Pulsions - Saer Maty Ba - E-Book

Pulsions E-Book

Saer Maty Ba

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Beschreibung

Personne cultivée et ouverte aux autres, Max a eu une enfance heureuse en voyageant beaucoup grâce au métier de ses parents. Son père, militaire européen, et sa mère, archéologue-géographe africaine, l’ont éduqué de manière multiculturelle, lui enseignant l’indépendance, l’amour de la nature et de la lecture, ainsi que l’importance de l’éducation publique, des aventures et de l’activité physique. Cependant, au cours de sa vie, Max se pose quelques interrogations fondamentales : a-t-il toujours agi par impulsion ? Sa quête de sens se résume-t-elle à une volonté de vivre et à un désir d’agir ? Comment Max parviendra-t-il à résoudre ces questions existentielles ? 

Pulsions explore ces thèmes à travers un voyage palpitant où se mêlent sublime et ridicule, richesse et pauvreté, joie et peine.


À PROPOS DE L’AUTEUR

Saer Maty Ba a enseigné la littérature, le cinéma et les études culturelles pendant une vingtaine d’années au Royaume-Uni. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels Ces mots dans mes veines et Nous, femmes affranchies, tous parus en 2022 aux éditions Le Lys Bleu. Pulsions est son troisième roman.

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Saer Maty Ba

Pulsions

Roman

© Lys Bleu Éditions – Saer Maty Ba

ISBN : 979-10-422-0356-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

La réalité, ce sont les affects, réalité chaotique irrationnelle, inconsciente.

Éric Blondel

Son être est constitué par une puissance de penser et de se mouvoir, une puissance d’agir, par l’esprit et par le corps.

Pascal Séverac

Prologue

Pour devenir sage, il faut vouloir vivre certaines expériences, donc se jeter dans la gueule des événements.

Friedrich Nietzsche

Vouloir vivre

Tête levée au-dessus et au-delà du groupe, yeux rivés sur le dernier quart de la Dame de Fer qu’il croit pouvoir toucher, étreindre, tellement elle lui semble proche, il paraît surpris par l’ovation que lui fait une vingtaine d’âmes, debout, visiblement ravies de la cinquantaine de minutes qu’elles viennent de passer avec lui. Rien ne l’y avait préparé. Car il s’agissait juste d’un institut lambda, qui aurait eu besoin d’un professeur, en urgence, pour couvrir un congé de maternité. Jusque-là, la future maman n’avait pu être convenablement substituée, vu que deux vacataires s’étaient cassé l’échine à son job ; l’une avait jeté l’éponge après quelques jours, alors que l’autre fut remerciée par l’établissement pour incompétence, ou par manque de maîtrise suffisante des sujets à enseigner, avait-il surpris certain.e.s professeur.e.s en train de raconter dans un couloir. C’était il y a un an. Et jamais, dans cet établissement, n’avait-il enseigné à ce niveau, dans cette section. Mais aujourd’hui, au crépuscule de la semaine 1 de sa première année scolaire comme employé-propre de l’établissement, c’est-à-dire, comme titulaire d’un contrat à durée indéterminée (CDI), en ce vendredi soir, à la dernière heure de la semaine où les élèves d’avant-dernière année de lycée essuient sept heures d’autres cours avant le sien, il a assuré. C’est du moins ce que pensent lesdit.e.s élèves, pendant que lui prend la chose avec philosophie ; il est particulièrement soulagé d’avoir tout fait sauf buter sur un ou plusieurs égos d’élève, tout fait sauf rencontrer des difficultés techniques (panne de rétroprojecteur, ou de problème de son), tout fait sauf perdre le fil de ses idées qui devaient être impérativement comprises par des élèves réputé.e.s, pour nombre de ses collègues, difficiles et frustrant.e.s. « Ouf ! Et mille mercis ! » marmonne-t-il en éteignant son ordinateur. Merci à l’expérience. Merci à vingt-cinq ans d’enseignement dans divers établissements, à des niveaux variés, dans plusieurs pays. Merci à tous ses employeurs. Y compris des racistes et autres clanistes ou tribalistes blancs qui lui ont offert, au mieux et à n’en plus finir, des contrats à durée déterminée (CDD) ou ne lui ont fait faire que des heures de cours rémunérées au SMIC, ce qui l’a poussé à en donner, environs, cent-cinquante par année universitaire/scolaire afin de pouvoir survivre : « merci ! vous m’avez aidé, collectivement et sans le savoir, à affûter mes aptitudes d’entretien d’embauche ; j’ai obtenu le poste qui m’a valu des applaudissements ce soir parce que j’aurai brillé à l’entretien dirigé par le big boss de l’établissement et la Directrice de sa Section Alpha, tous deux rompus à cet exercice, mais aussi et surtout capables de flairer le bon filon, le bon profile qui pourra(it) faire tache d’huile dans l’institut en termes de bonnes pratiques pédagogiques, de partage et transformation des connaissances. »

