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Léopold voulait juste profiter de l’été en Bretagne. Mais c’était sans compter l’intervention de l’audacieuse et téméraire Adélie qui compte bien l’entraîner dans un fantastique périple. Ensemble, les voilà partis pour un monde magique peuplé de créatures mythiques, dans le but de lever une mystérieuse malédiction.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Anthéa Mariani, passionnée depuis toujours par le folklore et les mythologies, s’inspire des récits imaginaires de son enfance pour écrire. Dès son jeune âge, elle a toujours voulu créer les histoires qu’elle-même désirait lire. Avec ce roman, riche en magie et en poésie, elle espère avoir réalisé ce rêve.
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Seitenzahl: 126
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Anthéa Mariani
Le chien noir
Roman
© Lys Bleu Éditions – Anthéa Mariani
ISBN : 979-10-422-3292-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Il avait plu cette nuit. Les esprits avaient dansé ensemble dans le cimetière et le Petit Peuple s’était rassemblé pour une longue cueillette aux champignons afin de préparer les noces de Lug. Léopold, ignorant tout de cela, avait dormi profondément pendant 7 heures et 28 minutes et s’était levé deux fois la nuit pour aller aux toilettes. Ce matin, une corneille l’avait réveillé d’un croassement épouvantable et il s’était tiré du lit à regret. Son réveil-matin lui indiqua qu’il était 9 heures passées et lorsqu’il descendit dans la cuisine, il s’aperçut que Maman lui avait laissé un bol de chocolat au micro-ondes. En s’installant à table, après avoir réchauffé son petit déjeuner, il remarqua, en regardant par la fenêtre qu’une petite Citroën rouge s’était garée dans l’allée de son voisin, Ernest.
Pourtant, Ernest, veuf depuis six ans, ne recevait quasiment jamais de visite. Il disparaissait juste chaque année à Noël pour aller voir sa famille. Le cerveau un peu embrumé de sommeil, le petit garçon regarda la porte d’entrée du voisin s’ouvrir et un grand bonhomme barbu sortir. L’homme se mit à parler en direction de la maison, s’avança dans l’allée puis rebroussa chemin et vint s’agenouiller derrière la porte. Léopold ne voyait que ses chaussures vernies dépasser. L’homme se releva, fit un dernier signe à l’égard de la personne invisible qu’il venait d’enlacer puis s’engouffra dans sa voiture. Il démarra, fit marche arrière et disparut dans le lacet de l’étroite route de campagne qui jouxtait la maison de Léopold et celle de son voisin.
Le porte resta ouverte un instant puis Ernest sortit pour aller relever sa boîte aux lettres, vide, avant de rentrer.
Léopold remonta s’habiller, quittant son pyjama pour lui préférer un jean rapiécé par sa mère et son T-shirt blanc imprimé d’une grenouille en haut de forme et monocle. Il alla se brosser les dents tandis qu’au-dehors, dans le jardin du voisin, une petite fille à la tresse noire filait en trottinant vers la cabane de rangement. Elle en tira une chaise peinte en vert pomme, la traîna dans l’herbe grasse jusqu’à la petite terrasse de bois vermoulu puis retourna au cabanon chercher une deuxième chaise. Alors qu’elle déposait son fardeau, Ernest émergea par la porte arrière de la maison et vint lui prêter main-forte pour porter la table de bois jusqu’à la terrasse.
Un rayon de soleil avait percé au travers des nuages épars et illuminait l’herbe tendre chargée de l’averse de la nuit. Lorsque Léopold remarqua le manège de ses voisins, la petite fille avait déjà tiré de son sac à dos une boîte de couleurs et une pochette remplie de feuilles blanches. Ernest s’assit à côté d’elle, bourra sa pipe et se mit à fumer tranquillement en regardant le vent ébouriffer la fourrure de sa chatte de compagnie. Celle-ci, juchée sur la courte palissade séparant la maison de Léopold et celle d’Ernest, regardait fixement le manège des nuages se délitant lentement. Tendre apocalypse.
