Noces de velours - JP Bouzac - E-Book

Noces de velours E-Book

JP Bouzac

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Beschreibung

Ce petit livre traite de la République Tchèque, de son histoire, sa culture, ses paysages et ses personnages, à l'occasion de voyages, lectures... et de rencontres culturelles ayant eu lieu sur place, dans "Les Bohèmes", ou à Berlin. Il comprend aussi le récit d'un jeune Berlinois évacué près de Prague entre 1944 et 1945 ainsi qu'un poème d'un jeune Tchécoslovaque juif interné à Theresienstadt. Prix: 9 Euros

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« Šťastnou cestu ! », littéralement « Heureux chemins ! », est l’expression tchèque pour souhaiter un bon voyage.

A mes parents,

Louis-Clément Renault (1925-2015)

Marcelle Renault, née Charbonnier (1930-2017)

Marcelle et Louis-Clément Renault, Prague, 24 août 1997

A mon ami,

Dr. Gordon Tung-Chin Kung (1973-2015), Taiwan

Gordon was a living bridge between Asia and the rest of the world. Together we have admired the Butterfly Kingdom; in the City of Mostar we did enjoy like children the peaceful mood after the disaster and the pure green waters of the Neretva River.

Gordon, Mostar, Bosnie-Herzégovine, juin 2014

Table des matières

Préface à l’édition française

Préface pour Henry

Prague à Berlin : Hrabal

Gerhard à Prague

Découverte commune de l’Europe centrale

Première petite histoire pragoise : Carnet d’une disparue

La patrie de Smetana

Deuxième petite histoire pragoise : Encore plus de disparues

Theresienstadt

Troisième petite histoire pragoise

Life is mystery

Prague à Berlin : Havel

Petite histoire (de la banlieue) pragoise : Les cagouilles à Prague !

100 ans après

La vie continue (Postface)

Mockrát děkuju! – Merci beaucoup !

Le cas Bouzac

Maisons à Český Krumlov, JP Bouzac, crayon et aquarelle sur papier, 2018, d’après « Croissant de maisons à Krumau », Egon Schiele, huile sur toile, 1915

Préface à l’édition française

Trois années se sont écoulées entre l’édition de la version originale en allemand de ce petit livre et la version française que vous lisez. Et un peu de plus, tout se serait bien passé. Mais, en avril 2018, Sa, Ba, Dou et moi-même, affamés de soleil et de printemps, assoiffés d’aventure et de bonne bière, mîmes le cap vers le sud depuis Berlin, pour une semaine intitulée « Au-Tour de Prague ».

Encore sous le charme des « Vigiles de Karlštejn », livre de František Kubka 1, qui fait revivre l’époque de Charles IV, roi de Bohème et empereur du Saint-Empire romain germanique, je me posais la question : « Charles, Karl, Karel… était-il allemand, tchèque ou les deux ? » Vous allez à peine le croire : la réponse varie selon les sources consultées. Seuls points d’accord : son père était luxembourgeois, sa mère tchèque.

Notre première étape, à Görlitz, ville de Lusace, ancien fief du royaume de Bohème, depuis 1945 mi-allemande, mi-polonaise (Zgorzelec), mi-saxonne (officiellement du côté allemand) et mi-silésienne (des deux côtés !), nous a tout de suite mis dans le bain : panneaux routiers bilingues, en allemand et sorabe 2, menus des restaurants en allemand et polonais, personnel polonais (sur les deux rives de la Neisse). L’histoire européenne, c’est compliqué !

Görlitz, l’une des rares vieilles villes d’Allemagne épargnées par la seconde guerre mondiale, revient de loin. Pimpante, elle a toujours un petit air de famille avec les cités de l’ancienne Hexapole de Haute-Lusace, confédération prospère au quatorzième siècle sous Charles IV, roi de Bohème...

A peine avions-nous quitté Berlin, que notre Tour de Prague avait déjà commencé !

En suivant la Neisse vers le sud, dans un paysage vallonné et rieur, qui ne nous quittera plus tout au long du voyage, on rejoint bientôt Zittau, autre ancienne ville de l’Hexapole. La vieille ville n’a, au premier abord, pas grand-chose de bohémien.

