Le signal - Frédéric Botton-Besson - E-Book

Le signal E-Book

Frédéric Botton-Besson

0,0

Beschreibung

Une série d’événements choquants secoue Paris, allant du viol dans le métro à une agression brutale dans un parking, en passant par un massacre sur les Champs-Élysées. Rien ne semble être lié, jusqu’à ce que le commissaire divisionnaire Antoine Delcourt se retrouve impliqué et réalise que ces incidents sont plus interconnectés qu’il ne le pensait. Alors que même la présidence de la république est visée, il comprend qu’il affronte un ennemi redoutable et inconnu. Déterminé à découvrir la vérité, Antoine Delcourt risque sa vie dans ce thriller palpitant, mêlant suspense, humour et une dose d’originalité captivante.

À PROPOS DE L'AUTEUR

S’inspirant de sa carrière dans les médias, Frédéric Botton-Besson écrit des livres qui reflètent les scénarios qu’il crée quotidiennement avec détermination pour la télévision et le cinéma. "Le signal – Divisionnaire Antoine Delcourt" est le fruit de cette démarche.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 409

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Frédéric Botton-Besson

Le signal

Divisionnaire Antoine Delcourt

Roman

© Lys Bleu Éditions – Frédéric Botton-Besson

ISBN : 979-10-422-2590-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122 - 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122 - 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335 - 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Introduction

Le jeudi 19 octobre 2017, la police judiciaire de Paris quitte le 36 quai des Orfèvres en bord de Seine pour intégrer les 32 500 m2du 36 quai du Bastion, dans le nord-ouest de la capitale.

Seule reste en poste au Quai des Orfèvres la brigade spéciale du Commissaire divisionnaire Antoine Delcourt, à disposition directe du préfet de police et du Ministre de l’Intérieur pour des opérations spéciales.

Préface

La folie des hommes est une réalité, on peut se demander si la fiction de ce livre captivant n’est pas la vision terrifiante du monde tel qu’il pourrait nous attendre.

Le signal est un très bon thriller qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière page.

Florence Gouzènes

Artiste & thérapeute

Prologue

Tiphaine descend l’escalier du métro. À cette heure de la nuit, elle ne croise dans les couloirs que quelques rares passagers. Elle entend au loin le signal sonore d’une rame indiquant qu’elle quitte la station.

Tiphaine se dit qu’elle aurait dû quitter quelques minutes plus tôt la soirée chez ses amis. Mais l’ambiance de celle-ci l’avait retenue. La jeune fille se dit aussi qu’à cette heure-ci, quelques minutes suffiront finalement au train suivant pour arriver.

En arrivant sur le quai, elle trouve celui-ci presque désert, hormis un couple enlacé près des machines à confiseries. Elle sort son iPod de son sac, présélectionne une plage et place les écouteurs sous ses longs cheveux blonds. La musique envahit ses oreilles et elle ferme alors ses jolis yeux noisette. La mélodie douce et mid-tempo la berce et elle se prend à chantonner les paroles.

Un peu plus loin sur le quai, les deux amoureux paraissent seuls au monde et se laissent aller à des baisers de plus en plus fougueux. Tiphaine sourit en les regardant du coin de l’œil, en se disant qu’elle serait bien restée avec Arnaud, ce gentil garçon avec qui les coupes de champagne partagées lors de la soirée lui avaient si adorablement fait monter le rose aux joues.

Mais les examens sont dans deux jours et cette nouvelle journée se doit d’être active, notamment pour l’Allemand et l’Histoire qu’il lui faut absolument maîtriser : au Bac blanc, elle a absolument raté ces deux matières. Ni Goethe et Associés ni les hommes célèbres ne l’inspirent. Si elle veut entrer l’année prochaine dans l’école de commerce où son Père a choisi de l’inscrire, il faut qu’elle ait son examen et la mention « bien » est fortement recommandée.

La nuit va être courte, car dès 8 heures, son réveil la rappellera à ses devoirs. Tiphaine se dit que le lendemain va être bien long.

Au loin, le sifflement de la rame s’annonçant, elle éteint son baladeur. À sa gauche, finissant de descendre l’escalier, une fille et un garçon de son âge entrent sur le quai, s’approchent de la bordure et posent chacun le petit sac de voyage qu’ils portent à l’épaule.

Tiphaine se lève alors. Le train entre dans la station, elle monte dans le wagon s’arrêtant en face d’elle et va s’asseoir sur l’une des banquettes au milieu. À deux rangs derrière elle, un vieux monsieur somnole en marmonnant des phrases incompréhensibles. Le métro sonne le départ, les portes se ferment et le train s’ébranle.

Tiphaine remet son walkman sur ses oreilles, ferme à nouveau les yeux et, musique aidant, se laisse doucement aller. À la station suivante, le somnoleur, réveillé en sursaut, descend et manque de se casser la figure sur le quai. Tiphaine a toujours les yeux clos et est bercée par la musique.

Elle pense au garçon de la soirée et se dit qu’après ses examens, une ou deux longues soirées en tête à tête avec lui ne lui déplairont pas du tout. Un délicieux frisson lui fait une sensuelle sensation et ses jambes se desserrent et se resserrent doucement. C’est sûr qu’Arnaud saura lui apporter ce joli moment de plaisir qu’elle se refuse depuis trop longtemps.

Le métro repart bruyamment, elle ouvre les yeux et regarde machinalement à travers la fenêtre de son wagon. La vitre fait miroir quand le train rentre dans le tunnel et elle découvre alors les deux hommes sur la banquette de quatre, à côté d’elle, qui la regardent en souriant.

Tiphaine coupe alors son baladeur, le range dans son sac et reste collée à la vitre.

L’un des deux hommes se lève, s’assied sur la banquette en face et se penche, quelques secondes après vers elle. Il avance sa main et la pose sur son genou. Elle repousse vivement celle-ci, mais il revient à la charge et cette fois, remonte sur sa jambe, atteint sa cuisse puis la lisière de son bas, et caresse sa peau.

Tiphaine tente de se lever, mais le deuxième homme se place derrière la banquette et la maintient plaquée à celle-ci. Elle se débat, mais le premier lui soulève alors complètement sa mini-jupe et commence à lui descendre son string blanc.

Elle se débat, mais les deux ont une force qu’elle ne peut combattre.