Poussé par la curiosité, Léopold enfila son manteau bleu et sortit dans le jardin. Il fit mine maladroitement de se balader avant d’aller remplir le nichoir de graines pour les oiseaux. Ernest, l’apercevant, lui fit signe de la main en délogeant le bout de sa pipe d’entre ses dents.
— Bonjour Léopold ! Comment vas-tu ? Et ta mère, comment va-t-elle ?
— Maman va bien, elle est au travail, répondit le petit garçon en vérifiant mécaniquement le niveau d’eau dans le réservoir du jardin, ce qui lui permit de se rapprocher sensiblement de la clôture pour épier la nouvelle résidente.
— Et où est-elle aujourd’hui ?
— Elle fait la guide touristique à Morlaix. Je crois qu’elle avait un groupe de vieux pour la journée.
— Elle va rentrer tard alors ? demanda Ernest en s’abstenant de faire remarquer que ce n’est pas poli d’appeler les personnes âgées des « vieux ». Tu veux venir manger à la maison ? Adélie et moi serions ravis de t’avoir à notre table.
À l’énoncé de son prénom, la fillette lança un regard furtif vers le petit garçon avant de se replonger dans son dessin. Une lourde mèche de cheveux sombres lui tomba sur le nez sans qu’elle n’essaie de l’en déloger. Ernest aspira une bouffée de fumée avant de râler :
— Adélie, n’est pas très bavarde, excuse-la Léopold. Elle va rester un mois en vacances ici alors j’espère tout de même que vous saurez faire évoluer la conversation.
Ernest marqua une petite pause avant de reprendre la parole tandis que Léopold arrachait des petits bouts de mousse à la palissade.
— Donc, tu viens manger ce soir ?
Le petit garçon opina avant de se trouver une excuse pour rentrer chez lui. Depuis la fenêtre, il épia un long moment le vieux voisin et sa petite locataire qui ne cessait de dessiner. Le mutisme forcené de cette dernière avait piqué sa curiosité. Quand il se lassa du spectacle, il alla jouer aux jeux vidéo en ligne avec son ami Thibaud. Ce dernier était parti en vacances en Italie deux jours auparavant et depuis, Léopold tournait en rond dans sa grande maison vide. Il se réchauffa à midi un plat préparé par Maman et le mangea en regardant les Tortues Ninjas à la télévision. Après, il tâcha de s’occuper en jouant avec ses figurines articulées et en leur créant une épopée au travers de la maison. En fin d’après-midi, il avait tué et ressuscité trois fois ses personnages et fait couler un bain pour les jeter aux requins. Il regardait perplexe ses jouets flotter dans la baignoire depuis un moment déjà lorsqu’il se rendit compte que jouer tout seul c’était bien moins drôle qu’avec Thibaud.
Il fouilla dans les tiroirs, trouva le maquillage de Maman et s’en barbouilla avec plaisir, se faisant un trait de khôl au rouge à lèvres et la bouche bleue avec une tonne de fard à paupières. Il avait depuis longtemps oublié le rendez-vous du soir lorsqu’il eut la frayeur de sa vie en descendant les escaliers.
Une certaine fillette à la natte noire se tenait immobile dans le vestibule. Léopold hurla de terreur et Adélie éclata de rire. Vexé d’avoir été surpris, il se vexa davantage en comprenant que la jeune fille riait surtout de son accoutrement.
Il s’était noué un drap autour des épaules, s’était armé d’un pisto-laser à la hanche et portait sur la tête une couronne en carton datant de la dernière galette des rois.
— Mais qu’est-ce que tu fiches là ?? Tu m’as fait super peur ! se récria Léopold en se drapant dans sa cape improvisée.
— Je n’étais pas venue pour voir ton défilé de mode en tout cas, ricana Adélie.
— On ne parle pas comme ça au pharaon Khéops XV, s’offusqua le petit garçon en redressant la couronne sur sa tête. Excuse-toi !
