Juste une chance - Bénédicte Rossi - E-Book

Juste une chance E-Book

Bénédicte Rossi

0,0

Beschreibung

Plongez dans une histoire envoûtante où les destins de Mia Cooper et de Maxence Beauregard se croisent, se heurtent et s’entremêlent. Harcelée et hantée par des secrets enfouis, Mia est prisonnière de ses liens toxiques. Déterminé à chasser les fantômes qui la tourmentent, Maxence s’engage alors dans une quête effrénée pour la libérer. Entre désir ardent, séduction envoûtante et séparation déchirante, Mia lutte seule contre ses démons, jusqu’à réaliser que l’union fera la force. À travers un tourbillon d’amour et de passion, laissez-vous emporter par cette histoire où l’espoir et la résilience triomphent dans un crescendo d’émotions.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Après avoir suivi Olivia et Gabriel dans son premier roman "Obsessions", Bénédicte Rossi nous entraîne avec "Juste une chance", entre la Normandie et l’Australie, dans une nouvelle histoire d’amour haletante où le passé est le seul maître du jeu.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 604

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Bénédicte Rossi

Juste une chance

Roman

© Lys Bleu Éditions – Bénédicte Rossi

ISBN : 979-10-422-2718-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Pour mes amours Bruno et Charlotte,

et pour mes êtres chers, partis trop tôt.

Prologue

La vie est une chance, saisis-la.

Mère Teresa

Mia

En ce doux mois de juin, dans l’embrasure de la porte d’entrée, je les regarde s’amuser, danser, rire dans le jardin. Toute cette légèreté et cette insouciance qui nous faisaient si cruellement défaut depuis quelque temps. Aujourd’hui est un grand jour : mon grand frère Gabriel épouse ma meilleure amie Olivia sur ses terres à elle en Italie. Le chemin a été rude jusque-là. Nous y avons laissé des plumes, voire plus. Nous y avons perdu un meilleur ami, un frère. Un frère ? N’est-ce pas trahir les miens que de continuer de penser à lui comme à un frère ? Pourquoi as-tu fait ça Dean ? Tellement de questions sans réponse, de douleur et de trahison… Nous étions cinq :mon frère Gabriel, ses meilleurs amis Maxence et Dean, la fille de notre gouvernante Olivia et moi. Les garçons avaient quatre ans de plus que nous, mais nous étions inséparables. À présent nous ne sommes plus que quatre. Rien n’est plus pareil.

Aujourd’hui, en les regardant danser et s’amuser, la boule dans mon ventre grossit devant tout ce gâchis.

— Mia, viens danser avec moi, c’est notre chanson ! me crie Olivia. Sur l’air de Freed from Desire de Gala, elle saute dans tous les sens et hurle le refrain, pendant que mon téléphone ne cesse de vibrer dans ma pochette.

— Max ! Attrape mon sac s’il te plaît !

Sans attendre de réponse de sa part, je le lui lance et fonce dans les bras de ma meilleure amie.

Je fais ce que je sais le mieux faire depuis toujours. Je remets le masque de la jeune fille fofolle et écervelée sur mon visage, toujours prête à faire la fête. Si seulement ils savaient… toute cette tristesse en moi…

1

Un rêve devenu réalité

Seul l’arbre qui a subi les assauts du vent est vraiment vigoureux, car c’est dans cette lutte que ses racines, mises à l’épreuve, se fortifient.

Sénèque

Olivia

Je l’ai rêvé si fort ce moment. Quand je regarde ma famille et mes amis rire ensemble en cette fin d’après-midi, je me dis que nous revenons de loin, mais que nous sommes là où je voulais être. Ici en Italie, sur les bords du lac Majeur, dans la maison de mes grands-parents dans le village de Cellina. Gabriel, mon mari… waouh mon mari ! Je suis officiellement Madame Gabriel Cooper. Assise sur le muret du jardin, la lumière rouge orangée du coucher de soleil sur les montagnes au loin, je les observe en buvant ma coupe de champagne, essoufflée après avoir dansé comme une folle avec Mia.

Nous sommes peu, mais l’essentiel est là, comme Emilie et Richard Cooper, les parents de Mia et Gabriel, propriétaires d’une magnifique demeure sur les hauteurs de Trouville-sur-Mer en Normandie. Ma mère, Marie Charles, travaillait comme gouvernante pour eux et vivait dans la maison des gardiens, sur leur terrain. Maman était mariée à Roger, un homme violent, jaloux et alcoolique. Après une soirée où il est rentré saoul, il a tenté de me violer et a agressé ma mère. Avec la seule priorité de me protéger, maman a demandé à sa sœur Marianne de m’emmener ici, en Italie, chez leurs parents Vincent et Thérèse. Loin de cette maison maudite, loin de lui. Malheureusement, vivre ici m’a éloignée de mes amis et de Gabriel, dont j’étais secrètement amoureuse depuis aussi loin que je m’en souvienne. Dès que j’ai pu, à ma majorité, je suis rentrée en France, retrouver ma mère et renouer avec Gabriel. Ce retour a été compliqué, ce dernier ne comprenant pas cette si longue et silencieuse absence. Et puis, les menaces ont commencé. L’ombre de mon père planait à nouveau au-dessus de moi. Des secrets de famille en pagaille, dont j’ignorais l’existence jusqu’à lors ! Le plus important : celui sur le nom de mon vrai père. Après la naissance de ma sœur Victoire, ma mère est tombée amoureuse d’Alan, dont elle attendait un enfant…en l’occurrence moi. Cet homme a quitté sa femme et son fils pour nous. Mais les amoureux n’ont jamais pu vivre ensemble. Pas de « Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » pour eux. Roger a tué Alan le soir même où les amants devaient fuir ensemble. Le pire est qu’il n’a jamais été soupçonné et son crime est resté longtemps impuni. Mais mon retour a réveillé les tensions et les rancœurs. Le fils abandonné d’Alan s’est allié à Roger pour nous faire payer la vie triste qu’il a eue. Ils ont assassiné ma pauvre maman et ont tenté d’en faire de même avec moi. Ce fils abandonné, complice de Roger, n’était autre que Dean Thomas, notre meilleur ami.

Je ne peux m’empêcher de penser à lui en ce jour. Je sais que chacun de nous y pense. Nous sommes tous marqués à vie par cette trahison. Notre ancien ami, mon demi-frère, nous a brisés. Nous essayons d’avancer à nouveau sans lui. Max, Mia, Gab et moi sommes plus soudés que jamais. Mais personne ne parle de Dean. Personne. Sujet tabou. Parfois, je vois Gab, le regard au loin, sombre. J’aimerais tellement le soulager. Durant ses insomnies, il parle, se confie. Il souffre de ne pas avoir vu son ami dans la tourmente, de ne pas avoir décelé son double jeu. Mais comment l’en blâmer ? Personne n’a rien vu.

En ce jour si heureux, je sais que l’ombre de Dean plane, qu’il est dans les esprits de tout le monde.

Victoire s’approche de moi, un nouveau verre à la main.

— Ça va sœurette ? Tiens, bois, ça va t’éviter de penser.

Je saisis cette nouvelle coupe en lui rendant son sourire.

— Quand tu m’as dit mariage intimiste, j’ai un peu flippé pour l’ambiance. Mais finalement, les vieux…

— Victoire ! lui dis-je en lui donnant un coup de coude. Richard et Emilie s’entendent très bien avec Marianne, papy et mamie. Regarde papy, il nous fait blague sur blague !

