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Michaël Blanchart, un adolescent français, est contraint de quitter sa vie en France pour rejoindre sa famille dans un village isolé de la région binchoise, en Belgique. Leur nouvelle demeure, une sinistre maison de corons ayant appartenu à son grand-père, semble imprégnée d’une aura oppressante. Très vite, d’étranges phénomènes viennent troubler leur quotidien, plongeant la famille dans une angoisse croissante. Face à une force démoniaque d’une puissance terrifiante, Michaël et ses proches luttent désespérément pour échapper à la spirale d’horreur qui les encercle. Mais quels sombres secrets se cachent derrière ces événements surnaturels ? Pourront-ils surmonter l’horreur qui menace de les dévorer ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Isabelle Drumez, captivée par les récits inquiétants et les atmosphères où l’ombre et le mystère règnent en maîtres, explore les profondeurs des ténèbres à travers ses écrits. Ses histoires transportent dans des mondes où chaque mot semble chargé d’un pouvoir occulte, prêt à révéler des vérités cachées ou à éveiller des forces insoupçonnées.
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Isabelle Drumez
La prison de verre
Tome I
Derrière le miroir
Roman
© Lys Bleu Éditions – Isabelle Drumez
ISBN : 979-10-422-4804-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Les monstres n’existent pas
Du moins, c’est ce que j’avais toujours cru jusque-là. Mais avant de vous conter mon histoire, je dois vous expliquer le contexte dans lequel ma famille est passée d’une charmante bourgade du nom de Bruz en France à une misérable et terrifiante maison de coron située dans un petit village de Belgique. Je m’appelle Michaël Blanchart et, à l’époque, j’étais un adolescent de dix-sept ans passionné d’histoire. J’adorais lire des romans historiques, mais j’étais également passionné par le paranormal.
Bizarre ? Peut-être, mais j’étais fait ainsi. J’étais aussi très introverti, ce qui n’était pas pratique pour se faire des amis ; je l’avoue. Du haut de mon mètre quatre-vingts, j’avais tendance à intimider mes camarades, mais cette impression ne durait pas dès qu’ils se rendaient compte de ma timidité maladive. Le nez toujours dans mes bouquins, je m’étais donc forgé la réputation d’un géant solitaire. Un géant affublé d’une longue chevelure noire, d’un nez aquilin et des yeux bleu azur. Avant de quitter Bruz, j’étais inscrit dans une école catholique privée du nom de Providence. Mon père, Jean Blanchart, Français de naissance, travaillait au Crédit Agricole de Bruz. Il adorait son travail. Malheureusement, m’avait-il expliqué un soir, quand vous êtes performant, et mon père l’était, vous avez des problèmes avec ceux qui veulent en faire le moins possible et vous finissez par les gêner. Dix années ont suffi à mon père pour comprendre que seuls les « piranhas », comme il les appelait, s’en sortaient. Bien que la banque ait mis toute une politique en place pour le bien-être au travail, le bureau des ressources humaines était bien trop éloigné du terrain pour défendre efficacement ceux qui mettaient toute leur énergie et leur temps au service du client. Ainsi, après une décennie d’heures supplémentaires, de pressions quotidiennes et d’exigences de plus en plus sollicitées, mon père avait fini par craquer. Il était rentré un soir, la mine sombre et les yeux rougis, et avait annoncé à ma mère qu’il allait démissionner. Il avait l’air si vieux, si fragile que j’en ai eu le cœur serré. À quarante-deux ans, ses tempes étaient déjà grisonnantes et il paraissait usé. Lui qui avait toujours été d’une nature enjouée, qui aimait rire et était d’un naturel optimiste m’a paru ce soir-là comme éteint. Je me souviens l’avoir vu s’asseoir en silence à la table de la cuisine, mettre son visage dans ses mains et fondre en larmes.
