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Nina sera-t-elle danseuse ou musicienne, et peut-être même cheffe d’orchestre ? Murielle rêve d’être violoniste. Autour du piano d’Olivier naissent beaucoup de rêves. Natasha, elle, en a marre de ses parents musiciens. Du piano, du violon, de la flûte… : la musique tient une grande place dans leur vie, mais aussi l’amitié et même l’amour. Un vrai tourbillon plein de vie et de rêves à découvrir de 9 à 99 ans ! Il suffit de suivre son étoile !
À PROPOS DE L'AUTEURE
Natacha Karl se définit comme une jardinière des mots, elle sème des graines de poésie dans ses écrits et activités artistiques avec Le jardin des mots de Natacha.
Précédemment professeure de philosophie et bibliothécaire musicale, elle se consacre à l’écriture depuis dix ans.
Elle a déjà publié plusieurs livres :
Visages de silence, Bonjour Mademoiselle, Les Survivantes, Au fil des jours, Le choix de Sarah. Elle écrit aussi pour la jeunesse :
Musiciennes, Claire et Myriam, Nina chef d’orchestre ! un livre-CD illustré issu de son conte musical.
Publiée en tant qu’haïjine dans plusieurs revues et anthologies, elle a signé en 2019 son premier recueil personnel de haïku :
Les instants paisibles.
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Seitenzahl: 178
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Natacha Karl
Musiciennes
Roman
© Lys Bleu Éditions – Natacha Karl
ISBN : 979-10-377-0740-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pour Laurent et Marie,
Qui sauront se retrouver dans les pages de cette histoire…
Nina, chef d’orchestre !
Quand j’étais enfant, je ne savais pas encore à quel point j’aimais la danse. J’avais deux livres de chevet : La vocation d’Irène et Irène à l’Opéra ; c’était l’histoire d’une jeune fille – orpheline – qui rêvait d’être une étoile de la danse. Elle croisait dans sa marche vers l’Étoile un jeune Sébastien, musicien, pianiste, compositeur. Un jeune homme plein d’ardeur qui comptait se vouer à la musique. Forcément, l’auteur de ces deux livres, Lorna Hill, réunissait Irène la danseuse et Sébastien le musicien. Et moi, je relisais sans trêve ce livre et j’apprenais dans le silence et l’intimité de ma chambre les diverses positions de la danse classique. En vérité, j’étais très souple, mes doigts étaient déliés et mon sourire naturel. Mon sourire et mes grands yeux noirs ainsi que mon épaisse chevelure auraient pu être des atouts pour danser. Très tôt, ma mère voulait m’inscrire à un cours de danse, mais je refusais toujours avec une invariable phrase « je n’aime pas danser ». Je croyais alors dans mon aveuglement enfantin que ce que j’aimais c’était la danse et pas danser moi-même. J’avais une sorte de pudeur ou de respect pour la danse ; pourtant dès que je me retrouvais seule dans l’appartement en l’absence de mes parents ou de ma petite sœur, je dansais devant le grand miroir, seule et heureuse. Je dansais en cachette de tous et aussi en cachette de moi-même !
Aujourd’hui, j’ai grandi et mon caractère s’est affirmé ; je suis mariée et j’ai une grande fille de dix ans. Je peux le dire à tous comme à moi-même, j’aime danser ! Mais la discipline, les astreintes du danseur professionnel ne devaient pas correspondre à ma nature ardente, vaguement frondeuse et timide à ses heures. Pourtant, la danse m’habite, en vérité la musique m’habite ; la danse est juste une façon d’exprimer les émotions intenses que la musique me donne. J’ai longtemps cherché, mais sans succès, une suite à Irène à l’opéra. Oui, Sébastien venait chercher la jeune ballerine à la sortie de l’Opéra de Paris, le soir de la première du Lac des cygnes où Irène était l’héroïne. Mais après ? Ce n’était plus comme dans les contes de fées, il manquait la phrase magique « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Or, c’était peut-être moi qui devais la vivre, cette suite dont je rêvais.
La classe de danse
Je m’appelle Nina ! Nina Ruska. Rien que ça, allez-vous penser. Mais comment faire autrement quand nos grands-parents sont russes et nos parents des Russes assimilés français ? Voilà pour mon nom mais je le porte avec fierté.