— La grand-mère va en faire en ulcère ! Pas facile de la dérider celle-là. Elle irait bien avec ton « super » flic Bruno Benedict. Aussi taciturne qu’elle. Pourquoi tu l’as invité lui déjà ? Intimiste, ça concerne les proches, ceux qu’on aime. Lui, bah, voilà quoi !

— Je sais, Gab m’a dit pareil. Mais il me fait mal au cœur. C’est un homme seul et il s’entend bien avec Richard. Et au final, il nous connaît tous !

Benedict, cet inspecteur à la retraite, était en charge des enquêtes sur ma famille. Un monstre d’incompétence et d’inutilité.

— Bah tu penses ! À défaut d’avoir su nous protéger, il a au moins appris à nous connaître. Il a géré d’une telle main de maître tes agressions et le meurtre de maman ! ironise-t-elle.

— Pas ce soir Vic, s’il te plaît.

— C’est un incapable…

— Je sais Vic, je sais. Ignore-le ! Il ne fait pas de bruit dans son coin là-bas. On dirait le vieil oncle un peu fou qui existe dans toutes les familles. Mais oui, c’est ça ! C’est oncle Perfide de la Famille Addams ! je m’écrie, fière de ma comparaison.

— Au moins Oncle Perfide est drôle ! marmonne-t-elle.

— Tu sais, tu serais parfaite en Mercredi Addams, ma sœur adorée !

— Toujours aussi drôle Liv ! Allez, je vais embêter le marié.

— Vas-y, il n’attend que ça ! dis-je en rigolant.

Elle se dirige vers Gab, se retourne, me décoche un clin d’œil, en me chuchotant « Je t’aime ma Livie ».

Qui l’eut cru que cette sœur, tant détestée pendant de longues années, devient aussi importante pour moi ?

En tout cas, elle a raison. La vie n’a pas été tendre avec nous. Mais on est là. C’est tout ce qui importe ce soir. Un bon mélange de Santa Barbara, de Dallas et de Côte Ouest… Mais je les aime tous : Gab, Max, Mia, Flora, Victoire, Marianne, papy, mamie, Richard, Emilie et même notre inspecteur fétiche Bruno. Nous sommes tous liés les uns aux autres à jamais.

— Lâche-moi ! Trouve-toi un italien dans les parages ! râle Gab à l’autre bout du jardin.

— Gabriel ! On est lié maintenant. Je suis officiellement ta belle-sœur ! Un bisou mon beau-frère chéri !

Ces deux-là sont comme chien et chat ! Alors que Max se moque ouvertement de lui, Flora, mon amie rencontrée ici en Italie, vient à la rescousse de mon époux.

— Laisse-le ! On est mieux sans homme ! Viens danser avec moi ! Viva Italia !

D’où je suis, je sens le regard de Gabriel se poser sur moi et me transpercer à distance. Toujours aussi profond, plein de sous-entendus, ce qui m’excite en deux secondes. Max lui parle, mais lui me fixe. Je comprends à ses yeux qu’il n’est déjà plus dans la soirée, mais dans notre after, dans notre tête-à-tête à venir. Je m’en languis d’avance. Il le sent, le sait. Son sourire en coin ne trompe pas.

Cet homme, je l’ai dans la peau !

2

Un mariage au top

Le bonheur le plus doux est celui qu’on partage.

Delille

Mia

— Mais dis-moi Mia, tu me caches quelque chose ? me demande Max d’un air malicieux.

À ces mots, je blêmis. À quoi fait-il référence ? A mes sentiments pour lui ? Ou a-t-il regardé dans mon téléphone ? Je suis essoufflée en revenant m’asseoir. Je m’avachis sur l’une des chaises dispersées dans le jardin. Je m’accoude à la table, faisant semblant d’être complètement détachée.

— Pourquoi ?

Il me secoue ma pochette sous le nez.

— Ça n’arrête pas de vibrer là-dedans. Allez, Minus, il s’appelle comment ?

Argh Minus… ce surnom que je déteste, tellement cela l’empêche de me voir comme la femme que je suis devenue et non plus l’enfant de quatre ans de moins que lui.

— Tu n’as rien d’autre à faire que de fouiner dans le portable de jeunes demoiselles esseulées ? tenté-je en me recoiffant et en mettant mes attributs en avant.

Max… toute une histoire pour moi. Il y a peu, j’ai cru qu’il y avait un « nous deux », un futur possible. Mais Dean a tout détruit sur son passage, emmenant avec lui mes rêves de prince charmant. Et mon beau poète aux cheveux d’or s’est éloigné et son regard s’est perdu. Je n’avais plus accès ni à son cœur ni à sa tête. Que se passait-il là-dedans ? Je n’étais pas dupe. Je savais qu’il nageait dans les mêmes eaux troubles que moi. Mais il a préféré naviguer seul. Ne t’inquiète pas, il souffre. Il a besoin de temps comme nous tous. Il reviendra vers toi. Ton homard1 à toi, tente très souvent de me rassurer Olivia.

Comme à son habitude, Max éclate de son rire cristallin en me tapotant le nez et s’en va. Je le hais autant que je l’aime celui-là.

Gabriel tire la chaise en arrière et me rattrape par la taille. Il m’attire vers le muret du jardin de la maison des grands-parents d’Olivia, pour nous y asseoir dessus comme deux ados.

— Alors ma chieuse, tu t’amuses ?

— Mais ce n’est pas vrai ! Quelqu’un connaît-il mon vrai prénom ici ?

— Les parents sûrement !

Je lui frappe l’épaule en espérant lui faire un peu mal tellement son bonheur est irradiant.

— Oui c’est magnifique Gab ! Qui eut cru qu’il y avait un cœur si mou là-dedans ? dis-je en lui enfonçant l’index dans la poitrine.

— Tu crois qu’Olivia est heureuse ?

— Comment peux-tu en douter ? Regarde-la comme elle rayonne. Son mariage idéal : ici en Italie, chez son grand-père. Vous êtes beaux tous les deux. Beaux, mais écœurants.

— C’est toi la prochaine sœurette, me décoche-t-il avec un clin d’œil avant d’aller embrasser sa belle dans le cou.

C’est toi la prochaine, mouais. Plus le temps passe et moins j’y crois. Je suis l’opposé d’Olivia, un modèle de femme pour moi. Ma meilleure amie attire tous les regards par sa beauté, mais aussi par ce regard rempli de tendresse, de gentillesse et d’empathie. C’est une guerrière qui a souffert, connu l’enfer, mais qui s’est relevée. Gab et Olivia s’aiment depuis toujours et ce mariage est une évidence sur leur chemin de vie. Moi, à l’inverse, je suis la sœur rigolote, avec des formes, une chevelure longue aux reflets auburn et des taches de rousseur sur le nez et les joues. Maman m’a toujours dit que j’étais aussi jolie qu’une poupée de porcelaine. Bref, question confiance en moi, on repassera.

J’aime regarder cette euphorie qui nous emporte tous ce soir. Mes parents toujours présents pour nous. Un vrai couple soudé qui a toujours fait face. Papa est à la retraite maintenant et maman profite de la vie… comme elle l’a toujours fait d’ailleurs. Flora et Victoire qui boivent et dansent. Ce tableau est surprenant quand on connaît notre passé. Flora est une jeune femme de notre âge qui habite de l’autre côté de la rue des grands-parents d’Olivia. Elles se sont rencontrées et liées d’une amitié profonde pendant que Liv vivait ici. Victoire… notre Victoire. Sœur aînée d’Olivia, peste et persona non grata jusqu’à il y a peu. Leur père Roger se servait d’elle et la manipulait comme d’une arme contre Marie et Olivia. Dans cette guerre familiale, elle avait pris son parti à lui et jalousait sa sœur pour sa relation si particulière avec Gabriel. Bref… elle n’était apparemment pas la seule. Dean… secrètement amoureux d’Olivia. Je l’ai toujours su, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Sauf que lui savait que c’était sa demi-sœur ! Pfff quand j’y repense : il s’est uni à Roger pour détruire la vie des filles Charles. Je le considérais comme un frère. Quelle violence de découvrir qu’il était derrière tout ça !