De toute ma vie, je ne l’avais jamais vu dans cet état. Mais il est vrai que quand on est jeune, on ne remarque pas toujours quand une personne va mal. Et comme mon père était toujours de bonne humeur quand il rentrait du travail, je ne m’étais jamais demandé si tout allait bien pour lui en général. J’étais dans le salon en train de faire mes devoirs et je voyais donc la cuisine. Ma mère, qui était en train de préparer le dîner, n’avait pas répondu, mais s’était avancée vers mon père et l’avait serré dans ses bras. Il avait l’air si désemparé que j’allais me lever pour le rejoindre, mais je vis ma mère secouer la tête, m’intimant de rester à ma place. Tout en caressant doucement ses cheveux, elle le laissa s’épancher dans ses bras et quand ses sanglots se transformèrent en simples reniflements, elle lui donna un mouchoir et le rassura en lui promettant que tout allait s’arranger. Ils trouveraient une solution ensemble, comme ils l’avaient toujours fait. Elle était ainsi, ma mère. Toujours positive, toujours aimante, toujours disponible. Italienne de naissance, ma mère Sylvia Giorno était femme au foyer depuis ma venue au monde. Avant de rencontrer mon père, elle vivait en Belgique, dans un village appelé Péronnes Charbonnage. Elle venait d’une famille nombreuse d’immigrés italiens qui avaient travaillé dans les mines de charbon. Heureusement, c’était bien après l’horrible accident du Bois du Cazier, où plus de deux cent trente mineurs avaient péri dans un incendie souterrain. Son père et sa mère avaient mis tout en œuvre pour scolariser leurs quatre enfants, et quand ma mère eut terminé ses études secondaires, elle décida de s’inscrire aux Beaux-Arts de Paris et quitta donc son pays natal pour suivre ses cours, logeant dans un petit appartement partagé avec d’autres étudiants. C’est là qu’elle le rencontra. Il faisait un Master en sciences juridiques et financières. Ils eurent le coup de foudre immédiat. Oui, c’est un peu fleur bleue, mais c’est ainsi que mes parents m’ont toujours raconté leur rencontre. Et quand je les revois dans mes souvenirs, après tant d’années de mariage, je me dis qu’ils avaient raison. Que c’était ça le grand amour. Quand mon père fut enfin calmé, il sembla remarquer ma présence et se força à sourire en me demandant :
— Alors, comment tu vas champion ? Comme d’habitude, il essayait de me rassurer. Je me levais et allais l’embrasser. Nous avions une très belle relation, lui et moi. Je lui répondis que tout allait bien et lui retournai la question. Il devait voir l’inquiétude sur mon visage, car il se leva et me serra dans ses bras en m’assurant qu’il était simplement fatigué. Une voix se fit entendre à l’autre bout de la maison. Ma mère se dirigea vers la chambre d’amis où se trouvait mon grand-père Antonio, que j’appelais Nonno. Mon grand-père vivait avec nous depuis le décès de sa femme, il y a de cela plus de vingt ans. Je n’ai pas eu la chance de la connaître, mais mon Nonno m’en avait si souvent parlé que je me sentais proche d’elle sans l’avoir jamais vue.
D’après ce que ma mère m’avait raconté, sa mère Giulia était partie au marché et sur le chemin du retour, elle avait été percutée par un chauffard qui était sous l’emprise de l’alcool. Le choc l’avait tuée sur le coup. Mon grand-père ne s’en était jamais remis. Et quand il tomba malade, ma mère décida de mettre sa petite maison de coron en location et installa son père chez nous. Je me dirigeais également vers la chambre et vis que mon grand-père était assis dans son fauteuil et regardait ma mère d’un air interrogateur. Il avait dû entendre mon père pleurer et semblait inquiet. Ma mère le rassura et lui demanda s’il voulait se joindre à nous pour le dîner, ce qu’il accepta avec joie. Quand il était dans une de ses bonnes journées, comme il les appelait, il aimait partager notre compagnie autour d’un bon plat et nos conversations étaient assez animées. Lui aussi était un féru d’histoires et il n’était pas rare que je passe la soirée entière à discuter avec lui de tout et de rien, mais surtout des sujets qui me passionnaient. Quand il rejoignit la cuisine avec ma mère, mon père se leva instantanément et lui avança une chaise pour qu’il s’y installe. J’aimais voir mon grand-père sourire. C’était plutôt rare à cette époque, son emphysème pulmonaire s’étant aggravé avec les années. Mais malgré ses souffrances, il était solide. Jamais il ne se plaignait et surtout il nous aimait. Rien ne lui faisait plus plaisir que de passer du temps avec nous. Il considérait mon père comme son propre fils et était toujours à l’écoute quand mon père lui demandait conseil. Ce soir-là, nous dînâmes dans la bonne humeur et le repas terminé, ma mère me demanda d’aller finir mes devoirs dans ma chambre. Je me doutais que mes parents voulaient parler de la situation avec mon grand-père donc je pris mon sac de cours, embrassai ma petite famille et montai dans ma chambre. Je laissai néanmoins ma porte entr’ouverte dans l’espoir de capter quelques bribes de la conversation, mais ma mère dut se douter de mon stratagème, car elle avait refermé la porte menant au salon. Je m’installai donc à mon bureau et entrepris de me concentrer sur mon devoir de mathématiques. Après plus de deux heures d’efforts, je fermai mon cahier et entendis la voix de mes parents souhaiter une bonne nuit à mon grand-père. Ils montèrent à l’étage et j’entendis frapper à ma porte. Mon père et ma mère entrèrent, me demandant si j’avais fini mon travail et m’embrassèrent avant de regagner leur chambre. Ils ne me dirent rien de plus ce soir-là, mais leur expression me faisait dire que notre vie était sur le point de changer. Aujourd’hui, je me rends compte que j’étais loin de savoir à quel point. Plongé dans mes pensées, je me mis en pyjama et allai me coucher. Cette nuit-là, mon sommeil fut rempli de cauchemars, mais quand je me réveillai le lendemain, je n’avais plus aucun souvenir de ceux-ci. La semaine qui suivit cette soirée se passa normalement. J’allai à l’école et mon père, ayant écrit sa lettre de démission le soir même où il avait annoncé sa décision à ma mère, était parti au travail pour clôturer certains dossiers qui exigeaient sa présence. Ma mère avait accompagné mon grand-père à l’hôpital pour un examen de routine. Le vendredi, quand mon père rentra à la maison, il me demanda de rejoindre ma mère et mon grand-père dans le salon. Je descendis donc de ma chambre et allai m’installer sur le canapé. Mon père m’annonça qu’au vu de la situation, ils avaient décidé, ma mère et lui, de retourner en Belgique dans la maison de mon grand-père. Mes parents attendaient de voir ma réaction, mais je ne savais pas quoi répondre. Devant mon silence, ils m’expliquèrent que leur situation financière ne nous permettait plus de vivre à Bruz et que le temps que mon père retrouve un emploi, mon grand-père lui avait proposé d’aller vivre dans sa maison, ce qui donnerait du temps à mes parents pour se remettre sur pieds.
