La Clef des Chouans - Frédéric Botton-Besson - E-Book

La Clef des Chouans E-Book

Frédéric Botton-Besson

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Beschreibung

Jamais, ô grand jamais, Thibault n’aurait imaginé qu’en revenant en France, des années après en être parti, il allait vivre avec ses amis cette aventure incroyable. Celle qui les entraînera si loin du XXIe siècle tel qu’ils le connaissent aujourd’hui ! Si on lui avait raconté, à lui, le fou d’histoire, qu’il rencontrerait beaucoup de pages de celle-ci lors d’un périple extraordinaire, il ne l’aurait jamais, alors là jamais, cru. Et pourtant…


À PROPOS DE L'AUTEUR 


Frédéric Botton-Besson passe par l’animation de clubs-vacances et l’organisation de voyages chez des tour-opérateurs pour se retrouver dans le monde de la télévision où notamment AB Productions et le Club Dorothée lui ouvrent leurs portes. Parti des médias, il écrit des livres mais propose aussi, avec courage et acharnement, des scénarios pour la télévision et le cinéma.

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Frédéric Botton-Besson

La Clef des Chouans

Roman

© Lys Bleu Éditions – Frédéric Botton-Besson

ISBN : 979-10-377-8819-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

À Antoinette, Charlotte, Nicole et Armelle, mes Massiacoises

Préface

« Cher Frédéric,

Bravo pour LaClef des chouans !

Merci de nous entraîner dès les premières pages dans votre imaginaire enthousiasmant et plein de rebondissements ! Le tout écrit dans un style beau et limpide… un vrai bonheur ! »

Élisa Servier, comédienne

Prologue

Les cavaliers s’avançaient, deux par deux, vers le château. Le petit groupe, montures comprises, était épuisé. Cinq jours de galop les avaient, tous, exténués. Leurs vêtements étaient poussiéreux au possible.

Philippe, à l’approche de Saint-Germain, leur avait fait ralentir l’allure. Cela aurait été dommage de croiser l’ennemi en étant si proches du but qu’ils s’étaient désormais fixé.

Les dix cavaliers entrèrent au pas dans la ville.

Ils allaient, enfin, prendre un peu de repos, dans l’auberge du Coq Hardi, sur la route menant de Saint-Germain à Bougival. Le Coq Hardi, pour Philippe et ses amis, leur rappelait « avant ». Jeunes, ils y avaient tous troussé des amies de rencontre, dans les chambres du premier étage, fort confortables et tellement bien adaptées aux plaisirs à deux.

Laissant leurs chevaux à Baptiste – tout heureux de les revoir, ils entrèrent dans l’auberge de Maître Henri.

Ce dernier, en voyant Philippe, Quentin, François et tous les autres, laissa éclater sa joie de les revoir.

— Tudieu, Messeigneurs ! s’écria-t-il, en éclatant de rire. Que vous voilà bien crottés, à croire que depuis votre jeunesse, vous n’avez point pris de bain !

— Henri, mon Ami, l’apostropha Philippe, nous sentons le vieux bouc, certes, mais j’espère bien que tes marmitons ont en réserve quelque bonne pitance et que ton vin est prêt à visiter nos gosiers, telle une fontaine sans fin !

— Mais oui, Monseigneur ! reprit Maître Henri. Et même s’il ne me restait plus qu’une poule, elle serait pour vous, la coquine… Ah quelle joie, quelle joie de vous revoir ! Depuis votre départ, il y a bien six longs mois, poursuivit-il, nous mourrions tous à feu doux de ne point savoir…

— Je le sais, Henri, je le sais. Tu imagines bien que notre voyage fut long et empreint de la plus grande prudence. As-tu reçu le courrier de nos amis et… tout ce qui allait avec.

— Oui, Monseigneur, répondit l’aubergiste, avec un petit sourire. Tout est là. À votre disposition. Si vous le voulez bien, je vous en reparle plus tard quand vos estomacs seront remplis et vos appétits comblés ?

— La bonne idée, Maître Henri !

Il se tourna vers son second et dit :

— Quentin ? Tu organises un tour de garde autour du Coq Hardi. Si un ou plusieurs visiteurs se pointaient, même sur la pointe de leurs pieds de gueux, je tiens à ce que l’on puisse filer discrètement à… l’anglaise, finit Philippe, en souriant… À table, vous autres !