Certains m’ont dit parfois : « Nina ? Nina ? Mais ce n’est pas un prénom ça ! » Tiens donc ! Et Sainte Nina ! Qu’est-ce qu’ils en font ! Encore des gens qui ne savent pas lire un calendrier ! Maman, qui se prénomme joliment Clara, me devine sans doute bien car elle a remarqué très tôt mon goût pour la danse. Elle veut m’inscrire à un cours depuis mes six ans déjà mais je refuse toujours farouchement. Et puis, à neuf ans, lasse de faire de l’opposition systématique, je dis oui !
Il y a un petit examen de rentrée au conservatoire. J’ai un peu les jambes en coton à cause de l’émotion devant les deux professeurs de danse et le directeur ; en fait ils regardent surtout notre morphologie, notre souplesse et cette année, j’ai de la chance car ils ont décidé d’ouvrir une nouvelle classe pour les grands débutants ; une lubie du directeur peut-être mais à neuf ans, je ne décèle pas encore toutes les petites combines.
Pour cette classe, ils ont recruté douze filles et trois garçons. Je vais avoir trois heures de danse et une heure et demie de formation musicale « danseurs » réparties sur toute la semaine. Comme je suis heureuse en découvrant avec maman mon nom inscrit sur la liste des élèves admis en classe de danse. Je serre sa main avec émotion tout en me mordant la lèvre inférieure.
Aujourd’hui, samedi 25 septembre, c’est mon premier cours de danse. Ma prof porte le classique chignon bas des danseuses, elle s’appelle Madame Léna ; son sourire n’est pas naturel, on a toujours l’impression qu’elle joue un rôle. Elle se tient comme une danseuse. Avant de nous installer à la barre que je fixe du regard en me demandant ce que nous allons y faire, cette dame aux yeux clairs nous décrit avec minutie notre future tenue : justaucorps jaune pâle, chaussons demi-pointes du même jaune que le justaucorps, collant chair, cheveux attachés de rigueur, ni frange, ni queue-de-cheval mais chignon bas de danseuse, les cheveux disciplinés au gel.
Toutes ces instructions me rebutent un peu ; je n’ai d’yeux que pour la salle, les miroirs, la barre, le parquet de bois et le piano à queue. Madame Léna nous détaille notre coiffure avec précision : elle parle maintenant d’un ruban jaune à accrocher à notre chignon. Elle nous veut comme des gravures de mode, des petites filles modèles sorties des pages de Martine petit rat del’Opéra, un livre que maman m’avait acheté quand j’étais petite.
C’est au deuxième cours que nous avons vraiment commencé à apprendre à danser. Un pianiste est là pour nous accompagner et rythmer nos exercices. À partir du moment où le pianiste s’installe au piano, je me sens comme des fourmis dans les jambes, un besoin impérieux de retransmettre physiquement les émotions ressenties. C’est comme si les vibrations du sol sur le parquet de bois se communiquaient à moi. J’entends comme dans un brouillard la voix de Madame Léna qui parvient à peine à traverser mon émotion profonde. Je regarde devant moi dans le miroir et je reproduis les gestes des autres. C’est magique, la danse m’habite et même les éclats de voix de Madame Léna quand elle corrige les postures ne m’impressionnent pas ; je suis ailleurs, au Pays de la danse.
Au bout d’une heure, il faut redescendre sur terre et je traîne toujours dans les vestiaires pour prolonger la magie. Quand je retrouve maman dans le grand hall du conservatoire, un sourire discret illumine mes yeux. Je crois que maman comprend mon émotion car elle ne me pose pas de questions sur le cours qui vient de se passer.
Cette magie dure deux mois. Je n’entends guère la voix de Madame Léna pour me corriger. Puis il y a un cours public, pour que les parents rencontrent les professeurs et visualisent les progrès de leur enfant. Madame Léna nous fait répéter nos exercices, d’abord au sol, puis à la barre. Ensuite, chaque parent qui le souhaite peut venir lui poser des questions. Maman, qui sait bien comme je suis heureuse depuis que j’ai commencé la danse, s’approche de Madame Léna pour connaître son impression sur moi.