Voyant que je ne répondais toujours pas, mon grand-père tenta de me rassurer en m’expliquant que la Belgique n’était pas si différente de la France et qu’il était sûr que je serais beaucoup plus épanoui à la campagne. Sincèrement, je n’y voyais pas d’objections. Je leur dis donc que j’étais d’accord et ils parurent tous soulagés, ce qui me fit sourire. Mon grand-père me prit dans ses bras et m’embrassa en me disant que j’étais un bon garçon. Ma mère aussi était ravie. Mon père paraissait soulagé et me promit que tout cela serait temporaire et que c’était pour moi l’occasion de visiter un autre pays. Sur cette nouvelle, je regagnai ma chambre sans rien dire d’autre. La Belgique. Je ne connaissais rien de ce pays. Je me dirigeai donc vers mon ordinateur et fis une recherche. Quand le résultat s’afficha, je remarquai que c’était un tout petit pays à côté de notre chère France. Je tapai le nom du village de mon grand-père et tombai sur quelques images de petites maisons et d’étendues de champs. Ce n’était pas Bruz, c’est sûr. Mais je n’étais pas difficile. Après tout, ce n’était pas comme si j’avais une vie sociale et des amis à quitter. Rappelez-vous, j’étais le géant solitaire. En plus, j’étais curieux de voir l’endroit où ma mère avait grandi. C’est donc serein que je me couchai ce soir-là.
Le lendemain, je me rendis donc au secrétariat de mon école pour leur annoncer notre départ prochain et je fus étonné de voir la réaction des élèves de ma classe qui m’organisèrent dans la semaine un pot de départ en me souhaitant bonne chance dans ma nouvelle vie. J’ai toujours cru qu’ils me prenaient pour quelqu’un d’étrange et je me rendis compte à ce moment-là qu’ils allaient me manquer. Cependant, cela me rassura aussi. Si je n’étais pas le bizarre de service, mon entrée dans une autre école devrait bien se passer. Quand la fin du mois arriva, mon père revint avec une excellente nouvelle. Notre maison s’était vendue à un très bon prix, ce qui nous permettrait de subvenir à nos besoins pendant un temps. Le lundi suivant, ma mère m’annonça qu’il était temps que j’emballe mes affaires, car nous partions à la fin de la semaine. Je passai donc mes journées à empiler mes vêtements et mes livres dans plusieurs valises et aidai mon père à charger la camionnette qu’il avait louée en vue du déménagement. Ma mère emballa la vaisselle et fit les valises de mon grand-père, s’assurant de ne rien oublier. Dans l’après-midi, nous prîmes la route, mon père au volant de la camionnette et ma mère, mon Nonno et moi-même dans notre voiture. Le trajet promettait d’être long. D’après le GPS, nous étions à presque sept cents kilomètres de notre destination. Lorsque nous arrivâmes à hauteur de Paris, mon père s’engagea sur un petit parking qui jouxtait un restaurant italien. Ma mère se gara juste à côté de la camionnette et nous profitâmes de cet arrêt pour nous restaurer et surtout pour soulager nos vessies. Le repas fut convivial, les plats excellents et lorsque le serveur nous apporta l’addition, ma mère en profita pour s’occuper de son père. Il avait l’air épuisé par le voyage et ma mère s’inquiéta de son teint pâle, mais il la rassura. Tout allait bien et il était heureux de revenir chez lui. Nous reprîmes donc la route. Plusieurs heures plus tard, nous arrivâmes enfin à destination.