Après le dîner, l’aubergiste montra à Philippe et à Quentin ce qu’ils étaient venus voir et chercher.

Ils eurent, tous deux, un grand sourire car les deux amis comprirent alors que tout leur était désormais possible. Plus rien, plus jamais ne les arrêterait. Les autres, en face, avaient forcément déjà perdu.

Ils s’étreignirent tous les deux en riant comme deux gosses, sous le regard amusé de Maître Henri.

Acte 1

L’autobus descendait doucement l’avenue de Clichy.

L’artère avait changé, bien sûr, mais pour Thibault, c’était un flux de souvenirs qui revenaient.

Arrivé à la Mairie de Clichy, il descendit de l’autobus et remonta un peu le boulevard, son gros sac de voyage à la main puis il tourna sur sa gauche.

À une dizaine de mètres, la petite rue de son enfance lui offrit, encore une fois, une marée de souvenirs lointains.

Le vieux café d’en face donnait l’impression de ne pas avoir changé.

Bien sûr, une lumière plus moderne, un juke-box dernier cri, et des clients qui n’étaient plus ceux d’avant mais le zinc où ils étaient accrochés, verre à la main, lui n’avait pas bougé.

Thibault s’arrêta quelques instants devant la porte.

Ses yeux remontèrent vers l’enseigne – mystérieuse – du « bar des pêcheurs », toujours la même.

Il traversa alors la rue et marcha encore quelques mètres.

Devant la maison, un homme d’un certain âge, au costume fatigué et portant une sacoche au cuir vieilli l’attendait.

Thibault s’avança vers lui.

— Bonjour. Vous êtes Maître Maquin, je suppose ?

— Oui. Vous êtes Monsieur Thibault Vauvilliers. Vous savez que vous ressemblez terriblement à votre grand-père ?

— On nous l’a souvent dit, répondit Thibault en souriant. Maître, je vous remercie pour tout le temps que vous lui avez consacré. Si j’ai bien compris, me retrouver ne vous a pas été facile ?

— Oh que non ! répondit en riant le notaire. Le Canada est, certainement, un bien beau pays mais vous étiez à chercher comme une petite aiguille dans une fichue grosse botte de foin. Maintenant que vous êtes enfin là, nous allons pouvoir ouvrir la maison.

La haute grille, d’un vert passé, rouillée par endroits, était franchement imposante.

La porte, au centre de celle-ci, s’ouvrit en couinant lugubrement, après une longue manipulation de clefs que Maître Maquin avait sorties de sa sacoche.

Un jardin, d’assez petite taille, s’offrit à leurs yeux.

Enfin, jardin était un bien grand mot !

Une espèce d’herbe envahissante, mêlée d’orties, de lierre et de diverses choses, assurément fortes en chlorophylle mais absolument inconnues du néophyte moyen qu’il était, formait un imbroglio du plus bel effet.

Pour la maison des horreurs, certainement, se dit Thibault.

Enjambant le tout par de charmants petits sauts de grenouille, Maître Maquin, suivi par Thibault, arriva devant la porte de la maison.

De sa sacoche, le Notaire sortit un nouveau trousseau, composé de deux grosses clefs et d’une demi-douzaine d’autres, assez anciennes d’apparence, plates et argentées.

L’une des deux grosses clefs lui servit à ouvrir la porte de la petite maison en meulière.

L’entrée de celle-ci était plongée dans un noir complet.

Dans sa sacoche, décidément magique, Maquin dénicha une petite torche qui s’avéra assez utile pour trouver le compteur, pousser le levier et faire de la lumière.

— Voilà, vous êtes chez vous ! On commence la visite si vous le voulez bien ?

— Allons-y, soyez mon guide.

Le tour fut vite fait puisque la maison était composée de trois pièces, d’une salle de douche et d’une grande cuisine en « L ». La surface ne devait pas excéder une soixantaine de mètres carrés.

Quelques meubles, fauteuils divers et autres babioles étaient recouverts de draps blancs.

— C’est tout, Maître ? demanda Thibault.

