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« L’heure où tout a basculé… Elle sait que je sais… Tout pour être heureux, santé, famille, travail, et pourtant, avait-elle tout prévu ? Le verdict sera sans appel et le revers terrible et sans ambiguïté. Je croyais ma route toute tracée mais ils en ont décidé autrement… »
À PROPOS DE L'AUTEUR
Franck Bonnet se sert de la lecture et de l’écriture pour maintenir un certain équilibre. Son quotidien est peuplé d’observations et de perceptions qui construisent son univers littéraire.
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Seitenzahl: 270
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Franck Bonnet
Le fond de la nasse
Roman
© Lys Bleu Éditions – Franck Bonnet
ISBN : 979-10-377-7091-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Du même auteur
Bouffée hilarante, Le Lys Bleu Éditions, février 2022
La chaleur torride qui régnait dans la salle d’audience du tribunal correctionnel était parfaitement insupportable, rien de moins. Chacun s’employait comme il le pouvait à gérer tant bien que mal les méfaits de la fournaise qui sévissaient impitoyablement. Nombreuses étaient les dames qui n’avaient de cesse d’agiter leur éventail. Les messieurs préféraient pour leur part l’usage du mouchoir avec lequel ils tamponnaient inlassablement le visage. On était serré comme des sardines et cette forte densité n’était pas faite pour arranger les choses. Et pourtant, en dépit de ces désagréments auxquels s’ajoutait une très longue attente qui avait précédé le début de l’audience, nul n’aurait songé un seul instant à céder sa place. À l’extérieur, nombreux étaient les badauds qui n’avaient pas eu la moindre chance d’accéder à un prétoire plein à craquer.
Sur le banc des accusés, André Rastagnac concentrait à lui seul tous les regards, toutes les attentions. Il ne faisait aucun doute sur le fait qu’il était la vedette du jour que les médias avaient décrit sous toutes les coutures. Les peintures dont il avait fait l’objet n’étaient guère flatteuses et ce dont il n’avait d’ailleurs que faire. Il ne se prêtait que de manière fort exceptionnelle à la lecture de revues ou de quotidiens et, de toute façon, il y avait déjà longtemps qu’il avait fait le deuil définitif du point de vue d’autrui à son égard. Ce que pensait de lui son entourage ne présentait pas la moindre importance à ses yeux. Il s’était résigné depuis belle lurette à compter parmi les parias de la société et pour tout dire, aussi longtemps qu’il remontât dans sa mémoire, il n’avait pas le moindre souvenir qu’il en fut un jour autrement. Les hasards de la vie avaient voulu que, dès sa tendre enfance, il appartienne au camp du mal, ainsi soit-il. Très tôt, il avait été contraint de s’accoutumer aux condamnations unanimes émanant de l’ensemble de son environnement. Il vivait en marge de la loi et en dehors des normes communément admises par la société. Pour autant, cet aspect des choses n’avait pas rendu son existence insupportable car en fait il ne connaissait rien d’autre dans la vie. Mais sa préoccupation essentielle et ses motivations étaient situées ailleurs, à des années-lumière de cette mise au ban de la société. Son obsession existentielle avait exclusivement consisté à tenter de se faire une place au soleil. Or cela lui avait longtemps coûté pour enfin y parvenir en étant finalement fort bien récompensé de ses efforts. Depuis déjà bon nombre d’années, il ne souffrait plus d’aucune privation sur le plan matériel alors que tel n’avait pas été le cas auparavant. C’est pourquoi appréciait-il à sa juste valeur le fait de ne désormais manquer de rien en accédant à l’opulence. Et voilà qu’à présent tout était soudainement remis en cause par une bande de juristes qui ne pratiquaient pas la même langue. L’incompréhension à leur égard était entière et réciproque et, aussi curieux que cela puisse paraître, y compris envers celui qui se prétendait en charge de sa défense.
