Les petits princes d’Afrique - Louisière Desplan - E-Book

Les petits princes d’Afrique E-Book

Louisière Desplan

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Beschreibung

Ils agissent en toute impunité, usant de leurs privilèges de « colonisateurs ». Ce sont les petits princes d’Afrique, de cette Afrique dont seuls l’argent et le pouvoir sont les moteurs. Paul aimerait devenir l’un des leurs mais il doit faire ses preuves pour passer outre sa couleur métissée… Apprenti espion en informatique, il passe maître dans l’art du chantage et s’assure ainsi une place au sein du groupe. Seulement, quand sa sphère familiale est touchée, ses petites combines prennent une tout autre tournure…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1967 à Capesterre, en Guadeloupe, Louisière Desplan est auteur de plusieurs livres dont Amour sans sens, tu mens et La socialisation des cités.

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Louisière Desplan

Les petits princes d’Afrique

Roman

© Lys Bleu Éditions – Louisière Desplan

ISBN :979-10-377-2701-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Par le seul fait de notre égoïsme, nous ne réalisons pas le mal que nous pouvons faire à un proche.

Quand nous sommes enfants, si nos parents nous mettent des interdits, nous pensons qu’ils sont méchants et, quand nous sommes adultes, si quelque chose entrave notre route, nous en rendons responsable la terre entière.

Chacun est libre et responsable de son destin. Cependant, nous pouvons faire un transfert de nos problèmes sur un proche qui va alors subir notre mal-être.

De son ordinateur, il voit que l’avion de sa victime a bien décollé à l’heure prévue. Il envoie un message par mail à la police de l’air et des frontières de Pékin en mandarin. Il se sert des relais, passant par plusieurs pays pour ne pas être découvert. Il a tout simplement mentionné dans son message qu’un espion français, dont il a précisé le nom, allait débarquer à Pékin dans la journée. Cela a suffi pour que les Chinois déploient les mesures nécessaires pour contrôler tous les passagers venant de Paris et, pour être sûrs de ne pas le manquer, ils contrôlent toutes les provenances. Effectivement, au contrôle d’identité, l’homme se fait arrêter. Il est conduit en cellule par les forces de l’ordre. Ils n’ont même pas pris le temps de faire une recherche sur la véracité du message. Comme les services secrets ont déjà un dossier sur lui, tout concorde. Pour l’instant, les Chinois, bien entendu, n’informent pas les autorités françaises de cette arrestation. Malgré toutes ses protestations, les policiers l’emmènent en cellule pour l’interroger et pour mener de plus amples investigations sur lui.

Évelyne, sa femme, ne recevant pas de nouvelles de son arrivée, essaye en vain de l’appeler. Elle contacte même la compagnie pour savoir si l’avion a bien atterri. Elle appelle aussi l’hôtel où il est censé être descendu pour passer la nuit. Elle le connaît bien, s’il avait changé d’hôtel à la dernière minute, il lui en aurait fait part. Elle décide d’appeler le ministère des Affaires étrangères en France qui la dirige vers l’ambassade de France de Pékin. Aucune trace de son mari, personne ne sait lui indiquer l’endroit où il peut être. Après avoir attendu toute la journée, elle reçoit un appel téléphonique du ministère l’informant que son mari a été arrêté par la police chinoise ; ils en ignorent encore la raison. Le ministère promet de la tenir informée de toute évolution de cette affaire. On lui cache la vérité, trop d’hésitation dans les réponses et d’incompréhension de la part de son interlocuteur ! Pendant ce temps-là, la police chinoise aurait découvert que son mari détiendrait plusieurs comptes en banque dans différents pays, qu’il aurait des noms d’emprunts et différentes nationalités. Pour les Chinois, cela semble trop facile pour être vrai. Cet homme a tout du caméléon et, s’il fait partie des gros poissons, on ne les attrape pas aussi facilement. La police chinoise agit comme s’il était un espion bien qu’elle n’ait aucune preuve solide pour l’instant. Plus elle avance dans ses investigations, plus elle découvre des éléments étranges : trop de traces permettent de remonter jusqu’à lui. Elle constate que l’homme est marié dans plusieurs pays, à plusieurs femmes, et qu’il a des enfants. Depuis que l’ambassadeur français est informé de cette arrestation, il téléphone constamment à la police de Pékin pour exercer une pression mais elle nie détenir cet homme. L’objectif des Chinois, c’est de bénéficier de suffisamment de temps pour mener les investigations sur la véritable raison de sa venue sur leur territoire. D’après les premiers éléments de l’enquête, il est bien un espion français travaillant dans la zone Afrique. Toutefois, que vient-il faire ici ? Il n’a pas fallu longtemps aux services secrets chinois pour découvrir qu’il n’est pas juste un chef d’entreprise, leur contre-espionnage fait partie des meilleurs au monde.

