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Eduardo a tout dans la vie pour être heureux. Cependant, un jour, le diagnostic tombe : il souffre d’une insuffisance rénale. Tout autour de lui commence à s’effondrer. Il n’a plus aucun contrôle sur sa vie. Toutefois, quand tout semble impossible, le passé revient en force et l’impensable se produit.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Pour écrire,
Deolinda Da Silva s’inspire de son vécu qu’elle module au gré des inclinaisons de sa plume entre fiction et réalité. Par ailleurs, elle est l’auteure de plusieurs livres dont
Je suis là où tu ne m'attends pas.
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Seitenzahl: 210
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Deolinda Da Silva
L’amour en liste d’attente
Roman
© Lys Bleu Éditions – Deolinda Da Silva
ISBN : 979-10-377-75283
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
L’impossible se réalise
Quand tu crois
De toutes tes forces
Que c’est possible
1
L’horloge de l’église annonçait vingt heures. Eduardo roulait à grande vitesse dans les petites rues du village, sans même s’en apercevoir. Aujourd’hui, la journée lui a paru bien longue. Il ne supportait plus d’être au bureau et, pour une fois, a décidé de partir plus tôt. Depuis combien de temps ne sortait-il plus à cette heure ! Contrarié, dernièrement, il se sentait très fatigué, mais comment ne pas l’être, lui qui travaillait sans répit et n’avait même plus le temps de profiter de la vie comme il se devait, avec sa famille. À l’intérieur de la grosse cylindrée, la musique était à fond pour essayer de lutter contre le sommeil qu’il ressentait. Surtout ne pas s’endormir au volant ! Pourtant, il n’avait qu’une envie, dormir, dormir des heures d’affilée, et ce n’était pas dû à un manque de repos. Depuis quelques jours, il ne faisait rien d’autre que travailler et se couchait immédiatement après le dîner. Il était impossible de se reposer plus. Dès qu’il s’allongeait, il n’avait pas besoin qu’on le berce… en quelques secondes, il s’endormait profondément. Cette fatigue n’était pas normale, à son âge. Il est vrai que diriger une société n’était pas de tout repos. Généralement, il ne lui restait plus de temps pour faire autre chose, mais Eduardo aimait son métier et se consacrait à cent pour cent à son travail. Il adorait avoir des responsabilités et il se fixait sans arrêt des objectifs. De temps à autre, entre deux rendez-vous, il s’arrêtait rapidement pour prendre un petit café, essayant de se détendre du stress qu’il ressentait, mais cela ne suffisait pas, et il ne se l’accordait que quelques fois. Épuisé, assis devant son café, il réalisait qu’il aurait déjà dû aller chez le médecin, mais il trouvait toujours l’excuse prétextant qu’il n’avait pas le temps, que chaque jour son agenda était rempli de choses à traiter ou de tâches non effectuées reportées au lendemain. Le temps filait à grande vitesse. Il n’arrivait pas à tout faire en une seule journée et accumulait, jour après jour, de plus en plus de travail pour le jour suivant, ce qui, chaque fois, devenait ingérable. Une chaîne sans fin. Reporter, remettre toujours tout au lendemain. Ce n’était pas une solution. Il ne pouvait pas dire qu’il n’avait rien à faire. Jamais, il ne se permettait de manquer un jour de travail, simplement parce qu’il avait envie de se la couler douce, ou seulement parce qu’il souhaitait se reposer un simple après-midi. C’était hors de question ! Sa responsabilité était trop grande et tous comptaient sur lui. Il se devait de diriger au mieux l’entreprise et ainsi préserver les emplois de ses employés.