— Il nous reste à voir le sous-sol et la petite remise et nous en aurons fini. Il nous faut sortir car c’est par un escalier extérieur que se fait l’accès en bas. Vous me suivez ?

Ils ressortirent par la porte d’entrée, descendirent les trois marches du perron et un petit escalier aux marches visiblement glissantes s’offrit à eux.

Se cramponnant à ce qui, par le passé, s’était appelé une rampe en fer forgé, Maître Maquin, suivi de Thibault, arriva, tant bien que mal à la porte du bas.

La deuxième grosse clef couina dans la serrure et la porte en fer du sous-sol s’ouvrit.

Deux petites fenêtres, sur le côté, laissaient entrer une lumière discrète dans une grande pièce vide, qui faisait toute la surface du rez-de-chaussée de la maison.

Un vilain courant d’air fit éternuer le notaire.

— Ah ! quelle guigne, ce rhume, fit-il. Bon, vous avez tout vu. Si vous le voulez bien, nous pouvons remonter dans la maison et je vous ouvrirai le testament de votre grand-père. Il éternua, à nouveau, par trois fois. Ah ! quelle guigne, quelle guigne, ce rhume, répéta-t-il.

— Je vous suis, Maître.

Remontant l’escalier du sous-sol, pas très rassuré, le notaire précéda Thibault.

Arrivés dans le jardin, Maquin lui dit :

— Ah ! J’oubliais de vous montrer la remise. Elle est là, sur la gauche de la maison.

C’était une petite cabane en bois, fermée par une porte branlante, sans aucun verrou.

À l’intérieur, quelques outils de jardinage n’ayant forcément pas servi depuis longtemps, vu l’état du jardin, quelques jouets d’enfant déglingués et une brouette sans roue d’une inutilité flagrante.

Sur l’un des murs, un boîtier, assez ancien, fut déverrouillé par Maquin après plusieurs essais, grâce à l’une des petites clefs plates.

À l’intérieur, trois boutons triangulaires et une sorte de molette crantée étaient envahis par une araignée, sa toile et sa nourriture, composée d’une mouche, d’un moustique et de divers restants d’autres insectes.

Le notaire referma la porte du boîtier.

— Désolé, mais votre grand-père ne m’a pas spécifié à quoi servait ce boîtier. C’est la même chose pour les autres petites clefs du trousseau : je n’ai aucune utilité évidente pour elles. Peut-être quelques boîtes à secrets quelconques, cachées quelque part dans la maison ? Je n’en sais fichtre rien…

— Je verrai cela plus tard Maître. Revenons à la maison, je vous prie.

En entrant dans la maison, Maquin montra à Thibault une trappe dans le plafond :

— C’est l’accès au grenier. Je pense qu’il se fait par la vieille échelle en bois que nous avons vue derrière la remise. Voulez-vous y jeter un coup d’œil, Monsieur Vauvilliers ?

— Non. Je verrai plus tard, si vous le voulez bien.

Après cela, ils retournèrent dans le salon.

Le notaire enleva les draps de deux fauteuils en cuir, très usés.

Ils s’y assirent tous les deux.

Maquin ouvrit sa désormais sempiternelle sacoche.

Il en sortit un dossier cartonné qui n’était, assurément pas, de la première fraîcheur et un stylo-plume.

— Monsieur Vauvilliers, commença-t-il, votre grand-père est venu me voir à mon étude, il y a maintenant six mois. Je l’ai trouvé, je vous l’avoue, fatigué et je dirais même épuisé. Il avait énormément de mal à respirer et, en entrant à l’étude, il a mis plusieurs longues minutes à reprendre son souffle. Au fait, pardonnez-moi, s’il vous plaît, la fumée ne vous dérange pas, j’espère ?

— Non, pas du tout, Maître. Je suis, hélas, un fumeur occasionnel…

Le notaire sortit alors une blague à tabac, une pipe d’écume qu’il bourra consciencieusement et alluma.

Il aspira une longue bouffée et exhala la fumée, tout doucement, l’œil dans le vague.

— Alors, Maître ? demanda Thibault, en souriant.

