Le déficit de gouvernance du système éducatif haïtien - Bellita Bayard - E-Book

Le déficit de gouvernance du système éducatif haïtien E-Book

Bellita Bayard

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"Le déficit de gouvernance du système éducatif haïtien" repose sur trois principes fondamentaux. Le premier vise à analyser le processus d’élaboration et de mise en œuvre des curricula dans le système éducatif haïtien, en se concentrant particulièrement sur le curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire. Le deuxième principe reconnaît les défis substantiels de mener à bien un tel projet dans un État fragile et peu responsable. Enfin, le troisième principe souligne l’importance de la concision et de la clarté, des valeurs chères à Bellita Bayard, Ph.D, qui souhaite offrir à ses lecteurs une compréhension affinée du sujet à travers chaque chapitre de l’ouvrage, proposant une approche novatrice et persuasive dans l’enseignement de cette matière cruciale : l’éducation à la citoyenneté.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Titulaire de licences en anthropo-sociologie et en sciences économiques, Bellita Bayard, Ph.D est une gestionnaire chevronnée. Elle détient également une maîtrise en sciences du développement et un doctorat en sciences de l’éducation, spécialisée dans la gestion des systèmes éducatifs. Son expérience en tant qu’ancienne cadre au ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle lui a permis d’acquérir une connaissance approfondie du système éducatif haïtien, expertise qu’elle partage à travers l’analyse critique présentée dans cet ouvrage.

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Bellita Bayard, Ph.D

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le déficit de gouvernance

du système éducatif haïtien

Une obstruction au projet de mise en oeuvre du curriculum de l'éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire

Essai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Bellita Bayard, Ph.D

ISBN :979-10-422-3996-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

De la même auteure

 

 

 

2024 : L’éducation à la citoyenneté au cœur d’un déficit de gouvernance du système éducatif haïtien (ouvrage édité par Médiatexte et les Éditions Lorquet).

 

2024 :Le phénomène des accrocheurs esseulés du système éducatif haïtien (Article publié Rezonodwes).

 

2023 : Analyse du processus d’élaboration et de mise en œuvre des curricula/programmes du système éducatif haïtien : cas du curriculum sur l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire, de 2000 à 2020 (Thèse de doctorat, ISTEAH).

2022 : La crise de l’éducation scolaire et le phénomène de l’insécurité en Haïti (Article publié Rezonodwes).

2022 : La crise socio-politique haïtienne : où sont passés les adeptes de la théologie de la libération ? (Article publié Rezonodwes)

2021 : Immigration : les chocs culturels à l’aller et au retour (Article publié Rezonodwes).

2020 : Le déficit de gouvernance, une tare pour l’évolution du système éducatif haïtien (Article publié Rezonodwes).

2020 : Le caporalisme québécois dans la gestion de la pandémie Covid 19 (Article publié Rezonodwes).

2019 : Haïti, crise civique, citoyenne, institutionnelle ou systémique ? (Article publié Rezonodwes)

2018 : La gestion documentaire et des archives à l’heure de la modernisation de l’Administration publique haïtienne : Quelles archives, pour quel pays ? (édité par les Presses du GRAHN-MONDE)

2018 : Quel avenir pour les femmes scientifiques évoluant en STIM en Haïti ? Qui assurera la relève ? (Article publié Rezonodwes)

2017 : Haïti, devant l’impossible, laisse ton Dieu prendre le relais ! (Article publié Rezonodwes)

2017 : Familles haïtiennes, la famille de Nazareth vous interpelle (Article publié Rezonodwes).

2000 : L’apport de l’artisanat dans le développement de Lamontagne (Jacmel) (Mémoire de Licence à la Faculté d’Ethnologie).

2005 : Quels sont les avantages compétitifs du modèle de gestion québécois sur le marché mondial ? (Essai scientifique)

1994 : Les Colin et les traditions ancestrales, une étude anthropo-sociologique centrée sur « ka colin » à Lamontagne, 13e section communale de Jacmel (Mémoire).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au feu Professeur Joseph Désir

à qui je rends un hommage posthume bien mérité.

 

À mes feux mère et père :

Félicia Charlemagne et Vilmont Bayard.

 

À mon fils Christy Philippe,

qui m’a supportée tout au long de mes travaux de recherche.

 

À mes frères et sœurs : Sergo André, Raymond,

Weber, Sylvestre, Aline et Naula.

 

À tous ceux et celles

qui m’ont accompagnée dans le cadre de ma recherche.

 

 

 

 

 

À propos de l’auteure

 

 

 

La docteure Bellita Bayard a connu et appris à connaître le système éducatif haïtien. Elle fut un cadre du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle.

Trois principes président à la rédaction de cet ouvrage. Le premier est celui du souci d’analyser le « processus d’élaboration et de mise en œuvre des curricula du système éducatif haïtien, avec un cas type, celui du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire ». Le second est qu’il n’est pas facile de réussir ce projet sur le territoire national au cœur d’un État faible et irresponsable. Le troisième principe est celui de la concision et de la clarté. La docteure Bayard est une femme de science qui sait aller à l’essentiel. Elle choisit la clarté et la concision comme alliées. Chaque chapitre du livre aide tout lecteur ou toute lectrice à raffiner sa compréhension du phénomène.

