Le Soliton de Peregrine - Jean-François Huet - E-Book

Le Soliton de Peregrine E-Book

Jean-François Huet

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Beschreibung

L'enquête secrète d'un étudiant en philosophie...

Étudiant en philosophie, Alexandre Mestrallet postule pour une vacation à l’Académie d’Avalenn, établissement pour jeunes filles situé sur une île au large du Finistère. Sous couvert de ce travail, il est secrètement missionné pour enquêter sur la mort étrange de celle qu’il vient remplacer. Cependant, dès son arrivée, sa tâche s’annonce difficile. Entre direction dysfonctionnelle, collègues dépressifs et lycéennes provocantes, Alexandre va devoir composer pour se faire accepter au sein d’une communauté insulaire haute en couleur. Sans le savoir, il va déclencher un compte à rebours fatal. Parviendra-t-il assez vite à comprendre les enjeux de pouvoir à l’œuvre et à lever le voile sur certains lourds secrets ? Ou sera-t-il rattrapé par ses propres démons ?

En suivant pas à pas l'enquête d'Alexandre, plongez dans l'atmosphère d'une île au large du Finistère, et découvrez une communauté haute en couleur !

EXTRAIT

– Vitrine, tu as trouvé le bon mot. Avalenn est devenue la vitrine électorale de madame Destray : maire en 1995, sénatrice en 2011. Où s’arrêtera son ambition politique ? Mais si on creuse derrière ce succès de façade, que trouve-t-on ? Des conflits d’intérêts en cascade entre Destray-femme politique et Destray-chef d’entreprise ! Elle a transformé ses administrés en obligés. Que se passerait-il s’il lui prenait l’idée de délocaliser l’Académie sur l’île anglo-normande d’Aurigny, un paradis fiscal encore plus proche des côtes françaises qu’Avalenn ? Notre île serait ruinée. Nous sommes devenus totalement dépendants de son système clientéliste. Je te le dis, il est grand temps de réfléchir à l’après Destray.
– Si tu pouvais être objective de temps en temps… Depuis quinze ans, notre niveau et notre qualité de vie ne se sont-ils pas nettement améliorés ?

A PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-François Huet est né en Cornouaille en 1970. Après des études d’ingénieur à Grenoble et une agrégation de physique à Rennes, il enseigne depuis vingt ans au lycée Clemenceau de Nantes. Le Soliton de Peregrine, son second roman, peut se lire indépendamment du précédent, premier tome de la trilogie Votez Kalysto.

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Jean-François Huet

Le Soliton de Peregrine

À mes premiers lecteurs qui m’ont encouragé à commettre ce deuxième roman,

À mes relectrices et relecteurs qui, par leur bienveillante exigence, m’ont permis de l’améliorer,

Et, tout particulièrement à Hélène, Titouan et Claire :

MERCI !

« The truth is rarely pure and never simple. »1

Oscar Wilde – The Importance of Being Earnest

1 La vérité est rarement pure et jamais simple

Chapitre 1 Fortune de mer

Les paupières closes, j’écoutais Façades, l’hypnotique musique à structure répétitive de Philip Glass. J’imaginais une série de vaguelettes interférant pour former un mur d’eau gigantesque. Un soliton de Peregrine. Voilà par quoi, dans mon souvenir, les physiciens modélisaient ce phénomène naturel aléatoire, aussi exceptionnel que monstrueux.

J’ouvris les yeux. Point de vague scélérate à l’horizon ce 27 décembre en mer d’Iroise. Juste une houle d’ouest régulière qui entretenait le roulis de la Marie-Morgane. Le ferry ralliait Rosker à Porz Artus, le bourg de la commune insulaire d’Avalenn. Avec six cents âmes sur ses treize kilomètres carrés, cette forteresse de granit « hostile mais pleine de charme » défiait l’Atlantique à douze milles du continent. Le destin m’y portait.