L’individu en face d’elle la tire brusquement par les jambes et l’allonge violemment sur la banquette en riant. Son complice lui soulève son pull, relève son soutien-gorge et lui caresse brutalement les seins.

Tiphaine hurle, mais ses cris sont couverts par le bruit du train qui entre dans la station suivante. Il n’y a personne sur le quai pour donner l’alerte ou lui porter secours.

Elle est maintenant presque nue dans le wagon et l’un des deux hommes ouvre la braguette de son pantalon et exhibe son sexe devant elle.

Le métro repart et Tiphaine, en pleurs et terrorisée, subit le violent désir de plaisir imposé par ces hommes. Les deux sont penchés sur elle et son supplice ne semble pas avoir de fin.

Ce que les hommes ne voient pas derrière eux, tant leur excitation est forte, ce sont les deux jeunes gens montés en même temps que Tiphaine, ainsi que le couple d’amoureux qui se place à quelques mètres au fond du wagon.

Le jeune homme et la jeune fille ouvrent sans un bruit leurs sacs et sortent chacun une arbalète. Ils leur crient « hello ! » gaiement et soudainement et les deux hommes, surpris, lâchent Tiphaine puis se relèvent très vite.

Ils regardent tout d’abord le couple d’amoureux qui leur sourit presque gentiment. Ils se retournent ensuite vers les deux jeunes gens et ouvrent grand et plein d’effroi leurs yeux.

Les deux traits d’arbalète partent simultanément. Le premier a la gorge transpercée et le deuxième est touché en plein front. Ils s’écroulent en arrière sur le sol du métro. Le couple d’amoureux s’avance alors.

Le jeune homme, habillé d’un long manteau, le soulève et sort du dos de celui-ci, une dague terriblement aiguisée. Il s’approche avec sa compagne des deux morts, finit de leur descendre leurs pantalons.

Prenant tour à tour leurs sexes avec sa main droite, il leur tranche ceux-ci au ras des testicules puis les coupe lui-même en deux, d’un coup sec. Sa compagne prend alors les deux organes, leur ouvre la bouche et introduit à chacun les deux moitiés de leur pénis dans celle-ci.

D’un coup de pied violent, il leur referme la mâchoire à chacun.

Tiphaine s’est rapidement rhabillée. Elle se lève de la banquette, s’approche des deux cadavres mutilés, leur sourit et leur crache soudain chacun à la figure.

Le train arrive dans la gare suivante. Ils descendent tous les cinq en riant. Pour eux, rien ne semble s’être passé. Le métro repart juste quand ils montent l’escalier, bras dessus, bras dessous.

***

Acte 1

Ce que déteste Antoine par-dessus tout, c’est le buzzer de son réveil, car, s’il l’a pourtant placé à un bon mètre de lui, son bourdonnement reste insupportable. Même à six heures du matin, ses dix ans de handball lui permettent, les yeux fermés et d’un coup d’oreiller rageur, de faire tomber celui-ci par terre et de lui couper, grâce à Dieu ! le sifflet.

Un sourire de satisfaction du devoir accompli éclaire alors son visage aux yeux toujours clos.

— Quelle tannée cet engin ! Mais je reste quand même toujours champion du monde pour le faire taire, murmure-t-il entre ses dents.

Maintenant le plus dur reste à faire : Sa cafetière prête à rendre l’âme a pourtant pour mission de le réveiller complètement.

— Ce n’est pas gagné, ça, c’est sûr, se dit-il.

Il avance alors vers la cuisine comme un zombie et s’attache à cette lourde tâche, handicapée hélas par le fait que le récipient de ladite cafetière est fêlé et qu’il ne tardera pas à éclater.

Une douche revigorante lui fait du bien et, satisfait, il n’entend nulle explosion de cafetière au loin. Ouf ! Son jeans est vite enfilé ainsi qu’une chemise blanche suivie de son blazer bleu nuit. Ses Weston cirées s’accordent merveilleusement à l’ensemble. Le coup de peigne final sur ses cheveux châtains mi-longs lui arrache un soupir d’aise : Ses quarante ans lui ont quand même laissé de jolis traits et de franchement beaux restes. C’est très satisfait de lui-même qu’Antoine se sert doucement son café en veillant bien aux risques de fêlures intempestifs.

À sept heures, il descend rapidement les deux étages de son vieil immeuble et se dirige vers sa voiture sagement garée à quelques mètres.

Le démarrage est hasardeux, précédé par de lamentables teufs-teufs et autres bruits divers et variés, lui laissant sérieusement présager qu’il allait bientôt lui falloir changer de carrosse.

La vieille Volvo quitte son emplacement de parking avec un bruit de vieux canard, quasiment une incongruité, qui fait se retourner sa voisine sortie promener son balai à poussières – ou plutôt son caniche – ainsi que Guy, son boulanger du boulevard Raspail, qui fume en rêvassant devant sa boutique sa énième cigarette matinale.

Antoine descend avec son contre-torpilleur à roulettes vers Saint-Germain-des-Prés, cale sur le boulevard du même nom, repart de plus belle, cale à nouveau sur le Pont-Neuf, redémarre quand même et tourne à droite sur le Quai des Orfèvres.

Les deux agents en faction sourient à son approche enfumée et bruyante, ô combien ! Il descend la rampe l’amenant sur le quai.

La Volvo, dans un superbe hoquet d’agonie, rend définitivement l’âme quand il se gare en épi.

— La journée commence bien, soupire-t-il…

Il claque la porte, donne un grand coup de pied rageur au parechoc, ne prend même pas la peine de verrouiller les portières et remonte un tantinet énervé vers le bâtiment où il exerce avec un talent reconnu la fonction de commissaire divisionnaire.

— Bonjour Monsieur le Divisionnaire ! lui disent en chœur et avec un large sourire les deux hypocrites en uniforme.
— Bande de clampins, cornichons, mochetés ! maugrée le policier qui a désormais choisi d’être définitivement non motorisé suédois à vie.

Le vieil ascenseur doit avoir le même fabricant que sa voiture, car côté vitesse, bruit et fiabilité, ils se valent. De longues minutes après le décollage, Antoine prend le couloir et arrive à la porte capitonnée de son bureau.

Plusieurs fax et mails imprimés l’attendent. Il s’assoit dans son fauteuil ou plutôt s’enfonce dedans, car celui-ci est mou, mais mou…

Il décroche le téléphone et appelle l’officier coordinateur en poste.