Mon père se gara devant la maison, suivi de ma mère. Mon grand-père regardait d’un air satisfait la façade brune aux briques sales, laissant traîner son regard sur la demeure. Je ne fus pas aussi enthousiaste que lui. La maison avait l’air minuscule et semblait laissée à l’abandon. Les fenêtres étaient sales et ressemblaient à des yeux qui nous regardaient d’un air mauvais, comme si nous étions responsables de son état. Le toit était en pente aiguë fait de tuiles flamandes. La porte d’entrée avait vraiment besoin d’un bon coup de peinture. Il faisait sombre à l’intérieur, malgré le soleil éclatant dans le ciel. Un vrai taudis. La vérité, c’est que cette maison me mettait mal à l’aise et quand ma mère introduisit la clé dans la serrure, je fus parcouru par un frisson glacé qui remonta le long de ma colonne vertébrale, faisant dresser mes cheveux sur ma nuque. C’était ridicule, bien sûr. Cette maison était vieille et mal entretenue, mais rien ne pouvait me laisser croire que je risquais quoi que ce soit sous son toit. Pourtant, en pénétrant dans la maison, mon malaise persista. La pièce de devant était minuscule. Composée d’une énorme cheminée aux proportions grotesques, elle ne devait cependant pas dépasser les huit mètres carrés. Nous avançâmes et tombâmes sur un minuscule couloir où se dressait un escalier qui permettait de monter à l’étage. S’ensuivait une autre pièce un peu plus spacieuse où trônait au fond une minuscule cuisine et une autre porte donnant sur une salle de douche. Ma mère installa son père sur un vieux canapé laissé par les anciens locataires et me demanda d’aller inspecter les chambres. Je montai doucement les escaliers, comme sur la défensive. Il faisait vraiment sombre malgré les luminaires. J’arrivai sur le palier et constatai que l’étage ne comportait que deux petites chambres de plus ou moins dix mètres carrés chacune. Elles étaient vides, mais le sol était poussiéreux et les vitres salies par de nombreuses intempéries. Le papier peint fané était d’un marron foncé avec de petites striures blanches. Le sol était couvert d’un vieux linoléum gris. Il était clair que personne n’avait fait le ménage depuis un bout de temps. L’autre chambre était identique. Même papier peint, même linoléum. Je revins sur le palier et, regardant par la petite fenêtre qui éclairait peu le couloir, je remarquai une corde pendant du plafond. Je la saisis et tirai dessus doucement. Un escalier escamotable se déplia en grinçant et un carré d’obscurité apparut. Je montai prudemment les marches et passai la tête par la trappe. C’était un grenier. Il devait bien faire la surface des deux chambres du dessous. Je montai le restant des marches et regardai autour de moi. La pièce avait certainement été aménagée en chambre supplémentaire, mais elle n’était guère plus accueillante avec son papier peint orange garni de grosses fleurs brunâtres. Le tapis était jauni aux endroits où s’étaient trouvés d’anciens meubles. Le sol était revêtu d’un vieux linoléum marron usé par les années. La pièce comportait un placard exigu qui devait certainement servir de fourre-tout. Il était vide également. Un petit velux laissait passer quelques rayons de soleil, mais la vitre était tellement sale que la lumière avait du mal à filtrer. En retournant vers l’échelle, j’eus une étrange sensation. Comme une impression d’être observé. Je me retournai, mais, évidemment, il n’y avait personne. Je redescendis l’échelle et repassai par le petit palier quand je constatai que les portes des chambres étaient grandes ouvertes. Je fus un instant déstabilisé, car j’étais certain d’avoir refermé derrière mon passage, mais je décidai de ne pas m’attarder sur le sujet. Après tout, j’avais peut-être oublié de refermer les portes. Je descendis l’escalier en direction du rez-de-chaussée et rejoignis mes parents dans le « salon ».
Là aussi, le papier peint était affreux et le sol tellement sale qu’il était impossible de savoir sur quoi nous marchions. On aurait dit une étable. Je décrivis les chambres à ma mère qui soupira. Nous allions devoir faire un grand ménage avant de commencer à vider la camionnette. Mon père avait déjà sorti des brosses, des serpillières et des seaux et commençait à les remplir au robinet de la cuisine. Je partis un instant à la recherche de mon grand-père et le retrouvai à l’arrière de la maison. Sur le côté de la cuisine, une porte camouflée par un énorme rideau en velours donnait sur un petit potager où rien n’avait poussé depuis longtemps. Assis sur un banc en pierre moussue, mon Nonno contemplait l’état du jardin. De mauvaises herbes avaient envahi tout le terrain. Un pommier malade trônait au milieu. On voyait encore des lambeaux de corde qui avaient dû appartenir à une balançoire pendre au bout d’une des plus grosses branches de l’arbre. Nonno me remarqua et m’invita à le rejoindre. Il avait vraiment l’air malade, pourtant il se tenait droit et souriait. Il avait vécu plus de vingt ans dans cette maison. Revenir ici devait remuer beaucoup de souvenirs et lui donner l’impression d’être plus proche de ma grand-mère. Au fond du jardin, quelques rosiers en piteux état se balançaient doucement dans la brise légère. Je lui demandai s’il avait besoin de quelque chose, mais il me conseilla d’aller aider ma mère pour le ménage. Prendre l’air lui suffisait pour l’instant. Je n’insistai pas et retournai dans la cuisine où mon père était déjà en train d’astiquer le sol à grands coups de balai-brosse.