M. de Chocôm et Mme Cooliône l’ont d’abord pris en CDD (« encore ce cauchemar ! » pensa-t-il), avec une promesse d’œuvrer à lui trouver un CDI dans leur établissement. Chose promise, chose faite à moyen terme, après deux autres remplacements de professeures en congé maternité ; depuis, le reste de cette histoire, lié à sa phase d’emplois précaires, n’irrigue que timidement les méandres de sa mémoire, il ne constitue plus qu’un paquet de souvenirs dont seuls les contours lui reviennent en mode flash-back, de temps en temps. Ainsi, en descendant des escaliers en fer tourbillonnants, son sac de sport serré contre lui, évitant une horde d’élèves pressée de sortir pour aller palabrer à voix haute devant l’entrée principale de l’établissement, l’espace d’un quart d’heure, il ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire de contentement et de fierté, pressé qu’il est de retrouver la salle des sports, trois étages plus bas, où il va diriger une séance d’art martial. Ensuite, en vingt-cinq minutes de transports métropolitains et vingt de marche, il sera rentré chez lui.

Art

Mo, le plus gradé de mes élèves, a eu la présence d’esprit de nettoyer un bout de ladite salle avant que je n’arrive, aidé par cinq autres adeptes qui, eux, étaient des 7ekyu (ceinture blanche). Il a également dirigé ses camarades de dojo à l’échauffement ; l’acquiescement de ces derniers lors de son compte-rendu me dit qu’il l’a fait en suivant mes enseignements. Garçon sérieux, propre, mature, calme et intelligent, Mo a commencé à pratiquer les arts martiaux l’année dernière, quelque part en ville ; après lui avoir fait porter la ceinture blanche pendant six mois, je lui ai rendu sa 5e kyu (ceinture orange) et j’ai fait de lui mon sempaï ou assistant.

Gi et ceinture enfilés, salutations faites (rei !), nous commençons la séance par du travail de positions de base – principalement, zen kutsu dashi ou position avant – mains aux hanches, puis avec tous les blocages basiques, tels que gedan baraï (défense basse avec avant-bras) et les trois uke (uchi, soto, et age) niveaux abdomen et tête. Cinq pas à l’aller, mawaate (tourner, pivoter), cinq pas au retour. Nous accélérons le rythme au fur et à mesure de la séance, comme d’habitude, sans moments de récupération, car mes karatékas sont dans une phase d’apprentissage de la respiration « avec le hara et non les poumons, encore moins avec la bouche ! » n’ai-je de cesse de répéter haut et fort, notamment l’impératif de respirer convenablement pour pouvoir récupérer sans interrompre son entraînement : nous faisons, quand même, quelques pauses de deux à trois minutes lorsque j’explique ou approfondis la clarification d’une technique.