Les rues défilaient, à grande vitesse, laissant derrière elles le paysage qui disparaissait à toute allure. Âgé de quarante-cinq ans, Eduardo, charmant, cheveux courts, lunettes noires, avait une apparence très soignée et élégante. Tout semblait lui réussir et donnait l’impression qu’il vivait une vie harmonieuse et sans faille. Aujourd’hui, le soleil jouait à cache-cache et ses lunettes noires l’empêchaient de voir correctement la route. Après une averse, Eduardo retira ses lunettes de soleil et les plaça sur sa tête pour ne pas le gêner. C’est beaucoup mieux, pensa-t-il. Son visage était d’une grande pâleur et une énorme fatigue se distinguait dans son regard. Mais le soleil de février réapparut soudainement, l’aveuglant à nouveau. Aujourd’hui, il jouait vraiment avec ses nerfs ! Il remit, de nouveau, ses lunettes noires. Les petits rayons de soleil brillaient timidement en fin de journée, mais aveuglaient quiconque conduisait. Vraiment, il ne manquait rien dans la vie d’Eduardo, tout au moins tout ce qui était matériel. Sa famille était magnifique et il en était très fier. Cristina, son épouse, depuis vingt ans, Adriana, sa fille aînée âgée de dix-neuf ans, et Lara, la cadette, qui avait quinze ans à peine. Ses deux filles lui ressemblaient beaucoup. L’une aux cheveux blonds et aux yeux bleus, travaillant déjà et l’autre plus jeune, aux cheveux noirs et aux yeux marron, étudiante à Porto, ne rentrant à la maison que le week-end. Quant à Eduardo, il travaillait dans l’entreprise familiale de matériel de construction civil, appartenant à son beau-père, où il occupait un poste de directeur administratif. Au moment où il a connu sa femme, il était en avant-dernière année d’université. Après l’obtention de son diplôme, il a suivi plusieurs formations pour compléter ses connaissances en gestion et être le plus efficace possible dans ce domaine. Peu de temps après leur mariage, son beau-père, surchargé de travail, recherchait un assistant pour l’aider à diriger son entreprise. Eduardo était un parti prometteur, avec toutes les compétences nécessaires pour le seconder au sein de sa société, et pour cette raison, son beau-père, bien évidemment, lui proposa le poste. Eduardo était un étudiant brillant, et quand il s’agissait de gestion, il savait de quoi il parlait. Il a toujours su gérer son argent et côté organisation, il assurait sans aucun problème même avant d’obtenir ses différents diplômes. Son beau-père savait qu’il ne trouverait personne d’aussi professionnel que lui pour l’aider. Son gendre était un peu comme le fils, que lui et sa femme n’avaient jamais eu. Eduardo a toujours eu des relations cordiales avec sa belle-famille. Le respect était réciproque et cela a toujours été favorable à une bonne entente, surtout pour travailler ensemble, dans la pleine harmonie. Une voiture klaxonna. Eduardo, à nouveau attentif à la route, s’arrêta et laissa passer le véhicule. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas vu le stop signalé sur le sol. Je dois vraiment être plus prudent, plus attentif, pensa-t-il. Dernièrement, il se rendait compte que tout ce qu’il faisait, il le faisait machinalement, surtout en conduisant, et cela lui faisait peur. Lui qui était une personne très attentive, prudente et qui ne se déconcentrait pas facilement. Il ne se reconnaissait plus ! Habituellement, il se dépêchait de se rendre à son domicile, situé à quinze minutes du bureau, près de Viana do Castelo, mais aujourd’hui, il n’avait envie de rien. Ce soir, sa femme ne l’attendait pas. Elle passait le week-end avec deux amies à Paris et ne lui avait toujours pas donné de nouvelles, depuis le matin. Même pas un petit coup de fil rapide. Eduardo était inquiet. Sa relation avec son épouse, dernièrement, n’était pas des meilleures. Manque de communication, pensa-t-il. Plus il essayait de réfléchir à ce qui avait pu générer un tel changement, moins il arrivait à comprendre ce qui les avait éloignés, l’un de l’autre. Serait-ce parce qu’il travaillait de trop depuis toutes ces années et avait laissé de côté sa vie privée et sentimentale ? Serait-ce pour cela qu’elle s’était éloignée de lui ? Serait-ce qu’elle ne l’aimait plus ? Combien de fois ces questions lui trottaient dans la tête ? Il donnerait tout pour que son couple redevienne ce qu’il était, comme les premières années de leur mariage. Soudain, la nostalgie l’envahit et il se souvint des moments passés, dans sa maison, entouré de sa famille. Lui et sa femme, il y a quelques années en arrière avec ses filles, petites. Mais