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Les âmes du silence, description profonde des rapports humains entre l'ensemble des protagonistes, nous invite à interroger l'inattendu de la rencontre entre les Hommes.
Quelques jours après le départ définitif de son père, Yann, la quarantaine, est interpellé par une vieille photo rappelant la célébration d'une fête de communion. Sa main demeure comme attachée à ce cliché.
Pourquoi devient-il si intéressé par cette jeune fille, Madeleine, debout à côté de son père, au point de procéder à une légère enquête demeurée vaine jusqu'à ce jour... Coïncidence, hasard, destin ?
Vingt ans plus tard, la une d'un journal le trouble ; les soubresauts de sa mémoire dictent ses pensées de l'instant. Cet état paradoxal se joue de sa conscience, entre lucidité et vagabondage, face au panorama marin.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après un récit écrit à partir des fragments autobiographiques, suivi d'un premier roman, Je pars au Lys Bleu Éditions, Serge Ollivier poursuit l'écriture et récidive avec Les âmes du silence.
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Seitenzahl: 159
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Serge Ollivier
Les âmes du silence
Roman
© Lys Bleu Éditions – Serge Ollivier
ISBN :979-10-377-4017-5
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Les âmes du silence divaguent,
Au profond de l’azur céleste,
Aux chants de la liberté.
Les âmes du silence dansent,
Au souvenir de l’éros terrestre,
Aux lointains du thanatos humain.
Les âmes du silence volètent,
Au rythme des humeurs d’Éole,
Aux amusements des fantômes.
Les âmes du silence s’écrivent,
Au bon vouloir de l’imaginaire,
Aux fugacités des rêves diurnes.
Troublé par la une du journal, les soubresauts de la mémoire dictent ses pensées de l’instant. Elles oscillent entre la crispation de la répétition et la dispersion de son exploration soumise au gré du vague à l’âme. Yann pense que les rêves, les douleurs, les souffrances, les plaisirs, les jouissances, les projets, les échecs dessinent le parcours de chaque être vivant. Pour autant, une vie, des vies se partagent-elles vraiment ? Elles s’affranchissent de toute route rectiligne au grand dam de la prudence et de l’appel de l’incident. Elles se vivent autrement de ce que chacun en dit, en écrit, en entend. La confusion du tintouin, mélange de ce qui a été, ce qui a pu être, ce qui n’a pas été, ce qui aurait dû être, ignore la différenciation des conjugaisons des verbes et des lieux.
Son moment de présence se trouve bien entendu chahuté par une élucubration lointaine qui demeure, encore à ce jour, délicate à traduire en mots justes. À chaque étincelle de sa rêverie, des événements de toute nature s’articulent les uns aux autres. Ceux-ci forment, en quelque sorte, une bouillabaisse du soi-disant vrai éclairé par des images précises, brouillées, créées, réinventées. L’humeur de son âme atteste de l’authenticité de ce flou, à l’image de ce bateau, détecté au loin sur la gauche, perçu tel un minuscule phare clignotant. Cet état paradoxal s’amuse de sa conscience, entre lucidité et vagabondage, face au panorama marin.
Installé à l’extérieur, à la table en bois qui meuble pour partie la terrasse carrelée, le regard fixé vers le large, l’image du banc apparait immédiatement après la lecture de ce titre révélant à la une du quotidien local l’auteur de la mort de Jean. Cette perturbation se prolonge par l’association, presque surnaturelle, de trois visages feints, oscillant entre ciel et mer, figures se présentant comme emmaillotées dans des voilages de fantôme. Elles s’éloignent si vite, comme pour rappeler que leur passé disparait dans le fondu, en dégradé entre deux masques, formant un brouillard dissimulant les frontières, entre vie et mort.
Cette nébuleuse mascarade ravive aussi le jeu du chat et de la souris, le fort-da du petit enfant ; le parti, le retrouvé. Paradoxalement, un courant d’air tiède procure un rafraîchissement apaisant et rassurant. Son mental divague devant cette fenêtre grande ouverte, sans cadre, infinie, face à l’océan bien calme ce matin. Il se retrouve sans effort particulier dans le « te souviens-tu ? » ou dans le « que reconstruis-tu ? ».