Ensuite, même routine concernant les coups de poing, combinés : oi tsuki (coup de poing avant) et gyaku tsuki (coup de poing contraire). Mo a appris les positions kiba dashi (position du cavalier) et kokutsu dashi (position arrière) ; je lui donne des instructions légèrement différentes pour les blocages (shuto uke, défense du sabre de main, par exemple), et les coups de pied (yoko geri ou coup de pied latéral avec le tranchant du pied, et mawashi geri ou coup de pied circulaire) ; idem en kata (simulation de combat contre un ou plusieurs adversaires fictifs) où il a trois longueurs d’avance : alors que ses camarades approfondissent encore leur troisième des cinq kata de base, taikyoku (san dan) Mo pratique son heian shodan.

Enfin nous adoptons la position souple du combattant de karaté sportif pour travailler les déplacements (agilité), les coups de poing pour tout.e.s, en plus des coups de pied (pour Mo). Nous faisons du shadow fighting pour commencer, puis des combats souples et légers avec un.e partenaire qui se tient à une distance telle que l’on ne fera que l’effleurer (les gants, enfilés, deviennent utiles). Je travaille tour à tour avec mes six élèves, trente secondes chrono pour chacun.e. Les enchaînements les fatiguent un peu, surtout Mo qui a commencé le randori avec moi en vue de sa première compétition sportive vers la fin de l’année scolaire, si ses parents, encore hésitants, finissent par y consentir. Yame (arrêtez) ! mes karatékas tirent un peu la langue, sous les yeux de parents vigilants mais souriants et intéressés. Étirements lents, respiration lente. Dix minutes de méditation (mokusu) allongé.e.s, yeux clos, ma voix, devenue douce, leur dit d’inspirer et de sentir l’air aller jusqu’au bout de leurs orteils, puis d’expirer, toujours par le nez et avec le ventre ; je mets fin à la méditation (mokusu yame !), pile au moment où mes karatékas sont au seuil de l’endormissement… Échanges avec les parents, je réponds à quelques questions, puis douche, habits propres et me voilà hors de l’établissement. Productive, ma journée aura été très bonne par conséquent ; il est temps d’aller retrouver ce T2 perché au dernier étage d’un immeuble de dix que j’appelle « chez moi ».

Élèves

Dans l’ensemble, mes relations avec les élèves de l’établissement sont très bonnes. Durant les premières semaines de toute année scolaire, « je serai cordial avec vous, mais je ne serai jamais votre pote », ai-je l’habitude de dire et rappeler à toutes mes classes. De l’humour, j’en injecte dans mes cours, à tous les niveaux d’études, auxquelles viennent également des élèves effronté.e.s, frustré.e.s, apprenti xénophobes, ou encore des vicié.e.s qui, heureusement, ne constituent globalement qu’une infime minorité ; ces types d’élèves sont souvent fruits et victimes de parents qui auront déteint de toute leur toxicité sur leur progéniture – mais moi, amoureux de la Nature, je n’ai pas le temps, je ne prends pas le temps de donner de l’importance à de telles cépées (enfants) et souches (parents), car je préfère me concentrer sur la vaste majorité des élèves qui, malgré les exigences de l’établissement (telles que se lever lorsque les professeur.e.s entrent en salle de classe et s’adresser à ces dernièr.e.s avec déférence), restent joviaux et respectueux à mon égard.

