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Nejma est une épouse heureuse et comblée qui mène une vie confortable à Paris. Lors d’un voyage pour le Maroc, elle partage son siège avec un curieux inconnu qu’elle trouve irrésistible. Dès lors débute une histoire d’amour qui va briser toutes les barrières sociales et culturelles de Nejma. Cette rencontre est-elle providentielle ? Et si Jean-Christophe était un pari risqué ?
À PROPOS DE L'AUTEURE
La soif de liberté de
Halima Alaoui, ses envies et ses désirs ont trouvé refuge dans la lecture et l’écriture. Elle écrit ses secrets qu’elle ignore, elle écrit pour exister.
Les amants de Marrakech est son premier ouvrage.
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Halima Alaoui
Les amants de Marrakech
Roman
© Le Lys Bleu Éditions – Halima Alaoui
ISBN : 979-10-377-8221-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pour Papa et Maman,
à Fatimezohra, Meriam, Kenza
et Moulay Hicham.
J’ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l’indifférence.
Anatole France
5 mai 2015, je me présente au bureau d’embarquement de Transavia. Ma vie va changer à jamais, je ne le sais pas encore. Je ressens toujours avant un départ en avion, surtout pour le Maroc, une sorte d’excitation, une sorte d’émotion. Au guichet, j’apprends que les vols à venir sont retardés, je dois attendre un moment, un incident technique bloque tous les ordinateurs de l’aéroport d’Orly. Les autres voyageurs s’échauffent… On râle… on vitupère… on téléphone ! Ambiance lourde. Quant à moi, je suis là, sage, tranquille pendant la réparation. Une heure et demie d’attente. Que faire d’autre ? J’ai comme toujours un livre avec moi, je m’assieds un peu à l’écart. Je me ferme à toute sollicitation. Voluptueuses délices de la lecture ! J’entre dans mon livre.
Les réparations avancent. Quelques annonces semblent prometteuses. Les voyageurs se rassemblent. Le vol s’approche, l’hôtesse, une femme métisse tout en sourire, me confirme ma place au troisième rang, je compte les sièges… Ma travée, un siège où je vois un homme, un bel homme assis, là… Il est de dos. Au fond de moi, je me sens attirée par sa présence, j’ai besoin de voir son visage, je le sens… Je m’approche de lui, je le vois, il est beau. Je le regarde à la dérobée… Je lui demande pardon, l’informe de mon passage vers le hublot. Courtois, il se lève, il me facilite le passage, je sens que nos jambes se frôlent. Émotion… Nos regards se cherchent… Je m’assieds près de la fenêtre. Je crois ne pas l’avoir laissé indifférent. Je sens poindre un trouble en moi.
D’habitude, c’est mon mari qui s’assied à côté du hublot. En avion, alors qu’une certaine tension pousse de nombreux voyageurs à bouger, se déplacer, voir et se faire voir, moi je suis calme, tranquille… J’aime regarder le ciel et, au-delà, les nuages…
Je prie pour que le siège central entre nous deux reste vide, libre, vacant… Il va rester libre, il doit rester libre ! Alors, le désir va se poser là. Un désir qui me tord le ventre… un désir qui s’installe au creux de moi… Je sens que je perds pied… Non seulement je vacille, mais je prie, j’implore Dieu et les dieux que cet homme, toujours inconnu, ait les mêmes désirs que moi !
Cet homme, irrémédiablement, attire mon regard. J’entends à peine sa voix, je me demande si je ne vis pas dans un sortilège. Je perds le fil du réel.
Nos regards se croisent, je suis certaine que nous avons le même trouble, les mêmes désirs. Le réel s’efface. Mon vœu ardent a été entendu. Nous sommes seuls… pas « d’autre » entre nous ! Je ressens la vague du contentement, peut-être du bonheur.
Je me retiens de le regarder encore. J’en ai fortement envie. Je bouge la tête, fais tout pour ne pas le regarder, mais un peu tout de même… Je le vois qui se cale dans son siège, il cherche l’endormissement, ses yeux se ferment. Il a un beau visage, une peau magnifique, sa mise est soignée, ses cheveux bien coupés, comme les enfants et les adolescents de la classe supérieure. Élégant, sans être affecté. Je l’imagine plus jeune, lycéen ou étudiant, maniant « l’ablatif absolu », ou une réflexion sur « la violence des totalitarismes », avec aisance et efficacité. Une autre image, il est en short et en maillot de sport… il passe… on le regarde… Un corps de rêve. Il rayonne, si à l’aise !