En choisissant de travailler sur la relation entre gouvernance et éducation à la citoyenneté, elle exprime son intérêt pour une nouvelle école fondée sur les valeurs démocratiques. Elle manifeste sa volonté d’apporter quelque chose de neuf et de persuasif dans l’enseignement de cette matière : l’éducation à la citoyenneté.

 

Hérold Toussaint, Ph.D,

Ex-vice-recteur aux affaires académiques

de l’Université d’État d’Haïti

 

 

 

 

 

 

Remerciements

 

 

 

Transmuer ou remanier une thèse en livre, voilà une activité qui nous paraît inquiétante. Voulant satisfaire la volonté d’un plus large lectorat, de s’approprier les informations importantes qui s’y trouvent, je me suis lancée dans cette belle aventure qui, dès le début, n’a pas été facile. À l’instar d’Albert Schweitzer, je dirais « [qu’] à un certain moment de notre vie, notre propre lumière s’éteint et se rallume par l’étincelle d’une autre personne. Chacun de nous a des raisons d’éprouver une profonde gratitude pour ceux qui ont rallumé la flamme en nous » (Albert Schweitzer, artiste, médecin, musicien, philosophe, scientifique, théologien [1875-1965]).

Forte de tout cela, je voudrais remercier de manière très particulière le Dr Pierre Toussaint, mon directeur, et le Dr Samuel Pierre, mon codirecteur, qui ont fait un travail extraordinaire en acceptant d’encadrer mon travail de recherche, jusqu’au produit fini. J’aimerais que vous sachiez à quel point votre soutien m’a été d’un grand secours. Je vous suis très reconnaissante. Un remerciement très spécial au Dr Etzer France. À cette pléiade d’éminents encadreurs, j’ajoute le Dr Hérold Toussaint en lui disant un grand merci pour avoir préfacé cet ouvrage. Ses conseils m’ont été aussi très salutaires.

 

 

 

Je suis reconnaissante envers les étudiants du Forum doctoral de l’ISTEAH au sein duquel je participe religieusement à tous les débats et discussions. Leurs conseils m’ont été très utiles durant toute la démarche. Je remercie l’ingénieure informaticienne Marie Kerline Bayard pour son support technique. Un remerciement spécial à mon ami et condisciple Joël Lorquet et à Chrisnel Désir pour les lectures et suggestions. Aux membres de ma famille, je dis merci. À tous-tes ceux et celles qui ont contribué à la réalisation de ce travail de recherche et dont les noms n’ont pas été mentionnés, j’exprime ma gratitude sans faille et leur offre mes sincères remerciements.

 

 

 

 

 

Liste des tableaux

 

 

 

Tableau 4.1 : Répartition des répondants-es par département

Tableau 4.2 : Répartition des répondants-es par département et leur rôle

Tableau 4.3 : Récapitulation des établissements et répondants-es du MENFP pour les deux départements

Tableau 4.4 : Nombre d’écoles secondaires publiques et privées du département de l’Ouest

Tableau 4.5 : Résultats relatifs à la question sur l’élaboration des programmes/curricula scolaires par les établissements

Tableau 4.6 : Résultat sur le rythme de réception des curricula/programmes élaborés par le MENFP

Tableau 4.7 : Prise de connaissance du curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire élaboré par le MENFP

Tableau 4.8 : Procuration du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du MENFP par les établissements scolaires

Tableau 4.9 : Utilisation d’un programme/curriculum personnel par les écoles

Tableau 4.10 : Participation des élèves aux examens officiels et étrangers

Tableau 5.1 : Nombre d’écoles secondaires publiques et privées dans l’arrondissement de Jacmel (département du Sud-Est)

Tableau 5.2 : Élaboration des curricula/programmes dans les établissements scolaires

Tableau 5.3 : Rythme de réception par les écoles des curricula/programmes élaborés par le MENFP

Tableau 5.4 : Connaissance par les écoles du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire

Tableau 5.5 : Procuration du curriculum de l’éducation à la citoyenneté par les écoles

Tableau 5.6 : Utilisation par les écoles de leur propre curriculum/programme

Tableau 5.7 : Participation des élèves aux examens officiels et étrangers

Tableau 6.1 : Connaissance du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté élaboré par le MENFP pour le nouveau secondaire

Tableau 6.2 : Procuration par les établissements du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du MENFP

Tableau 6.3 : Écoles se servant de leur propre curriculum/programme institutionnel

 

 

 

 

 

Liste des figures

 

 

 

Figure 3.1 : Modèle des parties prenantes proposé par Mercier (2006)

Figure 3.2 : Modèle de gouvernance stratégique et opérationnelle au service de la mission éducative de Lalancette (2014)

Figure 4.1 : Élaboration des programmes/curricula scolaires par les établissements

Figure 4.2 : Rythme de réception des curricula/programmes élaborés par le MENFP

Figure 4.3 : Prise de connaissance du curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire élaboré par le MENFP

Figure 4.4 : Procuration du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du MENFP par les établissements scolaires

Figure 4.5 : Utilisation d’un programme/curriculum personnel par les écoles

Figure 4.6 : Participation des élèves aux examens officiels et étrangers

Figure 5.1 : Élaboration des curricula/programmes dans les établissements scolaires

Figure 5.2 : Rythme de réception par les écoles des curricula/programmes élaborés par le MENFP101