— Il n’y a eu qu’un seul pharaon Khéops, statua Adélie sans prendre part au jeu de son nouveau voisin. Et pour ta gouverne, Ernest m’a envoyée te chercher parce que le repas est prêt depuis dix minutes déjà et tu n’arrives pas. La porte était ouverte alors je suis rentrée.
— J’avais oublié que j’étais attendu… marmonna Léopold en remuant malaisément dans sa cape trop grande.
— Ce n’est pas grave. Tu veux de l’aide pour te démaquiller ou tu viens comme ça chez Tonton ?
— Je vais me débrouiller tout seul, grommela le petit garçon devenu rouge de honte avant de filer à l’étage pour se ruer sur la bouteille de démaquillant.
Il se lava en quatrième vitesse, se rinça le visage et peigna ses cheveux blonds cendrés. Il se défit de sa cape et de sa couronne avant de redescendre en trombe pour aller mettre ses chaussures. Il était en train de chercher sa veste quand il s’aperçut qu’Adélie n’était pas rentrée chez Ernest comme il s’y attendait. Elle se trouvait accroupie au pied d’une bibliothèque du salon et semblait passer en revue les ouvrages qui y étaient exposés. La fillette dut l’entendre redescendre puisqu’elle se releva avec la souplesse d’un chat, laissa son regard errer un instant sur une aquarelle de phare à flanc de falaise, avant de se tourner vers Léopold.
— Il te reste du rouge sous les yeux, dit-elle simplement. J’aime bien ta maison.
Elle ramassa son ciré jaune et le rabattit sur son pull en laine noir avant de quitter la maison sans un mot. Franchement perplexe, Léopold lui emboîta le pas en retrouvant son propre manteau sur lequel la fillette avait placé le sien. Il sautilla dans l’allée pour rejoindre Adélie qui l’attendait en regardant l’unique lampadaire placé entre leurs deux maisons. Elle avait l’air d’un oisillon tombé du nid, avec son plumage jaune vif et son air absent.
Lorsqu’ils franchirent le perron d’Ernest, Morille apparut dans l’entrée en ronronnant. Elle ondula en venant se frotter contre les jambes de Léopold avant d’aller se faire les griffes sur le bas d’un petit meuble en bois. Le petit garçon se sentit aussitôt en sécurité dans cette maison qui embaumait un curieux mélange de poussière et d’ambre.
— Adélie, c’est toi ? leur parvint la voix d’Ernest depuis une autre pièce. Vous avez tardé, la tarte est en train de noircir !
Les enfants se déshabillèrent et avancèrent dans la maison. Léopold connaissait bien le rez-de-chaussée puisque son vieux voisin l’invitait souvent à manger pour avoir un peu de compagnie et divertir le petit garçon souvent laissé seul.
Ce dernier remarqua qu’un feu brûlait dans l’âtre du salon lorsque Morille les abandonna pour aller se pelotonner dans un fauteuil devant les flammes. Aucun des livres poussiéreux n’avait bougé des étagères depuis la dernière visite de Léopold et il lui sembla qu’il y avait de nouvelles estampes de fleurs accrochées aux murs de bois.
Ernest les accueillit dans sa cuisine en déposant sa tarte aux poireaux sur la table. Il les invita à s’asseoir d’un geste rendu comique par les maniques qu’il avait aux mains. Pendant le repas, Ernest fit la conversation en parlant pour deux, ce qui semblait bien arranger Adélie qui s’était absorbée dans la tâche méticuleuse de l’ingestion de tous ses poireaux pour ne laisser que la pâte à tarte nue. Elle n’en fit alors qu’une bouchée. Son tonton, quant à lui, était occupé à raconter une vieille anecdote à son sujet, concernant un certain crabe de la baie de Cancale qui lui avait méchamment égratigné les mains quand elle avait quatre ans.