— Courage, champion ! me dit-il quand il vit ma mine déconfite devant l’ampleur du travail qui nous attendait. Tu verras qu’une fois remise en ordre, nous serons bien installés. Bien sûr, il faudra effectuer quelques travaux de rénovation, mais quand ce sera fini, nous aurons une splendide demeure, je te le promets.
Je lui souris sans rien répondre, pris un seau d’eau savonneuse et m’attaquai à la pièce de devant. Le nettoyage du rez-de-chaussée dura le reste de la journée. Je découvris que sous l’énorme crasse du sol se cachait un carrelage couleur rouille. Ma mère avait récuré la cuisinière et nettoyé toutes les armoires. Elle finissait le frigo et alla chercher quelques cartons dans la camionnette. Elle rangea quelques assiettes et couverts, ainsi que quelques verres dans les armoires. Quand elle eut terminé, elle alla chercher son père dans le jardin et l’installa de nouveau dans le salon. Nous étions épuisés et affamés. Mon père proposa à ma mère d’aller faire quelques courses à la supérette du coin pour le souper. Ils partirent donc, me laissant veiller sur mon grand-père. Celui-ci s’était endormi sur le petit canapé, épuisé par le voyage. J’en profitai pour sortir une chaise de jardin qui se trouvait à l’entrée de la camionnette et m’installai à ses côtés. Je commençai à somnoler quand j’entendis soudain de petits grattements. Au début, le bruit était plutôt discret, mais plus je tendais l’oreille, plus le grattement s’intensifiait.
— Super, me dis-je. Il doit y avoir une belle colonie de rongeurs dans les murs.
J’allais me lever pour chercher d’où venait le bruit quand la porte d’entrée s’ouvrit sur mes parents, les bras chargés de provisions. Je m’empressai d’aller aider ma mère et déposai les courses sur le plan de travail de la cuisine. Mon père alla chercher les casseroles que ma mère avait oubliées dans la camionnette et nous préparâmes le dîner. J’allais réveiller mon grand-père quand j’entendis encore ce grattement insistant. Je me tournai vers mon père, l’œil interrogateur.
— Tu n’as rien entendu ? lui demandai-je.
Mon père tendit l’oreille, mais le grattement avait cessé.
— Non, je n’entends rien de spécial, me répondit-il. Tu dois être fatigué. Viens manger et ensuite, nous irons chercher les matelas gonflables.
Je réveillai mon grand-père et lui apportai un bol fumant de minestrone et des petits pains à la mortadelle. Nous mangeâmes en silence. Quand nous eûmes fini de manger, ma mère alla faire la vaisselle et mon père et moi sortîmes les matelas. Mon grand-père préféra rester sur le canapé. Ma mère alla lui chercher une épaisse couverture et un coussin moelleux et l’installa le plus confortablement possible. Puis elle distribua à chacun une couverture et un oreiller et nous nous installâmes chacun dans une pièce. Je logeai dans la pièce de devant. Souhaitant bonne nuit à ma famille, j’allai m’allonger, un bouquin à la main. J’étais épuisé, mais je n’arrivais pas à m’endormir. Je tendis l’oreille, mais n’entendis rien de spécial. Je consultai mon GSM et constatai qu’il était déjà vingt-trois heures. Je posai donc le livre près de mon oreiller et fermai les yeux. J’entendis la voix de mes parents pendant quelques minutes puis je finis par m’endormir.
Le lendemain matin, je fus réveillé par la voix de mon grand-père qui semblait venir du jardin. Je consultai l’heure sur mon GSM et vis qu’il était déjà huit heures. Je me levai péniblement et me dirigeai vers la cuisine. À travers la fenêtre, je vis mon Nonno en grande conversation avec un vieil homme au visage buriné, habillé d’une chemise blanche, d’une vieille salopette en velours marron et d’une sorte de béret marron également. Je les observai un moment et quand je les entendis rire, je finis par me diriger vers la salle d’eau, dans l’espoir de pouvoir nettoyer la sueur du travail de la veille. Tout en me savonnant, j’entendis par la petite fenêtre ouverte de la pièce les rires de mon Nonno et du vieil homme. Ils devaient certainement se connaître. Sortant de la douche, je tombai sur ma mère qui était en train de préparer le petit déjeuner. Je l’embrassai sur la joue et lui demandai si elle avait bien dormi.
