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À travers les efflorescences d’un jardin extraordinaire, un tableau fascinant, une fantaisie tragique de Schubert, la disparition d’un chapeau ou encore la révélation des atrocités infligées à sa grand-mère pendant la guerre, l’auteur explore les profondeurs de l’esprit humain. Au fil d’une novella, de trois nouvelles et d’une autofiction, la fluidité de sa prose poétique plonge le lecteur dans le monde intérieur de ses personnages. Sous sa plume, le rêve se travestit en réalité, à moins que cela ne soit l’inverse.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Yves Herlemont a déjà publié deux romans, "Lablaque et Blanchard" en 2013 et "Lame Dame Flamme" en 2019. Ses écrits fouillent les relations complexes entre réel et imaginaire. Pour lui, l’investigation est plus importante que les réponses.
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Seitenzahl: 148
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Yves Herlemont
Le jardin faramineux
du docteur Joyeux
et autres histoires oniriques
aux allures de réel
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Yves Herlemont
ISBN : 979-10-422-3952-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
La création (et peut-être même celle de Dieu) se fait toujours par rapport à la réalité, donc parfois contre.
Jean Giono
La porosité, voire l’osmose que je développe entre onirisme et réalité est complètement assumée. Elle est, pour moi, révélatrice d’une condition humaine confrontée à un réel qui dépasse son entendement, celle exprimée chez Platon dans l'allégorie de la caverne. Enchaîné, le visage tourné vers le fond de la grotte, l’être humain est condamné à ne voir du monde que les ombres soumises à son interprétation. Alors, en quête de sens, à la recherche de la lumière, il doit imaginer un univers à sa mesure. Au cours de son passage sur terre, projets, hypothèses, rêves, conjectures, songes, souvenirs, spéculations, souhaits, désirs et réalité insaisissable s'entremêlent et se compénètrent au point que, souvent, il hésite et doute entre ce qui est, et ce qui n'est pas.
Je n’écris pas pour plaire (cela ne signifie pas que je désire déplaire), mais pour libérer ce qu’il y a d’inattendu en moi. C’est une démarche purement égocentrique, je le concède. J'ai bien connu le peintre Francis Dusépulchre sur la fin de sa vie. Il répétait, à qui voulait l'entendre, la phrase suivante : « Lorsqu'un artiste commence à plaire au plus grand nombre, il doit sérieusement s'interroger sur l'authenticité de son art. » En revanche de mes imperfections, je me permets de revendiquer une singularité authentique.
Ce recueil est composé d’une novella (roman court), de trois nouvelles et d’une autofiction.
Y.H
Un ciel pesant étouffe le cimetière. Il laisse fuiter de sa voussure blafarde une bruine qui ruisselle en fines gouttelettes obstinées sur nos visages. L’humidité nous transit, André, le mari de la défunte, Armelle, la sœur de celle-ci et moi que les deux premiers détestent. Nous sommes les seuls à nous recueillir, accompagnés par quelques corneilles croassant dans les larges allées qui séparent les tombes alignées.
Deux hommes, l’un robuste, l’autre plus petit, s’apprêtent à mettre en terre un cercueil en bois clair satiné à l’aspect rustique. Leur tête ne m’est pas inconnue.
À trois, nous les regardons accomplir leur tâche, trop émus pour dire quoi que ce soit. Pour tromper la tristesse qui me submerge, je me concentre sur le trou barlong d’une profondeur de deux mètres, creusé dans la glèbe grasse et collante par les fossoyeurs, tôt ce matin. Je me demande s’ils ont manié pelle et pioche à l’ancienne ou bien manœuvré une petite excavatrice motorisée. Je cherche en vain des traces de chenilles sur le gravier et sur la pelouse.
Je pense qu’Amélie n’aurait pas apprécié la sobriété de ses propres obsèques, elle qui aimait tant le luxe et la somptuosité.