Je vois maman commencer à parler à ma prof ; pendant ce temps-là, avec mes copines, je suis en train de faire des clowneries devant la glace. Soudain, j’entends cette phrase qui me glace : « Nina n’écoute pas la musique. Il faut qu’elle s’applique à davantage caler son mouvement sur la musique… »
Que je n’écoute pas la musique !? J’en reste saisie, moi qui suis si heureuse de venir en cours ! Moi qui suis passionnée et fascinée par tout ce qui s’y passe ! Maman ne s’est pas aperçue que j’ai surpris cette phrase de leur conversation et elle ne m’a rien dit, sans doute pour ne pas me faire de la peine car elle sait comme je suis sensible. Mais cette phrase me poursuit tout le reste de l’année scolaire. Il y a quelque chose qui sonne faux dans cette phrase, comme un jugement hâtif et un peu péremptoire ; j’ai l’impression d’une cassure.
Quand Madame Léna retouche le mouvement d’une élève, je la trouve dure, cassante presque. Elle nous dit qu’il faut aller jusqu’au bout de chaque mouvement, jusqu’à la souffrance car sinon, on ne sent pas son corps et on n’est pas dans la danse. Je trouve ces phrases-là effrayantes, loin de mon rêve de danse… Et sa voix qui dans les enchaînements scande : « et un, et deux, et un, et deux… » résonne comme un métronome agressif. Un air martial souffle sur la classe de danse.
Mademoiselle Angeline
Heureusement il y a Claudia ! Une fille pleine de vitalité et très très rieuse. On pique des fous rires dans le vestiaire en essayant de faire nos chignons et de discipliner nos cheveux rebelles. En plus, on est dans la même classe à l’école.
Après la classe, en allant au conservatoire, on s’arrête souvent chez le marchand de journaux et on s’achète la revue Danser. On découpe des photos de danseurs et de danseuses et on les colle sur les pages de garde de nos cahiers. Notre rêve, c’est d’aller à l’Opéra de Paris voir Le Lac des Cygnes. À la maison, je me passe le disque en boucle.
« Pourquoi tu passes toujours ce disque ? » me demande Juju, ma petite sœur. On partage la même chambre. Le soir, je lui raconte mes rêves de danse et elle, elle me parle des chevaux. Elle a commencé l’équitation en même temps que moi la danse. Elle va dans mon ancien club. Depuis que j’ai commencé le conservatoire, il a fallu choisir. J’aime toujours les chevaux bien sûr et je les aimerai toujours, mais avec les trois heures de danse et l’heure et demie de FM, ça faisait trop. Alors Juju me raconte, elle me donne des nouvelles du centre équestre : Alizée va avoir un poulain ; Cadichon, l’âne mascotte du club, devient de plus en plus gourmand.
Juju me regarde faire des exercices le soir face à la psyché que nous avons dans notre chambre. Je m’applique à prendre des positions que j’ai vues dans les magazines de danse, et même si je n’ai pas encore appris, je tente de tenir une arabesque ! Je me rêve cygne ou fée sur un lac gelé et je « m’allonge » en équilibre sur une jambe. Juju s’esclaffe ! ça ne doit pas être très réussi ! Ce n’est pas grave, je continue de rêver.
Claudia et moi passons dans la classe supérieure. Nous serons avec Mademoiselle Angeline. C’est une jeune femme très mince, avec de très longs cheveux et des yeux noisette. Elle a l’air très douce. Avant d’être professeur, elle était danseuse dans une compagnie en Allemagne. Avec elle, la classe de danse, ça change !
D’abord, elle ne nous jette pas des regards glacés si notre coiffure n’est pas parfaite ! Du coup, on la réussit mieux ! On a tellement hâte d’arriver dans sa classe qu’on ne perd pas de temps en mettant les épingles dans nos cheveux. On dirait que tout s’est assoupli ; elle nous fait sentir le lien entre la musique et la danse.
Elle nous dit qu’un danseur ressent la musique dans son corps, que la musique appelle en lui le mouvement, c’est comme une vibration de son être. L’important, c’est cette vibration qui monte en nous et que notre corps va devoir exprimer.
Elle nous apprend la danse en mouvement, pas une danse arrêtée sur la souffrance, mais une danse fluide. Parfois, elle danse devant nous une petite variation. Chaque fois qu’elle veut nous expliquer quelque chose, elle nous le montre, elle nous le fait voir et entendre, sentir et ressentir. Elle nous apprend que même les sourds peuvent ressentir les vibrations du sol et aiment danser. C’est même leur seule façon « d’entendre » la musique. Avec Mademoiselle Angeline, on comprend bien le lien entre musique et danse, l’expression d’une ligne, le martèlement du rythme. Ce n’est plus le sinistre métronome ! C’est le battement du sang, le rythme de la vie.