Je n’aurais jamais dû me contenter ce matin-là d’une petite viennoiserie trop grasse pour caler le café serré et le pseudo jus d’orange. J’étais irrémédiablement nauséeux, au point de douter de la pertinence de ma « mission ».Pourquoi ne pas avoir refusé, poliment mais fermement, la demande d’un vieil universitaire de mener une contre-enquête sur la mort d’une ancienne collègue philosophe ? Au lieu d’être malade à crever sur ce fichu rafiot battu par les embruns, j’aurais été à Paris, au chaud, serein, à préparer le réveillon de la Saint-Sylvestre avec mes amis… Mais d’amis, je n’en avais plus, depuis que le professeur Huitric m’avait choisi, moi, pour être son dernier thésard à Harvard.

Ma nuit blanche dans la grande ville portuaire de Rosker n’arrangeait rien à l’affaire. Un visage affreux m’avait hanté. Maintenant, quand je fermais les yeux, espérant contrôler mes haut-le-cœur, toujours me revenait à l’esprit cette tête livide, boursouflée avec ses vilaines balafres aux joues. Elle me poursuivait donc, semblant me répéter « Memento mori »2. C’en était trop. Je courus m’accrocher au bastingage pour vomir. Même si désormais je ne crachais plus que de la bile, je peinais à réfréner les contractions de mon estomac. Une main puissante se posa sur mon épaule :

« Alors jeune homme, on n’a pas le pied marin. Prenez-en donc une gorgée pour vous remettre. »

L’effet de surprise eut raison de mes spasmes. J’ôtai mes écouteurs et me retournai pour découvrir le solide gaillard à la barbe rousse qui, tout à l’heure, était monté à bord avec son VTT et un sac à dos plein à craquer. Il me tendit une flasque en métal recouverte d’une gaine de cuir passablement usée. Je m’en servis une lampée comme il m’y invitait avec instance.

Une onde de chaleur tourbée traversa ma bouche et mon œsophage. Mes yeux s’embuèrent. Je toussotai.

« Hmm, puissant et original ce whisky…

–Cent pour cent blé noir !

–Production personnelle ?

–Pour ainsi dire. Mon neveu a ouvert sa petite distillerie il y a six ans. Je l’aide un peu pendant les vacances scolaires.

–Seriez-vous enseignant ?

–Oui. En SVT, à l’Académie d’Avalenn.

–Enchanté. Alexandre Mestrallet, lui dis-je en serrant sa main avec enthousiasme. Nous serons peut-être collègues prochainement.

–Armel Kemener. Enchanté… Vous venez postuler pour le poste de philo et maths ?

–Exactement.

–Le profil est plutôt atypique. Sans être trop indiscret, comment possédez-vous cette double compétence ?

–Je suis entré à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm sur le concours sciences. J’ai eu la possibilité d’y suivre en première année un séminaire de philosophie animé par le professeur Huitric qui enseigne à Harvard. Cela m’a donné l’envie d’en découvrir plus. Assez déjà pour être reçu dans les premières places à l’agrégation de philosophie en juillet dernier.

–Et avec un tel classement, l’inspection générale ne vous a pas proposé un poste en classes préparatoires ?

–Si, mais j’hésite encore terriblement entre l’enseignement et le doctorat. Alors, j’ai négocié une année de césure.

–Il vous reste maintenant à convaincre la responsable de l’Académie…

–Je ne m’en fais guère pour cela ! »

2 Souviens-toi que tu vas mourir

Chapitre 2 La Tsarine

« Silence ! Assis ! »

Je pris place prestement sur la sellette disposée devant un imposant bureau Empire à pieds en gaine surmontés de sphinges. Je compris alors que les ordres s’adressaient aux deux malinois qui précédaient l’arrivée de « Madame Gabrielle Destray » qui savourait visiblement son effet.

Tailleur anthracite, chemisier rouge un peu étroit, élégant collier de perles, la voilà qui s’avançait vers moi dans des effluves d’ambre, de santal et de musc. Elle me tendit la main. Je me relevai pour recevoir une poignée de main des plus viriles. Alors que les deux molosses haletants, assis côte-à-côte, me fixaient méchamment, elle s’installa tranquillement, face à moi, dans un élégant fauteuil en acajou.