cela ne servait à rien de repenser au passé. Depuis un certain temps déjà, Cristina, son épouse, ne faisait plus attention à lui. Ils se parlaient à peine. Pas un sourire, ni même un peu d’affection volée entre deux murs, dans un couloir, comme autrefois, quand ils étaient encore si complices. Ce n’était pas de sa faute, il essayait bien pourtant de passer le peu de temps libre qu’il avait avec elle, mais elle n’était jamais vraiment emballée sur quoi que ce soit. Elle avait toujours quelque chose de prévu et semblait même tout faire pour l’éviter. Elle n’avait du temps que pour ses amies. Ses amies ! Quel putain de mot, pensa-t-il, irrité. Lui qui les enviait tellement ! Eduardo lui avait même déjà proposé de passer un week-end en amoureux, dans le but de raviver la passion qui n’existait plus entre eux. Et ce depuis quelque temps. Tiens ! Le café du coin est ouvert. Je vais m’arrêter et y prendre un verre. Un seul, pour me donner la force de rentrer à la maison et passer un week-end, seul, comme un chien, pensa-t-il. En s’arrêtant au stop, il laissa passer une voiture qui arriva sur sa droite. Ses filles avaient déjà leurs vies et, rarement, elles restaient à la maison le week-end. Devant le café, une place libre semblait l’attendre. C’était un signe qui renforçait son idée première, celle de s’arrêter et de se distraire, lui aussi. Ce qu’il fit, il se gara. Eduardo sortit de la voiture. Dehors, il faisait frais. Le soleil brillait à peine à cette heure. L’horizon, moitié rougeâtre, moitié obscur, annonçait le même temps qu’aujourd’hui pour le lendemain. Il enfila sa veste, laissée sur la banquette arrière du véhicule. Cette année, le mois de février était froid et paraissait bien long. En rentrant dans le café, soudainement, le simple fait d’être avec des gens le faisait se sentir mieux. Il avait vraiment besoin d’un peu de compagnie, même s’il ne connaissait pas les personnes qui l’entouraient, mais cette sensation de vie tout autour de lui le réconfortait. Il s’assit sur un tabouret haut, près du bar, face au garçon qui servait. Le sourire qu’il lui lança quand il lui demanda ce qu’il voulait boire le fit frissonner. Jamais personne ne lui avait souri avec autant de sincérité, de simplicité et de gentillesse, ou tout au moins il ne l’avait jamais remarqué jusqu’à ce jour.
— Un whisky avec des glaçons, s’il vous plaît.
— C’est pour tout de suite, dit le jeune homme plein d’enthousiasme, souriant sans cesse.
Le whisky coulait dans sa gorge et lui procurait un certain réconfort physique et moral. Il ne s’était jamais arrêté à ce café et ne l’avait, d’ailleurs, jamais remarqué avant ce soir, mais déjà il aimait l’ambiance. Dès leur entrée, les clients se joignaient aux différents groupes, bavardant amicalement, les uns avec les autres, comme s’ils se connaissaient tous, depuis toujours. Eduardo regardait le jeune serveur derrière le bar, qui n’avait toujours pas cessé de sourire et, par son attitude positive, faisait passer une bonne énergie en ce lieu. Ici, Eduardo se sentait bien ! Son verre était vide. Devait-il en redemander un autre ? Non, je suis trop fatigué, ce n’est pas raisonnable, tentait-il de se convaincre, luttant contre l’idée qu’il voulait en boire un deuxième, juste un autre, pour faire disparaître ses chagrins, qu’il ressassait sans arrêt. Mais il devait résister. Il le savait… Rapidement, il paya l’addition et sortit, sans se retourner, de peur de changer d’avis. La boisson lui faisait oublier ce qui blessait son âme. Moralement, il se sentait beaucoup mieux, mais la fatigue, elle, était toujours là. C’était ce qui le préoccupait le plus. Il ne se reconnaissait plus. Le trajet en voiture, jusque chez lui, lui sembla court. Il n’avait pas vu le temps passer qu’il était déjà devant sa belle maison à attendre l’ouverture de l’énorme portail en aluminium soudé et, subitement, celle-ci lui sembla si austère. Une belle demeure toute en pierre, dont la façade, entièrement décorée, s’alliait parfaitement au jardin très bien entretenu. Une partie n’était composée que de cactus et l’autre de fleurs qui apparaissaient au fur et à mesure que le portail s’ouvrait. Le gazon, coupé à ras, couvrait de son manteau vert chaque côté de la maison. La descente pour accéder au garage en contrebas à l’arrière du jardin était recouverte d’une pierre de granit, alignée, ne présentant aucun défaut. Un endroit magnifique, luxueux, sans travaux à faire. Une belle demeure où tout le monde souhaiterait habiter, en toute tranquillité. Un havre de paix ! Tout était