Ah ! Mademoiselle Angeline ! Avec elle, la danse, c’est vibrant, c’est merveilleux ! Je ne l’ai dit à personne, pas même à Claudia, mais j’ai décidé que je serai danseuse, comme Mademoiselle Angeline !
Poupée russe
Claudia et moi sommes tout excitées ! Mademoiselle Angeline vient de nous parler du spectacle que nous allons préparer pour la veille des vacances de Toussaint. Elle a choisi des petites pièces enfantines pour piano de Tchaïkovski. Nous allons les illustrer par la danse comme autant de petites scènes. Il y aura de vraies pantomimes : le petit cavalier, les soldats de bois, la sorcière dans la forêt, le paysan jouant de l’accordéon, l’orgue de Barbarie, des danses russes, une polka et une mazurka.
Et puis, il y a la poupée ! Mademoiselle Angeline m’a choisie pour jouer la poupée ! Je rêve, la poupée revient dans trois scénettes : d’abord La poupéemalade, puis L’enterrement de la poupée et La nouvelle poupée. Nous serons deux pour danser les trois scènes : Tatiana, une grande de 4ème année dansera la petite fille et moi, je serai la poupée. Mademoiselle Angeline m’explique bien mon rôle ; ce n’est pas très difficile techniquement mais ce sont les attitudes qui doivent être justes. Elle m’a choisie car elle a remarqué que je suis expressive. C’est le mot qu’elle a employé ; de plus mes grands yeux sont un atout et ma petite taille convient pour le rôle d’une poupée.
Pour La poupée malade, ce sont surtout des ports de bras, des changements de position très lents. Il faut beaucoup de souplesse. Je dois donner l’impression que je vais tomber. Tatiana fait mine de m’asseoir et ma tête bascule avec mes bras à droite et à gauche alternativement, pour finir sur mes genoux. C’est très court mais très expressif. J’adore les accords plaqués de cette musique.
Pour l’enterrement de la poupée, c’est surtout Tatiana qui danse. Moi, je suis au sol ; là encore, je dois avoir une belle attitude, de beaux ports de bras quand Tatiana pleure puis me recouvre d’un petit drap de poupée à la fin. C’est triste mais la musique est si belle. Ça me rappelle quand j’avais fait l’enterrement de ma poupée, j’avais fait semblant puisque ça s’était passé dans ma chambre, mais j’avais dessiné une petite croix au stylo sur son front. Je n’ai pas réussi à l’effacer après, heureusement que Marie, ma poupée, a la frange, ça cache un peu sa petite croix sur le front !
Pour La nouvelle poupée, je porte une perruque blonde. Là, c’est très vif et très gai, j’exécute toute une série de sauts de chat avec Tatiana pour exprimer toute sa joie d’avoir une nouvelle poupée. C’est merveilleux !
Tous les soirs, je m’endors en pensant au futur spectacle. Claudia et moi, on en parle à la récré. Elle va danser La sorcière dans la forêt. Elle a un sacré costume et les cheveux tout crêpés autour de la tête. Nous avons des répétitions comme les vraies artistes ! C’est la première fois que je vais monter sur scène pour danser, et, même si le spectacle a lieu à l’auditorium du conservatoire que je connais bien puisque j’y vais souvent à des auditions, j’ai le trac ! Le soir, dans ma chambre, je pense : « ça va être mon premier rôle ! » Je prends tout cela très à cœur ! Je répète devant Juju.
À la maison, c’est nouveau, nous avons un piano car maman a recommencé à prendre des cours de chant. Elle fait ses vocalises en s’accompagnant au piano. Quand elle était jeune, elle pratiquait le chant grégorien ; cette année, elle a eu envie de reprendre le chant. D’ailleurs, je crois qu’elle aurait aimé devenir chanteuse professionnelle. En tout cas, avec ce piano à la maison, je suis très contente. Quand il n’y a personne, je vais au salon, j’ouvre le piano et je cherche la ligne mélodique des trois poupées de Tchaïkovski ; je les joue de mémoire, c’est à peu près ça, j’ai envie d’acheter la partition pour pouvoir les lire en attendant le grand jour de la représentation !