Avec sa crinière poivre et sel savamment domptée, madame Destray assumait sa cinquantaine finissante sous un maquillage sobre. Contrairement à d’autres femmes de sa prestance qui, à coups de bistouris ou d’injections de toxine botulique, auraient cherché à estomper les marques du temps, elle affichait fièrement quelques plis d’acrimonie au-dessus des lèvres, des cernes un peu marquées sous les yeux et, de franches rides de lion scellant son tempérament irrémédiablement revêche.

Elle ôta ses lunettes. Pendant de longues minutes, elle parcourut avec la pointe de son stylo-plume mon dossier de candidature, soulignant ici, ajoutant des points d’interrogation là. Régulièrement, elle relevait vers moi ses yeux scrutateurs de myope. Sachant que deux de mes anciennes camarades de promotion avaient décliné la semaine précédente la proposition à cause du célibat professionnel qu’impliquait cet emploi, je me considérais objectivement en position de force. Je souriais donc intérieurement face au faux suspense que la directrice cherchait à entretenir. Mon regard s’attardait sur les éléments de décoration raffinée de cette grande pièce qui dominait, côté nord, la cour centrale heptagonale, et offrait, côté sud, une vue imprenable sur la côte sauvage d’Avalenn.

Les larges fenêtres étaient bordées de lourds rideaux en velours de soie pourpre constellés de petits motifs dorés que je peinais à distinguer.

« Des abeilles », me souffla madame Destray qui avait perçu mon regard perplexe. « On ne mesure pas combien ces petites bêtes peuvent nous être utiles. » J’opinai du chef poliment sans saisir encore la portée de sa remarque.

Mon attention se porta sur un portrait de jeune fille posé sur le plateau en porphyre finement ouvragé d’une commode. S’il n’y avait eu ces yeux si intensément bleus, on aurait pu croire, au premier abord, à un tirage en noir et blanc tellement les longs cheveux étaient de jais, la carnation d’albâtre et les lèvres fines d’un rose si pâle. Beauté et innocence. J’imaginai Ronsard déclamant son ode à Cassandre. Et, tout à ma rêverie, de ma bouche s’échappa :

« Comme à cette fleur la vieillesse Fera ternir votre beauté. »

Madame Destray s’en saisit, et dit :

« Mon bon Monsieur, merci de me rappeler que le temps sur moi a fait son œuvre.

–C’est que je… »

Elle me coupa sans me laisser le temps de me confondre davantage en excuses.

« Mais revenons plutôt à votre curriculum vitae. Second au concours général de mathématiques en 2012, troisième à l’agrégation de philosophie en 2018. Eh bien, contrairement aux bons vins, on ne peut pas dire que vous vous bonifiiez avec le temps !

–Mais, je…

–Heureusement, vous n’êtes pas ici pour votre brillante conversation mais pour vos supposées qualités universitaires. Alors, restons-en là pour aujourd’hui. Vous disposez d’un peu plus d’une journée pour élaborer une leçon de quatre-vingt-dix minutes sur Simone de Beauvoir figure de l’existentialisme. Nous vous écouterons demain à treize heures trente à l’amphithéâtre ADN.

–Un amphithéâtre de biologie ?

–Quelle idée ! Je vous parle de l’amphithéâtre Alexandra David-Néel.

–Ah…

–…LEX-AN-DRA DA-VID NÉ-EL, l’orientaliste, spécialiste du Tibet ! Si le Professeur Huitric n’avait pas apporté personnellement son soutien à votre candidature, notre entretien se serait déjà clos. Disons que vous devez avoir des qualités, mais alors très bien cachées… Pour préparer votre cours de demain, vous aurez un accès illimité au fonds de philosophie de notre centre de documentation ainsi qu’aux livres numérisés des plus grandes bibliothèques. Ce badge personnalisé sera votre sésame le temps de votre séjour à l’Académie. Je vous conseille de le porter en médaillon, jour et nuit, comme tout le monde ici.

–Euh… merci. »

Elle se leva. Je l’imitai. En me retournant, j’aperçus, dans la cour, au sommet d’une colonne, une statue que faisait resplendir le soleil maintenant à son zénith. Pour détendre l’atmosphère particulièrement pesante, je me risquai :

« Cette statue de Saint-Michel Archange est magnifique !