Figure 5.3 : Connaissance par les écoles du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire

Figure 5.4 : Procuration du curriculum de l’éducation à la citoyenneté par les écoles

Figure 5.5 : Écoles se servant de leur propre programme

Figure 5.6 : Participation des élèves aux examens officiels du MENFP et étrangers

Figure 6.1 : Connaissance du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté

Figure 6.2 : Procuration par les établissements du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté

Figure 6.3 : Écoles se servant de leur propre curriculum/programme institutionnel

Figure 7.1 : Modèle conceptuel de la gouvernance et de la mise en œuvre du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire

 

 

 

 

 

Liste des sigles et abréviations

 

 

 

AM : Assemblée Municipale

ASEC : Assemblée de la Section Communale

BDS : Bureau de District Scolaire

BUNEXE : Bureau National des Examens d’État

CASEC: Conseil d’Administration de la Section Communale

CEEC : Commission Épiscopale des Écoles Catholiques

CME : Commission Municipale d’Éducation

DAEPP : Direction d’Appui à l’Enseignement Privé et au Partenariat

DCQ : Direction du Curriculum et de la Qualité

DDE : Direction Départementale d’Éducation

DEF : Direction de l’Enseignement Fondamental

DES : Direction de l’Enseignement Secondaire

DPCE : Direction de la Planification et de Coopération Externe

EESR : Établissements d’Enseignement Supérieur et de Recherche

ESR : Enseignement Supérieur et de Recherche

GTEF : Groupe de Travail sur l’Éducation et la Formation

IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique

INFP : Institut National de la Formation Professionnelle

MEF : Ministère de l’Économie et des Finances

MENFP : Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle

ONAPE: Office National de Partenariat en Éducation

PISA : Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves

TIC : Technologies de l’Information et de la Communication

UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture

IGAENF : Inspection générale de l’Administration de l’Éducation et de la formation professionnelle

TICE : Technologies de l’Information et de la Communication en Éducation

PNEF : Plan national d’éducation et de formation

SNA/EPT : Stratégie nationale d’action pour l’éducation pour tous

PDEF : Plan Décennal d’Éducation et de Formation

PO : Plan Opérationnel 2010-2015

 

 

 

 

 

Préface

 

 

 

La docteure Bellita Bayard a connu et appris à connaître le système éducatif haïtien. Elle fut un cadre du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle. Elle avait choisi d’entreprendre des études doctorales pour mieux saisir la complexité de la gouvernance scolaire en Haïti. Voulant aller au-delà de la mode ou du slogan, elle a accepté de réfléchir sur le curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire.

Trois principes président à la rédaction de cet ouvrage. Le premier est celui du souci d’analyser le « processus d’élaboration et de mise en œuvre des curricula du système éducatif haïtien, avec un cas type, celui du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire ». Le second est qu’il n’est pas facile de réussir ce projet sur le territoire national au cœur d’un État faible et irresponsable. Le troisième principe est celui de la concision et de la clarté. La docteure Bayard est une femme de science qui sait aller à l’essentiel. Elle choisit la clarté et la concision comme alliées. Chaque chapitre du livre aide tout lecteur ou toute lectrice à raffiner sa compréhension du phénomène.

En choisissant de travailler sur la relation entre gouvernance et éducation à la citoyenneté, elle exprime son intérêt pour une nouvelle école fondée sur les valeurs démocratiques. Elle manifeste sa volonté d’apporter quelque chose de neuf et de persuasif dans l’enseignement de cette matière : l’éducation à la citoyenneté.

À travers son livre, elle révèle les principaux obstacles qui font échec à une véritable éducation à la citoyenneté. Elle avance des données qui nous aident à saisir les véritables causes de l’échec de cet enseignement en Haïti. Sans passer par la tangente, la docteure Bayard affirme : « […] L’encadrement des acteurs dans la mise en œuvre du curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire laisse à désirer, en raison de la faiblesse de l’État sur le plan stratégique à faire la promotion de cette politique. De plus, la coopération entre l’État à travers le MENFP et les écoles internationales, voire publiques, est très boiteuse, parce que la politique politicienne prime sur les mesures de la gouvernance éducative. » L’échec est donc cuisant.

Universitaire citoyenne, la docteure Bayard entend se servir des armes de la science pour adresser des propositions concrètes aux responsables du système éducatif haïtien. Pour redresser la barre, elle présente un chemin ou encore un modèle baptisé sous le nom de « Modèle conceptuel de la gouvernance et de mise en œuvre du curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire ». Au sein de ce modèle, la reddition de comptes occupe une place fondamentale. C’est un défi énorme dans la mesure où l’environnement socio-politique d’Haïti est foncièrement allergique à la transparence et à l’éthique.

La docteure Bayard veut lancer un cri et relancer un véritable débat autour de cet enseignement transversal. Son travail propose de solides pistes pour une meilleure pédagogie de cette matière dans les écoles haïtiennes. Du coup, elle plaide pour la naissance d’une communauté d’instituteurs et d’institutrices citoyens épris du sens de la responsabilité et du devoir accompli. Ces derniers doivent être équipés intellectuellement et psychologiquement pour mieux vivre et communiquer aux plus jeunes les valeurs démocratiques.