— Comme un loir, me répondit-elle en riant. J’ai les articulations qui craquent comme des biscottes, mais sinon tout va bien.
Mon père nous rejoignit quelques minutes plus tard, les cheveux en bataille et les yeux encore collés par le sommeil. Ma mère lui tendit une tasse de café noir. À ma grande stupéfaction, elle m’en tendit une également.
— Juste pour cette fois, dit-elle pour se justifier. Nous avons encore une énorme journée qui nous attend.
Je pris la tasse en souriant. Je n’avais pas le droit de boire du café, car ma mère estimait que j’étais encore trop jeune pour me shooter à la caféine. Mais avant d’avoir pu porter la tasse à mes lèvres, elle y ajouta une bonne rasade de lait et un morceau de sucre. Je la regardai, étonné, et tout le monde se mit à rire.
Ma chère maman ! Ce qu’elle me manque aujourd’hui.
Elle alla chercher mon grand-père en lui apportant une tasse de café et discuta un moment avec l’inconnu qui se dressait devant notre jardin. Je pouvais les voir de la fenêtre. Je vis à sa réaction qu’elle venait de reconnaître son interlocuteur, car, à un moment donné, elle passa la porte du jardin et serra le vieil homme dans ses bras. Elle l’invita à entrer et lui servit également un café noir. Le vieil homme nous salua, mon père et moi, et s’assit sur le canapé, suivi de mon grand-père. Ma mère fit les présentations. Vittorio Rizzoli était notre voisin. Il habitait la maison juste en face de la nôtre. C’était un grand ami de mon grand-père et également un ancien collègue de travail. Quand il avait vu le camion de déménagement se garer la veille devant chez lui, il avait constaté avec plaisir que son ami Antonio était revenu au pays. Il s’était donc levé de bonne heure pour lui souhaiter la bienvenue et nous proposa de l’aide pour nous installer. Sa femme et lui avaient deux fils robustes qui ne demandaient pas mieux que de nous prêter main forte. Il nous raconta que les locataires précédents n’étaient malheureusement pas des gens très propres et qu’il avait vu, impuissant, la maison de son ami se dégrader d’année en année. Nous acceptâmes sa proposition de bon cœur et une heure plus tard, nous vîmes deux solides gaillards habillés de salopettes en jeans et de T-shirts, chaussés de bottes de jardinage nous attendre près de la camionnette. Mon père leur ouvrit la porte et les salua chaleureusement. Ils se présentèrent. Sylvio et Salvatore. Du fond de la cuisine, ma mère, à l’évocation de ces prénoms, nous rejoignit et étreignit les deux hommes dans ses bras.
— Mon Dieu, mon Dieu ! dit-elle. Comme vous avez changé !
Il était clair qu’elle les connaissait depuis longtemps. Elle m’expliqua que les frères étaient ses amis d’enfance. Elle me présenta également et les deux hommes me serrèrent la main en complimentant ma mère d’avoir eu un beau jeune homme comme moi, ce qui me fit rougir sur le champ. Ils m’informèrent qu’ils avaient également deux fils chacun qui étaient du même âge que moi et que je les rencontrerais très vite. J’étais un peu embarrassé, mais heureux de voir que ces gens étaient aussi chaleureux. Sans plus attendre, ils se mirent au travail, munis de tout un équipement de nettoyage professionnel et se dirigèrent vers les escaliers menant à l’étage. Sylvio monta immédiatement. Salvatore, par contre, eut un moment d’hésitation qui n’échappa pas à mon attention. Quand il se rendit compte que je le regardais, il me sourit en m’expliquant qu’il n’avait jamais aimé monter à l’étage. J’allais lui demander pourquoi, mais ma mère m’appela et Salvatore commença à monter les marches sans me répondre. Elle avait commencé le nettoyage des vitres et me demanda de passer un torchon humide sur les plafonds et les murs pour en retirer la poussière et les toiles d’araignées qui s’y étaient accumulées. Je me mis donc au travail.