Ces surprenants rappels, aux états émotionnels dissonants, livrent des fragments désarticulés d’une histoire qui le concerne pour partie. Il n’en mesure pas toute l’étendue, quelques chapitres restent enfouis dans les ténèbres. Parfois, ses souvenirs paraissent d’une pauvreté figurative et interprétative. Le constat aboutit à cette consternante évidence. Ces traces retiennent assurément des réalités plus profondes. Elles se déforment avec le temps comme l’effet de l’érosion sur les coques des bateaux gisant au fond de la mer. Elles cristallisent les mystères du dedans pour en faire des trésors à découvrir, et plus, à déchiffrer lors d’une chanceuse expédition. La revendication de la précision s’annonce tout bonnement hors sujet. Ce constat l’autorise, tout compte fait, à une liberté narrative. Ce qui a eu lieu s’éloigne, s’efface, resurgit différemment au rythme d’un mot, d’une sensation, d’un inattendu, d’une recherche. Un passé, assez récent tout de même, se réactualise là, sous ses yeux, par ce flash de dernière minute. Sa fantaisie du moment, troublée par le choc de l’information, l’accompagne à formuler le questionnement du déroulé des rencontres.
Machination ou provocation d’un esprit, son regard se porte sur ce cahier, recouvert en partie par d’autres papiers à lire ou à jeter à la poubelle, support intime où écrire les premières syllabes d’une affabulation. Construire ce récit, le vrai du vécu, supposerait d’admettre l’écart entre sa perception et celles traversées par Jean, Madeleine, son propre père et bien d’autres, en temps et heure voulus. La confusion de leurs ombres flottantes mêlées au blanc d’un nuage détecté au loin s’amuse du sursaut des évocations qui ne tolèrent pas l’identique en dehors du ça lui revient dans la remémoration. Les liens établis, entre ces êtres et lui, restent plus troublants qu’il ne le pense ou ne l’admet encore aujourd’hui. Le rapprochement se concrétisa à une époque particulière de sa vie marquée par la perte brutale de ses parents. Ces surprenantes et inattendues coïncidences allaient lui révéler l’étrange ricochet du destin, du hasard.
À l’idée d’en finaliser un texte, même rêvé, la nostalgie se confronte à une histoire, ponctuée de faits exacts ou exagérés, chahutée par la violence d’un monde, d’où la difficulté d’en extraire toute la justesse. D’ailleurs, à qui ce contenu s’adresserait-il ? À personne ! Impossible ! L’écrit justifie une quête destinée à un autre, une idée lue quelque part. À eux de façon posthume ! Le chemin menant à la connivence partagée valide cette probabilité. À tout lecteur qui oserait ressentir le plaisir du texte ! L’incertitude vacille devant l’idée de la reconnaissance d’un statut d’écrivain !
Et si cet acte traduisait au mieux la traversée d’une époque, d’un espace ! Là où une pensée ne sait pas qu’elle pense, là où elle divague, là où elle modèle un mouvement désarticulé, là où elle rêve l’ailleurs, là où le penseur, voire le rêveur, ne maîtrise pas, ne maîtrise plus à quel temps il s’adresse ! Et si, seul un songe ruisselait sur les branches des pages blanches. L’océan servirait de palette à peinture, chacun, l’esprit vagabondant, en ferait son badigeonnage. La magie de la souvenance délivrerait les couleurs d’un tableau jamais achevé. Dans ce cas, l’auteur et le tapuscrit rejoindraient le monde du silence. Destinée de chacun. Destin de tous.
Sa méditation se confond avec ce lâcher-prise du réel. Les battements de son cœur résonnent au rythme du ressac entendu au loin. Le bouillonnement dans son cerveau s’active sous l’effet des rouleaux des vagues toujours identiques dans leurs mouvements, toujours différents par leurs sonorités. Toutefois, l’article indique bien – Du nouveau dans l’affaire Jean Le bec – Lire page 5. La prise de conscience le recentre sur la réalité de l’événement, soutenue par ce rappel d’un temps passé.