Maintenant, il dort et il est beau, encore.
Mon esprit se met à errer… Mes sens s’éveillent… Je perds un peu les bornes du réel, je divague. Je me lève, il est dans un vrai fauteuil de salon. Je le regarde… Je m’agenouille. Mes mains s’approchent de son pantalon… Je touche le tissu… Mes doigts défont sa ceinture… J’aperçois l’étoffe, elle dissimule l’objet de ma concupiscence… Non ! Mon désir est honteux, inavouable, inacceptable ! Un fantasme traverse mon conscient… J’ai le plaisir, pas la faute ! Je suis une fille sage… je suis une femme sage… et pourtant… Je ferme les yeux… Fort !
Je reviens… Je dois détourner mon attention, j’allume mon cell-phone, je mets mes écouteurs. Je me transporte dans l’absolu : Klaus Nomi, un interprète dément, dont la voix me bouscule… Il chante « Samson et Delilah »… Je regarde mon voisin, il s’éveille doucement, il a un regard sublime, ses yeux bleus m’attirent, encore…
Un moment s’installe, on nous offre une collation, je ne sais pas si je veux du thé ou du café. J’aimerais dire « comme lui » ou « comme vous ». Impensable ! Il m’attire comme un aimant. J’apprends qu’il se prénomme Jean-Christophe, cela lui va bien, souvenir de lectures au lycée… Moi, Nejma… Où vais-je ?
Je ferme les yeux, applique mes écouteurs. J’écoute Klaus Nomi, il chante « mon cœur s’ouvre à ta voix », de Samson et Delilah, pendant que mon cœur s’ouvre aux voix passionnées de l’opéra.
Le soleil tombe vers l’ouest. Un de ses rayons d’or me réveille. Mon esprit reprend vite le contrôle de la situation.
Je constate avec satisfaction que personne ne s’est installé entre nous. Nous échangeons, lui et moi, un regard de contentement et de plaisir, le destin nous est favorable. J’ai l’impression que mon voisin lui aussi prie pour que la place reste vacante. Il s’est aussi endormi un peu. C’est la collation servie qui nous tire de notre sommeil. Le moment porte facilement vers l’échange et la parole. L’homme commence à me parler, à se présenter. Il demeure dans un riad, à Marrakech, et aussi dans le XIIIe, à Paris. Je trouve son histoire proche de la mienne, je me sens en proximité avec lui, comme deux personnes du même pays ou de la même ville, à l’autre bout du monde. Je ne le connais pas du tout. Sans hésitation aucune, je lui montre les photos de ma maison. Avec simplicité, je lui dis tout de suite que je suis mariée et que je n’ai pas d’enfants par choix. J’ignore d’où me vient cette sorte d’impudeur. Je m’étonne de me livrer de la sorte à quelqu’un comme lui, que je connais depuis une heure.
Dans la vie il y a des choses qu’on n’explique pas, la seule chose que je sais à ce moment-là : tout mon être me pousse vers cet homme. Mon cœur ne m’a jamais trompée, je ne me pose pas de question, je me laisse porter par l’élan de cette rencontre improbable. Je le vois dans ses yeux, il a une envie de me connaître, d’en savoir plus sur moi. D’un coup, il me propose de boire un verre à Marrakech, nous revoir, venir visiter ma maison qu’il trouve très jolie. Avec retenue, et une pointe de désir, je lui balance un « Why not ? ». J’ai le sourire aux lèvres, mon corps et mon esprit croulent sous les émotions qui me traversent. Je suis transpercée par de multiples envies, l’excitation que je sens, je ne laisse rien transparaître. Je garde mon sang-froid… je sais que je l’ai déjà oublié dans les bras de maman et de papa à la sortie de l’aéroport… mais lui, ne voulait pas, il m’a envoyé des messages, il a insisté pour qu’on se revoie, car la réciprocité dans ces choses-là est essentielle pour moi… on s’est laissé emporter par cet élan mystérieux qui nous guide l’un vers l’autre sans résistance… Je le savais, je le ressentais sans pouvoir l’expliquer… c’est lui !