Sans l’exprimer ouvertement dans le cadre de son travail, cette éducation à la citoyenneté devra permettre à l’État de mettre sur pied un véritable service civique tel qu’il est énoncé au numéro 52.3 de la Constitution de 1987 : « Il est établi service civique mixte obligatoire dont les conditions de fonctionnement sont établies par la loi. » Cet article demeure lettre morte. Une éducation à la citoyenneté déficiente ou au rabais ne saurait conduire à l’établissement d’un service civique portant sur les objectifs suivants :

Faciliter l’insertion sociale des jeunes.

Développer une culture de la solidarité.

Promouvoir leur engagement citoyen.

Favoriser la cohésion sociale : brassage social, mixité.

 

Nous espérons que le livre de la chercheure Bellita Bayard fera longue date dans le milieu éducatif haïtien. Nous n’avons qu’à encourager les principaux cadres du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle à prendre au sérieux ses pertinentes propositions. Ce livre doit constituer un instrument important pour les concepteurs des manuels d’éducation à la citoyenneté. En effet, ce n’est pas l’abondance des manuels qui fera de nos jeunes de « vrais citoyens ». Il s’agit plutôt de vivre au quotidien les valeurs démocratiques. Bref, « on ne naît pas citoyen, on le devient. » C’est le temps de poser de vrais jalons pour une véritable éducation à la citoyenneté en nous inspirant du modèle que nous propose la docteure Bellita Bayard.

 

Hérold Toussaint, Ph.D,

Ex-vice-recteur aux affaires académiques

de l’Université d’État d’Haïti

 

 

 

 

 

Résumé

 

 

 

Ce livre relate les résultats d’une recherche doctorale qui met l’accent sur la gouvernance et la gestion du système éducatif haïtien, en analysant le cas du curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire et le problème de sa mise en œuvre dans les écoles. Dans une mise en contexte, nous avons passé en revue les différents documents stratégiques élaborés par le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), y compris le curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire dont la mise en œuvre tarde encore à apporter des résultats satisfaisants, faute d’une gouvernance appropriée. Nous avons analysé les publications de divers auteurs dans le domaine afin d’élaborer une recension des écrits pouvant montrer les différentes facettes des curricula élaborés dans des pays en développement, pauvres et avancés, et ceci, dans le but de comprendre la dimension et l’importance de ce projet scolaire qu’est le curriculum de l’éducation à la citoyenneté.

Les grands axes sur les curricula sont d’une importance capitale pour notre livre. Voilà pourquoi nous avons fait appel à de grandes idées sur les curricula et la gouvernance des systèmes éducatifs. Nous avons collecté nos données à travers deux départements, plus particulièrement les arrondissements de Port-au-Prince, de Jacmel et leurs communes. Notre recherche a été effectuée à travers les écoles secondaires et les deux directions départementales de ces deux départements géographiques.

Par une analyse des résultats, nous avons pu observer où se trouve le goulot d’étranglement qui empêche la mise en œuvre de tous les documents stratégiques, particulièrement le curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire. Ce document conçu depuis 2001 découle du Plan national d’éducation et de formation (PNEF), proposé par le MENFP en 1998. D’une part, notre analyse porte sur le plan opérationnel, à travers les résultats de l’enquête dans les écoles des deux départements (Ouest et Sud-Est) et, d’autre part, une attention spéciale est accordée à la gestion et à la gouvernance du système sur le plan stratégique. Nous avons également analysé les réponses des inspecteurs et des directeurs départementaux quant à leur compréhension de la gouvernance du système.

In fine, nous avons proposé un modèle de gouvernance pouvant aider à la mise en œuvre des documents créés par le MENFP. Notre conclusion ouvre les champs vers des pistes de solutions et de recherches scientifiques futures.

 

Mots clés : curriculum/programme, mise en œuvre, éducation à la citoyenneté, gouvernance, gestion/management, politique publique.

 

 

 

 

 

Rezime

 

 

 

Liv sa a rapòte rezilta rechèch doktora ki konsantre sou gouvènans ak jesyon sistèm edikasyon ayisyen an, avek analize ka nouvo kourikoulòm edikasyon sitwayènte segondè a ak pwoblèm aplikasyon li nan lekòl yo. Nan yon ranmase (kontèks) sou sitiyasyon an, nou te revize divès dokiman estratejik Ministè Edikasyon Nasyonal ak Fòmasyon Pwofesyonèl (MENFP) devlope, ki gen ladann kourikoulòm edikasyon sitwayènte pou nouvo lekòl segondè a, aplikasyon l toujou mize (ralanti) pou l bay rezilta ki satisfe tout moun, akoz manke yon gouvènans nomal (apwopriye). Nou analize piblikasyon plizyè otè nan domèn nan, pou nou devlope lot lide nouvel ki ka montre diferan aspè kourikoulòm yo devlope nan peyi devlope yo, peyi pòv ak peyi avanse yo, nan objektif pou nou konprann dimansyon ak enpòtans pwojè lekòl sa a ki se kourikoulòm edikasyon sitwayènte.

Pwen prensipal yo sou kourikoulòm yo gen anpil enpòtans pou liv nou an. Se poutèt sa nou te konsidere teyori sou kourikoulòm ak gouvènans sistèm edikatif, nou kolekte done nou yo atravè de depatman, pi patikilyèman, distri Pòtoprens ak Jakmèl ak komin yo. Rechèch nou yo te fèt atravè lekòl segondè yo ak de direksyon depatmantal yo nan de depatman jeyografik sa yo.