Pour autant, André Rastagnac avait parfaitement appréhendé l’enjeu du débat auquel il était en train d’assister depuis les premières loges. À l’issue de ces interminables discussions, le président du tribunal allait prendre une décision relevant de la plus haute importance. Plusieurs scénarii étaient susceptibles de décider de son sort, lesquels oscillaient entre l’incarcération, le sursis partiel ou la libération pure et simple. Sa rêverie fut interrompue par la voix forte du président.
À ce stade, il marqua un silence dont le caractère volontaire ne faisait aucun doute.
Un brouhaha dû à l’étonnement collectif émana du public. Le Procureur ne manqua pas l’occasion en marquant une nouvelle pause. Chacune et chacun salivait.
À ce stade, Maître Depeyre se leva et s’adressa à son client auprès de qui il chuchota quelques instants avant de se retourner et d’intervenir à voix haute.
Pedretti lança un regard circulaire destiné à s’assurer de l’effet dévastateur de son discours dans une salle devenue muette pour la circonstance. Il regagna son siège en trahissant la présence d’une assurance non feinte.
L’avocat salivait tant il appréciait ce moment qui marquait l’heure d’entrer sur scène. L’adrénaline n’avait jamais cessé au cours de ces longues années de pratique, selon lui, la condition sine qua non à toute plaidoirie de qualité. Lui aussi se déplaça jusqu’à la barre avec force lenteur avant de marquer une longue pause, manière que le silence s’impose et anesthésie l’effet du discours adverse.
— Je vous remercie Monsieur le Président et j’espère que vous ne m’en voudrez pas si je déroge à la tradition selon laquelle tout juriste qui se respecte examine la forme avant le fond. C’est à titre exceptionnel que je vais inverser l’ordre qui nous est habituel depuis les temps où nous fréquentions les bancs de la faculté de droit. J’entends donc dérouler le présent exposé en évoquant en tout premier lieu la personnalité de mon client qui mérite maints égards tant son enfance a été difficile et compliquée. Il est impossible de partager l’avis de Monsieur le Procureur, lequel ne parvient pas à déceler la moindre circonstance atténuante. Permettez-moi, Monsieur le Président, de souligner le fait que son père, alcoolique notoire, n’a eu de cesse de cumuler les périodes de chômage. J’ajoute que la castagne de ses trois enfants comptait parmi ses habitudes nocturnes et la mère d’André Rastagnac n’en était pas davantage exonérée. Observez également qu’en tant qu’aîné de la fratrie, mon client a eu le mérite d’accompagner ses frères et sœurs…
Rastagnac n’en revenait pas tant cet individu insipide prenait radicalement sa défense. Il n’avait aucun souvenir d’avoir au grand jamais été décrit de manière aussi avantageuse. Finalement, cet avocat insignifiant et déconnecté des réalités parvenait à le surprendre. Et puis il portait bel et bien une alliance à l’annulaire gauche et sans doute était-il marié. Peut-être fallait-il lui envoyer Colette dans les bras, manière de voir comment se comporterait-il face à la tentation. Pas facile de lui résister à celle-là. Sa réflexion fut interrompue par la tonalité de la plaidoirie.
Sur ces entrefaites, Maître Depeyre regagna sa place sans mot dire. Il savait avoir frappé très fort et, qui plus est, il était sûr de son fait tant il avait scruté en long, en large et en travers la jurisprudence applicable.
***
Dans le hall du tribunal, Maître Depeyre était entouré par une foule d’admirateurs, telle une véritable vedette de cinéma. Plusieurs confrères s’étaient précipités afin de le féliciter chaleureusement eu égard à sa brillante victoire constituée par la relaxe pure et simple de son client. Aussi incroyable que cela fût, André Rastagnac était à ses côtés, libre de ses faits et gestes. Les journalistes étaient également présents et l’avocat répondait avec aisance à la multitude de leurs questions. Au loin, quelques cris et insultes émanant de victimes semblaient s’adresser à Rastagnac qui n’y prêtait pas la moindre attention. C’est avec moult satisfactions qu’il préférait se féliciter du choix judicieux de son défendeur. Certes, celui-ci lui avait coûté fort cher, tant ses honoraires étaient sans rapport avec le plafond de l’aide judiciaire qu’il n’avait pas osé solliciter. Mais peu importait, il en avait pour son argent. Il avait initialement envisagé une peine de prison limitée et principalement constituée de sursis. Eh bien non, le verdict avait largement dépassé tous ses espoirs car il était entièrement blanchi. Certes, Maître Depeyre avait exigé qu’il ne réponde à aucun interview, ni aujourd’hui, ni même les jours suivants. Naturellement, cette demande était dérangeante tant était grande sa joie qu’il avait envie de crier à cor et à cri. Mais sa relaxe relevait du domaine du surnaturel, de la sorcellerie et après tout, mieux valait s’abstenir en lui obéissant à la lettre.