— Dites-moi, Guillaume, vous m’envoyez les deux comiques qui me servent d’adjoints ? Merci.

Il raccroche, ouvre le deuxième tiroir de son bureau et sort l’arme dans son holster qui y a passé la nuit. Il passe l’étui à la ceinture et replonge dans la mousse vieillissante de son siège. Henri et Marc, le premier, capitaine et le deuxième, lieutenant, frappent à sa porte. Il leur dit d’entrer.

— Bonjour jeunes gens, leur lance Antoine. Dites-moi, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Depuis quand on ne me prévient pas quand on tue et assassine dans Paris ? Et en doublé en plus…
— Monsieur le Divisionnaire, nous avons été prévenus par la sécurité de la RATP vers une heure du matin et, avant de vous alerter, nous y sommes allés, Henri et moi. Après, je l’avoue, il était fort tard et j’ai fini le rapport en oubliant complètement de vous prévenir, je suis désolé… explique Marc.
— Nous en reparlerons tout à l’heure, je vous le garantis ! Résumé je vous prie ?
— C’était le dernier métro de la ligne six. Presque vide, le train arrive à la station Montparnasse. Un groupe de Hollandais, en fin de soirée bien arrosée et définitivement fin cuits, entrent dans le wagon du milieu. Au démarrage du train, ils tirent tout de suite le signal d’alarme. Le conducteur remonte en courant le quai et découvre tout comme eux auparavant, deux personnes allongées dans le couloir central du wagon, l’un une flèche dans la gorge et l’autre dans le front, presque vidées de leur sang. Alertée, l’équipe de sécurité d’astreinte est arrivée trois minutes plus tard. L’Identité Judiciaire a procédé avec nous deux aux premières constatations et je vous jure que quand on l’a découvert, hein Henri ? On a vomi d’un coup d’un seul !
— Quand vous avez découvert quoi ?
— Durieux de l’I. J. examinait l’un des cadavres et remarque que du sang séché est aux commissures des lèvres de celui-ci. Il force la bouche à s’ouvrir et découvre, coupé en deux, le pénis du brave homme… Une horreur, il était presque en lambeaux ! De même pour le second.
— Joli spectacle, effectivement, votre petit-déjeuner doit certainement avoir du mal à passer… commente Antoine avec une grimace. Les identités de ces joyeux châtrés ?

Henri, prenant son bloc, lui dit :

— Le premier s’appelle Karl Lambsberg, originaire de Strasbourg, et est déjà fiché chez nous pour violences en réunion. Il est sorti il y a deux semaines de Fleury-Mérogis après sept ans de réclusion. Le deuxième, d’origine maghrébine, n’a pas encore été identifié. On devrait en savoir plus dans la matinée.

Antoine prend quelques secondes pour réfléchir. Il se lève ou plutôt s’extirpe de son fauteuil, remet sa veste et demande aux deux hommes de le suivre.

À l’Identité Judiciaire, Morin avait succédé à Durieux, parti heureux se coucher après une telle nuit, une heure auparavant.

— Bonjour Franck. Vous vous occupez des deux diminués de la nuit, ce matin ?
— Oui, Monsieur le Commissaire. Là, ils reposent un peu au frigo, mais j’ai presque fini le rapport. Pour notre client alsacien, la flèche ou plutôt le trait d’arbalète l’a instantanément tué. Pour le deuxième, son agonie a duré quelques minutes et il a subi sa mutilation encore vivant… Il est mort juste après.
— Dites-moi, Doc, cette arbalète, ce n’est pas un peu démodé comme arme ?
— Si, un peu, mais de maintenant petite taille, elle est utilisée notamment par certains de nos commandos en opération. Elle est discrète, silencieuse et, pour celui qui sait bien la manier, elle est terriblement efficace. À preuve…
— Hormis nos vaillants militaires, qui se sert de cette arme ?
— Des chasseurs et des clubs de tir.
— Il y a de ces clubs de tirs en région parisienne ? s’enquiert Marc.
— Oui, il y en a trois : Un dans les Yvelines et deux en Seine-et-Marne, j’ai vérifié.
— Henri, ordonna Antoine, prenez les adresses et faites le tour de ces trois endroits. Marc, faites celui des armuriers parisiens et d’Île-de-France : Obtenez la liste de tous ceux qui, dans les cinq années passées, leur auraient acheté ces armes. Merci Franck. J’attends votre rapport final cet après-midi. Bon courage ! Messieurs, au boulot ! finit-il en s’adressant à sa fine équipe.

Les trois hommes sortent des locaux de l’I. J. En sortant du Quai des Orfèvres, Antoine se rend au service-véhicules de la Préfecture de police.

Un quart d’heure après, c’est au volant d’une vague Renault plus pimpante, mais tout aussi peu performante que son ex-Volvo qu’il se dirige, à quelques centaines de mètres de là, vers le parking de la Police Judiciaire.

Les deux mêmes gardiens de la paix, décidément en forme, se moquent encore discrètement de lui. La vengeance étant un plat qui se mange bien froid, Antoine décide de se rappeler prochainement à leur bon souvenir.

***

En bas de l’immeuble, la petite bande est rassemblée, assise sur un muret. La tenue est presque similaire pour tous : Baggies, baskets et T-shirts de marque, casquettes à l’envers ou capuches de sweat-shirts sur la tête.

Ils commentent chacun à leur tour leur dernier affrontement avec la police et les CRS, la veille, alors qu’ils venaient, par amusement, de brûler quelques voitures de la cité. La vingtaine de jeunes est fière d’elle, car même le gang de la cité voisine des « Lilas Fleuris » n’est pas arrivée à battre leur score brillant : Douze policiers blessés dont trois grièvement, un car détruit par des cocktails-molotov bien ajustés et deux voitures de patrouille tellement caillassées quelles étaient bonnes pour la casse.

Les rires vont crescendo et ils se sentent tellement heureux de vivre cette journée de victoire. Entre deux places de parking, se gare alors une superbe Mercédès aux vitres teintées.

Le groupe se dirige alors vers elle en imaginant les belles balades dans leur ville et peut-être sur les Champs-Élysées qu’ils pourront faire quand ils l’auront volée à son propriétaire. De la puissante voiture, sort rapidement un homme, quasiment de leur âge. Il les regarde et s’élance tout à coup en courant vers la sortie du parking.