à la même place, tel qu’il l’avait laissé le matin même. Rien n’avait bougé. Eduardo resta quelques secondes dans sa voiture. Les souvenirs lui revenaient de nouveau. Il pensa au passé, lorsque ses filles étaient encore petites et qu’il arrivait après une journée de travail à la maison. Il les revoyait dehors, faisant de la bicyclette, jouant sur la balançoire, encore au fond du jardin, se balançant au gré du vent. Sa femme l’attendait, assise sur le banc en fer forgé, surveillant ses filles qui jouaient. Eduardo aurait tant aimé revenir en arrière, à ces moments, où tout semblait si simple, si naturel. La voiture d’Adriana, sa fille aînée, n’était pas garée devant le garage. Ses filles étaient sans doute parties se promener toutes les deux. Elles s’entendaient à merveille. C’était, pour lui, sa plus grande fierté, lui, qui les adorait toutes les deux et qui avait passé si peu de temps en leur compagnie durant toutes ces années. Qu’il en soit toujours ainsi, pensa-t-il en souriant. C’était une des choses qu’il souhaitait le plus, qu’elles s’entendent toujours à merveille. Il ne voulait que leur bonheur. Il gara la voiture à sa place habituelle et sortit du véhicule, appuyant sur la clé pour verrouiller les portières. Devant la porte d’entrée, fouillant le fond des poches de son manteau, Eduardo, impatient, ne trouvait pas la clé. Il retourna donc à la voiture, ouvrit la portière côté conducteur, rouspétant et vit sur le siège à côté la clé qui l’attendait. Il l’attrapa d’un geste brusque. Il n’avait aucune patience et voulait juste s’asseoir sur son canapé, se reposer et se détendre. Finalement, il ouvrit la porte de la demeure. Enfin, à la maison ! Eduardo ôta son pardessus qu’il lança sur un fauteuil en passant et se jeta sur le divan. La vie filait à toute vitesse. Où était le temps où ses filles, bébés, inondaient de bruit la maison ? À ce moment-là, de nouveau, perdu dans ses souvenirs, il se rappela que, souvent, il se mettait en colère quand il entendait les cris, les pleurs de ses filles. Maintenant, il donnerait n’importe quoi pour revenir en arrière, en ce temps où l’amour de sa femme était pur et inconditionnel, où ses sentiments étaient vrais et rien n’interférait dans leur bonheur. Eduardo comprit, soudain, qu’en réalité, les instants de la vie doivent être appréciés sur le moment, même si, certaines fois, cela nous semble difficile. Il est impossible de revenir en arrière. Les temps changent et tout dans la vie se transforme, en meilleur ou en pire, selon l’état d’esprit de chacun à cet instant. Tout ce que nous vivons est un apprentissage, pour grandir spirituellement et nous emmener vers les endroits où nous n’aurions jamais pensé aller un jour. Pour conjurer la nostalgie qu’il ressentait depuis qu’il était arrivé chez lui, Eduardo se leva et se dirigea vers la cuisine dans l’espoir qu’un repas, déjà prêt, l’attendrait. Aujourd’hui, il n’avait pas envie de cuisiner, il se sentait vraiment épuisé. Mais le frigo, vide, était aussi déprimé que lui. Juste des yaourts et quelques légumes étaient placés dans le tiroir transparent, tout en bas du frigo. Avant de voyager, Cristina aurait, quand même, pu faire quelques courses, constata-t-il déçu. Elle qui ne travaillait pas, qui se devait de prendre soin de lui, lui qui se démenait pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle aurait dû s’assurer qu’il ne manquerait de rien durant son absence. Mais non, l’amour qu’elle ressentait pour lui n’était plus ce qu’il était ! Plus rien ne le surprenait au fur et à mesure que les jours passaient. Enfin ! Eduardo composa un numéro sur son téléphone portable, décidé à commander quelque chose pour dîner. Il ne pouvait pas rester l’estomac vide. Une pizza était une excellente idée et surtout le menu le plus facile pour une livraison à domicile. La commande passée, il décida de prendre une douche rapide pour essayer de revigorer son corps et surtout son esprit. De retour dans la chambre, douché, quelqu’un sonna à la porte. Cela devait être le livreur de pizza. Eduardo enfila une robe de chambre, noua la ceinture autour de sa taille et se précipita vers le hall d’entrée situé de l’autre côté de la maison. Devant lui, un jeune homme, un casque de motard sur la tête, lui tendit une boîte. Eduardo paya, lui laissant le reste de la monnaie. L’argent ne lui manquait pas ! Il en avait plus que nécessaire, voire beaucoup trop pour lui tout seul. À quoi lui servait-il d’en avoir autant, s’il n’avait personne à ses côtés pour en profiter et lui tenir compagnie ?
