l’histoire, incarne un paradoxe : il s’est éveillé à la réalité de sa propre divinité, mais il recherche encore la nature de son rôle dans la culture dominante et il tente de comprendre comment transmettre ce qu’il a expérimenté. Je pense que ce rôle en évolution, cette recherche de révélation complète de ce qu’il est et de qui il est vraiment, est particulièrement pertinent pour notre culture.

Le Jésus dépeint dans l’Évangile selon Marc possède une réelle autonomie spirituelle ; dans la langue vernaculaire moderne, on pourrait dire qu’il est son propre maître. Maintenant, plusieurs personnes ont probablement entendu parler de l’autonomie de l’ego, de l’atteinte d’un endroit dans sa psyché intérieure plus cohérent et moins conflictuel, ceci afin d’actualiser son potentiel et sa vitalité dans le monde. Mais l’autonomie spirituelle, telle qu’incarnée par Jésus, mèneloinau-delà de cela.

L’autonomie spirituelle implique la connaissance de ce que et de qui vous êtes – sachant que vous êtes l’êtredivin en soi, que votre essence est la divinité. Vous vous déplacez dans le monde du temps et de l’espace, apparaissant comme un être humain ; néanmoins vous êtes éternel, unêtre