Quand j’eus terminé, je lui demandai ce que je pouvais faire d’autre et elle me suggéra d’aller voir si les frères n’avaient pas besoin d’aide à l’étage. Je montai donc les marches et me mis à la recherche de Salvatore. Je le trouvai dans le grenier. La lumière y était plus vive grâce à un nettoyage intensif de la vitre et je vis que Salvatore avait déjà bien avancé dans le récurage du sol. Quand je m’approchai de lui, il eut un sursaut et son regard se figea un instant, mais quand il constata que ce n’était que moi, il me sourit et me demanda si j’avais besoin d’aide. Je lui répondis que non et que c’était plutôt le contraire que j’étais venu proposer. Il accepta et nous nous mîmes au travail. Tout en frottant les boiseries du grenier, je décidai d’engager la conversation. Il m’apprit qu’il habitait la maison voisine de celle de son père et que lui et son frère avaient monté une boîte de nettoyage professionnel, ce qui expliquait les nombreuses machines à vapeur qu’ils possédaient.
J’orientai la conversation vers leur enfance commune avec ma mère. Il m’expliqua qu’ils se connaissaient depuis toujours et qu’il leur arrivait souvent de jouer l’un chez l’autre, leurs parents respectifs étant de très bons amis. Il me raconta quelques anecdotes de leur enfance, les jeux, les dîners, les bêtises qu’ils avaient faites, et se dit attristé quand ma mère avait décidé de quitter le pays pour aller faire ses études en France. De la façon dont il en parlait, je pense que Salvatore avait certainement eu le béguin pour ma mère dans son adolescence. Ce que je trouvais compréhensible. Ma mère était aussi jolie que gentille et elle était aussi très douée en art. Elle pouvait vous peindre des tableaux extraordinaires en l’espace d’une journée. Mais quand j’évoquai sa remarque sur le fait qu’il n’aimait pas monter à l’étage, son visage se rembrunit et il devint silencieux. Comme j’insistai, il me répondit d’un air sombre que toutes les maisons avaient leur secret et leur bizarrerie et que je ne devrais pas trop m’inquiéter. Mais je voyais bien qu’il ne me disait pas tout. Pourtant, voyant le malaise sur son visage, je décidai de ne pas insister. Il était clair qu’il n’était pas prêt à me révéler les sombres secrets de cette maison. À cet instant, Sylvio informa son frère qu’il avait terminé les deux petites chambres et qu’il descendait aider mon père à installer le mobilier dans la maison. Ayant terminé également, je me dirigeai vers l’échelle quand je surpris Salvatore jetant un coup d’œil inquiet au placard du grenier. Je ne dis rien, mais je commençai vaguement à me demander la raison de son malaise. Il me suivit sans tarder et nous allâmes rejoindre Sylvio et mon père. À la fin de la journée, la maison avait l’air bien plus habitable qu’à notre arrivée. Quelqu’un frappa à la porte et ma mère alla ouvrir. Une vieille dame portant une énorme casserole fumante franchit le seuil et se présenta. Elle s’appelait Herminia et était la femme de Vittorio. Elle était venue nous souhaiter la bienvenue et nous avait préparé un délicieux repas pour fêter le retour d’Antonio et de sa famille dans leur maison. Ma mère la remercia et prit la casserole qu’elle déposa dans la cuisine. Maintenant que les meubles étaient installés, la maison semblait plus confortable et nous pûmes tous nous installer autour de la table de la salle à manger. Le repas se passa dans la joie des retrouvailles et quand Vittorio et sa famille s’en retournèrent chez eux, mon grand-père semblait si heureux que je me souviens m’être dit que la décision de revenir chez lui avait été la meilleure. Mais ça, c’était avant que des événements de plus en plus terrifiants ne nous arrivent. Ce soir-là, néanmoins, j’étais heureux d’être ici, notre nouveau chez nous. Nous allâmes nous coucher, car le lendemain, nous devions monter les meubles des chambres à coucher à l’étage. Je souhaitai bonne nuit à ma famille et je m’effondrai sur mon matelas. Je m’endormis immédiatement.