— Je vous prie de m’excuser. Donc, en janvier dernier, votre grand-père m’a fait rédiger cette nouvelle mouture de son testament. Puisque vous n’étiez plus que deux Vauvilliers encore vivants, la première version de son testament stipulait que vous recevriez un tiers de ses biens et que les deux-tiers restants iraient à une association de lutte contre les maladies cardiaques. Vous savez que le cœur de votre grand-père était très malade ?

— Oui, bien sûr, je le savais, Maître. Quand j’étais plus jeune, j’ai vécu, malheureusement, plusieurs alertes avec lui… Alors ?

— Alors, lors de cette entrevue d’il y a quelques mois, tout a changé. Il a souhaité que vous soyez le seul et l’unique héritier. Il a insisté sur le fait qu’il fallait absolument que je vous retrouve au plus vite, au cas où il disparaîtrait ; qu’il fallait que je suive votre trace depuis votre départ au Canada, il y a dix ans alors que vous ne donniez, depuis, plus aucun signe de vie. Et croyez-moi bien, ses yeux, quand il me disait tout cela, étaient exorbités. J’ai d’ailleurs cru qu’il allait avoir un malaise. Brrr… quand j’y pense… C’était bizarre et, ma foi, vraiment très angoissant !

Le notaire exhala trois bouffées de sa pipe.

— Maître Maquin, je vous écoute… s’impatienta Thibault.

Le notaire reprit.

— Je suis désolé, pardonnez-moi mais je suis encore sous le choc de cette presque ultime rencontre. Ah, c’est vrai, je ne vous l’avais pas encore dit, mais ce fut l’avant-dernière fois que je vis votre grand-père. Le lendemain de ce rendez-vous, il est passé brièvement à l’étude pour me déposer les documents signés. Il n’est resté que quelques petites minutes dans mon bureau pour vérifier auprès de moi que tout était correct et il est parti très vite… Mais après, plus rien…

Il se leva et s’approcha du fauteuil où Thibault s’était assis, s’accroupit avec difficultés, en grimaçant, et le regarda droit dans les yeux.

— Votre grand-père avait disparu et une lettre, que je lui avais adressée, m’est revenue deux semaines plus tard. Il ne répondait plus au téléphone. Lors de plusieurs visites successives mais, hélas, infructueuses chez lui, j’ai pu constater, grâce au double de ses clefs qu’il m’avait laissé, que tout avait été rangé dans la maison comme pour une très longue absence : les draps sur les fauteuils, le courant coupé. J’ai constaté aussi que sa boîte aux lettres débordait de courrier.

Le notaire ralluma sa pipe, exhala une bouffée et reprit :

— Je me suis alors décidé à signaler sa disparition à la police. Cela n’a, malheureusement, strictement rien donné. Alors, j’ai fait exactement ce qu’il m’avait demandé et suis parti à votre recherche. Ce fut un peu long, vous savez, mais je savais ce que je cherchais et surtout qui. Vous pensez, un médecin de votre réputation, cela ne m’a pris que quelques semaines d’enquête, finalement, et quelques centaines de dollars canadiens, ajouta-t-il en souriant.

Il se releva encore avec difficulté, puis ouvrit le dossier cartonné, en sortit deux feuillets à l’en-tête de son cabinet.

Il continua :

— Et voilà, je vous ai retrouvé. Je vais vous lire maintenant, si vous le voulez bien, le contenu du testament de votre grand-père, Éric.

Il commença à lire les quelques paragraphes composant le testament de l’avant-dernier des Vauvilliers.

Thibault l’écouta attentivement jusqu’au bout.

À la fin, il se leva et demanda au notaire :

— À votre avis, Maître, qu’a donc voulu dire mon grand-père, à la fin du testament, par cette phrase : « Je lègue ainsi à mon petit-fils, Thibault, ma maison et, surtout, tout ce qu’elle contient » ? Sauf erreur, hormis ces quelques meubles fatigués dans une petite maison perdue, avec sa remise en bois, au fond d’un jardin, tout aussi petit et encombré d’herbes folles, il n’y a rien de valeur ou d’un quelconque intérêt, n’est-ce pas ?

— Écoutez, il n’a rien voulu me dire d’autre. Je lui ai, bien sûr, posé la question et, ce, à plusieurs reprises, mais rien. Il n’a rien voulu me dire.