Le jet s’est posé, nous sommes à Marrakech. Lors de notre débarquement, nos regards, furtivement, se cherchent… et tentent de s’esquiver. La chaleur décline. Quoi que j’en pense, je pressens que nous ne nous reverrons pas, ce Jean-Christophe et moi.
La terre appelle la douceur de la nuit. Je retrouve mes contacts et mes activités. La soirée nous entoure et nous ravit… Jean-Christophe m’envoie un message ! Émotion ! Il y a quelques heures nous étions entre ciel et terre… Ce qui s’est fait dans le ciel ne sera jamais défait sur terre.
Ce jour-là, le jour de notre rencontre, c’est là où ma douzième vie vient de commencer. Je ne m’en rendrai compte que plus tard.
Mon téléphone sonne. Pendant le vol, il s’est débrouillé, assez habilement, pour me demander mon 06… Je suis tout émue… Il vient de s’en servir… Une histoire qui commence ?
Après le message de Jean-Christophe, j’ai Maria, ma sœur, au téléphone, elle m’appelle pour me demander si je suis bien arrivée. Au lieu de lui répondre, je lui dis que je viens de rencontrer un homme différent des autres hommes que j’ai l’habitude de côtoyer, avec leur virilité estompée, grands, baraqués… Lui n’est pas très grand, il n’arbore pas de longs bras, il porte une douceur et une féminité assumées qui le rendent irrésistible et proche des femmes.
Quelques jours après notre rencontre dans l’avion, nous nous revoyons sur la place Jemaa El Fna, au « Zeitoun café ».
Il est déjà là, à m’attendre, il a commandé un thé aux épices, une spécialité de ce café et, en même temps, mon thé préféré. J’arrive, mon cœur bat. Je cherche à le « retrouver », son allure, son regard, l’émotion qu’il dégage. J’effectue une sorte de « reconnaissance photographique », j’entends les cliquetis d’un « 24 x 36 » dans ma tête. Images montées très « cut »… Je le vois, je pense : « Déjà un bon point pour un premier rendez-vous, nous aimons la même chose… »
Je me dirige vers lui, la tête haute, le sourire aux lèvres et le décolleté impeccable. Je me déplace « à la marocaine », seules les femmes d’ici savent se déplacer de la sorte en ondulant d’une façon exquise. Je vois qu’il est attentif à tous mes faits et gestes. Le regard expert du photographe. Il me complimente sur mon élégance, et moi sur la sienne. Je sens le plaisir monter en moi… Nous partons tous les deux de conserve pour deux heures de discussion exquise. Nous discourons sur les headlines de nos vies. Je ne vois pas le temps passer, il me semble dans le même état d’esprit. Je sens que chacun d’entre nous voudrait que ce moment continue, un moment de grâce. Le réel nous freine, je suis obligée de partir, car j’ai des rendez-vous en raison des préparatifs du baptême du nouveau-né de ma sœur, Maria.
Nous nous disons « au revoir », nous échangeons une bise maladroite. Pour la première fois, ses lèvres effleurent ma joue, son souffle brûle ma peau. Son parfum imprègne mon âme, c’est furtif, mais intense. Une voix en moi, espiègle, me dit « ça promet ».
Je souris et je lui fais un clin d’œil, en lui disant « à bientôt ».
À ce moment-là, je ne savais pas que cela serait moins rapide que ce que je pensais.
Trois jours après, il me fait savoir son départ pour l’Australie, à l’occasion d’un long périple. Je lui écris : « Vous allez manquer à Marrakech », et il me répond : « Seulement à Marrakech ? »
Je réponds : « Pas seulement à Marrakech ! »
À l’intérieur de moi, il me manque déjà terriblement. Je le sens. Je le sais. Je suis en « dé-faillance ».
Entre son voyage et ma triple fracture, nos échanges vont être exclusivement épistolaires pendant un semestre. Nous nous réfugions dans quelques messages sur WhatsApp… Jusqu’à maintenant je me demande encore comment nous avons tenu malgré la distance et la faiblesse de notre connaissance de l’autre. Malgré ce double handicap, nous avons trouvé l’énergie de nourrir notre relation naissante.
Six mois d’éloignement avant de nous retrouver à Marrakech, notre point de départ pour nous revoir et nous voir, comme si nous ne nous étions jamais quittés, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Rien n’a changé chez nous, à part quelques petits détails. De mon côté, je boite encore, et lui a repris des joues…
Et nos rendez-vous s’enchaînent.