— Hé ! T’as décidé de rester à l’écart toute la soirée ? me lance Victoire, s’approchant de moi une bière à la main.

— Non je fais juste une pause.

— À d’autres ! Tu penses encore à tout ça toi aussi ? À Dean ?

— J’avoue que ça m’effleure l’esprit. Tu y penses de temps en temps, toi ?

— Bien sûr, surtout que je te rappelle que je n’avais pas le meilleur des rôles. Je culpabilise de mon aveuglement et d’avoir gâché ma relation avec ma mère. Il est malheureusement trop tard pour réécrire l’histoire. Maintenant j’aimerais réparer ma relation avec Olivia pendant qu’il en est encore temps.

Elle s’essuie discrètement une larme au bord des yeux. En lui passant une main dans le dos, je décide que nous devons aller de l’avant et je l’entraîne vers la piste de danse.

— Bon si on arrêtait de se lamenter et de pleurnicher sur notre sort et que l’on profitait un peu de ce moment de douceur que nous offre la vie ? On est tous là, ensemble, et on s’en sortira. Le temps apaise les blessures. Amusons-nous ma poulette !

— T’as raison et ce soir, c’est ton soir ! me dit-elle en me désignant Max. À l’attaque ! Max, viens trinquer avec nous ! À la vie !

Max rigole en secouant la tête et s’approche de nous sans me quitter des yeux. Ce look de surfeur blondinet à la peau dorée et au regard bleu acier… j’en raffole ! Elle a peut-être raison : ce soir est mon soir !

3

Des étoiles dans les yeux

Des papillons dans le ventre. Sourire idiot. Regard brillant. C’est ça l’amour, non ?

Francisco de Paulo Fernandez

Mia

De sa démarche féline, il s’approche de moi. Ce regard intense, pénétrant, me rend fébrile. Il le sait, il le voit. Je commence à gigoter sur place et je me sens rougir. Moi qui voulais être traitée comme une femme, me voilà servie. Seulement je ne sais quoi faire de mon corps. Arrivé à ma hauteur, il se place à côté de moi, épaule contre épaule, et regarde, comme moi, les uns et les autres s’amuser. Pour ma part, je fais semblant de faire bonne figure en feignant de les regarder danser. Mais, dans ma tête, dans mon corps, c’est l’explosion. Papillons et fourmis, tout le monde s’active à l’intérieur.

— Tu vas m’éviter encore longtemps ? me demande-t-il, le regard toujours au loin.

— Moi ? Mais jamais ! répondant un peu trop vite pour être sincère et faisant semblant d’être outrée.

Je remets mon collier en place, vérifie mes boucles d’oreilles, défroisse ma robe et prends une mèche de cheveux, que je tortille dans tous les sens. Question sérénité, j’en suis loin.

— Arrête de gesticuler comme ça Minus ! On a l’impression que tu t’apprêtes à rencontrer ton premier flirt, rigole-t-il.

Ce rire me transcende, ses mots me transpercent. Fin du game, que la pression dans mon cœur s’envole ! Dans sa tête, tout est clair pour lui : je suis Minus, la petite sœur de Gabriel.

— Tu es magnifique dans cette robe. J’aime beaucoup. Tu fais concurrence à la mariée.

Alors, game ou pas game ? Pourquoi s’amuse-t-il à me chauffer pour me refroidir juste après ? Je suis complètement déboussolée, je ne sais plus que penser. Des trois garçons, Max, de son vrai nom Maxence Beauregard, est le plus calme, le plus posé et un énorme séducteur. Il sait y faire. Je l’ai tellement vu en action : un regard nous laissant croire que l’on est unique, une mèche blonde lui tombant devant les yeux, des gestes attentionnés, quelques mots et emballé c’est pesé. Il est redoutable. Là où Dean était un bourrin, où Gabriel était doté d’un magnétisme et d’un charisme sans nom, Max, lui, était tout dans la délicatesse et la séduction.

— Je te connais par cœur Max. Je connais ton jeu, je t’ai vu faire tellement de fois !

La musique s’arrête soudain et les cris des filles fusent pour demander de la remettre. Mais je l’entends lâcher dans un souffle.

— Je ne joue pas Mia Cooper.

Je ne peux m’empêcher de tourner la tête pour me retrouver confrontée à ses deux billes claires et profondes. Ce regard si torturé ces derniers temps. Ses doigts cherchent les miens. Une vague de chaleur m’envahit, mes jambes tremblent.

Au milieu de la foule, les mariés prennent la parole.

— Olivia et moi voulions vous remercier de nous avoir suivis jusqu’ici et d’avoir fait de cette journée, un moment inoubliable pour nous deux.

Gabriel enlace tendrement sa femme en la serrant contre lui. Liv est heureuse, elle ne peut s’empêcher de sourire en regardant amoureusement son mari.

— Il est temps pour nous de vous laisser, dit-il en mimant une révérence. Continuez de danser, de boire et de vous amuser les amis !

Tout le monde les applaudit et crie leurs noms. Il est vrai que pour un petit groupe, nous en faisons du bruit ! De manière romanesque, mon frère passe un bras derrière les genoux de sa femme pour la porter et commence à se diriger vers la maison.

— C’est écœurant, ils dégoulinent d’amour ces deux-là ! Prenez une chambre ! s’exclame Flora, tout juste séparée de son petit ami Giovanni.

— C’est le projet ma chère ! lui répond Gabriel dans un clin d’œil. Buona notte a tutti !

Je n’ai pas le temps de les voir rentrer dans la maison, que Max attrape ma main et m’entraîne en courant vers les grilles du jardin.

— Mais que fais-tu ? Qu’est-ce qui te prend ?

— Allons voir le lac ! La nuit est magnifique.

Mon poète est de retour. J’entends Victoire qui me cherche dans le jardin et Flora lui répondre « Bon bah je crois qu’il ne reste que toi et moi Vic. On s’en fiche, viens danser ! Attrape le champagne ! ».

Max ne me lâche pas la main et continue de m’entraîner dans les ruelles non éclairées du village.

— Max ! Mais qu’est-ce qui te prend ? Si c’est encore une blague, ce n’est pas drôle !

Toujours pas de réponse de sa part, mais il me semble discerner un sourire. Je m’impatiente.

— Max, tu sais que je suis une flippée dans la nuit ! Attends ! Tu ne m’emmènes pas de l’autre côté de la rue au cimetière quand même ! dis-je en me stoppant net.

La blague a assez duré, je croise les bras sur ma poitrine et commence à bouder.

— Allez Minus, ne reste pas plantée là ! Viens !

— Je ne m’appelle pas Minus ! dis-je énervée en tapant du pied.

Il s’arrête quelques mètres plus loin et reste silencieux. Impossible pour moi de voir l’expression de son visage ou son regard. Il ne doit pas savoir quoi faire de moi. Soudain un bruit venant de derrière me fait sursauter. Je l’entends rire.

— Alors tu décides quoi ? Tu fais demi-tour toute seule au risque de croiser je-ne-sais-qui ou je-ne-sais-quoi ou tu me suis ? dit-il sûr de lui.

J’aimerais tellement faire demi-tour, lui faire ravaler son assurance, mais je ne peux pas. Je suis trop trouillarde.

— Tu me saoules Max ! Tu me saoules !