L’amant a été recruté par la France depuis son installation en Afrique. Il a intéressé les Français non seulement pour sa bonne connaissance du monde africain mais aussi pour son savoir-faire en informatique. En outre, sa femme est africaine, elle possède une entreprise de communication qui fournit en informatique pratiquement tous les gouvernements du continent. Cet homme a des entrées dans quasiment tous les pays africains. Les Français l’ont formé sur place, en Afrique : trois jours par mois sur une durée de trois ans et tous les six mois une formation d’une semaine en France. Il a appris la façon de vivre, la mentalité et les coutumes de chaque peuple africain. Il s’est familiarisé aux différents dialectes. Il connaît la puissance militaire de chaque pays, les noms des chefs rebelles qui agitent le continent par des tentatives de coups d’État. Son travail en tant qu’espion n’est pas de renseigner la France sur une avancée industrielle ou militaire d’un pays africain mais juste de maintenir une tension militaire entre les gouvernements. Il garantit, par des rumeurs ou preuves fabriquées, une constante instabilité. Il n’est pas présent dans ces pays pour aider au développement économique mais pour s’assurer qu’ils ne progressent pas trop. L’Afrique, continent où le sol est riche et les habitants sont pauvres. Il est plus facile de faire des affaires dans un pays où règne une instabilité politique. Aussi longtemps que les Africains resteront persuadés qu’ils ne peuvent devenir indépendants par leurs propres moyens, ils seront toujours à la merci des grandes puissances.

Jamais un espion n’envoie un rapport à l’État français par mail codé ou même par courrier postal. Pour éviter le contrôle douanier, il s’arrange toujours à donner des courriers à poster, directement dans une boîte aux lettres en France, par des amis qui voyagent. Comme il connaît tout sur l’Afrique, pour les Chinois, l’homme est intéressant.

Paul, sans le savoir, a livré un véritable espion. Pour les Français, le temps presse, il faut rapidement récupérer leur agent avant que les Chinois ne s’aperçoivent de sa véritable identité. L’homme essaye toujours de clamer son innocence, il se doute qu’il a été piégé mais continue à nier qu’il est un espion. Depuis son emprisonnement, sa femme et sa maîtresse ont reçu des mails et des photos de lui accompagné de femmes. Le piège se resserre aussi sur lui en Afrique.

Quand, au bout de trois jours d’incarcération, l’ambassadeur entre enfin en contact avec lui, on l’a déjà transféré hors de Pékin. L’ambassadeur l’informe qu’une enquête est en cours sur lui dans le pays et que, pour l’instant, il reste en prison jusqu’à la preuve de son innocence. Les Chinois vont tout faire pour le garder un maximum de temps enfermé. Ils pensent avoir une occasion unique d’infiltrer le réseau français. Il n’a eu droit qu’à un seul coup de téléphone sous surveillance, il n’a pas pu joindre sa femme pour la rassurer. La police française doit absolument le blanchir auprès des Chinois pour ne pas avoir à justifier sa présence sur leur territoire si jamais son identité est dévoilée. Les Français ne comprennent pas comment un de leurs espions a pu être découvert dans ce pays aussi facilement. Ils vont ouvrir une enquête interne pour établir la vérité. Ils pensent aussi que cet homme est peut-être passé volontairement du côté ennemi.

Maintenant, les deux pays vont s’activer dans tous les sens, l’un pour prouver que cet homme n’est pas un espion et l’autre pour soutirer le maximum de renseignements au prisonnier.