–Vous y voyez un homme ! Mon pauvre ami, je ne sais pas si c’est plus du secours d’un ophtalmologue ou d’un psychiatre dont vous avez besoin. Avec son casque et sa lance en or, son bouclier orné de la tête de Méduse, l’égide frangée de serpents empruntée à son père, même la plus empotée des pensionnaires débarquant ici aurait reconnu…

–Athéna Nikè… »

Me serrant la main avec sa droite et me poussant dans le dos avec sa gauche, elle me raccompagna au pas de charge jusqu’à la porte :

« Nous mettrons tout cela sur le compte d’une grosse fatigue. J’espère vous retrouver plus alerte demain. Ma secrétaire va vous présenter les lieux et vous accompagner jusqu’au petit appartement que nous réservons à nos hôtes de passage. Une dernière chose, jeune homme, c’est la dernière fois que vous m’imposez cette haleine chargée de mauvais whisky. Ni alcool, ni cigarette, ni autre drogue ne sont autorisés dans l’enceinte de l’Académie. »

C’est généralement à ce stade d’inconfort que vient la délivrance : le réveil sonne… Je n’eus pas droit à cette grâce. Mon cauchemar se poursuivit avec miss Miranda Huffington. Petite pimbêche anglaise vissée sur talons aiguilles, aussi appétissante qu’un loukoum racorni apprêté pour halloween, elle brillait, espérais-je, plus par son bilinguisme que par son aménité. Elle me guida sans souffler mot jusqu’au studio. Au lieu d’essayer de me repérer dans ce dédale, je ressassais ma rencontre avec madame Destray.

Jamais je ne m’étais senti aussi humilié depuis dix ans, depuis cette nuit où ma tante m’avait surpris devant l’écran large de l’ordinateur familial essayant, en vain, de fermer les fenêtres de sites porno qui, telles les têtes de l’Hydre de Lerne, se dédoublaient au lieu de disparaître à chaque clic.

Enfin seul dans ma chambre, en guise de thérapie post-traumatique, je m’allongeai sur le grand lit, chaussai mon casque audio et lançai, ad libitum, l’album Nevermind de Nirvana. Je ressentais le besoin impérieux de replonger dans la matrice musicale de mon adolescence qui avait fait de moi un grand fan de rock et de metal.

Chapitre 3 Grand oral

« Monsieur Mestrallet, vous avez donc quatre-vingt-dix minutes, et pas une de plus, pour faire vos preuves. »

C’est ainsi que commença mon oral de recrutement le vendredi à 13 h 28. Madame Destray, assise au troisième rang déclencha ostensiblement son minuteur. J’en fis de même discrètement sur mon portable.

La veille encore, j’aurais été bien en peine de parler sérieusement plus de vingt minutes de l’autrice du Deuxième Sexe. Mais je disposais d’une méthodologie solidement éprouvée pour donner le change pendant une heure et demie et tenir la dragée haute à tout contradicteur non spécialiste. Dans ce genre d’exercice de style où l’important est de convaincre, l’exactitude est secondaire. Évoluant dans une époque dont je méprisais la superficialité, je n’avais aucun scrupule à adopter la posture de Gorgias3 plutôt que celle de Socrate.

Madame Destray passa bien quarante minutes à pianoter sur son ordinateur pendant mon exposé. Indifférence réelle ou feinte ?

La conclusion, que j’avais particulièrement soignée, fit enfin mouche et réussit à lui arracher l’amorce d’un sourire, qu’elle réprima aussitôt. Elle qualifia de « convenable et assez originale » ma prestation. Cependant elle trouva à redire sur ma propension à me mettre trop en avant :

« Monsieur Mestrallet, on vous saura gré, au sein de cette Académie, de préférer le “Elle” au “Je” ».

Je fis mine d’acquiescer même si, en mon for intérieur, j’étais convaincu que la qualité d’un pédagogue se juge plus dans son commentaire personnel que dans sa présentation objective de la problématique.