J’abandonne tout esprit de rébellion et je cours vers lui.

— Ce n’est pas juste Max, les dés sont pipés. Et arrête ton petit sourire en coin ! Je vais te le faire bouffer !

Il explose de rire, m’attrape la main et reprend sa course vers l’avant.

— Ce soir est notre soir ma belle !

— Quoi ? je m’écrie en toute élégance.

Je rêve ou j’ai bien entendu ?

— C’est bien ce que Victoire t’a dit tout à l’heure ?

Je jurerai le voir me faire un clin d’œil dans le noir et rigoler. Heureusement pour moi que le ridicule ne tue pas.

— Tais-toi et cours Monsieur je-sais-tout ! je bougonne essoufflée.

4

La magie du lac Majeur

L’indécision en effet est une solitude.

Victor Hugo

Max

Me voilà comme un con à courir dans la nuit noire en tenant par la main Mia, morte de trouille. Elle croit que je me joue d’elle. Mais si elle savait cette tempête qu’elle provoque dans mon crâne. Je comprends son sentiment : j’avance d’un pas vers elle, et je recule de deux. Je veux, mais je flippe. Tout a toujours été tellement simple avec les filles… mais pas avec elle. Alors ce soir, quand je l’ai vue si belle et si fébrile à mon contact, je n’ai pas pu résister. Je ne voulais être qu’avec elle. Je sais que Gab ne m’en voudra pas.

Encore une grosse soirée au pub. Nous avons beaucoup de succès et sommes fiers de ce que nous avons créé ensemble ! Noël approche, toujours une source de tristesse pour moi depuis la trahison de Dean. Gab et moi nous retrouvons seuls et silencieux, accoudés au bar, assis sur les tabourets hauts. Je me lève pour me prendre une bière, crevé par ce service où j’ai vu Mia, notre barmaid, se faire draguer quasiment toute la soirée. Jamais elle ne répond à leurs avances, elle n’a aucune confiance en elle et aucune conscience de son sex appeal. Ça me gonfle.

— Allez dis-moi ce qui se passe là-dedans ! me demande Gab. Ça fait un bail que l’on n’a pas pris le temps de discuter tous les deux, tellement Olivia m’accapare avec le mariage.

Je sais qu’il voudrait laisser sa future femme tout gérer, mais il ne peut pas. Il aime connaître l’organisation pour y distiller des petites surprises pour Liv tout au long de cette journée. Je ne le connaissais pas comme ça mon Gab, mais c’est un vrai romantique. Dean l’aurait bien chambré ! Tout ce qui peut donner le sourire à sa femme, il le fait.

Il insiste en me fixant droit dans les yeux, comme pour me sonder. Nous n’en avons jamais parlé et je ne suis pas sûr qu’il prendrait bien le fait que j’éprouve une attirance pour sa sœur. Romantique peut-être, mais aussi et surtout très possessif le gaillard.

— Rien, cette soirée m’a usé.

— Olivia et Mia sont en train de se changer dans le bureau. On est tranquille un bon moment, alors parle mon ami.

Je sais qu’il n’achète pas mon mensonge et je ressens tout le sous-entendu dans sa phrase. Il s’en veut de n’avoir rien vu pour Dean, de ne peut-être pas avoir été assez à son écoute. Alors, il ne veut pas passer à côté de moi. Pense-t-il que je peux aussi devenir un psychopathe en puissance ?

— Je ne suis pas Dean, mec. Je ne vais pas partir en cacahuète, ne t’inquiète pas.

— Ouais désolé.

— Ne t’inquiète pas Gab, on est tous dans le même état à ce sujet.

Nous trinquons ensemble et prenons une gorgée.

— Allez, à la fin des emmerdes !

J’acquiesce et replonge dans mes pensées, sans me rendre compte qu’il continue de m’observer.

— Bon Max, assez de tourner autour du pot. Olivia m’a tout dit. J’avoue que sur le coup, je n’ai pas apprécié. Mais soyons honnêtes : je préfère que ce soit toi, plutôt qu’un autre con.

Je souris malgré moi. Olivia… Elle comprend tout, tout le temps. Tellement intuitive. Je ne sais que lui répondre.

— Fais gaffe quand même, c’est ma sœur. On la connaît, fleur bleue comme pas deux.

— Je ne sais pas trop où j’en suis pour être honnête. J’ai toujours été proche d’elle et encore plus depuis qu’elle est partie faire son tour du monde. Je crois que c’est là que j’ai compris que j’avais des sentiments autres que copain/copain pour elle. Je déteste les voir lui tourner autour tous les soirs. Je te jure, ça me bouffe. Mais je suis paumé, avec tout ce qu’il s’est passé.

Gabriel rigole et me prend par les épaules.

— Bienvenue dans mon monde mec ! Où tu ne contrôles plus rien et juste la voir sourire te satisfait !

— Ne m’en veux pas Gab, je n’ai rien prémédité. Mais pour l’instant, je ne peux rien te promettre, j’ai besoin de temps. Tu comprends ?

— Vieux, je voulais juste que tu saches que je n’étais pas contre et que je suis là pour toi. Après, ce qu’il se passe entre vous deux, ça vous regarde. Mais tu n’es pas sorti de l’auberge avec ma frangine ! Le boulet celle-là, dit-il affectueusement.

Nous arrivons enfin au sentier qui mène à notre petite plage il Boscaccio. Ce chemin est sinueux, il faut descendre à travers la forêt. Je rigole en imaginant l’effort surhumain que fait Mia pour ne pas défaillir de peur. J’utilise la lampe de mon téléphone pour essayer de voir où nous mettons les pieds.

— Je te jure Max, ça a intérêt à valoir le coup. Parce que sinon je m’occuperai moi-même de ton sort.

Je l’entends râler tout le long de la descente. Elle me fait rire, mais, pour l’embêter, je fais semblant de me fâcher.

— Tu ne peux pas t’arrêter de ronchonner un peu. On dirait Tatie Danielle !

Je sais combien elle aime utiliser des références de films et de séries dans chacun des moments de sa vie. Très midinette, mais j’adore cette légèreté.

— Oh super tes références qui datent de la préhistoire ! Ma robe et mes chaussures te remercient, râle-t-elle.

Nous reprenons notre descente en silence… enfin pas longtemps.

— « Ce soir est ton soir », « à l’attaque », mon cul ouais ! Je vais finir égorgée dans un bois au bord du lac. Personne ne saura où je suis. J’adore ce plan foireux qui…

Je me retourne brusquement en lui faisant les gros yeux. Ça a le mérite de la faire taire instantanément. Elle me fait signe qu’elle se coud la bouche et qu’elle jette par-dessus son épaule le fil et l’aiguille. La naïveté et la fraîcheur de cette fille me tuent.

Nous sommes bientôt arrivés sur la plage, nous pouvons enfin entendre le clapotis du lac sur le sable. L’été, nous adorons nous baigner ici. Loin de tous les touristes, petit bout de plage avec un énorme rocher, duquel nous plongeons comme des gamins. Il est vrai que ce petit paradis se mérite.

— Et voilà Mia, regarde ! Ça valait la peine de souffrir un peu.

Elle ne me répond pas. Je me retourne inquiet pour voir ce qu’il se passe. Je la trouve silencieuse, face au lac, les yeux humides. La lune se reflète dans les mouvements de l’eau, on aperçoit les contours des magnifiques îles Borromées devant nous. Elle s’avance sur le sable, hume l’air et pénètre dans l’eau délicatement. Je la regarde tendrement et m’en veux déjà du mal que je vais lui faire. Pas sûr qu’elle apprécie encore le moment bien longtemps. Je dois le lui dire. Mais je repousse à nouveau ce moment difficile. Pour l’instant, je veux la rejoindre. Je m’approche doucement d’elle. Elle sent ma présence et sursaute comme si elle m’avait oublié. Elle se retourne un grand sourire aux lèvres, qui m’emplit d’une plénitude sincère. Je ne vois plus l’adolescente, mais bien la femme de 22 ans pleine d’espoir et de rêves.