En plus du mauvais traitement qu’il subit en prison, la seule information qu’il a pu obtenir de l’ambassade concernant sa famille est que sa femme connaît désormais sa double vie. De sa geôle, il se doute que c’est un coup monté mais par qui ? Il n’a pas pu être démasqué du jour au lendemain ! Le comble est qu’il se fait capturer ici alors qu’il n’y a jamais fait d’espionnage. Quand il a séjourné en Asie, cela a toujours été pour le travail. Plusieurs questions restent sans réponse, il ne peut même pas entrer en contact avec sa femme pour savoir ce qui se dit en Afrique. Pour l’instant, il est dans une prison encore convenable. Il n’a droit à aucune visite même pas celles des autorités françaises. Il est emprisonné depuis une semaine et toujours aucun coup de téléphone. Pour éviter que les Français le localisent, il a encore été transféré dans une autre prison, cette fois-ci dans le nord de la Chine. Son transfert s’est fait de nuit, cagoulé, à l’insu de l’ambassade de France qui pense qu’il se trouve toujours dans une prison proche de Pékin. Dans le centre pénitentiaire où il est amené se trouvent tous les prisonniers politiques et les personnes soupçonnées d’espionnage. C’est le plus dur du pays, les prisonniers sont traités comme des animaux, on entend des cris résonner. Là, les prisonniers n’ont pas le droit de sortir de leur cellule exiguë, ils ne voient jamais la lumière du jour. Les cellules des condamnés se situent dans les souterrains d’une prison fédérale isolée totalement de l’extérieur. Les gardiens y descendent comme pour aller à la mine. Ils prennent des quarts de vingt-quatre heures pour éviter de trop utiliser le vieux monte-charge. À plusieurs reprises, il est arrivé que des matons restent bloqués quelques heures dans ce semblant d’ascenseur. Les prisonniers sont quasiment enterrés, les cris de leurs tortures ne sont pas entendus à la surface. Jamais une personnalité du gouvernement n’y est descendue pour connaître leurs conditions de traitement. De toute façon, pour le gouvernement, les prisonniers qui descendent ici sont condamnés à mort par avance, même si un procès est prévu. S’ils sont ici, ce n’est pas un hasard. En Chine, on ne se trompe jamais sur un prisonnier. Même sans preuve, il sera coupable, c’est tout de même un espion ! Il sera puni pour ses agissements en Afrique noire. Les seuls qui peuvent revoir la lumière du jour sont ceux qui seront fusillés dans un champ abandonné appartenant à l’État chinois. Dans les cellules, ils ont pour seule tenue un short, un vieux tee-shirt et une paire de chaussures de sport sans lacets. Les cellules sont petites, un prisonnier par geôle. Ils ne peuvent pas communiquer entre eux. Les lits sont taillés dans la pierre, un vieux matelas posé dessus et, en guise de toilettes, un trou dans le plancher donnant sur une canalisation. Une odeur fétide envahit les lieux. Les cellules ne sont pas chauffées. Comme il n’y a pas de fenêtre, on peut supposer que les murs retiennent bien la chaleur. Dans cette prison, les seules distractions des prisonniers sont les longs moments d’interrogatoire très musclé qui porte toujours sur les mêmes points : faire dire aux prisonniers ce que la police veut entendre. On commence par leur faire comprendre qu’il est bon de tout avouer, que la peine serait moins lourde au moment du procès. Les présumés coupables passent beaucoup de temps en prison, torturés avant le jugement, la plupart meurent avant que le procès ait lieu. Comme beaucoup disparaissent avant de voir le juge, on ne sait pratiquement jamais s’ils ont été accusés à tort. Pour eux, les interrogatoires sont de la torture, pour les gardiens, une distraction. Leur but n’est pas de faire la lumière sur l’innocence ou la culpabilité du condamné mais de passer le temps. Certains n’en peuvent plus, ils finissent même par avouer n’importe quoi et, comme ils ont avoué, ils sont condamnés à mort… la seule manière de sortir de cet enfer. Ceux qui meurent finissent dans l’incinérateur, la famille, doit encore payer pour récupérer les cendres placées dans une urne, sans être certaine qu’il s’agit de leur proche. Les détenus ont droit à un repas par jour, distribué à n’importe quelle heure de la journée. Dans cet enfer, personne n’a la notion du temps. La journée type n’existe pas. De jour comme de nuit, les prisonniers sont interrogés. Certains ne savent même pas le nombre de jours, de mois ou d’années qu’ils ont pu passer là. Combien de détenus sont retenus ici ? Chaque jour, des prisonniers meurent et chaque jour il en arrive de nouveaux. Ils ont droit à une seule douche par semaine, à la lance incendie, au fond de la cellule. Très efficace pour nettoyer en même temps la cellule ! Ni savon ni linge pour s’essuyer, il fait bien assez chaud pour un séchage naturel.