 

Atravè analiz rezilta yo, nou te kapab obsève ki kote pwoblem nan ye konsa, ki anpeche aplikasyon tout dokiman estratejik yo, patikilyèman kourikoulòm edikasyon sitwayènte pou nouvo segondè a. Dokiman sa a, ki fèt depi ane 2001, soti nan Plan Nasyonal Edikasyon ak Fòmasyon (PNEF), te pwopoze pa MENFP an 1998. Yon bò, nou fe yon analiz sou nivo operasyon an, atravè rezilta sondaj la nan lekòl yo, nan de depatman (Lwès ak Sid-Lès) nan yon lòt bo, nou te bay yon atansyon espesyal nan jesyon an ak gouvènans sistèm nan nan nivo estratejik li. Nou te analize tou repons enspektè yo ak direktè depatmantal yo sou konpreyansyon yo genyen sou gouvènans sistèm nan.

Finalman, nou pwopoze yon modèl gouvènans ki ka ede nan aplikasyon dokiman MENFP kreye yo. Konklizyon nou an ouvè wout la nan solisyon posib ak rechèch syantifik nan lavni.

 

Mo kle : kourikoulòm/pwogram, aplikasyon, edikasyon sitwayènte, gouvènans, jesyon ak politik piblik.

 

 

 

 

 

 

Abstract/summary

 

 

 

This book reports the results of doctoral research that focuses on the governance and management of the Haitian education system, analyzing the case of the new secondary citizenship education curriculum and the problem of its implementation in schools. In a context we reviewed the various strategic documents developed by the Ministry of National Education and Vocational Training (MENFP), including the citizenship education curriculum for the new secondary school, the implementation of which the work is still slow to produce satisfactory results due to lack of appropriate governance. We analyzed the publications of various authors in the field, in order to develop a review of writings that can show the different facets of curricula developed in developing, poor and advanced countries, with the aim of understanding the dimension and importance of this school project which is the citizenship education curriculum.

The main points on curricula are of capital importance for our book. This is why we called on theories on curricula and the governance of educational systems. We collected our data across two departments, more particularly, the districts of Port-au-Prince and Jacmel and their communes. Our research was carried out through secondary schools and the two departmental directorates of these two geographical departments.

Through an analysis of the results, we were able to observe where the bottleneck is located, thus preventing the implementation of all the strategic documents, particularly the citizenship education curriculum for the new secondary. This document, designed since 2001, arises from the National Education and Training Plan (PNEF), proposed by the MENFP in 1998. On the one hand, our analysis is on the operational level, through the results of the survey in schools of the two departments (West and South-East) and on the other hand, special attention is paid to the management and governance of the system at the strategic level. We also analyzed the responses of inspectors and departmental directors on their understanding of the governance of the system.

Ultimately, we proposed a governance model that could help with the implementation of the documents created by the MENFP. Our conclusion opens the way to possible solutions and future scientific research.

 

Key words: curriculum/program, implementation, citizenship education, governance, management and public policy.

 

 

 

 

 

Chapitre 1

Introduction

 

 

 

Toute véritéfranchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence.

Arthur Schopenhauer

 

En Haïti, la gouvernance et la gestion des politiques publiques du secteur éducatif ne sont pas renforcées par les suivis administratifs. Au gré des changements de ministres de l’Éducation, les « documents stratégiques » et curricula/programmes voient le jour, ce qui rend difficiles le suivi et la mise en œuvre de ces dits documents. Certaines écoles évoluant dans le système, dans leurs pratiques pédagogiques, ne tiennent pas compte des projets éducatifs et des politiques gouvernementales en matière d’éducation, tels que le Plan national d’éducation et de formation (PNEF, 1998), le programme opérationnel d’éducation à la citoyenneté de 2000, le Document d’Orientation pour la Rénovation du Secondaire (2006), la Stratégie nationale d’action pour l’éducation pour tous (SNA/EPT) du MENFP (2007-2015), le Plan Opérationnel 2010-2015 (PO), mis en place par l’État par le truchement du MENFP. D’où la lourdeur dans les processus et décisions dans l’administration et la gestion de l’éducation.

Cet ouvrage étudie les facteurs causant le non-respect des grandes orientations curriculaires et du cadre normatif qui agit sur les déficits de la culture citoyenne mise en place par l’État en tant que garante du système éducatif haïtien (Negrier et Teillet, 2019 ; UNESCO, 2013). Notre travail de recherche porte sur L’éducation à la citoyenneté au cœur d’un déficit de gouvernance du système éducatif haïtien.