Le notaire tira encore une bouffée de sa pipe et reprit :

— C’était un homme mystérieux, votre grand-père. Je le connaissais bien puisque nous avions été, jeunes, au même lycée, place Clichy, jusqu’en troisième. Après, ses parents avaient préféré l’inscrire dans une boîte à bac, près de la gare d’Asnières. Bac qu’il n’a pas eu, d’ailleurs…

Il eut un petit sourire et continua :

— Et puis, nous nous voyions souvent, vous savez. On avait plusieurs points communs, tous les deux. On faisait du vélo ensemble, on partait en balade autour de Paris.

— Tout ceci est réellement passionnant, Maître, mais n’explique pas le pourquoi de cette dernière phrase du testament, s’impatienta Thibault.

— Je ne sais pas quoi vous dire d’autre. Je vous propose de nous revoir, demain, à l’étude car, malheureusement, j’ai un autre rendez-vous cet après-midi. Je vous ai retenu une chambre dans un hôtel du boulevard et…

— Non, Maître, coupa Thibault, je vous remercie mais j’ai vu qu’il y avait un lit dans la chambre du fond, alors je vais aller me chercher une bière et un sandwich en face et je dormirai ici. Il faut que je réfléchisse à tout et surtout, au calme. Vous me laissez les papiers, voulez-vous ?

— D’accord. On se voit demain, à dix heures à l’étude, si cela ne vous dérange pas ? lui demanda Maquin en fermant sa sacoche et en se levant du fauteuil.

— C’est très bien. N’oubliez pas, aussi, de me laisser les clefs, Maître. À demain.

Thibault raccompagna le notaire jusqu’aux marches du perron. Maquin sautilla à nouveau, entre les herbes, ouvrit la porte de la grille.

Il la referma dans un couinement tout aussi lugubre que les précédents.

Thibault sortit son paquet de cigarettes américaines et alluma sa première de la journée.

Il n’était pas franchement fumeur, mais cette perplexité naissante l’incitait à fumer, assis sur les marches du perron.

— Mais qu’est-ce qu’il veut dire par-là ? « Je lui lègue ma maison et, surtout, tout ce qu’elle contient ».

Il soupira.

— Franchement, grand-père, comme héritage branlant du manche, tu repasseras…

Il rêvassait doucement quand son regard fut attiré par un visage d’enfant à une fenêtre ouverte de la maison d’en face, au-dessus du café.

Une bonne bouille, parsemée de taches de rousseur.

L’enfant, d’une douzaine d’années, le regardait depuis sa position légèrement dominante du deuxième étage.

— Bonjour, lui lança Thibault.

— Bonjour, m’sieur, lui répondit l’enfant, d’une voix claironnante. Vous êtes le nouveau ?

— Le nouveau ? Quel nouveau ?

— Ben, l’nouveau d’ici.

Constatant alors que le dialogue risquait certainement d’être d’une folle richesse, mais un tantinet monotone, Thibault lui dit :

— Tu veux bien descendre ? Tu m’expliqueras tout en bas.

— Ah ben d’accord, m’sieur !

Thibault éteignit sa cigarette et alla ouvrir à l’enfant, la porte du jardin.

Une tête rouquine s’encadra dans la porte.

— Bonjour, m’sieur, moi c’est Jérôme.

Le garçon lui offrit un grand sourire et poursuivit :

— Alors, vous venez d’arriver dans le manoir hanté ? C’est un poil limite « Amity ville, le retour » remixé avec « Vendredi 13 », ici, non ? rigola-t-il.

— C’est un peu ça, Jérôme. Moi c’est Thibault. Dis-moi, tu connaissais mon grand-père, monsieur Vauvilliers ?

— Ah ! c’était votre grand-père ? Ben tiens ! C’est lui qui m’avait filé le vieux vélo qui était, là, dans l’placard du jardin ! On s’connaissait bien. Il était vachement sympa ! On s’éclatait bien tous les deux ! Il m’aidait pour l’école, surtout l’orthographe, l’histoire et les maths. Il était méga-cool, vous savez ?

— J’imagine. Il était aussi « méga-cool » avec moi, mais il y a bien longtemps.