C’est un vrai cauchemar que vit cet homme. Plus les jours avancent, plus il perd espoir et s’enfonce dans une spirale sans fin. Les polices chinoise et française, chacune dans leur pays, travaillent maintenant conjointement sur cette affaire mais continuent à se méfier l’une de l’autre. C’est peut-être l’une des raisons pour laquelle l’enquête progresse lentement. Les Français vont remonter dans tous ses déplacements, reprendre ses contacts téléphoniques, contrôler ses mails, vérifier les pays qu’il a traversés grâce aux visas sur son passeport, les raisons de ses déplacements, les personnes qu’il a rencontrées sur place, les affaires qu’il a pu traiter pour pouvoir déterminer où il a pu se faire piéger. Alors que les Chinois se contentent de lui soutirer des informations.

Sa femme, de son côté, prépare ses enfants à la nouvelle, sur les infidélités de leur père et les raisons de son absence. En Afrique, ce genre d’histoire ne reste jamais longtemps un secret sauf pour celui ou celle qui est concerné. Pour l’instant, elle ne sait rien de cette affaire d’espionnage, aucune fuite n’est sortie du ministère français de la Justice et le gouvernement de son pays d’accueil n’a aucune information. Il est clair que pour les dirigeants français, la priorité dans cette affaire est de trouver la taupe qui a dénoncé son agent pour éviter que d’autres soient découverts. Il y va non seulement de la sécurité nationale mais également de la protection de ses agents à travers le monde.

Paul serait satisfait d’apprendre les tournures de cette affaire. Lui-même n’avait pas imaginé un tel scénario, il cherchait juste à donner une leçon à cet homme et voilà que la situation prend un autre tournant.

Chapitre I

La vie de monsieur Tout-le-Monde ne se vit pas en Afrique

« Doucement, bougez-le doucement, je vous dis, pardon, monsieur. »

C’est incroyable comme il peut faire chaud ce matin déjà au réveil ! Même pas un petit vent matinal pour rafraîchir un peu l’atmosphère. Pourtant, même si c’est rare, il tombe parfois, à l’aube, une heure durant, une petite pluie. Cette petite pluie apporte de la fraîcheur avant d’entamer une journée chaude et sèche comme à l’accoutumée dans ce pays. Les pistes avec cette pluie sont légèrement humidifiées, la poussière et les odeurs mettent un peu plus de temps à faire leur apparition dans la journée. La saison des pluies n’existe pas vraiment dans certains pays africains, c’est plutôt un climat désertique qui règne en grande partie sur ce continent. Et quand, parfois, de fortes précipitations arrosent un pays ou l’autre, c’est la panique pour les habitants. Il est vrai que les maisons, les routes et les égouts ne sont pas conçus pour ce type de temps. En Afrique, les grandes villes sont surpeuplées, contrairement à d’autres pays où les habitants vivent à la campagne et travaillent en ville. En Afrique, les campagnes sont désertées. Tous les habitants se réfugient dans les villes dès qu’ils le peuvent. Il est plus facile d’y trouver du travail et de s’y sentir en sécurité. Du fait du grand nombre de citadins, la circulation est parfois difficile. En plus de la surpopulation, les bruits de klaxon des voitures et des mobylettes sont insupportables, incessants du lever du jour jusqu’à la tombée de la nuit. Avec l’augmentation du nombre d’automobilistes, le klaxon est devenu l’accessoire indispensable au quotidien. Il faut être très attentif quand on se promène dans les rues, les automobilistes respectent très peu le Code de la route et ils prennent régulièrement le trottoir comme chaussée. Le taux de pollution est élevé dans les grandes villes africaines. Comme la plupart des voitures sont mal entretenues, les pots d’échappement dégagent d’énormes fumées noires et épaisses. Les petits feux pour faire à manger qu’on trouve dans les coins de rue et au marché contribuent aussi à cette pollution. Et cette chaleur étouffante quotidienne ne facilite pas la respiration. Tous ces éléments réunis peuvent expliquer l’essoufflement et la fatigue des habitants au moindre effort, c’est peut-être pour ça que certains travaillent au ralenti ou ne travaillent pas du tout. En Afrique, il faut être matinal pour effectuer le maximum de tâches avant que la chaleur ne devienne insupportable ce qui justifie la sieste de l’après-midi pour récupérer. On ne se réveille pas au chant du coq ou à l’alarme d’un réveil comme dans les pays occidentaux mais au premier rayon du soleil. Les commerçants, s’ils veulent faire des affaires, sont obligés d’être prêts à l’arrivée du client : les ventes se font très tôt le matin. Les clients achètent avant de se rendre au travail. Les produits sur le marché sont frais, tandis qu’en fin de journée, avec le soleil, la qualité est beaucoup moins bonne. Le matin, on trouve beaucoup de femmes dans les rues, peu de jeunes ou de touristes. L’après-midi, la tendance est plus touristique, favorisant la mendicité devant les magasins et attirant les jeunes africains, soit pour rendre de petits services aux touristes, soit pour les soulager de quelques biens. Chaque jour, c’est la même chose, les journées se ressemblent, excepté le dimanche où, malgré l’ouverture des magasins et du marché, on constate une baisse de fréquentation de la population locale dans les rues, sans pouvoir en expliquer la raison.