Léopold écoutait les histoires du vieil homme dans un silence presque religieux et souriait lorsque ce dernier riait. Quand ils eurent fini, Ernest suggéra à sa nièce d’emmener son petit voisin à l’étage pour jouer en attendant que sa mère ne rentre. Adélie mena donc Léopold dans la chambre peinte en bleu céruléen qu’elle occupait pendant les vacances. Le petit garçon ne connaissait pas cette partie de la maison et il ouvrit de grands yeux béats en découvrant la commode couverte d’oursins, de gros coquillages aux reflets nacrés et de beaux galets bien lisses. Une énorme étoile de mer aux pigments rouge sombre était accrochée au mur juste au-dessus du meuble à côté duquel était tendu un morceau de filet de pêche. Sur le filet, des dessins, des ficelles colorées et quelques photos étaient épinglés par des pinces à linge. Une vaste penderie dissimulée par une tenture de nylon blanc faisait face au petit lit placé sous la fenêtre encastrée dans le plafond légèrement mansardé.
Adélie fit l’effort de fermer sa valise laissée en vrac au milieu du tapis couvrant le plancher de la chambre et se mit à ramasser les vêtements épars qu’elle avait laissé traîner. Elle ne disait toujours rien et Léopold était bien en mal de lancer la conversation.
— Alors tu aimes les Égyptiens ? dit-elle soudain sans préambule.
— Euh plus ou moins, j’aime les histoires en général et Maman m’a offert un livre sur les pharaons il y a quelques semaines. Tu savais que pour préparer les momies, les prêtres touillaient le cerveau du mort et le sortaient par le nez ?
— Ah bon ?
La réponse avait été laconique, sans aucune différence de ton, et pourtant, elle avait cessé de ranger ses affaires pour le regarder droit dans les yeux. Son comportement rendit Léopold très mal à l’aise et le fit replonger dans le mutisme. Il n’arrivait décidément pas à déterminer quand elle était sérieuse ou taquine avec lui. Craignant qu’elle ne soit en train de se moquer de son anecdote historique morbide, il se tortilla un peu sur lui-même.
La fillette remarqua sa gêne, et comprenant qu’elle n’obtiendrait pas davantage d’informations sur les rites d’embaumement égyptiens, elle tenta maladroitement de lui montrer que ça l’intéressait vraiment.
— Nous avons des livres dans la maison, tu veux que nous en cherchions un avec des pharaons ? Tonton aime les histoires aussi, nous devrions pouvoir trouver ça quelque part.
— J’aimerais bien ! J’aime beaucoup lire.
Adélie ne répondit pas et quitta la chambre pour le mener dans le bureau de son grand-père.
— Et toi, tu aimes lire ? hasarda timidement Léopold en la suivant.
En passant le seuil du bureau, il tomba des nues en découvrant autant de livres. Les quelques rares étagères croulaient sous les ouvrages et du reste, les tomes s’empilaient en bric-à-brac innommable au pied des murs et du vieux bureau en bois d’acajou. Deux fenêtres faisaient entrer la lumière déclinante du jour, baignant d’une lumière ocre les tranches des ouvrages abandonnés. Léopold s’accroupit devant l’amoncellement de bouquins et se tordit le cou pour lire chacun de leurs titres. Il était si absorbé dans sa contemplation qu’il faillit ne pas entendre la réponse d’Adélie.
— Je ne sais pas.
— Tu ne sais pas si tu aimes lire ?
— Non, je ne sais pas lire.
Léopold fronça les sourcils en se relevant.
— Mais tu as quel âge ?
— J’ai treize ans.
— Tes parents ne t’ont pas appris ? Et ta maîtresse ?
— Je ne sais pas lire parce que je suis dyslexique.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Je mélange les lettres et les mots entre eux quand j’essaie de lire ou d’écrire.
— C’est pour ça que tu dessines tout le temps, alors ?
Adélie eut l’air interloquée un instant et le dévisagea avec un certain amusement.
— Je n’avais pas pensé ça de cette manière. Tu as peut-être raison. Et toi, tu as quel âge ?
Le petit garçon fut surpris par sa question sans relation logique apparente avec le déroulement de la conversation. La manière d’agir de la fillette lui donnait l’impression qu’elle était soit en avance ou en retard sur la conversation, mais jamais dans le moment présent.
— J’ai onze ans.