— Ah oui, y m’parlait d’son p’tit-fils, ben d’vous quoi… Qu’il avait réussi au Québec. Il regrettait que vous ne soyez pas souvent là mais, bon qu’y disait, c’est sa vie, alors, tant pis…

— Je sais, j’imagine, regretta Thibault. Dis-moi, Bonhomme…

— Ah non, pas « bonhomme », ça fait vieux machin… Votre grand-père, y’m’disait pareil ! Ça, c’était pas cool ! Alors pitié ! On est d’accord m’sieur ?

— D’accord, promis… Bonhomme… Non, ne fais pas les gros yeux, je plai-san-te ! Dis-moi, Jérôme, quand as-tu vu mon grand-père pour la dernière fois ?

— C’était entre Noël et jour d’l’An, j’me rappelle. Ah il n’était pas en forme, vous savez, il respirait comme une loco d’avant, vous savez, à vapeur quoi… Et puis, y m’a refilé un beau billet de cinquante Euros. Il m’a dit que c’était son cadeau de départ. J’lui ai demandé où il allait et il m’a dit qu’il ne pouvait pas me dire mais qu’il serait toujours là près de moi. Entre nous, hein, j’ai compris que dalle mais faut dire qu’il ne cherchait pas le confident, votre grand-père, je ne vous apprends rien, m’sieur ?

— Pour ça, oui, je suis bien d’accord avec toi ! Et puis après ?

— Ben après, je me rappelle, c’était le lundi, tous les volets étaient fermés et puis, je ne l’ai plus revu. Pfff ! Disparu qu’il était…

Thibault ralluma une cigarette et réfléchit une longue minute, sans rien dire.

— Dis-moi, depuis le temps que tu le connaissais, tu avais remarqué un changement, chez lui, à part son problème de respiration ?

— Ben non…

— Tu es sûr ? Rien vraiment ?

— Puisque vous me le dites, maintenant, si, si, il y avait un truc : Ses yeux. Ils n’étaient plus verts comme avant. Ils étaient devenus gris, gris très clair. J’ai cru qu’il avait acheté des lentilles j’sais-pas-quoi, vous savez ? Mais ce n’était pas son genre, la coquetterie, vous admettez ? C’était limite bizarre, ce truc des yeux. Mais enfin, pour le reste, non, rien d’autre. Bon, ben je ne m’ennuie pas mais j’ai un truc à la téloche dans cinq minutes. On reste groupés, m’sieur ?

— Oui Jérôme. À plus tard !

Thibault le raccompagna à la grille et avant de refermer à clef, il vit Jérôme lui balancer un salut amical de la main avant de s’engouffrer dans le vieil immeuble d’en face.

Il retraversa le jardin et sourit en repensant aux sauts de crapaud du notaire.

Il entra dans le couloir de l’entrée et avant de refermer la porte, vit de chaque côté du chambranle, deux minuscules ampoules de part et d’autre de celle-ci.

Il toucha chacune des ampoules en essayant de les dévisser mais elles avaient l’air de faire partie de la structure même du contour de la porte.

En entrant dans les autres pièces, toujours de chaque côté de la structure des portes, les mêmes duos d’ampoules étaient présents.

— Qu’est-ce que c’est que ces machins ? se dit Thibault, intrigué, ajoutant :

Bon, ce n’est pas grave, j’ai d’autres choses à penser que de sombres histoires d’ampoules.

Il enfila son vieux flight râpé de partout et ressortit de la maison et du jardin pour aller au « bar des pêcheurs » chercher de quoi faire la dînette du soir.

Acte 2

Derrière le comptoir, celui qui paraissait être le propriétaire des lieux, arborait une chevelure rousse du plus bel effet.

— Bonjour ! lança Thibault. C’est possible d’avoir un sandwich et une bière à emporter ?

— Bonjour Monsieur. Ah, vous, vous devez être la personne d’en face, je me trompe ?

— Oui. C’est lui, bravo ! Je m’appelle Thibault. Et vous, vous ressemblez trait pour trait, sauf erreur grossière de ma part, à un certain Jérôme de ma connaissance, non ?

Le patron du café lui offrit un large sourire.

— C’est bien moi. Il y a de la ressemblance dans l’air, vous croyez ? dit le cafetier en riant et en lui tendant la main. Je suis Benoît.