Armelle m’aborde à la sortie du cimetière. De près, je remarque les stigmates du vieillissement : une multitude de ridules lui assaillent le contour des yeux et de la bouche. Elle se tient un peu voûtée. Son menton tremble légèrement, peut-être sous l’effet de la colère. Ses iris sont toujours marron foncé comme ceux de sa sœur. Comme si elle avait lu en moi, elle me porte la contradiction :
— C’est elle qui a voulu cet enterrement simple et intime. Pourquoi es-tu là, Alain ? C’est au moment de sa mort qu’elle te voulait. Elle désirait, avant l’injection létale, immerger son regard dans le tien ; éprouver, une dernière fois, cet amour qu’elle n’a jamais cessé de te porter.
— J’ai longtemps hésité, j’ignorais à quoi m’attendre, je me suis finalement décidé, mais trop tard. Sachant que je n’arriverais pas à temps, j’ai renoncé.
— Tu ne l’as jamais méritée, tu n’es qu’un lâche !
Elle courbe l’échine, secouée par les sanglots. J’ai le réflexe de la consoler, mais je suspends mon élan ; André nous rejoint. C’est à lui que ce geste incombe ; moi, j’ai perdu toute légitimité. Je retourne à ma voiture ; une sensation de désarroi mêlé de culpabilité me noue l’estomac.
Il y a une semaine, à ma grande stupeur, le mari d’Amélie m’a rendu visite dans mon sommeil. André s’est présenté en prenant beaucoup de précautions oratoires. Prévoyant ma surprise, il m’a déclaré, sur un ton qui se voulait bienveillant, mais qui était simplement courtois, avoir eu beaucoup de difficultés à me trouver. L’homme, de grande taille, le visage inexpressif, la chevelure ondulée tirant vers le roux, le teint pâle, les yeux bleus, les lèvres fines, se tenait debout devant moi. Il était muni d’une lettre d’Amélie qu’il me laissa. Il m’informa qu’elle était très malade. Elle a un cancer du foie, en phase terminale, chuchota-t-il, ajoutant : vous savez, elle a beaucoup bu, elle dissimulait son mal de vivre dans l’alcool.
L’enveloppe n’était pas cachetée. J’en ai extrait le feuillet. J’ai tout de suite reconnu son écriture aux lettres amples et régulières et mon cœur s’est mis à bondir.
Mon cher Alain,
Le 25 novembre prochain sera mon dernier jour, celui qui mettra fin à mon calvaire. Mon mari et moi avons programmé une euthanasie. Notre médecin de famille sera là pour qu’à onze heures j’aille rejoindre l’éternité. Je voudrais rassembler une dernière fois toutes les personnes qui ont compté pour moi. Tu en fais partie. J’espère que tu pourras venir au rendez-vous.
Je t’embrasse
Amélie
P.S. Nous habitons Route des Asphodèles. Tu n’auras pas à chercher, c’est la seule maison.
Je suis éberlué ; j’ai des difficultés à exprimer ma surprise :
— Comment savez-vous que je connais Amélie ?
— Pendant les cinquante ans durant lesquels nous avons vécu ensemble, il n’est pas un seul jour qu’elle ne m’ait parlé de vous.
Amélie n’avait existé que dans mes phantasmes d’adolescent puis de jeune adulte. Elle avait fini par complètement oblitérer ma vie sur terre. Heureusement, j’avais réussi à échapper à son emprise. Et voilà que ce personnage, André, créature onirique qui s’était autogénérée en moi et malgré moi, m’entraînait hors de l’espace tangible. Je m’étais assoupi le matin où j’avais découvert le corps inerte de Jeanne, ma compagne et complice. Depuis peu, je ne prenais plus le somnifère que me prescrivait le docteur Joyeux depuis des dizaines d’années pour m’assurer des repos sans cauchemar. J’avais ainsi, de nouveau et involontairement, franchi la porte qui donne sur le monde imaginaire. Quel chemin allais-je devoir emprunter pour m’extirper de mon rêve ? Jeanne n’était plus en mesure de m’aider. Il était donc nécessaire que je découvre seul la faille, l’ouverture qui me ramènerait dans la réalité.