Il faut dire qu’en Haïti, traditionnellement, les acteurs-trices du domaine éducatif ne font pas de différence entre les deux concepts : curriculum et programme. Les deux sont utilisés pour désigner la même chose, tandis que sur le plan scientifique, certains aspects différencient le curriculum du programme d’études. Depover (2007) mentionne qu’un programme d’études s’intéresse davantage aux activités de l’enseignant-e afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Cette expression, « programme », a été privilégiée dans le temps et dans le jargon scientifique. Les programmes d’études s’adressaient directement aux enseignants-es afin d’expliciter les matières enseignées, alors que de nos jours, un curriculum s’intéresse uniquement à ce que les élèves doivent comprendre et réaliser sur la base de cette matière. Le concept de curriculum est préféré et utilisé en vue de définir le système de finalisation, déclaration d’intentions, compétences, objectifs, etc. « Le curriculum s’inscrit dans une logique à long terme étroitement articulée aux choix en matière de politique éducative et à la politique gouvernementale d’éducation. » (Depover, 2007) De manière endogène, dans tous les aspects de la recherche, nous avons tenu compte, et en tandem, des deux concepts de « curriculum/programme », afin de rejoindre, sur le plan éducatif, le langage coutumier de la population haïtienne, même si nous savons que le concept de curriculum est mondialement reconnu dans le langage scientifique.

Dans ce contexte, nous avons posé les questions suivantes : comment la gouvernance et la gestion du système éducatif affectent-elles la mise en œuvre des curricula/programmes dans le système éducatif haïtien, en particulier le curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire ? Comment est-ce que les acteurs-trices définissent les caractéristiques de la gouvernance et de la gestion du système éducatif au regard de la mise en œuvre du curriculum de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire ? Quelles sont les conditions minimales requises pour une mise en œuvre véritable du curriculum de l’éducation à la citoyenneté dans les écoles haïtiennes ? Comment améliorer le cadre de mise en œuvre et de suivi du curriculum de l’éducation à la citoyenneté au regard des conditions de gestion et de gouvernance du système éducatif haïtien ? Ces questions trouveront leurs réponses dans les chapitres élaborés dans le cadre de cet ouvrage.

 

1.1 Contexte historique de l’éducation à la citoyenneté en Haïti

 

Avant les années 1970-1980, les experts-es en éducation parlaient de l’éducation civique et du civisme dans notre système éducatif. Ce n’est qu’en 1998 qu’est venue l’idée du curriculum sur l’éducation à la citoyenneté, notamment au niveau du fondamental et du secondaire. L’idée centrale était de promouvoir « une éducation haïtienne nationale qui affirme l’identité de l’homme [et de la femme] haïtien[ne]. Elle doit favoriser l’épanouissement de la personne dans toutes ses dimensions, physique et sportive, affective, intellectuelle, artistique et morale et former des citoyens responsables, agents de développement politique, économique, social et culturel du pays. Elle doit promouvoir l’identité et la culture nationale, tout en s’ouvrant aux valeurs universelles, régionales ou caribéennes et aux autres cultures, sans préjudice des valeurs culturelles du pays » (MENFP/POEC, 2016). Cette éducation à la citoyenneté « a pour mission de développer la conscience nationale, le sens des responsabilités et l’esprit communautaire par l’intégration dans son contenu des données de la réalité haïtienne. Elle vise avant tout à favoriser la formation de l’homme-citoyen-producteur, capable d’améliorer en permanence les conditions physiques naturelles ; à créer les richesses matérielles et contribuer à la promotion des valeurs culturelles, morales et spirituelles, suivant les buts et objectifs de l’école haïtienne » (MENFP/POEC, 2016). Cependant, force est de constater que la mise en œuvre de cet objectif s’est heurtée à un certain nombre d’obstacles structurels parmi lesquels nous pouvons citer : l’absence de contrôle dans l’administration et la gestion scolaire eu égard à la mise en œuvre du curriculum de l’éducation à la citoyenneté, l’instabilité dans la conception, l’élaboration et la mise en œuvre des curricula/programmes ou des « documents stratégiques », et la caducité ou l’absence de cadre légal rendant plus difficile la mise en œuvre des curricula du système éducatif. Allons voir la nature de chacun de ces obstacles.

 

1.2 Manque d’enseignants-es-citoyens-nes dans le système éducatif haïtien

 

Un-e enseignant-e-citoyen-ne est celui ou celle qui se porte garant-e et responsable de son métier sur le plan éthique et professionnel. Il-Elle participe activement aux activités de services publics par l’enseignement et la diffusion d’une éducation de qualité. Le rôle de l’enseignant-e-citoyen-ne est d’accompagner ses élèves pour en faire des citoyens-nes instruits-es et engagés-es dans leur communauté. Si le métier d’enseignant-e est noble, en Haïti il n’est pas valorisé. Du manque de matériels et équipements pédagogiques à la discrimination salariale et de genre, en passant par le sous-emploi, le déficit des avantages sociaux et l’absence d’encadrement professionnel par la formation continue, les enseignants-es subissent tous les méfaits du système éducatif haïtien.

 

Il n’est pas nécessaire d’avoir une spécialité pour enseigner l’éducation à la citoyenneté. Quel que soit son domaine d’intervention (mathématiques, physique, chimie, sciences sociales, etc.), l’enseignant-e devrait pouvoir développer le potentiel de chaque apprenant-e en vue de l’aider à mieux servir son pays. Le programme d’éducation à la citoyenneté devrait être transversal et trouver sa place dans l’enseignement de toutes les matières. Le vivre-ensemble, le respect des normes démocratiques et des valeurs républicaines demeurent l’affaire de tous-tes les citoyens-nes. L’enseignant-e-citoyen-ne doit être avant tout un-e citoyen-ne responsable de la diffusion des vraies valeurs de notre société. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans notre pays.