Le lendemain, je me levai de bonne heure et entrepris de préparer le petit déjeuner. Je voulais faire plaisir à ma mère et l’idée d’avoir enfin un lit pour dormir ce soir m’enchantait énormément. La pièce de devant était remplie de caisses contenant nos vêtements et accessoires de décoration ainsi que nos lits démontés. Je bus un chocolat chaud quand ma mère se leva. Elle m’embrassa et me demanda si j’étais prêt à avoir ma nouvelle chambre. Je lui répondis avec enthousiasme, mais quand elle m’annonça qu’elle et mon père avaient décidé de me laisser la chambre située au grenier, mon sang se figea. Le souvenir du regard de Salvatore vers le placard me revint en mémoire. Ma mère remarqua mon trouble et me demanda s’il y avait un problème. Je lui répondis que non, que c’était parfait. Après tout, mis à part l’inquiétude de Salvatore et les petits grattements entendus le premier jour de notre arrivée, je n’avais rien constaté d’inquiétant. Pourtant, l’idée d’être seul dans cette grande pièce lugubre me donnait des frissons. Mais je ne voulais pas inquiéter ma mère avec ce genre d’inepties donc, après avoir dévoré mes tartines, je me mis à monter le mobilier de ma chambre avec l’aide de Sylvio qui était arrivé pile-poil au moment où mes parents finissaient de déjeuner. Heureusement qu’il était costaud, ce gars. La trappe était étroite et il fallut trouver toutes les astuces possibles pour pouvoir passer tous les meubles que je possédais. Une fois tout au sol, nous commençâmes par monter le lit. Nous passâmes au bureau et l’installâmes juste à côté. Je posai la caisse qui contenait mon ordinateur sur le bureau. S’ensuivit la bibliothèque munie de plusieurs colonnes et les nombreuses caisses de livres que je possédais. À la vue de tous ces bouquins, Sylvio émit un sifflement admiratif et me félicita pour cette énorme collection. Il aurait bien aimé que ses fils en fassent autant. Malheureusement, à son grand désarroi, ils préféraient les jeux vidéo. Quand je lui proposai de faire un dressing avec le placard, il hésita un instant, puis accepta. Il démonta donc la porte et regarda l’intérieur pour se faire une idée des dimensions des étagères qu’il allait disposer. En sortant de là, il semblait un peu mal à l’aise. Je lui demandai si tout allait bien. Pas de problème, me dit-il. Je vais te faire ça en quelques heures. Sur ce, il descendit l’échelle et je me dirigeai vers le placard. Il n’avait rien de particulier, si ce n’est cette impression de claustrophobie et le froid glacial qui s’en dégageait. Pourtant, il faisait bien trente-deux degrés dehors.
— Bizarre, me dis-je. Avant que j’aie eu le temps de m’appesantir sur ces phénomènes, ma mère m’appela pour le dîner. Je descendis donc les rejoindre quand j’entendis de nouveau ces grattements. Cette fois, je localisai leur source. Cela venait du placard. Je regardai à l’intérieur, mais ne vis rien de spécial. Encore une fois, je me dis que ça devait grouiller de rongeurs dans les murs. Je tendis l’oreille, mais il n’y avait plus aucun bruit. Des rongeurs. Certainement. L’après-midi fut encore bien chargé. Sylvio s’attelait sur les étagères de mon placard et ma mère était occupée à récurer la salle de douche. Mon père passa les coups de fil indispensables lors d’un déménagement. Il avait relevé les compteurs d’eau et d’électricité et les avait communiqués aux services concernés. Il était maintenant en ligne avec l’administration communale pour un rendez-vous concernant notre changement d’adresse. Cela avait l’air de prendre du temps. Je le vis soupirer d’agacement. N’ayant plus rien à faire pour l’instant, je m’installai à côté de mon grand-père et lui demandai s’il avait besoin de quelque chose. Il me demanda un verre d’eau et je me levai pour le servir quand je remarquai la porte de la cuisine grande ouverte. M’avançant pour la refermer, je ressentis une sensation de froid et, sous mes yeux ébahis, la porte se referma toute seule.
Comment cela était-il possible ?
Il n’y avait pas un seul souffle de vent à l’extérieur. L’air devint glacé et je vis mon souffle se matérialiser devant ma bouche. Quoi ? Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Soudain, je ressentis une étrange sensation dans l’estomac, comme si je m’apprêtais à rendre mon chocolat chaud du matin. Je me dirigeai lentement vers la salle de douche et m’effondrai devant le cabinet de toilette. La tête me tournait. Ma mère, qui était occupée à nettoyer la cabine de douche, lâcha son éponge et vint s’accroupir à côté de moi.
— Qu’est-ce qu’il t’arrive ? me demanda-t-elle, inquiète.
Je ne pus lui répondre. Un énorme jet de vomis jaillit de ma bouche et je finis par perdre connaissance.
Avant de perdre totalement conscience, je crus voir des silhouettes sombres juste derrière ma mère.
Je l’entendis crier mon nom, mais j’étais fixé sur ces ombres.
Puis, tout devint noir.
Quand je repris conscience, j’étais allongé dans le canapé du salon, ma mère assise à mes côtés.
Mon grand-père et mon père, ainsi que les fils de Vittorio étaient assis autour de la table de la salle à manger et me regardaient avec inquiétude.
Ma mère me demanda comment je me sentais.
Je voulus me redresser, mais elle me força à me recoucher.
J’entendis des coups à la porte et je vis mon père revenir avec Herminia, la femme de Vittorio.
Elle m’observa un instant et me fit boire un verre d’eau avec une poudre blanche à l’intérieur.
— Ne t’inquiète pas, me dit-elle. Ce n’est que du bicarbonate de soude. Ça va soulager tes nausées et te remettre sur pieds. Tu as dû faire une insolation à cause de la chaleur et des efforts pour monter les meubles. Tu devrais te reposer. Je suis sûre que tu te sentiras beaucoup mieux demain.