Stéphane, père de famille, est marié, il a une fille de dix-sept ans et un fils de quatorze. Il occupe un poste de cadre dans une importante société de communication dans une grande ville d’Afrique. C’est le mari idéal, il ne boit pas d’alcool en dehors des jours de fête et des repas de famille. Chaque matin avant de sortir de chez lui pour son travail, il réveille ses deux enfants et sa femme pour déjeuner avec eux. Pour lui, le petit-déjeuner en famille a son importance, il essaye de partager au moins un repas de la journée avec ses proches. C’est lui qui le prépare, c’est la seule chose qu’il fait à la maison. Tout le reste est pris en charge par des domestiques. Trois femmes de service s’occupent des repas et du ménage, une gouvernante, des enfants et de leur éducation. Il vit avec sa famille dans une grande maison de dix pièces sur deux étages, en bordure de mer. Toutes les pièces sont équipées d’un climatiseur et d’une moustiquaire aux fenêtres. Il a rapporté la plupart de son mobilier de France et pour compléter, il a fait des achats sur catalogue. À l’étage, deux grandes chambres pour les enfants, une autre pièce tout aussi grande qui sert en même temps de salle de jeux et de chambre d’amis pour les copains des enfants ainsi qu’une chambre exclusivement réservée aux grands-parents, fermée à clé en absence de ces derniers. Entre les deux chambres, une salle d’eau avec douche et baignoire et non loin des escaliers juste avant de descendre au niveau inférieur, des toilettes. Au rez-de-chaussée, on trouve la chambre des parents avec salle de bain, une chambre d’amis avec une douche, des toilettes, le bureau de la gouvernante, le bureau des parents et une cuisine américaine qui donne sur un grand salon-salle à manger.

La seule personne étrangère à la famille à bénéficier d’une pièce dans la maison, pièce qui lui sert par la même occasion de bureau, est la gouvernante. Il lui faut bien un endroit pour aider les enfants à faire leurs devoirs, on peut aussi mieux les surveiller en étant proche. Il ne faut pas négliger le confort en Afrique, une belle maison bien meublée est un gage de richesse. Dans pratiquement tous les pays, tout signe de richesse vous assure une certaine légitimité dans la société et des amis fortunés plus ou moins respectables. C’est à ce prix qu’on est considéré. En outre, cela vous garantit aussi un minimum de sécurité, les personnes mal intentionnées redoutent les conséquences. Parfois, cette notoriété vous demande de mettre la main au portefeuille pour payer certains services surtout les fonctionnaires de l’état.

Cette demeure se situe sur une grande propriété juste à la sortie de la ville, en hauteur, sur une belle colline dominant la mer ; Stéphane l’avait héritée de ses grands-parents. Malgré la chaleur écrasante, du gazon, de belles fleurs et des arbres fruitiers poussent tout autour de la maison. Dans la cour de la propriété, deux maisonnettes se font face. L’une est utilisée pour les outils de jardin et l’autre sert de local aux femmes de ménage. Aucune climatisation, ni moustiquaire, ni ventilateur mais un perroquet comme animal de compagnie dans celle des servantes. En Afrique, très peu de familles ont des animaux de compagnie à la maison, les chiens appartiennent un peu à tout le monde dans le village, ils restent en dehors des habitations. Beaucoup d’Africains estiment que c’est du temps de perdu de s’occuper d’un animal. Ils pensent que les couples qui sont en difficulté pour faire obéir leurs enfants élèvent des chiens pour donner des ordres à quelqu’un dans la maison. Tous les ingrédients sont donc réunis pour que cette famille file le bonheur parfait.