Pourtant, la plus célèbre curiosité locale remonte elle-même à une époque à laquelle Zittau, ville frontière d’avec le royaume de Bohème, vivait en grande partie des échanges avec ce voisin prestigieux. Je n’ai pas l’intention d’écrire un livre sur Zittau, je vous rassure, mais encore moins envie de passer sous silence cette fantastique histoire.

La voici, en quelques mots : en 1472, le riche marchand de céréales et d’épices Jacob Gürtler fit le don à l’église d’une toile de la passion 3 de grande taille 4 et de toute beauté. Cette toile, une bédé biblique pleine de vie et de couleurs, fut exposée pendant deux cents ans, chaque année, pour Pâques, dans l’église Saint-Jean, sur la place centrale de la ville, et entreposée dans cette même église le reste du temps. L’église Saint-Jean, comme une bonne partie de la ville, fut détruite par un incendie en 1757, à la suite d’un bombardement par les Autrichiens.

On redécouvrit par hasard la toile indemne en 1840. Elle fut alors exposée à Dresde, où elle resta jusqu’en 1876, avant de retourner à Zittau. Après la destruction de Dresde, en février 1945, comme de la grande majorité des villes allemandes pendant ce début d’année très meurtrier, on cacha la toile dans la ruine de l’ancien château fort et cloître d’Oybin.

Des soldats soviétiques découvrirent la cachette, découpèrent la toile en quatre morceaux et s’en servirent pour couvrir les murs du sauna qu’ils installèrent dans une grotte de la forêt au pied des ruines ! Après leur départ, un habitant du village retrouva la toile pleine de boue dans les sous-bois.

C’est seulement après la chute du mur en 1989 et avec le soutien d’une fondation suisse que la toile, passablement décolorée, entre-temps découpée en dix-sept grands et de nombreux petits morceaux, fut soigneusement recousue. Depuis 1999, elle est la principale attraction de l’église de la Sainte-Croix transformée en musée. L’histoire européenne…

Et la Bohème dans tout cela ? C’est simple, elle nous a comblé : Les orgues basaltiques de Novy Bor et le Paradis de Bohème, Náchod 5, la ville de naissance de Josef Škvorecký, Kutná Hora, l’ancienne rivale de Prague et ses vignes, Tábor, la ville hussite encore décorée aux couleurs de Pâques, la visite guidée du château de Rožmberk, surplombant la Vltava, l’abbaye cistercienne de Vyšší Brod, Holašovice, village modèle, České Budějovice, capitale régionale dynamique au centre-ville entièrement rénové et plein de vie…

Vitrine au pied de la Tour Noire, České Budějovice, avril 2018

Písek, son vieux pont de pierre, particulièrement beau depuis la terrasse du café Mozart, Blatná, son château Renaissance entouré d’eau et d’un parc rempli d’arbres centenaires et de cerfs curieux, Roudnice nad Labem, la vallée de l’Elbe et la Suisse tchèque, telles étaient les principales re-découvertes, dans un paysage printanier de collines vert rizières, parsemées de fleurs, buissons d’aubépines, fleurs des bois de toutes les couleurs.

Pas étonnant que l’on trouve encore un peu partout en Bohème du miel de très bonne qualité. Nous en avons ramené plusieurs grands pots à la maison. C’est que, depuis un voyage en Bulgarie, l’an passé, notre consommation de miel (avec yaourt et noix) a augmenté de quantité inversement proportionnelle à l’offre dans les magasins de la capitale allemande.

Ba ferait bien remarquer au passage que la diversité des formes du paysage s’explique par la richesse géologique du sous-sol, les grès laissant la place au granite, aux laves (les orgues et plein de petits volcans tout mignons), aux bancs de calcaire et aux falaises de schistes.