— Viens Max, elle est bonne, me dit-elle dans un filet de voix.

Je m’approche d’elle, et sans la quitter des yeux, je glisse mes mains autour de sa taille. Nous collons nos fronts l’un à l’autre et ne bougeons plus. Elle passe ses mains dans mes cheveux mi-longs. Je profite de chaque seconde. Au bout de plusieurs minutes, je me décolle délicatement d’elle en lui déposant un baiser sur le nez. Je la sens frémir.

— Si on oubliait tout ce soir ?

Ses grands yeux bleus magnifiques me questionnent en silence.

— Tu as déjà fait un bain de minuit dans tous tes voyages autour du monde ?

Et sans la quitter du regard, je retire un à un mes vêtements. Une fois en caleçon, je hausse le sourcil.

— Je me baigne seul ?

Alors, avec cette sensualité qu’elle ignore, elle passe sa robe par-dessus ses épaules. Elle baisse ses bretelles de soutien-gorge. J’ai la gorge sèche de la voir si belle et si pure sous les rayons de la lune. Magique.

— Il me semble, mon cher ami, qu’un bain de minuit, c’est complètement nu.

Surpris par sa hardiesse, j’enlève dans seul coup mon bas. Je me retrouve sans rien face à l’objet de mes désirs. Elle n’ose baisser le regard. De mon doigt sous son menton, je maintiens sa tête vers moi. Je dépose un baiser sur ses lèvres pulpeuses, au goût de champagne.

— Tu viens Mia Cooper, reine de mes désirs et de mes folies.

Elle finit de se déshabiller et me répond dans un baiser.

— Je te suivrai partout Max.

Nous avançons dans l’eau fraîche du lac. Nous nous tenons l’un à l’autre et la chaleur de nos corps nous suffit.

Quoiqu’il advienne demain, ce moment restera gravé en moi. Pardon d’avance ma belle et douce Mia.

5

Une douce illusion

La vie est une rose dont chaque pétale est une illusion et chaque épine une réalité.

Alfred de Musset

Mia

Les rayons du soleil traversent le volet en bois de ma chambre et me réveillent doucement. Quelle heure peut-il bien être ? Combien de temps ai-je dormi ? Mes idées ne sont pas encore complètement claires, mais je constate tristement que je suis seule dans mon lit. La douceur des draps, le moelleux de l’oreiller… Je suis dans un cocon, qui contraste avec mon corps endolori. Les souvenirs magiques de la soirée me reviennent doucement en mémoire.

Nous restons collés un long moment à nous embrasser passionnément, comme une urgence entre nous. Mes mains dans ses cheveux mi-longs que j’aime tant, mes jambes autour de sa taille. Je l’ai rêvé ce moment. Max est le premier à arrêter notre étreinte. Il pose son front contre le mien, et je l’entends soupirer lourdement.

— Que se passe-t-il Max ? demandé-je dans un filet de voix, avec la crainte au ventre de ce qu’il pourrait dire.

Il secoue la tête et semble comme tiraillé, déchiré.

— Max ? Si tu regrettes, je…

Il pose de manière autoritaire sa main sur ma bouche, me fixe intensément et me susurre :

— Chut Mia, ne dis rien qui puisse gâcher ce moment. S’il te plaît profitons… Nous aurons tout le temps de parler après. Promis.

Dans son regard intense se mêlent tellement d’émotions. Il semble démuni face à tous ces sentiments contraires qui le submergent. J’essuie une larme au coin de son œil et l’entraîne vers le rocher.

— Je dois te parler, c’est important, me chuchote-t-il tout bas, comme pour s’en convaincre. Mais plus tard, là je veux profiter de toi, de nous.

— Alors viens mon surfeur adoré, grimpe sur le rocher et montre-moi ton plus beau plongeon.

— Je te rappelle que nous sommes nus ?

— Et alors ?

À la lumière de la lune, sans aucune pudeur ni complexe, je commence à escalader le rocher comme je le peux. Je sens Max me rejoindre, puis me dépasser.

— Le premier en haut ma belle ! me crie-t-il.

Je ne cherche même pas à le rattraper, car maladroite comme je suis, je risquerais de me casser quelque chose. Joueuse, mais pas suicidaire. Il me tend la main pour m’aider à atteindre le sommet.

— Allez Minus prête ?

— Je te jure qu’un jour tu vas le bouffer ce surnom débile !

— Quand tu parles comme ça, nue en haut d’un rocher, tu ne sais pas ce que ça provoque en moi !

Il rigole si fort, que je suis sûre que ça résonne jusque dans les montagnes devant nous ! Sans prévenir, il attrape ma main et m’entraîne dans son saut.

Dans l’eau, tout sourire, il m’attire à lui et me plaque contre le rocher pour m’embrasser à nouveau. Toujours avec passion, comme s’il devait s’en imprégner pour ne pas oublier. Ses mains m’explorent, sa bouche marque son territoire sur mon corps et je le laisse prendre possession de moi. Je commence moi aussi à jouer avec lui, à découvrir son corps et ce qui l’excite. J’aime l’entendre gémir mon nom.

— Mia, sûre de toi ?

— Comme jamais.

Nous nageons jusqu’à la plage. Je le vois sortir de l’eau pour récupérer quelque chose dans son pantalon. Quel bel vu d’où je suis ! À l’inverse de moi, Max a un corps d’Apollon dont je ne me lasse pas.

— La vue te plaît ma douce ?

Je rougis d’être prise en flag. Ma douce… Voilà un surnom qui me convient davantage.

— Tu avais tout prévu ? lui dis-je étonnée.

— Avec toi dans les parages, toujours.

Et sans se poser davantage de questions sur demain, on se donne l’un à l’autre comme jamais, comme si nos vies en dépendaient, comme si l’avenir n’existait pas.

La maison est calme. Tout le monde dort encore ? Je regarde sur mon téléphone, posé sur ma table de nuit, et m’aperçois qu’il est déjà 14 h. J’entends une voiture avancer dans l’allée de graviers. Je me lève vers la fenêtre pour ouvrir les volets et regarder qui se gare.

Nous sommes restés longtemps à profiter l’un de l’autre sur le sable, les petites vagues du lac nous recouvrant de temps en temps. Moment magique hors du temps. Et puis, j’ai commencé à avoir froid. Alors délicatement, Max m’a séchée avec son pantalon, puis m’a aidée à remettre ma robe, avant de poser sa veste sur mes épaules. Jamais un homme ne m’a considérée comme il le fait à présent. C’est étrange et intimidant à la fois. Je me sens comme une petite fille toute gauche. Pourtant, ce que nous venons de vivre n’a rien de timoré ! Il s’est rhabillé en quelques secondes avant de me prendre la main et de commencer la remontée du sentier.

— Attends !

Je me retourne une dernière fois sur ce lieu paradisiaque, où mes rêves les plus fous se sont réalisés avec l’homme que j’ai toujours aimé. Je ferme les yeux pour m’imprégner de ce sentiment de plénitude.