Jean, Madeleine, vingt-ans déjà ! Un peu plus de vingt ans en proximité l’un de l’autre, maisons accolées pour toujours, durée de vie partagée, du exclusivement là, sans jamais autre engagement ou intimité plus charnelle. Son affection pour eux, ressentie à la moindre souvenance, incite Yann à le croire comme tel. Il fut le témoin de cette proximité au fur et à mesure de ses allées et venues dans ce coin de paradis, là où il réside dorénavant une partie de l’année, là où il questionne le dilemme, voire l’outrage de la modernité, là où il interpelle leur histoire générationnelle et la sienne, là où il pressent un avenir dont une partie lui échappera en raison du jeu des imprévus et possiblement de son inadaptation culturelle et sociale confrontée de plus en plus à la tension des générations. Il admet secrètement que, depuis les premiers pas de l’humanité, les existences humaines s’exhibent, bien différentes, sur l’échiquier terrestre. À chacun son siècle ! À chacun son calendrier de passage ! À chacun son astre ! À chacun son horoscope ! À chacun sa science ! À chacun sa déconstruction ! À chacun sa foi dans l’amour et dans Dieu !
Chaque destin, telle une peinture barbouillée de toutes les couleurs de la subjectivité, en modèle son propre territoire, infiniment minuscule à l’échelle planétaire. Seule l’arrogance humaine en joue le théâtre de la vanité, controversée par la vertu des civilisations pour en écrire la comédie annoncée au service de l’humanité dans sa diversité. Le reflet des nostalgies individuelles en colore l’azur pour le pire et le meilleur. Ce rythme de la divagation, il l’accepte au mieux. Il relâche de plus en plus ses points de vue, comme une nécessité à sa tranquillité psychique, face à l’observation d’un monde en devenir borderline.
Jean avait choisi ou subissait, de longue date, un chemin de solitaire. Madeleine, elle égaya d’optimisme sa propre existence, celles des autres, par sa seule présence et son regard non fuyant et embellit son futur à vivre dans le monde des humains. Malgré la nuance de leur traverse, ils épousèrent durant ces deux décennies du dernier âge un beau monde, le leur. Leur vieillesse lucide, leur sagesse remplie de l’expérience accentuent la touche de cette toile de vie exposée au musée des vivants.
Cette confidence, pensée intérieure, de quoi rassure-t-elle Yann ? L’espoir de ne pas se tromper ! L’éloignement de cette idée triste, tatouée sur la faiblesse de leurs corps et de leurs esprits, entraperçue au moment de leurs vieux jours ! Son propre cheminement qui le mène inexorablement au verdict final de plus en plus proche ! Sa préférence évite la réponse assujettie à la conviction. Tout simplement, le partage de bonnes heures vues comme des instantanés du – à la bonne heure – conforte la note d’optimisme. Ses doutes, ses certitudes n’offrent aucune garantie sur la vérité, sur leurs vérités, sur sa vérité. Il poétise en quelque sorte leurs souffles illustrés en mots calligraphiés sur la branchette du pessimisme représentant la solitude de l’un ou sur la feuille de l’optimisme symbolisant la liberté de l’autre.
Chaque jour qui passait, Jean demeurait assidu à son rendez-vous : être assis sur le banc. Ce banc en bois, autrefois de couleur noire, désormais sur ses vieux jours, tout écaillé, son socle légèrement descellé, quelques lattes écornées à leurs extrémités. Jean devait se sentir libre durant ces instants de spéculation active ou passive. Le projet de tout intrus de le déloger de ce cadre demeurait impensable. Pourtant ce jour funeste fit raisonner les cloches de Satan. L’usure du temps assurait son œuvre, propos qui aurait pu se dire, à tort ou à raison. Ces deux-là vieillirent donc ensemble, de manière polie et respectueuse, abrités par la grande branche de l’arbre du jardin, débordant de l’enceinte murée, inclinée vers le sol, menaçant de se briser à la prochaine tempête, laissant filtrer les rayons du soleil, brûlants ou caressants, selon leurs heures de rencontre faite de complicité, vivant au tempo du cadran solaire. Tout observateur sensible aurait accepté l’idée d’une grande fidélité. En toute impunité, ce siège dur l’attendait lui, à toute heure. Cet homme endurci par les épreuves le rejoignait, de manière ponctuelle, au rythme d’un mouvement rejoué chaque jour épargné de pluie. Vision effrayante pour les uns, ceux animés par l’action et la domination. Vision séduisante pour d’autres, ceux attirés par une posture du non-vouloir pour accéder à la contemplation.
