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Lecteurs, ne cherchez pas dans cet ouvrage de la fiction et des constructions imaginaires. Les réalités que vous allez y découvrir vous paraîtront familières, car quelque part, vous les avez déjà vécues.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Pierre Campagnolle est un esprit avide d’exploration philosophique. Après avoir initié son parcours littéraire avec son ouvrage inaugural, "Pas dans la vie pour rigoler", il a ressenti le désir profond de poursuivre sur sa lancée
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Pierre Campagnolle
La vie compliquée
© Lys Bleu Éditions – Pierre Campagnolle
ISBN : 979-10-422-3840-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Une énergie qui résiste à une trentaine d’énergies, le face à face paraît inégal, mais c’est pourtant la règle du jeu, pas possible de se dérober. Vous pouvez tenter d’y aller à reculons, ça ne durera pas bien longtemps, le dos criblé d’impacts, il vous faudra renoncer, au moins provisoirement, jusqu’à la prochaine bataille où une nouvelle défaite vous demandera de reconsidérer l’affaire, peut-être songer à la réorientation, changer de crèmerie pour éviter de devenir chèvre. L’humain est protéiforme et multifactoriel – souvent humain varie –, quand il présente un visage attentif et sérieux, youpi ! mais le plus souvent la jeunesse vitupère et caracole, c’est pour ça qu’on l’aime, il vous faudra alors mettre les mains dans le cambouis sans quoi c’est la zone rouge qui vous guette. L’image du prof glandu qui ne tient pas ses classes et attend sagement ses 16 semaines de vacances ne colle pas à la réalité du terrain, car ledit glandu va se faire dévorer tout cru, l’élève au singulier est omnivore, en meute, son alimentation est essentiellement carnée.
Un prof est un être en représentation, son cerveau pédale en continu, il lui faut prendre moult microdécisions à la minute, imaginez une tour de contrôle gérant une feuille de route complexe avec des trajectoires variées, parant à toute éventualité et sachant aussi discerner ce qu’il est préférable de ne pas voir ou de ne pas entendre. Des cartons, de temps en temps, avec parcimonie, d’abord des jaunes, des rouges ensuite (qui pour l’accompagner en salle de perm’ ?), l’exclusion définitive étant rarissime, mais nécessaire pour la continuité et la bonne tenue du match. Avec toujours présent à l’esprit le souci de justice. Un prof intolérant, hautain et injuste, est mal barré dans la mesure où l’on ne fait qu’enseigner ce que l’on est et beaucoup moins ce que l’on sait.
Parfois le match vire à l’affrontement, et il n’est rien à redouter autant que la rébellion générale. L’ingéniosité d’un collectif à mettre tout par terre, à repérer les failles et telle une eau boueuse à s’infiltrer partout est impressionnante. Une sonnerie qui retentit, c’est une tornade qui s’évacue et vous laisse essoré(e) à 1000 tours/minute, une position en lotus les yeux fermés est recommandée pour retrouver son integrum. Laissez-vous envahir par la méditation avec des mantras du type « l’univers entier est en vous, lumineux et magnifique ».
Une amie, à son retour à la maison, ne supportait qu’une chose : son potager. Pas même de musique, la plus douce soit-elle. Une autre qui comptait sur le golf pour lui changer les idées et alléger sa charge mentale s’est surprise, lors d’une escalope au fer 7, à HURLER : « je me fais chi… la journée avec des élèves, c’est pas pour continuer à me prendre la tête avec ce sport de rosbeefs », le coupable fer 7 satellisé et à rechercher dans les buissons.
Nombre de profs, notamment ceux passés par le collège, souffrent d’hyperesthésie auditive, cette sensibilité excessive au bruit. Les tympans en prennent pour leur grade, difficile de rester zen quand il s’agit d’arpenter un couloir avec des élèves qui se donnent à cor et à cri ; et quand on se prend à rêver de retraite dans un monastère ou de retraite tout court alors qu’il reste 10 ans à tirer, on se fait du mal.
« Les profs se plaignent alors qu’ils ont 4 mois de vacances », déclarent quelques esprits malveillants, mais allez-y bande de jaloux, passez les concours, on recherche des enseignants, vous verrez ce que c’est, quand on se demande un jour de moins bien, comment aller jusqu’à la sonnerie libératrice ! Mais c’en n’est pas fini pour autant, il faut alors enfiler le costume d’assistant social, se substituer aux parents démissionnaires, et vivre la soirée avec des élèves plein la tête, le cerveau d’un prof abrite des élèves-squatteurs, le saviez-vous ?
Le temps des vacances est celui de la déconnexion progressive et quand arrive la fin août, la rentrée approchant, une même interrogation subsiste : vais-je tenir le coup cette année ?
Peut-être, à condition déjà de réitérer ce qui a pas mal fonctionné, comme ce rituel d’avant la première rencontre, quelques minutes avant l’accueil des élèves, se regarder dans la glace en s’assurant que sa mise est impeccable et se dire en serrant la mâchoire : « T’es un killer ».
Dans ce tourbillon d’interactions humaines, il est des moments uniques de lumière, de gratitude, aptes à regonfler le moral de ceux qui sont les plus atteints. Un message, une rencontre, des variations sur le thème de la reconnaissance, morceaux choisis :
une bonne prof, je me rappelle très bien de vous…
vous m’avez marqué, même si je n’étais pas fait pour les études, moi il fallait que je bouge, je garde de bons souvenirs de vos cours…
vous avez changé ma vie, je tenais à vous le dire.
Alors, tout n’a pas été vain, voilà qui rachète jusqu’aux moments des plus profonds doutes.
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque… » disait le poète.
C’est plutôt n’y va pas de nos jours.
Ou alors tout doucement, une reptation d’escargot neurasthénique, et à condition que la coquille soit en carbone.
En pesant ce qui pourrait être le pour et ce qui est sûr d’être le contre.
Doté d’un odorat surpuissant, l’homme flaire le risque, le débusque là où il est censé se terrer et le crée si d’aventure il ne trouve nada. Ainsi il met en doute l’air qu’il respire, questionne la nourriture qu’il ingurgite, suspecte la limpidité de l’eau et redoute la brûlure du soleil, le risque est devenu naturel et les éléments sont contre lui. Tellement sensible qu’il est amené à se regrouper en quartier.
Quand il pense baignade, il suppute noyade.
La balade en forêt, pourquoi pas ? mais ce qui le fait tiquer, c’est la présence du parasite.
Il ne retrouve plus son casque et c’est le tour de vélo qui tombe à l’eau.
C’est jour de péremption pour les yaourts, direct à la poubelle, ouf il échappe à l’amibiase.
Satané mois de janvier, nuit noire à 6 PM, le risque de la mauvaise rencontre et personne pour reconduire l’homme at home ! Il ne peut se résoudre à faire quelques pas dans la ville faiblement éclairée à la lumière artificielle, un monde urbain où on ne voit pas grand-chose, et avec tout ce que l’on entend…