Nous rentrons en silence, tranquillement, profitant jusqu’au dernier moment de notre bulle d’intimité. Arrivés à la maison, Max me fait signe de ne pas faire de bruit en montant les escaliers. Il s’arrête devant ma chambre, m’embrasse délicatement, tout en tendresse. Il s’apprête à rejoindre la sienne au grenier, quand je le retiens fermement. Mon regard le supplie de rester avec moi. Il ne résiste pas et me suit. Nous n’allumons pas la lumière, nous nous déshabillons et nous nous mettons tendrement au lit. Nus, m’entourant de ses bras et de sa chaleur, je m’endors sous la douceur de ses baisers dans mon cou.

En m’approchant de la fenêtre, je pense reconnaître la voix de Gabriel dans le jardin. J’ouvre les volets en bois et suis aveuglée par la lumière. Je me cache les yeux d’une main, et je m’aperçois que le bruit de mes volets a attiré l’attention de mon frère vers moi.

— Tu descends prendre un café avec moi la chiure ?

Je grogne quelque chose d’inaudible et referme ma fenêtre. Ma gorge me gratte. J’ai dû attraper froid hier soir, en jouant les naïades dans une eau à 15 degrés ! Je préfère rester sous ma couette, dans ma bulle, encore un peu. Pas envie de me réveiller complètement. En m’approchant de mon lit, je m’aperçois que, sur la table de nuit opposée, il y a une lettre avec mon nom dessus. Je reconnais de suite l’écriture de Max. Cela n’augure rien de bon.

Mon cœur s’arrête, ma respiration se bloque et je comprends que ma bulle vient d’imploser.

6

Envie d’un nouveau départ

Tout ce qui a un début a une fin, mais chaque fin est le début d’un nouveau départ.

Serge Zeller

Max

Assis dans l’avion pour le retour vers la France, je repense à ces dernières heures et à ma lâcheté de dire la vérité à Mia. Elle va m’en vouloir à mort, j’en suis sûr. Je l’entends déjà me maudire, et cela me fait sourire. J’espère qu’elle me comprendra et qu’elle verra dans ma lettre un futur et non un arrêt brutal et définitif à notre histoire. Ce départ était prévu depuis plusieurs mois. Je l’ai préparé soigneusement, mais discrètement, car je n’ai jamais trouvé le courage d’en parler à Mia. Elle va me détester. Mais rien de tel qu’un vrai challenge à mon retour pour la reconquérir. Je sais qu’on se retrouvera… sauf si la vie en décide autrement.

Arrivé à Paris, je fonce prendre mon train pour la Normandie. J’ai prévu de passer une dernière nuit chez mes parents, avant de m’envoler vers la liberté, le soleil, la mer et le surf. Une vie libre, sans contrainte pour me reconnecter à la nature, à moi. Dean a fait trop de ravages. Je dois me reconstruire pour faire à nouveau confiance.

Gabriel l’a tout à fait compris et ne m’a pas retenu, ni cherché à m’en dissuader. Je sais qu’il était triste à l’aéroport tout à l’heure. Olivia pleurait. J’avoue que je n’en menais pas large non plus… surtout après la nuit de rêve que je venais de passer. J’ai failli tout laisser tomber au dernier moment. Mais non, je dois le faire. Pour moi.

— Les gars, je vous promets, ce n’est qu’un au revoir. Je vais revenir.

— Oui, mais quand ? pleure Olivia.

— Je te promets que je reviendrai. Vous êtes ma famille. Comprends-moi Olivia s’il te plaît. J’ai besoin de changer d’air.

— Bah tu pouvais aller en vacances dans le sud. Tu n’es pas obligé d’aller à l’autre bout du monde. C’est méga loin l’Australie. On ne pourra pas venir te voir souvent.

Gabriel la serre tendrement dans ses bras et l’embrasse sur le sommet du crâne.

— À sauts de kangourous, tout est possible. Allez princesse, on sera en contact quasi tous les jours. Je tente de la rassurer.

Olivia se blottit dans mes bras.

— Je t’aime Max, tu le sais ?

— Ton mec, pardon, ton mari va m’en coller une si tu me dis des choses comme ça !

Je lui chuchote à l’oreille que moi aussi, en la serrant encore plus fort.

—  Pas faux… Putain qu’est-ce que tu vas me manquer !

Gabriel nous prend tous les deux dans ses bras et notre étreinte me fait du bien. Elle me donne la force d’aller au bout de mon projet.

— Je suis fier de toi et de ce que tu t’apprêtes à réaliser. Ce n’est pas rien de tout quitter pour un autre pays, un autre continent. Faut être sacrément courageux. Vis ce que tu as à vivre et reviens-nous vite.

Ses mots me touchent.

— Juste une chose les amis : hier avec Mia, je n’ai pas trouvé le courage de le lui dire. Je ne voulais pas gâcher notre moment, dis-je penaud.

— Je ne veux même pas savoir ! me rétorque Gab en se bouchant les oreilles.

Cela a le mérite de faire rire Olivia qui lui tape sur le torse, en lui demandant d’arrêter. Redevenant sérieuse, je vois qu’elle s’inquiète de suite pour son amie.

— Elle tient beaucoup à toi Max. Elle va être dévastée et vexée de ton départ secret.

— Je sais Liv, je sais. Je lui ai laissé une lettre. S’il te plaît, assure-toi qu’elle la lise et qu’elle la comprenne. Dis-lui bien que je ne regrette rien de ce qu’il s’est passé entre nous.

— Je ne veux vraiment pas savoir mec, continue Gabriel. Mais ne t’inquiète pas. Nous serons là pour elle. Évidemment.

Je les remercie en les étreignant une dernière fois.

Le train me ramenant chez mes parents est en retard… Comme d’habitude. Je regarde défiler les paysages verts en me demandant comment seront ceux d’Australie. Comment sera la vie là-bas ? Vais-je bien m’entendre avec l’Australien que j’ai rencontré sur un forum Internet et qui vit sur place ? Malgré mon anglais hésitant, j’ai beaucoup échangé par mail et WhatsApp avec lui. Il est un peu plus âgé que moi, mais avec une passion commune : la liberté que procure le surf. Au début, je serai hébergé chez lui, jusqu’à ce que je trouve mon propre appartement. Même si j’ai assez d’économies pour tenir plusieurs mois facile, je vais me chercher un petit boulot tranquille, sans pression. Histoire de ne pas gaspiller bêtement toutes mes économies. Le but de ce voyage n’est pas de flamber, mais vraiment de me retrouver.

Dans une brume bien de chez nous, le train entre en gare de Caen et j’aperçois la silhouette menue de ma mère sur le quai. Mon père ne doit pas être bien loin. Des phénomènes ces deux-là. Jean Beauregard, plombier à son compte, qui roule en sifflotant dans sa camionnette de ville en ville. Il semble heureux et libre. Louise, ma mère, a toujours géré le secrétariat et les papiers, tout en s’occupant de mon tanguy de grand frère Albert, 30 ans cette année, et moi 26 ans. Nous nous entendons bien tous les deux, mais rien de bien sensationnel. Là où je suis nature et liberté, il est dans sa chambre à lire. Pas de passions communes, mais un respect et un amour commun sans borne pour nos parents. Bien sûr qu’ils vont me manquer. Mais comme d’habitude avec eux, pas de jugement, ni de crises ou de larmes. Ils nous laissent faire nos propres expériences. Pendant que le train ralentit, j’aperçois mon père vérifier s’ils sont sur le bon quai en regardant les écrans d’affichage. Toujours à vérifier encore et encore. On nous dit qu’on se ressemble, que je suis son portrait craché : grand, carré, le regard clair et ses cheveux que l’on ne cherche même pas à dompter… au grand désespoir de ma mère qui a toujours lutté pour nous coiffer. Albert lui est rasé de près, une fierté pour elle ! Mais au fond, je sais qu’elle l’aime ma tignasse. Surtout quand elle passe la main dedans pour l’ébouriffer. D’ailleurs, il y en a une autre qui l’a appréciée la veille au soir…aïe j’ai le cœur qui se serre, quand je l’imagine ayant découvert le poteau rose à son réveil. J’ai été lâche et égoïste hier soir, mais je le voulais vraiment ce moment avant de m’envoler quelque temps vers d’autres aventures.