Devant lui, à quelques centimètres, le muret de soutènement, celui que les yeux de Yann regardent dans l’instant, équilibré au niveau de son organisation, bien entretenu selon les saisons, était solidifié dans son enracinement par de beaux parterres. À droite, à gauche, au loin, au plus près, une variété de fleurs sauvages, selon le vol aléatoire des graines, protégeaient ce coin de détente comme pour l’honorer de sa beauté. Des rosiers résistaient depuis longtemps aux coups de vent venant du large, soumis et arrosés des embruns virevoltants au-dessus des vagues. Des genêts, parfois des ajoncs, se confondaient malicieusement par le jaune de leur parure. Des liserons cachaient, en toute confidence, les ronces, fort nombreuses dans la lisière broussailleuse, proche de la pente rocailleuse et des à-pics de la falaise. Les hortensias bleus, comme la mer en face de chez lui, illuminaient les façades des quelques vieilles maisons affectées de leur passé par les rafales tempétueuses. L’iode, voletant à quelques pas de là, rappelait la présence éternelle, la force vive, de la mer Iroise. Les collerettes de bractées, colorées de diverses teintes, apparaissaient çà et là, bien protégées par de plus hautes herbes, à l’abri des rafales du vent côtier. Libre à chacun d’en faire un bouquet séché destiné à le garder dans le décor ou à le jeter en terre pour le renouveau des couleurs.
Durant ces dernières années, un scénario le marqua par sa touche troublante et affectueuse. Ce monsieur s’affichait de plus en plus, à qui prenait le temps de l’observation, dans des postures où régnaient les temps de la rêverie diurne, du rien agir, du rien pensé. L’acte du rien décidé annonçait la félicité de son être ou justifiait la croyance dans la philosophie taoïste. Les mouvements de la houle martelaient son horizon quotidien sur lequel flottaient les âmes pures et innocentes, accourues du lointain de l’océan. Cela constitue l’hypothèse d’un inspiré, personne ne le sut vraiment.
Son corps, de plus en plus voûté par des années de labeur, soumis au flux de l’énergie, s’essoufflait au gré de l’errance. Il se collait au dossier rigide, légèrement incliné. Son bras gauche reposait le plus souvent sur l’accoudoir. L’ensemble constituait une offre à la fois généreuse, gratuite, sans concession par la rudesse de son inconfort. Son coussin, compagnon de chaque déplacement, rembourré de vieilles laines soyeuses, s’appropriait pour ainsi dire le rôle de cordon ombilical entre eux deux. Ses fesses en acceptaient toute la chaleur les jours où la météo l’autorisait à vivre cette invitation, répétée inlassablement comme le tic-tac d’un carillon. Ces contenances corporelles éloignaient l’idée du mal en lui. Sa vie sociale nourrie de compromis, comme tout un chacun, n’avait peut-être jamais existée. Se projeter dans l’avant et le vivant de cet homme animé à une époque par la force, la vitalité, la solidité lui semble peine perdue. La vieillesse s’amuse de la tromperie malicieuse formulée entre la sentence pathétique et l’exigence de dignité. Il retient la vision d’un corps entouré d’images dépareillées, idéalisées, fausses, confuses, bien loin d’en reconstruire un puzzle ou d’en broder un canevas. Elles attendent vraisemblablement le montage d’un court métrage, sans les mots, car ils demeurent absents du champ sonore.