Au début, quelques membres de la bande se lancent à sa poursuite alors que les autres entourent la voiture abandonnée. S’arrêtant parce que le conducteur est déjà trop loin pour eux, ils rejoignent les autres qui essayent d’ouvrir les portières et le coffre. Mais, rien n’y fait, elle est verrouillée. L’un deux va alors chercher sa batte de base-ball dans le coffre de sa Ford. Il explose le pare-brise de la voiture et le véhicule de luxe est désormais leur capture de guerre.

Ils entament presque une danse guerrière autour de lui.

À quelques mètres d’eux, une camionnette avance tout doucement. Elle se gare sur le côté du groupe. La porte coulissante s’ouvre et dans la pénombre du véhicule, un tube court se profile.

Un sifflet strident fait se retourner le gang.

Une petite fumée et un éclair précèdent l’impact : La Mercédès explose alors et les vingt membres de la bande sont tués sur le coup, leurs corps sont déchiquetés.

Il faut dire que le puissant explosif caché dans le coffre a bien aidé au massacre.

Aux balcons, les gens de la cité regardent ce qui reste de leurs enfants ou de leurs frères. Des cris et des pleurs retentissent aussitôt.

Deux hommes sortent alors du fourgon, jettent un rapide coup d’œil, remontent dans celui-ci qui démarre aussitôt. En sortant, il croise les pompiers et une voiture de police tout juste alertés.

Ils s’arrêtent quelques instants pour récupérer le quatrième, puis franchissent le pont et prennent une bretelle vers le quai, conduisant à un chantier.

L’équipage de quatre personnes, jeunes et bien habillées, arrête la camionnette et se dirige vers une vieille Peugeot 604 garée en contrebas, vers la Seine. Ils repartent tranquillement vers Paris où leurs amis les attendent à la terrasse de leur café préféré.

Deux d’entre eux allument à l’arrière une cigarette à bout doré. La jeune femme, quant à elle, branche la radio et fredonne les paroles de la chanson diffusée, tout en souriant. Son passager de l’avant lui caresse tendrement la cuisse. La soirée allait être belle.

***

Elle sort de la cabine d’essayage et se dirige vers le grand miroir. Elle se regarde dans la glace et sait qu’elle a fait le bon choix : cette jolie robe, courte, la rendra sexy à souhait ce soir. Ses longues et fines jambes sont vraiment mises en valeur !

— Eh bien, si je ne les fais pas tous fondre de désir, ce soir, c’est qu’ils n’ont aucun goût pour les jolies femmes ! se complimente-t-elle.

Elle complète, se ravisant :

— Mais il n’y en a qu’un seul qui m’intéresse, promis !

Son joli sourire éclaire son visage à cette pensée. Elle retourne dans la cabine, ôte la robe et, en slip et soutien-gorge, appelle Sandrine, la vendeuse.

— Sandy, je prends celle-là et puis aussi celle que tu m’as montrée tout à l’heure.

Cette dernière ouvre le rideau, admire la superbe plastique de Patricia, s’approche d’elle, l’enlace, lui fait un baiser discret dans le cou tout en effleurant la peau douce de ses hanches et retourne derrière sa caisse. Patricia se rhabille avec son pull léger et sa jupe puis arrive vers elle.

— Ce sont de bons souvenirs qui me reviennent quand tu me fais un bisou, lui dit-elle doucement, mais nous sommes de grandes filles maintenant, alors…
— Justement, lui répond Sandrine, nous sommes de grandes filles et tu sais très bien que j’adore être avec toi. C’est pour qui que tu t’habilles aussi excitante ? Pas pour moi, hélas ?

La jeune femme lui sourit et met son index devant ses lèvres.

— Chuuut ! C’est un secret… C’est un vrai premier rendez-vous après mon cocktail à l’agence, alors je te dirai après et seulement après de qui il s’agit…

La vendeuse hausse les épaules, encaisse, lui tend le sac et lui dit :

— Allez, file ! Sinon je ne te laisse plus partir… Vas-y ma Belle !

Patricia lui adresse un baiser du bout des doigts et, après un dernier regard vers elle, sort de la boutique.

Elle descend l’avenue Montaigne et se dirige vers le parking de la rue François 1er. Elle prend l’ascenseur et, arrivée au dernier sous-sol, va vers sa voiture.

Sa Mini Austin rouge est garée entre un gros 4x4 japonais et une Jaguar. Avec la télécommande, elle ouvre son coffre et place les trois sacs de son shopping dans celui-ci. Elle le referme et s’apprête à monter dans la petite voiture.

Une claque violente sur le cou la fait tomber brutalement sur le sol du parking. Elle s’évanouit.

Les trois filles se jettent sur elle.

L’une lui arrache son collier et son bracelet, l’autre fouille dans son sac et arrivée à son porte-monnaie, lui vole son argent et sa carte bleue. La troisième, plutôt séduite par le charme de la jeune femme, se penche sur elle et, lui arrachant son pull et sa jupe, lui caresse la poitrine.

Elle sort alors un cutter de la poche de son jeans et lui ôtant définitivement ses sous-vêtements, s’apprête à lui découper cruellement la peau. Les deux autres, agenouillées à côté d’elle, rient de bon cœur et l’une d’entre elles sort même son téléphone portable pour filmer l’acte de torture.

Patricia reprend ses esprits et, voyant ses agresseurs, hurle et se débat. Rien n’y fait : les trois femmes la clouent au sol et elle sent la mort proche.

Tout à coup, un bruit sourd retentit et celle qui s’apprêtait à lui couper la peau s’écroule sur elle. Les deux autres se relèvent brusquement, mais deux balles les fauchent et elles tombent au sol à leur tour, tuées net.

Patricia hurle de terreur, car elle est couverte du sang et de la cervelle de la première. Elle tente de se soulever en repoussant le corps, y arrive à moitié et se relève avec difficultés. Elle entend des bruits de pas et une voiture qui s’approche très rapidement d’elle.

Les gardiens du parking arrivent suivis d’un véhicule de police.

Patricia en larmes et sous le choc est habillée d’une couverture et elle s’assied à l’arrière de la voiture de patrouille. Un peu plus tard, elle est interrogée par le Capitaine Pasquier qui lui pose des questions auxquelles, malheureusement, elle n’a que peu de réponses à apporter.