— Oh, je dirais que côté cheveux, le rouge est mis et est de rigueur… Il est très sympa votre fils. Il m’a raconté pour mon grand-père et lui.

— Éric, enfin votre grand-père, était très gentil avec lui. Ah ça oui ! Il lui faisait faire ses devoirs et ils n’avaient pas l’air de s’embêter. Souvent, on les entendait rire d’ici, comme des perdus, tous les deux, de l’autre côté de la rue… Vous voyez l’ambiance ?

— J’imagine, oui. Bon, dans la famille sandwich, qu’avez-vous de bon en magasin ?

— Un jambon-fromage, cela vous dit ?

— Oui, parfait et une bière, hollandaise de préférence. J’emporte le tout.

Le patron commença à préparer le sandwich.

Au beau milieu de la découpe du pain, il s’arrêta et dit :

— C’est bizarre pour Éric, enfin pour votre grand…

— Ce n’est pas grave, mais continuez ce que vous alliez me dire, s’il vous plaît ?

— Oui. Je vous disais que c’est bizarre qu’Éric ait disparu comme cela, du jour au lendemain. Et puis surtout qu’on n’a pas retrouvé sa trace. Pourtant les flics n’ont pas chômé, moi je vous dis. Je suis au courant parce que le commissariat n’est pas loin et qu’à midi, il y a toujours deux ou trois inspecteurs qui viennent manger. Bref, ils m’ont dit qu’ils n’ont rien trouvé et qu’ils n’ont pas compris pourquoi et comment Éric avait disparu. Pas de traces de bagarre, de sang ou autres trucs comme à la télé, quoi.

Le cafetier continua à beurrer les tranches de pain et finit le sandwich qu’il emballa dans du papier aluminium.

Il sortit une bière du réfrigérateur, en dessous du comptoir.

— Bon, ça vous fera quatre Euros. Ouais, c’est quand même bizarre qu’il ait disparu comme ça, Éric. Il était gentil, vous savez. On papotait souvent, dans l’après-midi, tous les deux. Il m’a appris pas mal de trucs. Simplement, comme ça, pas comme s’il était un maître d’école. Car il était bougrement cultivé, l’ami Éric.

— Oh que oui ! approuva Thibault. Il m’a appris également beaucoup de choses. Il me manque beaucoup. Même si j’étais à l’autre bout du monde, tout un coin de ma vie est ici, à Clichy. Vous savez, c’est amusant, mais votre tête me dit quelque chose et cela ne vient pas que des cheveux mais aussi d’autre chose…

Thibault ferma les yeux quelques secondes puis s’écria d’un coup :

— Ça y est ! C’est cela, vous êtes… vous êtes Benoît ! Benoît… Benoît… Benoît Barjols ! Bon Dieu, oui, c’est cela, on était à la communale ensemble, à Victor Hugo…

— Eh oui… Je ne voulais pas vous en parler parce que près de trente ans après, je ne savais pas si vous vous souviendriez de moi… C’est gentil, en tous les cas, de ne pas m’avoir oublié. Allez, tenez, le sandwich et la bière sont mes petits cadeaux de bienvenue !

Thibault serra la main à Benoît et le remercia.

— Bon, on se revoit demain matin pour le petit-déjeuner. On se la joue café-croissants, d’accord ?

— D’accord, Thibault. Je vous attends pour le café. Bonne nuit à vous, dans le manoir ! Et gare aux fantômes ! lui dit-il en riant.

Lorsqu’il sortit du café, la nuit commençait à tomber.

L’éclairage à l’ancienne de la rue descendait doucement des lampadaires.

Son sandwich et sa bière à la main, Thibault fit un petit tour dans Clichy.

De nombreux propriétaires de chiens faisaient faire la promenade-pipi traditionnellement vespérale à leurs toutous, sur les allées Gambetta, l’avenue résidentielle de la ville, riche en arbres et espaces verts propices.

Il s’assit sur un banc, presque en face du vieux théâtre Rutebeuf, au centre des allées.

Il mastiqua lentement son sandwich en buvant de temps en temps, une gorgée de bière.

La nuit tombait lentement et il se retrouva bientôt comme l’unique visiteur des allées.