Que dire de lui ! Était-il un ermite, soumis aux cycles de la nature, ayant opté pour la voie du renoncement ? Vivait-il une quête spirituelle dégagée des leurres ? Se présentait-il comme un sage guidé par la prudence et l’humilité, accordant sa respiration au déroulé de son planning journalier ? Devenait-il un vieillard subissant, au rythme de l’horloge, les effets délétères des ans ? Choisissait-il d’être un retiré, ne faisant plus d’étincelles, se félicitant d’un mode de vie ? Un peu de tout cela. Ou encore, cet homme inscrit dans le quatrième âge se résignait-il à l’idée d’attendre un autre espace ?
Qu’avait-il appris de Jean qui ne confessait rien de lui ? Somme toute, le monde des taiseux l’habitait depuis bien longtemps. Les événements chocs relatés par Madeleine touchèrent en leur temps sa sensibilité, titillèrent sa gêne. La difficulté d’en composer des phrases pour consigner des états, des détails, des humeurs, des sentiments, des amours, se confronte au rien de fixe, au rien de stable.
Quel fil d’araignée l’avait donc autorisé à ressentir une forme d’attachement pour ce casanier ? Il croit le savoir. Non ! L’illusoire suggère cet avantage de faire des trompe-l’œil. Quelle désolation de constater la limite du témoignage, du souvenir ! Ses moments de paroles muettes mettent en présence la justesse de toute persuasion.
La rencontre avec Jean découla d’une circonstance particulière : en effet, Yann recherchait avant tout une certaine Madeleine. Cet épisode, traversé comme un réveil non programmé, data son cheminement personnel. Il découvrit l’impact de l’effet papillon, détail déclencheur de conséquences complexes, parfois irréversibles.
Au fur et à mesure, un sentiment de respect se développa à l’égard de Jean, comme une contrepartie accordée aux effets d’une sympathie ressentie à des instants particuliers. L’empathie, la projection, le fantasme, bien d’autres mécanismes en bariolaient l’attendrissement pour ce frustre.
Les évocations qui surgissent résultent d’observations vécues comme des moments d’authenticité, avoisinantes des premières et dernières années de leur rapprochement. Elles détermineront sa proximité impressionnable avec lui. L’entre-deux s’annonce absent, sinon moins conséquent sur sa sensibilité ressentie. L’intermédiaire impliquerait une existence à échafauder à l’image d’un mensonge ou d’une fiction à créer pour en retracer soit un mélo affectif soit un drame de vie. De toute évidence, la démarche de narrer sa vie et celles des autres entraîne un exercice périlleux, presque impossible. Le penser comme un envisageable mènerait à une épreuve construite à partir d’une erreur manifeste. La spéculation resterait figée à de momentanés faits de simples détails. Elle divaguerait comme une douce folie puisant à la racine des émotions et des impressions. La mémoire se complairait dans l’embellissement des invocations du blanc du bonheur, du noir de la culpabilité, du gris de la tristesse.
Yann pense à un film de cent vingt minutes. Chacun le résume à la sortie de la salle en peu de mots. Pudeur, peur, besoin de rester silencieux dans son intime, ces états justifient les repères défensifs. Le plus souvent – j’ai bien aimé –, tout demeure vague, diffus. Le langage s’amuse du vide. Il lui semble que ce manque de parole évite la prise de risque de l’incompréhension, élimine l’inacceptable de l’incompris, refoule le manque d’amour, évacue d’autres attitudes déterminantes ou irrationnelles. Parfois, une impression, un décor, une prise de vue, un texte, une mise en scène, un jeu allongent le feed-back de quelques minutes. La partie est terminée. Cela demeure une partialité chancelante.
Parler de Jean revient à feuilleter un album photo sans l’écriture de la légende. Le repérage, aléatoire dans le temps, se confond avec l’incertitude du moment. Le décodage des branle-bas et des sentiments de l’époque demeure partiel, subjectif. L’idéal serait d’en écrire une musique ; langue des âmes tendres.
Cette langue, mille fois plus riche que celle des mots, qui est au langage ce que la pensée est à la parole… dit Balzac.