Il avait même renoncé à faire chanter cet avocat tant il était satisfait de sa prestation. Cette hypothèse lui avait pourtant momentanément effleuré l’esprit. Mais il fallait définitivement admettre que le fait de le piéger présenterait des inconvénients majeurs dans le cas où il aurait à nouveau besoin de solliciter ses précieux services. On ne sait jamais de quoi l’avenir est fait, autant se montrer prudent en demeurant en bons termes.
Mais voilà que Maître Depeyre s’était extrait de la foule afin de crier dans son téléphone portable.
La discussion ne s’éternisa guère longtemps mais suffisamment néanmoins pour que le nombre d’admirateurs ne fonde comme neige au soleil. Parmi les rares personnes encore présentes à la fin de cette conversation téléphonique restait son client André Rastagnac. Ce dernier n’était quant à lui nullement fâché par le départ de ces juristes arrogants qui l’indisposaient au plus haut point. Il ruminait encore quant à la forme de reconnaissance qu’il s’apprêtait à exprimer à voix haute. Il entendait investir, autrement dit, il acceptait de perdre un peu aujourd’hui en vue de gagner beaucoup demain. C’est pourquoi s’apprêtait-il à se montrer bon et généreux.
Ulysse Depeyre entama son week-end sans prendre la peine de répondre.
Ulysse avait toujours eu du mal avec le respect des limitations de vitesse à l’égard desquelles il souffrait d’une allergie chronique. Force était de reconnaître que ce matin-là était loin de faire exception à la règle, bien au contraire. Au volant de son bolide allemand flambant neuf, le trajet lui paraissait feutré tant le moteur donnait généreusement sans manifester le moindre signe de souffrance. C’était à peine s’il parvenait à entendre son ronronnement. À ses côtés, son fils unique Flavian n’avait pas été insensible à ce silence au point d’avoir momentanément cédé à la somnolence. Mais à présent, il émergeait peu à peu et sortait péniblement et lentement de sa léthargie. Certes, aucun des deux hommes n’affectionnait les levers matinaux mais la montagne c’est la montagne et il fallait savoir la mériter. À cette heure-ci de la journée, et qui plus est, en fin de semaine l’autoroute qui reliait Toulouse aux Pyrénées était parfaitement dégagée. Déjà, les reliefs les plus prometteurs leur donnaient l’eau à la bouche. Le soleil reflétait des couleurs orangées qui auraient mérité un arrêt sur image. Aucun obstacle, pas un seul nuage n’obstruait la vue et les tout derniers sommets enneigés demeuraient parfaitement visibles.
Flavian avait choisi l’Occitan parmi les épreuves optionnelles du baccalauréat. Il déclencha le poste avant de déceler une fréquence radio qui diffusait les flashes d’information dans cette langue romane. L’actualité nationale et internationale fut balayée sommairement avant une musique douce et apaisante de Los de Nadau.