Elle se souvient pourtant d’une chose : après que les trois femmes aient été tuées, elle croit avoir aperçu deux silhouettes derrière le pilier, à plusieurs mètres, à gauche de sa voiture.

Henri se dirige alors vers le pilier, appelle l’équipe de l’I.J sur place et leur montre les trois douilles de gros calibre restées sur le sol. Une dizaine d’hommes inspecte alors soigneusement le sous-sol, examinant chaque véhicule et vérifiant chaque centimètre. Ils ne trouvent rien.

Patricia est depuis longtemps partie vers l’hôpital ainsi que la police quand le grand Cherokee situé au fond de l’étage semble prendre vie : une petite lumière rouge s’allume sur le tableau de bord quand le faux fond surélevé du coffre se replie sur lui-même et glisse doucement vers l’avant.

Les deux hommes cachés dans celui-ci et qui respiraient dans leur cachette avec deux petites bonbonnes d’oxygène se déplient et sortent par la cinquième porte. L’un deux a un étui où un fusil à canon scié lui a permis d’abattre cette vermine qu’ils traquent, tous deux, depuis des jours.

Les deux hommes, longeant le mur du parking et évitant ainsi le regard du policier resté en poste, se dirigent vers l’escalier d’accès à l’étage supérieur. Ils montent alors dans un coupé sport et remontent tranquillement vers la sortie. Arrivés à la guérite de sortie, l’un des trois gardiens leur adresse un clin d’œil tout en souriant. Ils lui font un petit signe de la main quand ils franchissent la barrière de péage : grâce à lui, les informations sur ce gang de filles étaient bonnes.

Ils se rendent alors au Fouquet’s tout proche : deux charmantes jeunes et jolies femmes les attendent depuis une heure déjà.

***

Antoine a réuni son équipe dans la grande salle de réunion du deuxième étage de la P.J. La douzaine de membres de l’équipe attend silencieusement que leur patron commence le débriefing des deux derniers jours. Plusieurs enquêtes en cours sont en phase active de résolution et les deux chefs de groupes sont contents des divers commentaires du commissaire.

— Sylvie, Henri, des précisions sur l’histoire du parking du VIIIe ? Comment se porte la jeune femme ? questionna Antoine.
— Elle va mieux, lui répond Sylvie, mais elle a été très sérieusement choquée, Monsieur le Commissaire. Elle est à Bichat et sortira demain, car le médecin préfère la garder cette nuit en observation.
— Dites-moi, mes jeunes amis, vous ne trouvez pas bizarre et pleine de foutues coïncidences troublantes, cette accumulation de meurtres ? Les deux eunuques du métro, tous ces jeunes massacrés et maintenant cette bande de filles abattue ? Moi si. Du côté des armuriers, Marc, Henri, où en êtes-vous ?
— Ça avance Monsieur le Principal. Nous avons déjà une dizaine d’armureries qui ont des listings similaires.
— C’est quoi des listings similaires ? Des points communs entre plusieurs acheteurs ?
— Non, répond Marc, pas franchement. Néanmoins, le point commun c’est l’âge des acheteurs : une vingtaine d’années tout au plus. Le hic, c’est qu’ils ont presque tous réglé en monnaie sonnante et trébuchante, vu que l’achat des arbalètes ne dépassait pas le montant maximum d’un paiement cash et vu aussi qu’il n’y a pas de réglementation précise ou d’âge pour la vente de ces armes, nous n’avons pas de noms… Ou du moins pas de noms réels, car ils ont tous donné de fausses identités.
— Et du côté des clubs de tir utilisant des arbalètes ?
— Pas de piste précise, Monsieur. Mais nous continuons à chercher.
— C’est bien. Sylvie, nous allons rendre visite à cette jeune femme, Patricia Van Dick. Mais c’est vous qui conduirez, car, aujourd’hui, j’ai ma surdose de guimbardes…

Toute l’équipe, au courant des malheurs automobiles de leur patron, rit en sortant de la salle.

***

Acte 2

En sortant de l’ascenseur, le divisionnaire et l’inspecteur se dirigent vers la chambre de la blessée. En entrant, ils ne la voient pas dans le lit, mais la trouvent assise dans le fauteuil près de la fenêtre.

Antoine s’assoit sur le siège en face d’elle et se présente.

La jeune femme, malgré deux blessures au visage, est absolument ravissante. Il s’adresse à elle, lui parle doucement, réalisant bien qu’elle est traumatisée par cette agression, mais aussi par la mort des trois femmes l’ayant attaquée.

— Mademoiselle Van Dick, je suis sincèrement désolé de ce qui vous est arrivé et j’imagine combien vous avez dû avoir peur. Malheureusement pour notre enquête, vos agresseurs ont déjà subi un châtiment que nous aurions largement préféré transformer en vrai procès et longue peine de prison. Vous avez dit à mon subordonné que vous aviez cru voir deux silhouettes dans le parking qui sont a priori celles des assassins de ces femmes. Avez-vous d’autres précisions qui vous seraient revenues depuis que vous lui avez parlé ?
— Non hélas, lui répond Patricia, mais autant ce qu’elles m’ont fait subir était horrible, autant c’est leur mort qui a été terrifiante !

De grosses larmes coulent sur ses joues et elle prend sa tête dans ses mains. Antoine lui tend un mouchoir en papier et lui prend doucement la main.

— Mademoiselle, je comprends que vous soyez bouleversée. Mais êtes-vous sûre de ne pas vous souvenir d’un détail concernant leurs tueurs ? C’est important pour notre enquête.

Patricia secoue négativement la tête tout en continuant à pleurer. Soudain, elle relève la tête, réfléchit et lui dit :

— Si, je me souviens maintenant : l’un des deux a appelé l’autre par son prénom, presque en le criant à mi-voix. Tony ? Anthony ? Je ne sais plus bien, mais c’est juste après qu’ils sont partis, quelques secondes avant que vous n’arriviez.

Sylvie note les indications de la jeune femme et indique par gestes à son patron qu’elle sort pour téléphoner. Antoine s’appuie sur le dossier du fauteuil et part dans ses pensées.