Tout cela fait de beaux promontoires très souvent couronnés par des bâtiments rénovés ou en ruines, châteaux, églises, cloîtres et tours d’observation. Nous avons, cette fois-ci, bien vus, de nos propres yeux, le mythique Mont Blaník aux deux sommets (sur la route de Tábor) et même son concurrent sacré, le Mont Říp (près de Roudnice nad Labem). Faute de temps, nous nous sommes contentés de boire un café turco-tchèque au pied du premier et de déjeuner (truite et asperges primeur) au pied du second, par vingt-huit degrés à l’ombre, un vingt avril ! L’accès du mont sacré était bloqué, car ses flancs accueillaient une foire foraine.

Les stars du voyage, Český Krumlov et Karlovy Vary, ont, elles aussi tenu leurs promesses. La première, envahie dans la journée par les Chinois, et rebaptisée à cette occasion Činský Krumlov, la seconde complètement aux mains des Russes, toutes deux très bien restaurées, toutes belles, mais sans avoir perdu pour autant leur charme bien particulier.

Tour du château, Český Krumlov, avril 2018

Ba, encore elle, a résumé à sa façon le choc provoqué par sa première promenade (nocturne) dans Český Krumlov :

« Mais comment une ville, dont je n’avais jamais entendu le nom il y a seulement deux jours, peut-elle me plaire autant ? »

Sur ce, nous avons parcouru la ville de fond en comble et de haut en bas. De notre magnifique pension installée sur la butte couverte d’une roseraie, au pied de laquelle se cache l’atelier de Schiele, à l’ancien couvent des Clarisses tout juste rénové, en passant par les berges, ponts, ruelles, arrière-cours et jardins. C’est le miracle de Český Krumlov, dès la première visite, on sait qu’on y reviendra un jour, pour une heure ou un mois, à n’importe quelle saison.

Qu’il existe encore des restaurants traditionnels comme Na Louži, en plein cœur de Český Krumlov, tient aussi du miracle. Ça tombe bien, les miracles, nous, on aime ça ! Ainsi que les saucisses noyées dans le vinaigre, le chou blanc et le paprika (utopenci, export perso : six verres), le pain de seigle grillé frotté au beurre d’ail, la carpe de Třeboň grillée avec ses petits épinards, le foie de porc à la mode « Vieille-Bohème », les crêpes en tout genre (des lívance aux palačinka), les koláč au pavot, fromage blanc ou mousse de prunes, les štrůdl aux pommes et aux noix, les trdelniki tout chaud, roulés dans le sucre à la cannelle, les knedliki…

Quoique, en ce qui concerne ces derniers, ces quenelles, salées ou sucrées, à base de pomme de terre, de mie de pain dur, avec ou sans lardons ou mousse de prunes, il faut bien reconnaître que les opinions étaient, disons… partagées. Dou, fidèle à lui-même, a bien sûr tout mangé, mais de préférence des brambory, c'est-à-dire des patates non quenellisées. A tel point que, si nous l’avions écouté, nous aurions passé tout le séjour près de Kutná Hora, dans la ville du même nom. Ou, autre possibilité, au pied de la Tour d’observation de Diane, à quelques centaines de mètres, à vol d’oiseau, du Grand Hotel Pupp, notre hébergement local, à la buvette vendant des bramborák se zelím.

Une fois de plus, nous avons eu de la chance. Car de nombreux lieux n’ouvrant leurs portes qu’en mai (on reviendra !), la température estivale propice aux promenades était la bienvenue. Nous avons marché chaque jour un peu plus pour finir par battre le record du monde à Karlovy Rusky sous les yeux ébahis des curistes de toutes les Russies, interrompant pendant quelques instants leur sacro-sainte séance photos devant le vénérable magnolia en fleurs du parc Dvořák.

A propos de la plus belle des villes thermales, j’ai été surpris de revoir cette piscine bétonnée qui m’avait tant gêné dix ans plus tôt. Elle est certes laide, mais plutôt excentrée et donc négligeable. Ce qui n’est pas du tout le cas de la Vřídelní kolonáda, thermes dites « de la source bouillonnante », construite entre 1969 et 1975, entre les élégantes Thermes du marché, en bois peint en blanc et l’église Marie-Madeleine, un cas pour les inconditionnels du béton armé, que j’avais complètement occultée de mon souvenir.