La sortie qui faisait jour avait été imaginée par ses parents en vue de tenter de renouer le dialogue au sein de la cellule familiale. Mais la chose semblait bien compliquée à réaliser en raison de l’absence de Roxana empêchée au tout dernier moment. Ce coup du sort n’était pas de nature à améliorer la situation et aucun parfum d’optimisme n’imprégnait les lieux. Pour autant, allait-il falloir baisser les bras et laisser faire ? Flavian avait récemment révélé son intention de mettre un terme à ses études en faculté de droit et ce dont s’inquiétaient ses parents. Leur fils considérait avoir fait fausse route et entendait reconsidérer son orientation. Rien d’extraordinaire à cela sauf que c’était loin d’être la première fois qu’il leur faisait le coup et son crédit en était singulièrement entamé. Certes, on n’aurait pas mieux demandé qu’à le croire, l’aider et le soutenir dans ses choix. Cependant, rien de bien concret ou de fiable ne se profilait à l’horizon car ses motivations n’étaient guère palpables. Contrairement à ses parents, il était né dans un milieu social favorisé. Il n’avait jamais manqué de quoi que ce soit sur le plan matériel et, corrélativement, il n’était pas du tout animé par cette envie forte, obsessionnelle et revancharde de réussite professionnelle. Sans doute, au plus profond de lui-même, était-il convaincu que l’argent se gagne facilement et que « la vie est un long fleuve tranquille » (film d’Etienne Chatiliez-1988). Sans doute également, ses parents avaient-ils contribué à la naissance de ce sentiment en n’insistant pas suffisamment sur les difficultés et privations qui avaient pourtant caractérisé leur jeunesse. Ulysse se demandait si son inconscient n’avait pas gommé et refoulé ces souvenirs en vue de le protéger.
La pause-café intervint dans une des rares aires d’autoroute en service proposées aux automobilistes. À l’issue de ce prompt arrêt, Flavian se décida à conduire le bijou mécanique qui lui avait été si aimablement proposé.
Pour autant, Ulysse jugea opportun de ne point relever le ton dont il appréhenda la teneur, un brin provocatrice. Les occasions de déraper ne manqueraient sans doute pas tout le long de ce week-end au vert. Cependant, son épouse ne lui pardonnerait jamais de s’être montré maladroit ou d’avoir manqué de patience à l’égard du fiston adoré. Il se résigna donc à admirer la chaîne Pyrénéenne dont la proximité mettait en valeur la superbe et l’immensité. Sur les toits des habitations, la tuile rose avait fait place aux ardoises, témoignant ainsi du passage progressif de la plaine à la montagne. La Garonne, que l’on n’avait de cesse de remonter, avait pris des dimensions plus sympathiques en passant du statut de fleuve à celui de rivière. La beauté du cours d’eau allait crescendo, d’abord en amont du confluent de l’Ariège puis du Salat. Tout ceci aurait été parfait si seulement Flavian avait daigné ralentir, aussi peu soit-il. Mais que nenni, il se délectait en multipliant les accélérations violentes et en sollicitant l’armada de chevaux dissimulée sous le capot. Les dépassements de véhicules étaient nombreux, parfois même osés et toujours agressifs.
Mais la route goudronnée cessa enfin à hauteur du village d’Oô. Les deux hommes prirent alors tout le temps nécessaire afin de se vêtir et préparer religieusement leur équipement de randonneurs de haute montagne. On partait pour vingt-quatre heures non stop et aucun détail ne devait être négligé. On appréciait à leur juste valeur ces instants emplis de magie, ces préliminaires au bonheur et sans pour autant sous-estimer les efforts physiques à venir. Des précautions élémentaires avaient été prises telles que la consultation de la météo. Ulysse mit en évidence sur le pare-brise un papier griffonné, lequel indiquait la date et l’horaire prévisionnel de leur retour ainsi que le numéro de portable de Roxana. On se pommada généreusement afin de se protéger de l’ensoleillement avant de relever à voix haute l’heure qui marquerait le début de l’aventure.
Le sentier se faufilait subtilement à l’intérieur des feuillus mais de temps à autre la vue sur la vallée leur était généreusement offerte. Celle-ci ne manquait pas l’occasion de révéler l’immensité et la somptuosité des prairies verdoyantes. L’omniprésence de l’eau claire générait une atmosphère de fraîcheur et de vitalité. L’ascension s’effectua sans rencontrer de difficulté majeure jusqu’aux abords du lac d’Oô où l’on s’octroya une pause bien méritée. Père et fils furent animés par le souci de reprendre des forces en récupérant de leurs efforts. Tout était organisé d’une main de maître et le casse-croûte requinqua nos deux gaillards en un rien de temps. On s’autorisa à s’attarder quelques instants afin de contempler la transparence du plan d’eau ainsi que la somptueuse cascade avant de reprendre son chemin plus motivé que jamais. Peu de temps après le redémarrage, ils constatèrent que la pente devenait beaucoup plus raide que précédemment. Comme toujours dans ces cas-là, les protagonistes avaient tendance à éviter de s’exprimer à voix haute car il était hors de question de gaspiller inutilement son énergie.