Il reprend après une minute :

— Dites-moi, ce parking, vous vous y garez régulièrement, si j’ai bien compris ? Vous n’aviez jamais aperçu ces femmes ou au moins l’une d’entre elles auparavant ?
— Non, je ne crois pas. Et puis, vous savez, j’ai eu tellement peur hier que je n’ai vu que leurs visages horribles ! Quand cette femme a approché son cutter de mon visage, j’étais terrorisée.
— Si j’ai bien compris aussi, continue le policier, le quatrième sous-sol est réservé aux abonnés. Je ne peux pas imaginer que vos sauveurs, pardonnez-moi l’expression Patricia, étaient là par hasard. Avant l’agression, quand vous descendez vers ce sous-sol, quand vous marchez vers votre voiture, vous ne voyez rien de particulier ?
— Non, répond la jeune femme. Toutes les voitures qui sont là sont celles des habitués : Les patrons et les employés des boutiques de la rue François 1er et de Montaigne, plus les clients et personnels des deux hôtels de luxe. On se connaît de vue, car ça fait près de dix ans que je m’y gare parce que mes Parents habitent juste à côté de là.

Antoine va lui poser une question, mais tout à coup, Patricia continue :

— Si, je sais ce qui était différent depuis plusieurs jours : une nouvelle voiture, un tous-terrains américain que je n’avais jamais vu. Je sais qu’il n’avait jamais été là, car mon frère veut s’acheter le même, il est fou de 4x4. C’est un gros Cherokee et je l’ai pris en photo avec mon téléphone pour le montrer à Luc. J’ai même demandé à Pierre, l’un des gardiens, qui souvent prend ma Mini pour la nettoyer contre un bon pourboire, à qui il était et qui était le fichu cinglé qui roulait avec un char pareil dans Paris !
— Et alors, que vous a-t-il répondu ?
— Il ne m’a pas répondu justement, car il a fait celui qui ne savait pas. Ça m’a paru un peu étrange, car c’est lui qui gère l’étage des abonnés. Mais comme j’étais pressée et que finalement cela n’offrait pas grand intérêt, j’ai abandonné.

Sylvie entre à nouveau dans la chambre. Antoine se lève et dit à la blessée :

— Mademoiselle, vu que vous sortez demain matin, ce serait bien que vous passiez à la P.J. dans l’après-midi. J’aimerais vérifier quelques petites choses avec votre aide et ainsi, vous signerez votre déposition. C’est d’accord ?

La jeune femme pour la première fois, acquiesce, lui dit qu’elle passera avant d’aller à son agence de publicité. Elle lui sourit. Le policier lui trouve alors toute la beauté et le charme du monde. En sortant de Bichat, sa subordonnée lui pose une question sur l’entretien avec Mademoiselle Van Dick, à laquelle il ne répond pas. Elle lui repose à nouveau et il paraît sortir d’un état second.

— Ça ne va pas, Monsieur ?
— Si, si, ça va, Sylvie, élude Antoine qui se remet tout doucement de sa rencontre avec la jolie publiciste.

Sylvie lève subrepticement les yeux au ciel et se dit :

— On n’est pas sortis de l’auberge si le boss tombe raide-amoureux à chaque interrogatoire…

Antoine la regarde avant d’entrer dans la vieille Renault :

— Un problème, un drame, une crise existentielle, Lieutenant ?
— Non Monsieur le Divisionnaire, j’avais juste une poussière dans l’œil…

***

Ils descendent les Champs et ce soir, se sentent particulièrement prêts à tous les paris. C’est tellement évident quand on est venus à plusieurs dizaines pour se payer du riche alors que, chez eux, leur seul univers est fait de ces barres inhumaines construites il y a des années, à la va-vite, par des architectes n’habitant certainement pas leur quartier.

Ils se sont séparés en plusieurs petits groupes de trois, quatre ou cinq personnes et se dirigent vers le bas de l’avenue la plus belle du monde. Ils se sont bien habillés, en jeans, pull et chemise et ont laissé leurs tenues trop reconnaissables dans les chambres de leur cité. Ainsi, ils échappent au regard scrutateur des policiers et militaires patrouillant à pied et en voiture. Ils ont la rage aussi depuis que leurs amis sont morts assassinés. Ils veulent casser, détruire et aussi s’amuser. Ils sont là pour ça et ça va se savoir dans les quartiers et à la télé.

À 22 heures, le SMS leur indiquant l’endroit de regroupement arrive sur leurs portables. De tous les coins des Champs, une centaine de jeunes se masse devant la galerie du Claridge, presque au bas de l’avenue.

Avant que la sécurité n’ait pu s’organiser, ils entrent en courant et en bousculant les agents arrivés à la rescousse, sortent des barres de fer de plusieurs sacs et le saccage commence.

Ils se répandent dans les magasins et les clients, pour la plupart des touristes, subissent leur violence et leurs coups. De jeunes femmes japonaises sont prises à partie et sont jetées à terre, quelques-uns d’entre eux leur arrachant en riant leurs vêtements. Des blessures et du sang, des larmes et de la peur sont le résultat de leur action commando.

Certains d’entre eux arrivent au poste de contrôle et tapent violemment avec leurs armes improvisées sur le visage des deux agents en poste. Ceux-ci s’écroulent, la tête en sang et sont immédiatement l’objet de violents coups de pied dans les côtes et à la tête.

Ils s’attaquent ensuite au tableau de commande, font descendre les rideaux de sécurité et verrouillent aussi les portes de la galerie marchande. Heureusement, la grande majorité des clients, blessés ou non, est déjà sortie sur le trottoir.

Malheureusement, il est trop tard pour entrer pour les policiers rapidement arrivés en nombre.

La galerie et les magasins sont à eux et les rares clients, mais surtout les clientes, encore présents dans le Claridge, sont alors battus, violentés et restent inanimés sur le sol. Le groupe décide alors, les laissant sur place, d’aller se servir dans chaque boutique, de piller, de détruire et de ne laisser que des ruines de l’endroit.

Ils commencent alors leur action destructrice.

Alors qu’ils sont tous réunis dans un magasin, une petite porte derrière les caisses s’ouvre. Une dizaine de personnes, avec un curieux réservoir derrière chacun d’eux et un tuyau dans l’une de leurs mains, s’occupent en silence de faire évacuer les blessés.

Ils leur font signe de garder le silence et à la queue leu leu, les font tous sortir. Les dix tournent chacun alors la molette de l’espèce de bonbonne dans leur dos. Une légère, silencieuse et discrète flamme sort alors des tuyaux.