En me tendant une tablette tactile, elle poursuivit :

« Votre contrat de travail débutera le lundi 7 janvier à 7 h 30 après signature des différentes chartes de notre établissement et prendra fin le vendredi 28 juin à dix-neuf heures après restitution de votre badge et de l’ordinateur professionnel que voici. Il vous donnera accès à l’Intranet et, contrairement à la version élève, à l’Internet. J’y ai intégré votre agenda professionnel, vos cahiers de texte, la liste des élèves inscrites à vos cours, les programmes de mathématiques et de philosophie que vous aurez à traiter d’ici la fin de l’année scolaire. Vous allez être très occupé d’ici la rentrée de janvier pour préparer tout ça.

« Pour vous faciliter la vie, j’ai décidé de vous allouer une prime d’installation de deux mille euros. Elle sera sur votre compte dès lundi prochain. L’internat rouvrira ses portes le samedi 5 janvier à quatorze heures. Vous pourrez occuper le l’appartement des invités jusqu’à la veille dix-huit heures. Il vous faudra au-delà trouver un logement dans l’île. Je vous conseille la pension Gloaguen à Porz Artus, un petit hôtel tout à fait convenable.

« Pour ce qui est de votre bureau d’enseignant à l’Académie, vous occuperez celui de madame Ildut, la pièce 237, avec sa tourelle d’observation astronomique. Sa bibliothèque personnelle s’y trouve encore. En temps scolaire, il vous sera accessible avec votre badge, du lundi au vendredi, entre sept et dix-neuf heures. Mais d’ici vendredi prochain, vous serez exceptionnellement libre d’aller et venir vingt-quatre heures sur vingt-quatre, y compris dans le centre de documentation. Je viens de paramétrer vos autorisations. Miss Huffington, notre secrétaire rentrée hier, assurera sa permanence à l’Académie pendant le reste des vacances. Elle a écourté, spécialement pour vous, son pèlerinage annuel dans son Hampshire natal. Quant à moi, je mettrai le cap dès ce soir vers les Canaries.

–Eh bien, madame Destray, je vous souhaite alors de belles vacances à La Palma, Tenerife, La Gomera, Gran Canaria, Lanzarote ou Fuerte Ventura…

–Bien essayé, jeune homme. Mais pour moi cette année, ce sera El Hierro ! »

Elle était visiblement d’humeur moins massacrante que la veille. Réjouie, sans doute, à l’idée de réveillonner au soleil, rassurée d’avoir trouvé in extremis un remplaçant à madame Ildut.

3 Enseignant de rhétorique qui inspira un Dialogue à Platon

Chapitre 4 Tête à tête

Michel Eyquem de Montaigne !

Depuis plus d’une demi-heure, je me tournais et me retournais dans mon lit. Souvent, les pensées envahissantes qui s’invitent le soir renvoient à un événement de la journée. Mais là rien de tel. J’avais certes passé la fin d’après-midi et toute la soirée à étudier le programme de philosophie de terminale littéraire, à prendre des notes et à dresser une liste de livres de référence à consulter dès le lendemain matin. Mais aucun ne concernait l’humaniste gascon.

Je me levai donc, et me vêtis chaudement. Muni de ma lampe frontale, j’entrepris un grand tour du propriétaire : « À nous deux, Avalenn ! »

L’Académie était un vaste bâtiment heptagonal de trois niveaux. Il était difficile d’imaginer de l’extérieur la taille réelle de l’édifice tant il avait été savamment intégré au paysage de landes et d’affleurements granitiques qui l’entourait. Les étages de treize cents mètres carrés chacun encadraient la cour intérieure de même surface, au centre de laquelle trônait la déesse tutélaire de la capitale grecque.

L’entrée principale se situait dans l’aile nord-est qui abritait au rez-de-chaussée la direction, la vie scolaire, l’infirmerie et les cuisines, au premier étage le grand réfectoire et au dernier le vaste centre de documentation. Les amphithéâtres, salles de cours et bureaux des enseignants occupaient les côtés « Est » et « Sud-Est ». Dans l’aile exposée plein sud se trouvaient la piscine d’eau de mer et le gymnase et, aux étages, les appartements de madame Destray. Les trois derniers septièmes de l’Académie étaient dévolus à l’internat, aux chambres individuelles des cent vingt internes. Des couloirs, issus de chacune des ailes, convergeaient vers un grand hall souterrain éclairé par des puits de lumière, facilitant ainsi les déplacements à travers l’Académie en toute saison.