Outre le fait que l’État ne valorise pas le métier d’enseignant-e en Haïti, les enseignants-es ne se valorisent pas non plus en respectant les normes, la déontologie, l’éthique et les principes du métier. Bon nombre d’entre eux-elles sont des absentéistes dans les écoles publiques ; n’ont pas de conscience professionnelle ; trafiquent leurs heures de travail dans les écoles publiques au profit des écoles privées ; pratiquent la sous-traitance de leurs cours, en se faisant remplacer de manière informelle par d’autres personnes, qui parfois sont moins compétentes, en vue de s’adonner à des activités parallèles (Celine, 2017). Sur le plan politique, les enseignants-es cautionnent des grèves pour satisfaire les caprices des politiciens-nes au détriment des apprenants-es, futurs-es responsables du pays. Or, même en temps de guerre, les écoles fonctionnent dans d’autres pays. En Haïti, l’école, à travers ses acteurs-trices, est utilisée comme un tremplin pour sombrer le pays dans l’anarchie politique. L’école haïtienne est la première institution à être victime des désordres politiques, alors que, selon la loi, les enseignants-es devraient respecter les principes de neutralité sur les plans politique et religieux. L’école ne devrait pas leur servir de tribune en vue de faire passer leurs opinions politiques personnelles. Car la liberté d’opinion est restreinte quand il s’agit de manifester certains comportements discriminatoires tels que le sexisme, l’homophobie, le négationnisme, c’est-à-dire la position idéologique qui consiste à nier l’existence des autres camps, le harcèlement sexuel, pour ne citer que ceux-là. Les enseignants-es ne portent pas trop d’attention au travail de leurs élèves, à leurs besoins, à leurs lacunes, à leurs progrès. Les élèves sont relativement très mal accompagnés-es par leurs enseignants-es. Leurs aptitudes ne sont pas valorisées, tant sur le plan de l’apprentissage que des pratiques quotidiennes.

Les enseignants-es haïtiens-nes vivent dans une solitude systémique. Le travail en équipe, la collaboration entre pairs en vue de partager les difficultés rencontrées sont loin d’être pris en compte au sein de la communauté des enseignants-es, directeurs-trices et inspecteurs-trices. En cas de maladie, ils n’ont pas d’accompagnement psychologique ni les soins de santé appropriés que nécessite leur cas.

 

 

 

1.2.1 Absence de modèles pour produire des élèves-citoyens-nes

 

Un adage haïtien dit : « Ti moun jodi, granmoun demen. » La transmission du savoir est l’affaire de l’école, laquelle forme les enfants d’aujourd’hui qui deviendront les adultes de demain. Ce sont eux qui sont appelés à prendre la relève dans la société. Donc, s’il n’y a pas d’enseignant-es-citoyen-nes, il ne saurait y avoir d’élèves-citoyens-nes, puisqu’il n’y a quasiment pas d’exemples en ce domaine. Par conséquent, ils-elles doivent être bien formés-es, ce qui leur permettra de mieux jouer leur rôle de transmission des valeurs éducatives et socioculturelles, des normes et des comportements sociaux. C’est l’éducation à la citoyenneté qui leur permettra de bien faire passer le message dans la société.

La formation de l’élève citoyen-ne ne représente pas un projet de renforcement cognitif pour le système éducatif haïtien, mais une simple éducation désintéressée. L’élève ne participe pas vraiment à la vie scolaire et sociale en vue de faire des apprentissages pratiques en rapport avec l’éducation à la citoyenneté. Les résultats de la délinquance, de l’insécurité, de la gangstérisation du pays, pour ne citer que ces problèmes, sont les conséquences des légèretés du système éducatif haïtien, dans la résolution des problèmes liés à l’incivilité, à la participation mercantile des jeunes en échange de leur bulletin électoral, à la politique politicienne, aux divisions sociopolitiques, aux conflits et aux hostilités entre les apprenants-es, à la migration, etc. Tout ceci obstrue le vivre-ensemble à cause de l’absence de mise en œuvre du programme de l’éducation à la citoyenneté à l’école.

 

 

1.2.1.1 Aspect social de la situation

 

Sur le plan social, nous faisons une réflexion dans laquelle nous évoquons certaines inquiétudes quant au devenir des jeunes écoliers-ères haïtien-nes sans un curriculum/programme d’éducation citoyenne dans les écoles. La situation qui se dessine dans le pays vient augmenter de plus en plus nos doutes sur la mission citoyenne de l’école. Les valeurs sociales, morales, patriotiques, culturelles et intellectuelles s’effritent pour céder la place à l’irrévérence, au banditisme, à l’apatridie, à l’irresponsabilité, etc. Parallèlement, l’État, par le biais du MENFP et dans l’optique d’une bonne gouvernance, n’a pas une politique systémique de suivi permanent de la mise en application des politiques publiques en éducation, quels que soient les gouvernements en place. La formation des enseignants-es-citoyens-nes, la mise en place de bons curricula et le suivi de leurs effets sur les élèves, futurs-es citoyens-nes, sont loin d’être considérés dans les objectifs poursuivis par le système éducatif en Haïti. Il est évident qu’il faut des enseignants-es qualifiés-es et des élèves bien formés-es pour renverser la situation sociale, économique et politique qui prévaut dans le pays.