— Ah fiston, tu es là ! s’écrie mon père.

— Tu as fait bon voyage ? me demande maman. Jean prend son sac ! Viens mon grand. Je t’ai préparé un bon repas pour ton dernier soir avec nous.

Dans la voiture, les parents me questionnent sur le mariage d’Olivia et Gabriel, me demandent des nouvelles des parents Cooper et de Mia. Je sais que maman a le projet secret de nous caser ensemble. Qui sait ? Elle parle de mon futur voyage, me dit avoir préparé un kit de survie et une trousse à pharmacie, car « on ne sait jamais sur quoi tu vas tomber en descendant de l’avion ».

J’envoie un texto à Gab pour lui confirmer que je suis bien arrivé et entre les mains expertes de Louise. Je lui demande si Mia va bien. Il me répond de ne me soucier de rien et de profiter à fond de mes parents pour la dernière soirée et de mon futur périple.

À table, j’observe tendrement Louise, Jean et Albert. Mes parents, toujours d’un calme olympien, jamais un mot plus haut que l’autre. Ils ont parfaitement compris mon besoin d’évasion. Eux-mêmes se sont sentis trahis par Dean. Ma mère a coupé tout contact avec Hélène Thomas, le jour même de l’arrestation, cette dernière trouvant des excuses aux agissements de son fils.

Avant de partir en Italie pour le mariage, Mia vient déjeuner avec sa mère Emilie à la maison. Les deux mamans s’adorent depuis toujours et aiment jacasser des heures entières ensemble. Avec Mia, nous les laissons toutes les deux seules à table et nous nous vautrons dans le canapé. Je fais mine de m’endormir, la tête sur ses genoux. Je profite de ce moment hors du temps, où elle caresse délicatement mes cheveux. Naturellement, sans qu’elle ne s’en rende compte. Je sens son corps bouger à chaque fois qu’elle rit devant ses séries à l’eau de rose. Serait-ce ça à quoi ressemblerait ma vie avec Mia ? Douce, facile et heureuse ?

Nos mères ont baissé d’un ton, ce qui nous pousse à tendre l’oreille pour écouter ce qu’elles peuvent bien se raconter.

— Je te dis que c’est pour bientôt, insiste Emilie.

— Au mariage tu crois ?

— J’en suis sûre ! Regarde-les tous les deux dans le canapé. J’en mets ma main à couper.

— Si seulement tu pouvais avoir raison, dit ma mère comme une prière.

— Vous êtes vraiment sûrs de ne pas pouvoir venir avec nous en Italie ?

— Malheureusement oui. Je suis tellement triste de ne pas y aller. Mais Jean ne peut pas reporter son chantier. Je crois que c’est la première fois que l’on se dispute tous les deux, lui confie maman.

— Allez ne t’inquiète pas Louise. Je t’enverrai des photos de nos jeunes mariés et de nos futurs tourtereaux.

Mia me regarde, comme gênée par ce qu’elle vient d’entendre. Et moi, je rigole. Elle me tape sur l’épaule en me traitant d’idiot.

Après ce bon repas en famille, je monte une dernière fois dans ma chambre d’enfants. J’y retrouve mes posters d’adolescent, un peu jaunis par le temps. Je m’allonge dans mon petit lit une place et fixe le plafond blanc. Je m’autorise à replonger une dernière fois dans mes souvenirs de cette soirée passée avec Mia. Ce petit bout de femme est un vrai phénomène. Quand je suis parti ce matin, elle dormait profondément. Je l’ai observée longuement, j’ai photographié mentalement chaque parcelle de son corps et j’ai couché dans une lettre tout ce que je voulais lui dire. Je l’ai embrassée une dernière fois sur l’épaule, senti ses cheveux et j’ai pris mon sac en refermant sans bruit la porte derrière moi.

J’ai vraiment le cœur gros ce soir. Mais, demain est un nouveau jour pour un nouveau départ.

7

La lettre

Une lettre, c’est magnifique et précieux comme un morceau d’âme.

Anne Dandurand

Mia

J’ai les mains qui tremblent lorsque je me saisis du bout de papier posé délicatement contre la lampe de chevet. Je comprends que la nuit dernière est belle et bien terminée. Je m’assois par terre, le dos contre mon lit et les jambes repliées sur ma poitrine. Quelques coups frappés à ma porte, auxquels je décide de ne pas répondre.

— Mia ? C’est moi Olivia. Je sais que tu veux rester seule, mais je suis là derrière la porte au cas où tu changes d’avis, me murmure-t-elle.

— Tu n’es pas censée faire un voyage de noces toi ? Je lui réponds brutalement d’une voix rauque à cause de mes larmes retenues.

— Je suis là, c’est tout. Prends ton temps.

J’entends que ça remue derrière ma porte. J’imagine que tout le comité d’accueil est réuni pour me réceptionner à l’atterrissage.

Ma douce Mia,

Pardon, pardon, pardon !

Je sais que tu vas te sentir trahie, mais je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Cela fait des semaines que je cherche à te le dire. Mais tes grands yeux bleus innocents m’en empêchent à chaque fois. Lâcheté, peur d’être responsable de ta tristesse. Parce que ton sourire n’a pas de prix.

Tu te rappelles quand on s’asseyait sur le toit de ta maison pour regarder la ville en contre bas, le ciel et les étoiles ? On se confiait l’un à l’autre. Parfois, simplement, on s’allongeait côte à côte, les yeux dans la nuit, perdus dans nos pensées, rêvant de liberté.

Je chérissais ces moments avec toi.

Quand Olivia a disparu et que tu es parti faire le tour du monde, je ne t’en ai pas voulu. J’ai compris que tu avais besoin de prendre le large. Pas de moi, mais de la vie. Besoin de te retrouver. Tu m’as terriblement manqué Minus, tellement. J’ai adoré cette relation profonde que nous avons gardée et amplifiée tout au long de ton voyage.

Nous sommes de la même trempe ma belle. Il n’y a que toi qui rimes avec moi.

Et puis Dean… C’est tellement dur pour moi de l’évoquer. J’ai une colère profonde et sourde en moi. Il faut que je l’évacue sinon il aura réussi à briser une vie de plus. Je ne comprends tellement pas comment il a pu vriller à ce point, comment j’ai pu être aussi aveugle.

Il est temps pour moi de prendre le large, comme tu as eu le courage de le faire il y a quelques années. Je suis persuadé et intimement convaincu que tu me comprendras. J’espère du fond du cœur que tu m’appelleras et qu’on s’enverra des messages. Que tu pardonneras ma lâcheté de ne pas te l’avoir dit plus tôt. En tout cas, moi je t’écrirai. Car tu peux être sûre d’une chose : je t’emmène avec moi dans ce périple.

Merci, merci, merci !

Ce qu’il s’est passé cette nuit est gravé en moi, notre secret qui me permettra de garder le sourire, dans les moments où vous, la famille, me manquerez trop.

Je ne regrette rien et j’ai aimé découvrir la femme Mia Cooper. Car tu es un sacré bout de femme ma belle. Volcanique, drôle, insouciante, vivante. Jamais aucune de mes conquêtes ne t’est arrivée à la cheville. Jamais. Ne remets pas la magie de cette nuit en question. Chéris-la.