Ils arrivent à pas feutrés derrière les jeunes qui crient à tue-tête en cassant les étals et ne les voient pas arriver. L’un des mystérieux personnages fait un signe de la tête et ils se placent alors tous, de front, face au groupe. Celui qui a donné le top prend alors un revolver qui était accroché à sa ceinture et tire en l’air. Le coup de feu arrête toutes les gesticulations en cours. La centaine de jeunes se tourne alors vers eux. Ils ne comprennent pas qui sont ces extra-terrestres, en combinaison, avec casque et lunettes de protection. Mais, l’effet de groupe les incite à s’élancer vers ces intrus.

Mal leur en prend, car les dix lance-flammes les cueillent immédiatement et aussitôt, leurs corps brûlent et se carbonisent. Les cris horribles sont répercutés en un écho infini et insupportable.

Une vingtaine de survivants tente de contourner leurs agresseurs, mais ils sont instantanément brûlés vifs quand ceux-ci se retournent vers eux.

Une odeur atroce de corps brûlés se répand partout dans le Claridge.

Au-dehors, la police a réussi à débloquer les grilles et commence à entrer dans la galerie. Le commando de tueurs s’éclipse, sa mission accomplie, par une porte dans le fond de la galerie et la verrouille derrière lui.

Quand les forces de l’ordre arrivent, seule l’odeur de mort les accueille. Le minibus, garé sous l’immeuble de bureaux derrière le Claridge, accueille un groupe de jeunes gens joyeux et bien habillés. La sortie vers les Champs étant bloquée par les camions de pompiers et les cars de police, leur chauffeur prend en contresens la rue de la Boétie déserte et, accédant en quelques petits instants, à la rue de Ponthieu, remonte vers l’Étoile. Arrivés à l’Arc de Triomphe, ils entendent toujours au loin les sirènes d’ambulances. Le conducteur se retourne vers eux, lève son pouce pour leur exprimer le succès remporté.

Dans le parking de l’immeuble, derrière le Claridge, un placard du service nettoyage recèle une dizaine de combinaisons et dix lance-flammes. Vides.

L’un des plus grands massacres en France depuis la Seconde Guerre mondiale vient de se terminer.

***

Acte 3

Antoine se gratte le menton, ce qui est chez lui un signe d’intense réflexion. À ses côtés, au volant, Sylvie le regarde discrètement du coin de l’œil. Comme ils sont en début de soirée, que son ventre crie famine, il l’invite à manger aux Halles. Aidés par le grand pot de beaujolais et le solide menu du restaurant, ils parlent de plein de choses hors métier.

Le commissaire se laisse même aller à lui raconter quelques bonnes histoires glanées récemment. Le lieutenant rit de bon cœur et Antoine se dit qu’elle est vraiment une bonne jeune nouvelle recrue dans son équipe. Et elle a du charme aussi. Beaucoup.

Pas son style, mais c’est vrai qu’il a constaté un vrai regain d’esprit d’équipe dans ses troupes notamment au moment des permanences de nuit…

Sylvie, quant à elle, est captivée par le beau regard vert de son patron. C’est vrai qu’il est bel homme le bougre !

Mais, sortant du restaurant et reprenant leur voiture, Antoine, d’un seul coup, rendosse son uniforme de Divisionnaire.

— Dis-moi Sylvie, la tutoyant pour la première fois, est-ce que je suis le seul à ton avis à croire que nos trois affaires sont liées ?

Elle attend quelques secondes pour lui répondre.

— Monsieur le Divisionnaire, je n’ai pas encore votre expérience, mais je dois dire que moi aussi je trouve étrange qu’en quelques jours, trois actes particulièrement horribles, mais aux buts quasi similaires se soient passés même si apparemment aucun lien entre eux n’existe. Déjà les armes utilisées nécessitent des acteurs bien entraînés, particulièrement de sang-froid, et ne sont pas monnaie courante : un bazooka, des arbalètes, un poignard… Et pourquoi pas des lances, des masses d’armes et des épées ?
— Je te rejoins complètement, lui répond Antoine.

Il a un grand sourire et ajoute :

— C’est bien que le capitaine Verdier t’ait recommandée à moi à la fin de ton stage il y a deux ans et tu iras loin, crois-moi, car tu as quelque chose de capital : Le nez, le flair… Dans notre métier, c’est l’atout numéro un !

Sylvie en rougit d’aise : le commissaire est très avare de ses compliments et là, il lui en a servi quelques kilos.

La radio du véhicule, peu après 22 heures, leur apprend l’attaque du Claridge sur les Champs-Élysées et la mise en place de l’important plan policier tout autour.

Sirène hurlante et gyrophare branché, la Renault arrive sur les Champs et se gare sur le trottoir.

Le bas de l’avenue est plein de cars de police, d’ambulances et de camions de pompiers. Les portes du magasin étant grandes ouvertes, une odeur indescriptible, mais terriblement pestilentielle les saisit à la gorge.

Sylvie et lui, un mouchoir sur la bouche cachant à peine l’âcreté de cette puanteur, entrent dans la galerie.

Les pompiers aident les ambulanciers à évacuer les derniers cadavres de l’étage. L’équipe de l’I. J. est en pleine action et heureusement équipée de masques de protection.

Luc, l’un de ses adjoints, dit à Antoine :

— Monsieur le divisionnaire, je n’ai jamais vu un tel charnier de ma vie, c’est horrible ! Comment peut-on faire subir à des gens, peu importe ce qu’ils ont fait, une telle chose ? Pire que les exactions des SS pendant la guerre ! Pardonnez-moi, je suis encore sous le choc…
— Ce n’est pas grave, Bernard, je comprends, lui répond son supérieur, la main lui tapotant l’épaule… Racontez-moi tout.

Son subordonné lui fait alors le récit de la demi-heure terrifiante, depuis l’entrée de la bande au Claridge jusqu’à son anéantissement.

Sylvie s’est éloignée quelques instants et s’approche du capitaine des pompiers. Celui-ci, après de brefs échanges, l’emmène alors vers le fond du magasin. Quelques minutes plus tard, elle revient rapidement vers Antoine.