Je n’avais pas eu le courage de participer à la mise en scène de la mort de mon ancienne amoureuse virtuelle, organisée par elle-même. La visite au cimetière n’avait pas eu l’effet escompté : provoquer un choc émotionnel suffisant pour me réveiller. À présent, réfugié dans mon auto, à l’abri des regards grâce au rideau de pluie qui dégouline sur les vitres, je m’attache à faire ressurgir les images d’un passé que je croyais révolu à jamais. J’ai le secret espoir qu’elles m’aideront, en les rétablissant dans leur chronologie, à sortir définitivement de l’univers parallèle dans lequel la visite d’André m’a réintroduit. Je décide donc de reconstituer le fil de ma vie à partir de mon adolescence pour obtenir la clé du passage.
À dix-neuf ans, mes professeurs désespéraient de moi. Je n’arrivais pas à terminer mon école secondaire, rien ne m’intéressait, je vagabondais, à tout moment, dans mes songes. Je ne perturbais pas les cours, m’adressant toujours poliment à l’enseignant lorsqu’il me questionnait, mais je ne connaissais jamais la réponse. Julien ne fera jamais rien de bon, prophétisait le proviseur d’un ton lugubre. Les études avaient cessé de me concerner, tout simplement. Je ne perdais pas la moindre occasion de m’évader pour retrouver Amélie ou plus exactement son image, belle et inaccessible. Elle était devenue mon unique raison de vivre. La direction ne permit pas que je triple mon année. Il fallait que je trouve un nouvel établissement qui veuille bien accueillir un cancre de mon espèce. Comme je n’étais plus en âge d’obligation scolaire, mes parents me trouvèrent du travail (nous étions à la fin des années soixante sous le régime du plein emploi) dans une compagnie d’assurances, Atouts Risques. Jacques, un vieux camarade de mon père, y occupait un poste de cadre depuis plus de trente ans ; il m’affecta à une fonction où je devais effectuer du classement de dossiers selon des critères qu’il m’avait exposés, pendant une demi-journée, avec moult détails. Je n’écoutais que d’une oreille, mon principal souci étant de me replonger dans une somnolence propice à des retrouvailles avec ma déesse Amélie. Je fus licencié au bout de ma période d’essai pour inaptitude mentale.
Dorénavant, cloîtré dans ma chambre, je demandai à mes parents la permission de prendre les repas seul. Il me fallait éliminer toute intrusion parasite m’empêchant de retrouver ma bien-aimée, personnage ectoplasmique dont je pouvais tracer la silhouette pendant des périodes de très grande concentration. J’avais l’impression que plus je m’enfoncerais dans ma conscience, plus la carnation de l’être que je désirais intensément deviendrait précise telle une mise au point photographique qui convertit un contour flou en sujet net. Ainsi, pendant quelques minutes seulement, je parvenais à distinguer les traits de son visage, les reliefs de son corps, la texture de sa peau. Je m’endormais alors complètement épuisé dans un sommeil de plomb. Au réveil, la lourdeur du vivant m’accablait si fort que je ne trouvais de solution à mon mal que dans la fuite onirique.
Comme je maigrissais à vue d’œil, ma mère affolée appela notre médecin traitant. Celui-ci, devant la gravité du cas, estima que je présentais un danger pour moi-même. Il préconisa un internement dans une clinique psychiatrique tenue par un confrère de confiance. Je devais y entrer pour une courte période. Rapidement, on me diagnostiqua une dysphorie aiguë qui se manifestait par une intolérance persistante au milieu ambiant. C’est comme si je me fabriquais une pellicule imperméable me protégeant de la vraie vie. Seul un traitement à l’aide d’un cocktail de psychotropes puissants pourrait un jour me délivrer de mon délire.