Je ne peux rien te promettre, juste que je reviendrai.

D’ici là, continue d’avancer, de vivre, de rire, de ressentir ! Ne laisse rien t’empêcher de réaliser tes rêves.

Et dis-toi que les soirs où tu lèveras les yeux vers le ciel, je regarderai le même ciel que toi.

Max

PS : N’en veux pas à Olivia et Gabriel. Je leur ai demandé de ne rien te dire, car je pensais avoir le courage de le faire moi-même.

Je lâche la lettre à mes pieds et plonge ma tête entre mes genoux. Les larmes coulent. Notre nuit n’a pas été suffisante pour le retenir. Je me sens si seule et si vide. Fleur bleue que je suis ! Comment ai-je pu m’imaginer qu’un avenir ensemble était possible ? Avec le physique que j’ai et lui….Estime-toi déjà heureuse d’avoir vécu ça.

Je ne sais combien de temps je reste prostrée au pied de mon lit. Mes larmes ont cessé de couler. Je suis juste vidée de vie et emplie d’amertume. Il a raison, je ne peux pas lui en vouloir de s’échapper, de se chercher. J’ai fait la même chose. S’il m’en avait parlé avant, peut-être aurions-nous pu nous enfuir ensemble ? Arrête Mia, ne comprends-tu pas que tu ne fais pas partie de ses projets ? Je suis furax contre lui : pas pour son envie d’évasion, mais pour sa lâcheté. Comment peut-il me parler de notre relation, soi-disant, si spéciale, et ne rien me dire ?

Mon téléphone vibre sur ma table de nuit. Je me lève pour regarder, comme une midinette qui garde un petit espoir qu’il regrette et revienne. Mais c’est encore ce numéro inconnu qui ne laisse pas de message. Les chiffres indiquent un appel de l’étranger. Et une chose est sûre : je ne veux garder aucun contact avec les personnes auxquelles je pense, quand je vois ce numéro s’afficher.

Je tourne comme un lion en cage, blessée et animée d’une réelle rage. Quelqu’un frappe à ma porte, l’entrouvre et je vois mon frère y passer sa tête. À mes yeux furibonds et à l’oreiller qu’il se prend en pleine tête, il lève ses deux mains devant lui en signe de rédemption et comprend que l’heure est à la solitude.

— Ok ! Ce n’est pas encore le moment pour te parler. Je te laisse.

J’entends Olivia, derrière lui, me lancer d’une voix douce : « on est là ma belle ».

Super, me dis-je ironiquement. Mais à cet instant, ce n’est pas de vous que j’ai besoin. Mais d’un surfeur aux yeux clairs et aux cheveux d’or.

8

Retour à la réalité

J’étais prêt à tourner la page, mais c’est la page qui ne veut pas se tourner.

Grey’s Anatomy

Mia

— Tu me promets que ça va aller Mia ? me demande ma meilleure amie.

Nous sommes tous à l’aéroport en train d’enregistrer nos bagages. Papy Vincent et Flora nous ont accompagnés pour le dernier au revoir. Nos jeunes mariés s’apprêtent à s’envoler vers les Seychelles. En leur absence, le bar, dont ils sont propriétaires, sera exceptionnellement fermé pendant quinze jours. Lune de miel oblige. Avec Victoire, Marianne, Emilie, Richard et Bruno Benedict, nous prenons un vol pour Paris et ensuite le train pour rejoindre notre Normandie adorée. Rentrée ou restée ici, je n’en éprouve aucune émotion. Le mariage était fantastique, la nuit qui a suivi grandiose, mais le final me laisse un goût très amer. Pour n’inquiéter personne, je fais semblant que tout va bien, que ça ne m’affecte pas. Une soirée de cul et basta cosi. Méthode Coué bonjour ! Olivia doute de mon numéro d’actrice, mais elle ne me force pas à me dévoiler… pour le moment. Et je ne veux surtout pas lui gâcher la suite de son mariage. Donc tout va bien dans le meilleur des mondes.

— Par pitié, tu ne me laisses pas à côté du flic dans l’avion. Il me fait flipper ce mec. Trop glauque, me supplie Victoire.

— Mais non, il n’est pas méchant. Incompétent, mais inoffensif.

— Ouais bah dans incompétent, il y a…

— In et Pétent ! Chut, il est peut-être con, mais pas sourd, je lui murmure.

Victoire rigole, pas gênée le moins du monde. Maman se glisse entre nous deux et nous prend bras dessus bras dessous à la suite des mariés. Je sais qu’elle s’inquiète pour moi, mais elle n’en dit rien. Elle me couve du regard et me câline. Que ferais-je sans elle ? Comment est-ce possible de vivre sans sa maman à ses côtés ? Je pense un instant à la souffrance d’Olivia de ne pas avoir eu la sienne à son mariage. Elle n’en a rien montré. Sa force m’impressionnera toujours. En hommage, Gab a porté un toast à Marie en levant sa coupe vers le ciel et en l’applaudissant, comme la tradition italienne l’exige.

Nous suivons les mariés jusqu’à leur porte d’embarquement et faisons le maximum de bruit pour bien les afficher !

— Vive les mariés ! Essayez de visiter un peu quand même ! je leur crie.

— Lunga vita agli sposi ! Godere !2crie Flora.

Les amoureux se retournent et nous font signe de partir. Olivia me forme un cœur avec ses mains, que je lui retourne avec un grand sourire. Je suis sincèrement heureuse pour eux, et c’est tout ce à quoi je vais me rattacher ces prochains jours.

— Et voilà, une bonne chose de faite ! On a le temps de prendre une bière avant le vol. Ça vous dit les enfants ? nous demande papa.

— Richard, demandez à un aveugle s’il veut voir ! lui répond Victoire en le prenant par le bras et en l’entraînant vers le bar le plus proche.

— Il y en a un autre qui ne va pas dire non, rigole Flora.

— Mais qu’est-ce que vous avez tous avec Benedict ? Lâchez-le un peu, je réponds.

— Tu as pitié de lui Mia, rien de plus. Et comme ton petit cœur est brisé, tu te rapproches instinctivement du plus déprimé de nous tous, me rétorque Flora.

Un/zéro, balle au centre.

— Tais-toi et suivons-les, je bougonne.

— En tout cas, ça va me faire bizarre quand vous serez tous partis. Ça va faire vide, me dit Flora tout bas.

— C’est sûr, on en prend de la place ! Tu viens quand nous voir ?

— Je travaille tout l’été sur le traghetto3, peut-être en septembre.

— Avec plaisir, n’hésite pas. Pour l’instant, je suis encore chez mes parents, mais j’aurai bientôt mon appart.

Du moins je l’espère.

— Je croise les doigts pour ton projet professionnel, tu vas déchirer, j’en suis sûre.

Je remercie Flora de ses mots d’encouragement. Effectivement, c’est un beau projet et c’est à ça que je souhaite me raccrocher. Quand Max reviendra, il sera bluffé par le succès de mon food truck.

Après avoir bu un dernier verre ensemble, nous disons au revoir à Flora et Vincent. Je serre fort le papy d’Olivia dans mes bras. J’avoue que je me suis énormément attachée à lui. Il est super. C’est lui qui m’a sortie de ma torpeur après la découverte de la lettre, tout comme il avait aidé Olivia, quand elle avait débarqué chez lui à 14 ans. C’est un homme bien. Très bien même.

— Toc toc ma belle ! Je me permets de rentrer.

Papy Vincent se glisse à l’intérieur de la chambre, suivi de près par maman.

— Moi aussi ! Poussez-vous les jeunes !