Enfin, tant chez les enseignants-es-citoyens-nes que chez les élèves-citoyens-nes, il y a un manque d’engagement pour l’égalité des droits civils et politiques de tous-tes les citoyens-nes, en particulier des femmes, des personnes démunies et des enfants. L’engagement pour la protection de l’environnement est en décrépitude. Il n’y a pas de motivation sociale et scolaire à lutter contre l’insalubrité dans le pays. Et que dire de l’engagement pour la justice sociale ? L’école et la société haïtienne ne respectent pas l’autorité, par conséquent, il n’y a pas de soumission à l’autorité, particulièrement à celle du système éducatif, malgré les lois qui sont promulguées pour la bonne marche dudit système. L’enseignant-e haïtien-ne ne se comporte pas en intellectuel-le transformateur-trice, mais plutôt se laisse plutôt guider par son sens commun. C’est pourquoi l’éducation à la citoyenneté n’a pas développé les capacités des élèves à s’engager en tant que citoyen-nes contre l’injustice sociale, politique et culturelle. Les raisons en sont simples : c’est que les cours n’incitent pas les élèves à participer à des discussions positives en vue de faire entendre leurs propres voix sur la situation du système éducatif, et encore moins sur la situation du pays.

 

1.3 Absence de contrôle dans l’administration et la gestion scolaire ainsi que dans la mise en application des consignes du MENFP

 

Selon le recensement de 2019-2020 du ministère de l’Éducation nationale, il y a globalement 20 900 établissements scolaires pour le pays tout entier, 4 435 000 élèves et 122 500 enseignants-tes pour tous les cycles confondus, 2 796 écoles nationales, dont 215 lycées, pour un effectif total de 2 891 946 élèves aux 1er et 2e cycles fondamental et 113 548 enseignants-es, 16 686 écoles privées. Quant au secondaire rénové, il existe 3 933 écoles secondaires, dont 270 lycées, pour un total de 402 257 élèves. Des 20 900 établissements scolaires, 17 831 sont des écoles fondamentales de 1er et 2e cycles pour les deux secteurs (public et non public). Selon la Direction de la planification et de la coopération externe (DPCE, 2020), 35 % des établissements du fondamental sont qualifiés. La concentration des écoles se trouve dans le secteur privé, soit 16 686 écoles privées (MENFP/DPCE, 2020). Pour ce qui concerne l’éducation de qualité, 25 % de ces écoles offrent un enseignement fondamental. Au niveau secondaire, il y a 3 933 écoles, dont 270 lycées, pour 402 257 élèves, comparativement à plus de 4 000 écoles recensées en 2014. À noter que le secteur privé occupe 85 % du parc scolaire et le secteur public, seulement 15 %. Nous avons noté de grandes variations géographiques en fonction des départements.

Certaines écoles dites élitistes, publiques et privées, tentent de contourner les lois et principes fondamentaux établis par l’État dans le cadre d’une éducation universelle, en organisant des examens parallèles aux examens officiels de l’État. Ces écoles adoptent d’autres curricula/programmes au détriment des curricula élaborés par l’État. Cependant, le MENFP n’a pas suffisamment de ressources humaines et financières en vue de remédier aux problèmes de gestion et de gouvernance récurrents entravant le développement de l’éducation et la mise en œuvre des curricula/programmes en Haïti. Le problème se situe également dans la gestion administrative du système, des projets régionaux, locaux, de l’économie éducative et institutionnelle. Ainsi, les documents dits stratégiques qui devraient servir de base et de modèle obligatoire de transmission des valeurs éducatives communes ne sont pas respectés ni pris en compte par les écoles, particulièrement celles dites élitistes. Ce qui entraîne une sorte de clivage entre les écoles (publiques, privées, congréganistes, etc.) en termes de supériorité de curricula/programmes et de la qualité de l’éducation par rapport au nombre de réussites et d’échecs constaté entre ces écoles. Cet état de fait a des répercussions jusque dans le fonctionnement de la société. D’où une absence ou un manque de contrôle par l’État des rouages scolaires, entraînant une instabilité dans la conception et la mise en œuvre des curricula et des documents dits stratégiques.

1.3.1 Écoles fondamentales et secondaires dans la remise en question des politiques publiques du système éducatif haïtien

 

Bon nombre d’organismes spécialisés dans le domaine éducatif, particulièrement le Réseau d’information pour la réussite éducative (RIRE, 2013) et le Conseil supérieur de l’éducation du Québec (CSEQ, 1987), voient dans les pratiques de l’école fondamentale et du secondaire la racine de tous les maux du système éducatif. Car la formation donnée aux jeunes des écoles fondamentales et secondaires nous permet de directement prédire l’avenir et la direction que prendra la société haïtienne.

L’école fondamentale et l’enseignement secondaire n’échappent pas à l’opinion selon laquelle une remise en question du système éducatif haïtien est nécessaire. En effet, l’école fondamentale et secondaire est le point de mire de toutes les interrogations et inquiétudes dont est la cible le système éducatif. Tout le questionnement de ce système et de sa faillite selon certains-es est surtout tributaire du niveau des apprentissages de base. Notre recherche met l’accent particulièrement sur les problèmes de gouvernance et de gestion qui se posent dans la mise en œuvre du curriculum/programme de l’éducation à la citoyenneté du nouveau secondaire.