Pour nos costumes, la maman de Claudia, qui est couturière, a aidé Mademoiselle Angeline à les coudre. Le mien est joli comme tout : je porterai des ballerines noires, un pantalon rose, une tunique à fleurs et un ruban rose dans les cheveux ! comme une vraie poupée ! J’aurai les joues maquillées et les yeux bordés de crayon. Mademoiselle Angeline nous a dit qu’il faut toujours bien maquiller les yeux d’une danseuse. Tatiana a déjà participé à des spectacles. Elle est drôlement sympa, elle a beaucoup de tempérament. J’apprends beaucoup à la regarder.
Exceptionnellement pour la répétition, nous allons manquer l’école. Nous faisons une vraie répétition avec les costumes directement sur la scène, on appelle cela une générale. Jusqu’à présent, nous avons répété dans la salle de danse. Dire que tout à l’heure, ce sera plein, il y aura maman, papa et Juju. Elle est excitée comme moi, Juju ! En juin dernier, j’étais allée assister à son passage de galop. Elle était super concentrée, et blanche, blanche ! Moi aussi, qu’est-ce que je suis blanche quand je me vois dans la glace des vestiaires où on se prépare ! Mademoiselle Angeline me sourit :
« Allez Nina ! ça va très bien se passer, tu verras ! Tu es parfaitement dans ton rôle et je sais que tu ressens vraiment cette musique de Tchaïkovski. C’est important qu’une danseuse ressente intensément la musique et j’ai remarqué que c’est ton cas. »
Je ne peux que balbutier :
« Oui, Mademoiselle. »
Nous voilà toutes en coulisses. Tatiana et moi entrons côté jardin quand les « soldats de bois » sortent eux du côté cour. C’est à nous ! Tatiana me serre fort la main et nous entrons pendant le noir. La scène s’éclaire dès que la musique commence. Tatiana s’empresse autour de moi. Je suis vraiment une poupée malade. Mes bras sont lourds, ma tête est lourde aussi. Je suis une pauvre petite poupée. Et voilà que je tombe de ma petite chaise. Tatiana a les larmes aux yeux en mettant sur moi le petit drap. La lumière se resserre sur nous pour s’éteindre tout à fait. Il y a un instant de silence puis c’est la valse de Claudia.
Je n’ai pas le temps de la regarder car il faut que je file changer de tunique et mettre la perruque blonde de la nouvelle poupée. En plus, il faut bien l’attacher avec tous les sauts qu’on doit faire ! Si jamais elle tombait ! Mais non… tout se passe bien. Nous avons dansé, sauté, ri presque. Vraiment entre Tatiana et moi, le courant passe très fort. Peut-être que c’est la musique russe qui vibre en nous… enfin je ne sais pas dire, mais nous sommes en harmonie, et quand nous sortons de scène, on se sourit sans rien dire, encore tout à notre danse…
Je me glisse dans la salle pour assister à la suite du spectacle : la mazurka, l’orgue de Barbarie… Avec très peu d’accessoires, Mademoiselle Angeline a recréé un univers enfantin et russe. Les lumières aussi sont très belles. Vite ! Il faut que je retourne en coulisses pour être prête pour le salut final. Les applaudissements éclatent et me surprennent. Je ne pensais plus aux spectateurs tellement j’étais dans la danse et la musique. Hélène, une grande qui a dansé toute seule la mazurka, sort de scène et revient avec un magnifique bouquet pour Mademoiselle Angeline. Nous ses élèves l’applaudissons, nous l’aimons tellement !
Le soir, dans notre chambre, Juju me demande de lui raconter encore ce que j’ai ressenti pendant la représentation et surtout ce qui s’est passé en coulisses. C’est ça qui l’intrigue, elle, l’envers du décor ! Elle est curieuse ma petite sœur. Papa et maman m’ont félicitée mais ce que je garde en mon cœur comme un trésor, c’est le sourire de Mademoiselle Angeline et cette simple phrase : « Tu as très bien dansé, Nina ! »
Très bien dansé… Pendant les vacances chez papy et mamie à Nice, je repense à cette petite phrase et j’ai hâte d’être à la rentrée. Mamie m’a prêté un livre sur les ballets russes, et je rêve, je rêve en le lisant… À la rentrée, une surprise m’attend.
Une vocation brisée
C’est mardi, le jour du premier cours de la semaine. À la fin du cours, Mademoiselle Angeline m’appelle :