Sur la petite table du salon, devant lui, se trouvait le reste de la pizza qu’il n’avait pas réussi à finir et qu’il avait aussi laissé dans le cas où ses filles rentreraient encore sans dîner, ce dont il doutait. Il était plus de vingt et une heures trente et elles n’étaient toujours pas rentrées. Juste encore un peu devant la télé et je vais me coucher, pensa-t-il. Puis, soudain, sans même savoir pourquoi, il prit conscience de la raison pour laquelle les gens vivant seuls regardaient autant la télévision et se sentit triste de cela ! Jamais il n’aurait pensé, un jour, se sentir aussi seul, surtout à son âge. Sa femme ne l’avait toujours pas appelé de Paris. Il était inquiet. Il sortit son portable de sa poche et composa le numéro de Cristina. Elle ne répondit pas et l’appel passa en messagerie. Eduardo laissa à contrecœur un nouveau message vocal lui demandant de le rappeler dès qu’elle l’écouterait. Il ne pouvait rien faire de plus, aussi il décida d’aller se coucher. Il était tellement fatigué ! Demain serait un autre jour. Tout va bien, c’est sûr pensa-t-il, les mauvaises nouvelles se savent toujours rapidement.
2
Par la fenêtre de son bureau, Maria regardait les gens se promener, faire du shopping ou simplement sortir leur chien. Elle avait la chance de travailler dans l’un des plus beaux coins de la ville où vivaient les familles les plus riches du pays. À ce moment-là, posé sur son petit bureau, son portable sonna. Il faisait déjà nuit ! Elle devait encore préparer tout le matériel pour le voyage des soixante jeunes, le lendemain. À chaque fois qu’elle avait une surcharge importante de travail, notamment avec des préparatifs de voyage, elle se sentait très nerveuse et craignait toujours d’oublier quelque chose d’important.
— Oui, papa. Comment vas-tu ?
Tout en écoutant son interlocuteur, elle s’approcha du miroir et passa les doigts dans ses cheveux pour les repositionner correctement.
— Oui, oui bien sûr… Ah, mais maintenant je ne peux pas. Je dois m’occuper des derniers préparatifs du voyage. Je t’avais déjà dit que cette semaine ce serait impossible. J’ai plusieurs tournois à organiser dans les prochains jours.
Sa tête bougeait d’un côté à l’autre, au fur et à mesure de la conversation.
— Le bus part très tôt demain matin. Oui, papa, la semaine prochaine, je trouverai un petit moment pour déjeuner avec toi. C’est promis ! Dors bien !