C’est un avantage d’habiter en dehors de la ville quand on a des enfants : on subit moins le bruit et la pollution. L’inconvénient, c’est que les rues sont plutôt des chemins de terre et ne sont pas ou très peu éclairées. Il arrive parfois de voir passer devant le portail de la maison des groupes de jeunes hommes saouls se bagarrant et s’insultant. Avant de venir s’installer ici avec ses enfants, Stéphane avait fait construire un mur d’enceinte de deux mètres tout autour de la propriété pour éviter les intrus. Un agent de sécurité posté devant le portail vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il faut dire que ces dernières années l’insécurité a augmenté, le risque d’être agressé est de plus en plus présent tant dans les rues qu’au domicile pendant la nuit. C’est pour cette raison qu’il n’aime pas que ses enfants soient encore dehors la nuit tombée. Il les a habitués à être à la maison dès la fin des cours mais les enfants grandissent et il a plus de mal à les contrôler.

Il peut arriver que vers les deux heures de l’après-midi la température atteigne, par grosse chaleur, des pointes de quarante-cinq degrés. C’est à ce moment-là que les voleurs agissent, les maisons sont ouvertes et le personnel est en train de faire la sieste. Beaucoup d’habitants aisés s’entourent de domestiques pour se protéger des voleurs. Les gens de maison de Stéphane travaillent quinze heures par jour, six jours sur sept et, comme beaucoup d’autres travailleurs, ils mangent, se lavent et font leur lessive personnelle sur place et peuvent même dormir dans la maisonnette s’ils le souhaitent. Les femmes de ménage connaissent parfaitement leur travail au quotidien et bizarrement quand la gouvernante est là, il n’y a pas beaucoup de remarques à leur faire dans la journée. Il faut dire que la gouvernante est très stricte. La plupart ont déjà un certain âge, il est très rare de voir de belles jeunes filles faire le ménage. Ce n’est pas un métier dégradant mais très dur physiquement, les jeunes femmes sont trop fainéantes pour assumer de telles tâches. La gouvernante qui les commande est la plus ancienne et surtout la plus instruite. Elle a fait des études d’avocat dans une grande école de la ville et comme elle n’a pas trouvé de travail, honorable et bien payé, elle a pris cet emploi en dépannage. Dix-sept ans après, elle est encore à son poste. Il faut dire qu’elle a un bon salaire pour ne prendre en charge que les enfants. Maintenant qu’ils sont grands et indépendants, sa tâche se résume juste à contrôler les devoirs et le travail des femmes de ménage. Quand elle vient à s’absenter, Stéphane et sa femme prennent la relève. Pour le couple, l’absence de la gouvernante est catastrophique, il faut en permanence tout vérifier et surtout à tout moment leur rappeler les tâches à faire sinon rien n’est fait ou alors mal fait. Avec le temps, la gouvernante est devenue une amie de la famille. Tous les dimanches, tout le monde, elle y comprit, passe la journée au bord de la mer sur une plage privée. C’est la gouvernante qui organise le pique-nique. Il n’est pas question pour la famille de se rendre en bord de mer sans elle. C’est la personne la plus indispensable de la maison, elle connaît mieux les enfants que les parents et c’est à elle que les enfants se confient quand ils ont des problèmes. Elle est informée de tout, surtout des petits secrets de chacun.

Elle manage très bien le personnel de maison, en l’absence de l’une des femmes de ménage, elle la fait remplacer discrètement par quelqu’un d’autre. Elle reçoit tous les mois un budget alloué par Stéphane pour le personnel y compris pour leurs repas, elle les paye et s’occupe de toute l’administration les concernant. Les femmes de ménage ne rentrent dans la chambre des enfants que pour changer les draps et récupérer le linge sale. Les parents tiennent à ce que les enfants nettoient leur chambre. Selon Stéphane, c’est formateur et il estime que les femmes de ménage ne sont pas les domestiques personnelles de ses enfants. Il n’y a pas beaucoup de contacts entre la famille et les femmes de ménage, la gouvernante fait l’intermédiaire.