— Commissaire, les pompiers, afin de voir si personne n’était blessé et isolé quelque part, ont fait le tour des issues de secours et ont aussi vérifié, en fracturant les serrures des portes par souci d’efficacité, les deux réserves. Ils voulaient savoir si aucun client ou vendeur ne s’étaient cachés des vandales là-dedans.
— Et donc ? s’enquiert Antoine de la suite.
— Et alors, Monsieur, dans la réserve située derrière l’une des réserves, ils viennent de découvrir un petit escalier donnant accès au parking commun de l’immeuble de bureaux derrière et des salariés du Claridge. Ils pensent que c’est certainement par là que se sont échappés les tueurs. Qu’en pensez-vous ?
— Je n’en pense que du bien, Lieutenant ! Récupère-moi Fred et Henri là-bas et nous allons voir s’ils ont raison, ce dont je ne doute pas d’ailleurs.

Les quatre policiers entrent deux minutes plus tard dans la réserve et descendent les marches de l’accès au parking. Poussant la porte, ils entrent dans le sous-sol. La rampe de sortie est face à eux.

Henri allume la puissante torche qu’il a en main, car l’éclairage du parking n’est pas fameux. Chacun d’eux examine les emplacements réservés.

— Jeunes gens, dit Antoine, ne cherchez plus, j’ai trouvé !

Ses trois subordonnés convergent vers lui et il leur désigne une grande flaque d’eau sur le sol.

— N’imaginez pas, continue-t-il, que c’est un Saint-Bernard qui s’est laissé aller à une envie pressante, car ce n’est pas de l’urine, mais de l’eau. Regardez cette flaque : elle n’est pas sur une place de garage, mais près de la porte d’accès au Virgin et aux bureaux d’à côté. Sans jouer les Sherlock Holmes, quelqu’un peut-il me dire très vite ce que c’est, cette eau ?

Les deux hommes de son équipe se regardent et ont une moue dubitative. Sylvie, avec un grand sourire, lui répond :

— Moi je sais, commissaire, car la grosse voiture de mon père fait la même chose. C’est la climatisation d’un véhicule qui fait ça quand il est à l’arrêt. Comme l’eau n’a pas eu le temps de sécher, c’est forcément que la voiture, mais je dirais plutôt un truc plus gros du genre fourgonnette ou monospace vu l’eau sur le sol, est partie il y a peu de temps. Mais non ! C’est forcément un minibus, car il y avait dix personnes selon les témoignages.

Antoine fait un clin d’œil à son adjointe pour la féliciter de son raisonnement.

— Fred, vous prenez la rampe de sortie et vous demandez aux agents qui bloquent la rue de La Boétie s’ils ont vu passer un gros van ou un minibus qui sortait du parking. Sylvie, Henri, nous trois on remonte. Eh bien, où es-tu, Sylvie ?

Elle se relève derrière lui et lui tend un sachet où deux mégots reposent au fond. Hormis le filtre doré, il y a un reste de papier à cigarettes noir et un peu de tabac.

— Que faisais-tu penchée sous cette voiture ? Elle est à plus de deux mètres de la flaque d’eau donc il y a peu de chances qu’il y ait un rapport direct entre tes restes de clopes et nos tueurs.
— Les mégots n’ont pas été écrasés sur le sol comme le font machinalement tous les fumeurs en extérieur quand ils ont fini leur cigarette. À mon avis, ils ont été envoyés d’une pichenette par le conducteur du bus vers le dessous de la voiture. Il était obligé de rester à son poste, au volant, pour pouvoir démarrer très rapidement.

Antoine a un sifflement d’admiration et Sylvie rougit pour la deuxième fois de la soirée.

— Si je peux ajouter quelque chose, Monsieur, c’est la marque des cigarettes qui est intéressante, regardez : ce sont des « Balkan Sobranie ». On ne les trouve que très rarement en France et elles coûtent une fortune à fumer ! Et puis ce sont les seules à avoir soit un papier noir soit de plusieurs couleurs. Je les connais bien, car quand j’étais en séjour en Angleterre, on s’amusait, entre nous, à essayer toutes les couleurs de cigarettes du paquet…
— Et cela veut dire quoi pour toi, Sylvie, en continuant ton raisonnement vraiment brillant ?
— Peut-être que nous avons affaire soit à des Anglais soit à des gens très aisés et qui voyagent soit aux deux…
— Bravo Lieutenant, c’est carré, ficelé et très bien pensé. Eh bien tu vas déjà vérifier demain auprès de la SEITA tous les revendeurs de cette marque sur Paris et Île-de-France, car à minuit, ces braves gens doivent être couchés, heureux, chanceux qu’ils sont, d’accord ?

Elle acquiesce et, n’ayant plus rien à faire au sous-sol, l’équipe remonte vers le magasin. Durieux et son équipe de l’I. J. sont briefés afin d’examiner complètement le sol du parking.

En sortant de la galerie du Claridge et en regagnant leur voiture, Antoine lui dit :

— Je ne sais pas pour toi, Sylvie, mais moi j’ai la viande et les frites de ce soir qui ont du mal à passer avec cette horreur ! Et toi ça va ?
— Ça pourrait aller mieux, Patron… Ça pourrait aller mieux…
— Je peux juste te dire une bonne chose : c’est que les barbecues chez ma sœur ou des amis, je ne suis pas près d’en refaire avant lulure… Beuark ! Allez, je t’offre un remontant si tu veux au bar de nuit en bas de chez toi, comme l’autre fois avec les deux comiques, tu es partante ?

Sylvie rougit pour la troisième fois, mais plus heureuse de cette fin de nuit que du milieu de la soirée, elle accepte avec plaisir.

***

Agnès écoute « Viva la vida » de ColdPlay sur le CD de l’autoradio. Elle ferme les yeux et se rappelle le concert génial du mois dernier où elle est allée avec Pierre.

Elle avait fait, avec lui, la « ola » à la fin du spectacle avec la lumière de son portable comme tous ceux qui étaient là, car il est bien fini le temps des briquets allumés pour signifier aux artistes qu’on était là, bien avec eux.

À la fin du titre, elle appuie sur replay et le son symphonique de l’intro de la chanson repart de plus belle. Pierre sourit et lui caresse tendrement la main et la serre ensuite très fort, tout en continuant à regarder la route dans la nuit.

Sur cette petite route sinueuse des Yvelines où ils rentrent chez elle, à Rambouillet, seules quelques voitures les croisent, mais aucune n’est devant eux.