Tout en souriant, elle raccrocha le téléphone. Son père habitait tout près de là. Il n’avait que très peu de temps à consacrer à sa fille. Médecin de renom, il travaillait comme un damné dans le plus grand hôpital de la ville. La médecine, pour lui, était une vraie passion. Depuis qu’il était veuf, il y a plus de cinq ans, il consacrait la plus grande partie de son temps à sa profession, à soigner ses patients car, là, il se sentait utile et cela le rendait très heureux. Personne ne l’attendait à la maison. Aussi, n’était-il jamais pressé de rentrer dans son luxueux appartement, passant son temps libre à manger au restaurant du coin ou aller prendre un verre avec des amis, collègues de l’hôpital jusqu’à l’aube. Il ne se couchait tôt que lorsqu’il se sentait épuisé et durant plusieurs jours, il devenait plus raisonnable. Il était important qu’il soit en forme, physiquement et mentalement, pour s’occuper de ses patients le lendemain. André n’avait plus vingt ans et les années commençaient à lui peser. Sa résistance n’était plus la même. Il aimait s’entourer d’amis, voire d’inconnus, rencontrés sur son chemin, simplement parce qu’il ne voulait pas être seul et aimait faire de nouvelles rencontres. Son épouse décédée, sa fille lui avait bien proposé d’aller vivre chez elle, mais il n’a pas accepté. Il voulait, à tout prix, garder son indépendance et n’avoir à rendre de comptes à personne, tout au moins aussi longtemps qu’il arriverait à se débrouiller tout seul. Ensuite, il verrait bien. Cela ne valait pas la peine de s’inquiéter par anticipation car, souvent, ce que nous prévoyons ne se déroule pas comme nous l’avions imaginé.
Maria se souvenait des jours heureux de son enfance avec ses parents. Mais ce n’était pas le moment de ressasser les souvenirs. Quelqu’un frappa à la porte et la ramena à la réalité.
— Entrez, cria bien fort Maria pour se faire entendre.
Un jeune homme, de grande taille, environ dix-sept ans, apparut et lui sourit tout en mâchant un chewing-gum.
— Désolé Maria, mais tu m’as dit de passer à ton cabinet avant de partir.
— Oh oui, j’avais déjà oublié. Allonge-toi ici et je te fais tout de suite le massage. C’est important de ne pas louper une seule journée si tu souhaites récupérer comme il se doit.
Le jeune homme s’allongea, soulevant le pantalon de sa jambe droite, là où il avait été blessé. Il ne boitait plus, ce qui rassura Maria, preuve qu’elle avait fait du bon travail. Et pour ne pas perdre de temps, elle ouvrit le placard et attrapa une crème pour masser la jambe du jeune homme. Elle devait se dépêcher. Elle était un peu en retard dans ses tâches quotidiennes. Le temps passait vite et elle avait encore tant à faire avant de pouvoir rentrer chez elle, se détendre.
— Alors, Victor, tu as encore mal ou tu sens une amélioration avec les massages ?
— C’est mieux ! Je ne ressens presque plus aucune douleur.
— Très bien, dit-elle.
Maria frotta sa jambe vigoureusement, en étalant de temps à autre la crème pour renforcer le massage et essayer d’atténuer la légère douleur que le jeune ressentait encore. Elle ne se rendit pas compte du temps qui passait. Victor ne faisait que parler… de tout, de rien, bref, de ce qui lui passait par la tête. À cet âge, les adolescents parlent de trop ou ne disent rien du tout. Victor était un jeune homme très communicatif, plus qu’il ne le devrait d’ailleurs, mais Maria adorait l’écouter. Elle aimait entendre les conversations « de ses petits », comme elle les appelait. Pour certains, elle les connaissait déjà depuis dix ans, quelques-uns ayant commencé à jouer au football dès leur plus jeune âge. Certains jours, c’était épuisant et elle se sentait vidée, mais parmi eux, elle était dans son élément et se sentait heureuse. Cela l’obligeait à rester jeune d’esprit. Elle adorait quand ils se confiaient et lui faisaient part de leurs mésaventures, aussi petites soient-elles, des secrets qu’ils ne racontaient qu’à elle. Les adolescents l’adoraient et Maria en était très reconnaissante. Elle essayait toujours de minimiser les problèmes de chacun et leur apportait le réconfort dont ils avaient besoin et que, bien souvent, ils n’avaient pas chez eux. Lorsque les adolescents quittaient son bureau, ils se sentaient déjà beaucoup mieux et paraissaient plus enjoués, ce qui la rendait très fière de son travail.
— Ça y est, tu es presque tout neuf. Tu peux y aller. Surtout, couche-toi tôt pour que demain tu sois en pleine forme pour donner le meilleur de toi-même sur le terrain, d’accord ? Tu n’as pas joué depuis si longtemps, fais attention surtout à ne pas te blesser de nouveau. Sois raisonnable, veux-tu !
— Oui, oui, bien sûr. À demain. Merci Maria !