D’après le docteur Joyeux, le psychiatre qui s’occupait particulièrement de mon cas, je devais vivre ma passion amoureuse jusqu’à son terme pour m’en trouver libéré et reprendre enfin une existence normale. Cela prendra du temps, ce sera progressif avec des rechutes, mais on y arrivera, m’encourageait le médecin.
Les drogues que l’on m’administrerait devaient m’aider puissamment à pénétrer l’univers clos de mon moi intérieur. Il suffisait que je m’allonge pour que le voyage commence…
La première personne qui m’est apparue ne fut pas Amélie, mais une jeune femme à peine plus âgée que moi. J’étais assis dans le bureau que j’occupais chez Atouts Risques. Elle voulait des renseignements sur les termes d’un contrat d’assurance automobile qu’elle projetait de conclure, surtout sur ceux inscrits en petits caractères, insista-t-elle. Devant mon air ébahi, elle éclata de rire. Elle n’était pas du tout fâchée et continua la conversation sur un ton badin. C’est ainsi que j’appris qu’elle poursuivait une licence en droit, qu’elle s’appelait Armelle et qu’elle allait bientôt fêter l’anniversaire de sa sœur. Il s’agissait d’une petite sauterie organisée chez elle le lendemain soir. Avant de sortir, elle me déclara, en me prénommant Alain, que j’y serais le bienvenu. Je n’ai pas osé la contredire, Alain ou Julien, quelle importance ! J’ai supposé qu’elle me trouvait plutôt mignon. Pour ma part, quoique sympathique, elle ne me plaisait que moyennement, sans doute à cause de mon attachement compulsif à Amélie. Je pensais donc ignorer cette invitation. Je m’y suis pourtant rendu, mû par je ne sais quel pressentiment.
L’appartement d’Armelle était situé au deuxième étage d’une ancienne maison bourgeoise à proximité du Solbosch, le quartier de l’université. Lorsque la locataire ouvrit la porte, je faillis prendre mes jambes à mon cou, tant je me sentais submergé par le tumulte des conversations qui s’échappait de l’intérieur. Je détestais le genre de situation où il faut parler plus fort que les autres de tout et de rien, apparaître spirituel et enjoué, étonner par sa personnalité, tous rôles qu’il m’était impossible de tenir.
Armelle, devinant mon désarroi, me saisit gentiment le bras pour m’introduire dans la pièce et présenta Alain à la cantonade. Je crus défaillir, car le brouhaha s’arrêta net. Des gens bien habillés scrutaient mon parka avec moi dedans. Je ne pus que bredouiller un inaudible bonsoir. C’est à ce moment précis que j’aperçus Amélie, assise dans un fauteuil au fond, près d’une fenêtre haute donnant sur la rue. À côté d’elle, une chaise m’attendait. Alors que les discussions reprenaient crescendo, Armelle, toujours bienveillante, m’y conduisit non sans m’avoir débarrassé de mon encombrant et disgracieux pardessus.
Amélie, la sœur aînée d’Armelle, était plus éblouissante que jamais. J’étais assis près d’elle, tous mes sens en émoi. Je humais avec délice la fleur d’oranger qu’exhalait son corps. Je goûtais les mots qui fleurissaient dans sa bouche, ses lèvres soyeuses laissant furtivement deviner une petite langue pointue. Sa voix chaude et grave me rendait inattentif aux paroles qu’elle m’adressait. Surtout, elle m’hypnotisait en me regardant droit dans les yeux, ses iris vibrant comme deux olives noires gorgées de suc. De quoi nous sommes-nous entretenus ? Ma vie était d’une pauvreté affligeante, mais quelques verres de vin suffirent pour que j’improvise une description délirante de mon travail chez Atouts Risques, tournant en dérision les classements des sinistres (quelle expression !) que j’étais censé effectuer. Je me lançai également dans une imitation grotesque de Jacques, mon supérieur, dans ses manies et travers de gratte-papier. Le rire d’Amélie me donnait confiance, son regard pétillant m’encourageait. D’elle, j’appris qu’elle était cadre dirigeante dans une importante multinationale en télécommunications, qu’elle parlait plusieurs langues et qu’elle voyageait beaucoup. Elle avait trente ans, moi, dix-neuf et pourtant, à la fin de la soirée, elle me donna son adresse et nous prîmes rendez-vous. Je n’en revenais pas ! Comment était-ce possible ?