La préparation de ce voyage a été accompagnée de deux redécouvertes : celle, au fond de mon ordinateur, de photos de Görlitz datant de 2008, portées disparues depuis, et aussi celle d’un voyage à deux (avec Sa) à Prague en juin 2000, alors que nous revenions tout juste d’un tour en voiture Bohème-Moravie-Slovaquie-Hongrie. Jusque-là, le bruit courait que la fin dramatique de la « Première petite histoire pragoise : Carnet d’une disparue » était le seul fruit de mon imagination fertile. Une boîte de diapos cachée au grenier a apporté la dernière preuve de l’authenticité du récit. Le temps passe vite et on oublie encore plus vite. Tout ou presque. Ce que l’on a visité et quand on l’a visité, ses propres petites histoires, et bien entendu l’histoire des pays visités.

Une bonne solution contre l’oubli : lire. Par exemple les discours de Václav Havel de 1990 à 1991, ma lecture de chevet pendant ce dernier voyage. Des textes qui n’ont pas pris une ride, à la condition toutefois de ne pas considérer optimisme et naïveté dans la politique comme complètement démodés. Ce qui, vu la situation actuelle, et pas seulement en République Tchèque, peut laisser rêveur.

A part lire, on peut naturellement aussi écrire et agrémenter le tout de photos personnelles 6, comme c’est le cas de cette édition. En allemand, ce livre s’appelait à l’origine « Noces d’argent bohémiennes », fine allusion à mon premier voyage à Prague en 1990 juste après mon mariage avec Sa. Comme nos Noces de velours approchent à grand pas (29 ans), cette traduction s’imposait, à double titre.

Lors de notre dernier passage dans le pays, en 2014, nous avions été directement confrontés au centenaire du déclenchement de la première guerre mondiale. Tout cela appartient déjà au passé. Nous sommes tout prêt de la fin de ce terrible conflit, cent ans après.

Et, pendant que nous y sommes, nous qui revenons tout guillerets d’une cure de printemps autour de Prague, comment pourrions-nous ignorer les cinquante ans du Printemps de Prague ?

La joie des citoyens ayant cru, pendant plusieurs mois, pouvoir remplacer la dictature par un système humain et l’écrasement dans le sang de cette tentative, restée unique, par les armées du pacte de Varsovie. Comment se fait-il, qu’un demi-siècle plus tard, on continue d’utiliser le même terme pour parler de ces deux évènements intimement liés, mais que tout sépare ?

Et boire, pour oublier ? « Prager Frühling 1968 - Pivnice 7 » est le nom du bar à bière ouvert l’année dernière par Luděk Pachl à Berlin-Pankow. Un établissement qui n’a rien de politique, comme précise Luděk, l’inventeur, le patron, l’artiste de TUZEX, magasin, bistrot, galerie tchèque de Prenzlauer Berg depuis 2009 (vient de fermer !).

Mais dites-moi, cette soi-disant deuxième préface, ne serait-elle pas en fait qu’un prétexte pour une nouvelle « Petite histoire pragoise » (presque sans Prague) ?

Panketal, mai 2018

1 Traduction littérale, ce livre n’étant pas traduit en français

2 Dialecte slave, proche du tchèque, de la minorité présente depuis mille ans dans la région

3 On dit aussi : Voile quadragésimal…

4 8,20 x 6,80 m, soit 58 m2

5 Et un excellent premier dîner tchèque au restaurant de l’hôtel du château… (Zámecký hotel U Rajských v Náchodě)

6 On trouve sur internet quantités de photos fantastiques ou cart’postalisantes

7 Printemps de Prague 1968 (en allemand) – Bar à bière (en tchèque)

Préface pour Henry

Dans un monde dans lequel on s’envole pour une semaine à Bali ou un week-end à New York sans la moindre arrière-pensée, on oublie facilement ce pays fantastique, tout près de chez nous, prêt à combler tous nos désirs. Il faut admettre que les soi-disant plages paradisiaques (avec cocotiers) y sont assez rares. « Sauf pour les poètes, car pour eux la Bohème est au bord de la mer 8.»