Ulysse était joueur et crut opportun d’augmenter le rythme de la marche, paradoxalement au moment où il était mal sur le plan physique et en présence du pire des dénivelés. Certes, l’opération était éprouvante mais il entendait ainsi impressionner le fiston. Mais celui-ci ne s’en laissa guère compter. Il se livrait à une pratique sportive régulière et c’est de manière fort assidue qu’il assistait aux séances d’entraînement de son club de football. Il ne connaissait que trop l’importance des qualités morales sans lesquelles la compétition n’apporte que déboires et désillusions, l’école de la vie. Lorsque Flavian appréhenda l’accélération de son père, il comprit instantanément le fait qu’il était en présence d’une tentative d’intimidation de sa part. C’est pourquoi il releva immédiatement le défi et accepta le bras de fer. Il prit la décision d’ignorer la douleur en poursuivant la suite de l’ascension au pas de course, manière de poser le décor avec la plus grande insolence. Il avait appliqué mot pour mot les préceptes que son entraîneur lui avait inlassablement répétés, répondre à la provocation par la provocation.
La suite des événements retrouva son cours normal, chacun selon son propre rythme. Ulysse ne compta ni les pauses indispensables ni le nombre de fois au cours desquelles il fut contraint de se désaltérer. La jonction entre les deux hommes intervint, comme prévu, à l’abord d’une redescente. Il fut alors convenu de se rendre au lac de Saussat après quoi regagnerait-on le lac d’Espingo auprès duquel on dresserait un bivouac pour la nuit.
La journée se déroula sans surprise, sans incident notable et conformément aux prévisions, la tente canadienne fut plantée en tout début de soirée. Deux duvets chauds y furent entreposés en se hâtant de profiter de la présence provisoire de la lumière du jour. Dans la foulée, il ne leur fallut guère longtemps pour dresser deux cannes à pêche, des lancers légers télescopiques.
Aussitôt dit, aussitôt fait, père et fils qui avaient d’ailleurs repéré leur poste de pêche depuis belle lurette s’y employèrent avec le plus grand plaisir. À l’instar du lever du soleil, le coucher n’était pas moins propice à l’activité des salmonidés. Ceux-ci ne résistèrent d’ailleurs pas longtemps aux trains de mouches noyées qui leur étaient suggérés. Il était hors de question d’utiliser des appâts vivants dont l’utilisation ne comptait pas parmi leurs habitudes. L’eau était plus claire que jamais et nos pêcheurs scrutaient le lac en parvenant à discerner quelques spécimens situés bien au-delà des bordures.
Ulysse n’avait que trop à l’esprit le fait que Flavian semblait s’être parfaitement décontracté tout le long de cette journée. Mais, pour autant, il considérait plus prudent de ne pas précipiter les étapes. Il n’entacherait donc pas cette sortie qui se présentait sous les meilleurs auspices en prenant des risques inconsidérés susceptibles de la ternir. Une conduite prudente et raisonnée consistait à assurer ces moments de complicité et pourquoi ne pas attendre sagement le retour du lendemain soir à Toulouse ? Il pourrait ainsi compter sur toute la complicité de Roxana, son épouse. Peut-être lui reprocherait-elle d’avoir manqué de courage mais tout ceci n’était rien en comparaison avec un éventuel fiasco qu’elle ne serait pas près de lui pardonner. Il savait pertinemment que toute tentative avortée de sa part ferait l’objet de maints reproches. Sa décision consistant à temporiser fut donc entérinée et l’idée de savourer l’instant présent en ce lieu magique lui était fort agréable.