Le réveil fut douloureux, ma bouche était pâteuse, ma peau grasse, mon pyjama humide de transpiration. Une douleur sourde m’encageait le crâne. Je m’interrogeais avec dérision : avais-je trop bu de vin pendant mon sommeil ?
Dans la chambre que l’on m’avait octroyée, je m’appelais Julien, le prénom que mes parents m’avaient attribué, j’avais perdu mon premier emploi et je détenais le privilège d’être le plus jeune pensionnaire de l’institut psychiatrique où l’on m’avait colloqué. Malade mental était l’étiquette que je me collais sur le dos, n’ayant même pas besoin du regard des autres pour établir ce constat désespérant. Une peur panique me comprima soudainement la poitrine, je débutais une crise d’angoisse. J’appelai l’infirmière qui répondait au prénom de Joséphine. Sans âge, les joues rebondies et lisses, mais les paupières fatiguées, un petit embonpoint à la taille, elle se montrait compatissante à mon égard. Conduisez-moi chez le docteur Joyeux, lui soufflai-je, au bord de la syncope. Il me reçut rapidement.
Le psychiatre m’administra un relaxant avant d’écouter avec la plus grande attention la relation de mon dernier rêve. Puis, satisfait, il me déclara :
— Voilà un bon début ! Vous avez enfin lié connaissance avec votre obsession.
— Je vais pouvoir continuer ?
— Il le faut, si vous voulez vous en débarrasser un jour.
— Mais je n’ai aucune envie de m’en débarrasser, au contraire.
— Nous verrons cela plus tard… Pour le moment, utilisez vos périodes d’éveil pour renouer un contact tangible avec le réel. Joséphine va vous aider, je lui ai fourni un protocole pour y arriver, faites-lui confiance.
Joséphine m’avait préparé des vêtements propres. Faites votre toilette, je reviens dans dix minutes, nous irons promener dans le parc du château, m’annonça-t-elle d’une voix pétrie d’aménité.
Le mois de mars était frais et ensoleillé. Les bourgeons pointaient, des jonquilles et des jacinthes coloraient les taillis, encore nus de l’hiver, par touffes éparses jaunes et bleues. Surtout, des oiseaux piaillaient à cœur joie, se racontant des histoires aussi exaltantes que mouvementées qui malheureusement m’étaient totalement inaccessibles.
— Vous savez reconnaître le chant des oiseaux ?
Joséphine avait jeté un châle noir, épais sur ses épaules et retiré sa coiffe blanche. Elle avait de longs cheveux châtains nattés en un volumineux diadème. Elle parlait pour me faire sortir du mutisme dans lequel je m’étais cantonné.
— Non, je n’y connais rien, c’est le mélange des sons qui me séduit, une apparente cacophonie dont il faut s’imprégner pour en comprendre l’harmonie. Je trouve cela très apaisant.
— Si vous voulez, je peux vous apprendre…
Je n’avais pas envie d’étudier quoi que ce soit. Je ne ressentais aucune appétence pour les prises de tête. Trier, classer, répertorier, ne m’intéressait pas. Pis, cela m’horripilait depuis ma courte expérience chez Atouts Risques.
Étranger à mon environnement, je me contentais de coexister avec lui à fleur de peau, même si, parfois, je pouvais lui découvrir quelques aspects agréables.