Et pourtant au sein même de cette majorité existe-t-il des têtes brûlées, comme partout ailleurs je suppose, à qui m’arrive-t-il souvent d’arguer qu’être à la fois tête brûlée et génie n’est pas nécessairement contradictoire, argument que j’étaye en évoquant Les Têtes Brûlées, des prodiges à l’origine d’un sous-genre musical hautement captivant : le bikutsi-rock (titre d’un de leurs albums, sorti en 1992). Les Têtes Brûlées, leur dis-je, étaient un orchestre camerounais fondé dans les années 1980s par Jean-Marie Ahanda, surnommé John, un lead vocal excentrique à voix envoûtante ; John s’entoura de quatre musiciens tout aussi extravagants que lui, Cool Bass (guitare basse et voix), André Afata (drums et voix), Rogers (guitare rythmique et voix), et Zanzibar (guitare solo et voix, mort à 26 ans, en 1988) ; au fil du temps, le groupe attirait d’autres artistes comme Atebass (guitare basse), Apache Ango (guitare rythmique), et Effa Paul (tumba) ; et à chaque spectacle, au-delà de leurs coiffures bizarres, de leurs habits colorés et stratégiquement déchirés pour choquer, ainsi que de leurs visages et lunettes noires peints, Les Têtes Brûlées usaient de leurs voix et musique pour faire halluciner leur public. Ils étaient effectivement des experts en rites d’initiation du Cameroun qui avaient su dériver leur bikutsi-rock du bikutsi, un style de musique et danse émanant des traditions du peuple Beti, pour ensuite l’articuler avec dextérité et force innovation, en conservant son rythme dynamique, cadencé et son usage accentué de percussions. Les Têtes Brûlées se trouvèrent ainsi une place au sein de la mouvance moderne du bikutsi en y apportant leur touche personnelle : un riche répertoire plébiscitant la guitare électrique et les nouvelles percussions. Il m’arrive de dire à mes propres têtes brûlées que j’ai toujours considéré John et son groupe comme des historiens et des féministes, une posture justifiée à mon sens, vu que le bikusti était traditionnellement pratiqué par les femmes Beti vivant dans les foyers polygames d’une société patriarcale les privant de parole parmi les hommes ; en d’autres termes, le bikutsi incarnerait l’une des stratégies ou tactiques utilisées par lesdites femmes pour des rassemblements dont le but serait d’exprimer leurs agacements, leurs tourments, leurs frustrations – même si de nos jours, lors de grandes fêtes, le bikutsi traditionnel peut se voir chanté, joué et dansé par d’autres femmes. Cela dit, je voudrais vous entretenir de mes propres têtes brûlées, j’ai nommé celles sachant bien se fondre dans la masse d’élèves joviale et respectueuse à mon égard, mais ne pouvant pour autant s’empêcher, de temps à autre, d’essayer de me servir un bikusti eurocentré, dissonant et bancal (rire), têtes dont monsieur Carl Frizzère, Frizz pour ses potes, est l’épitome que je ne saurais passer sous silence.

Un jour, à peine le cours terminé, sa copie de devoir tenue comme un torchon, Frizz jugea correct de s’approcher du pupitre où je m’affairais, pour me crier qu’il méritait plus de 15 sur 20, qu’il savait ce que valait son travail, qu’à une année du Baccalauréat il se souciait de combien cette note risquait de peser négativement sur sa moyenne, et bla, bla, bla… Je respirai profondément afin de lui signifier que s’il se souciait vraiment de sa note de contrôle continu au Bac, s’il était vraiment conscient de la valeur de son travail, il ne serait pas venu me parler – pour commencer. « Ensuite, Monsieur Carl Frizzère, que cela soit la dernière fois que vous me parlez sur ce ton, la toute dernière fois que vous m’adressez la parole en dehors du cours et vous savez quoi, Frizzère, je m’en vais de ce pas voir vos responsables de niveau et votre professeur principal. Oh, pendant que j’y pense, passez-moi votre cahier de liaison… Merci, et excellente journée à vous. » Surpris, un début de brin de remords sillonnant son rictus de harceleur et de violent scolaire qui croyait avoir réussi à intimider un autre professeur, Frizz sortit de la salle Rosa Parks à la hâte. Je rassemblai mes affaires et partis faire ce que je venais de dire, sans port de gants.

Le surlendemain, juste avant le début de notre troisième cours de la semaine, Frizz courba l’échine ; il se mit presque à quatre pattes pour s’excuser ; je ne ratai pas l’occasion de lui dire que s’il se concentrait mieux et plus en classe, s’il cessait de confondre aptitudes orales et écrites, s’il arrêtait de jouer l’intéressant en s’entourant de filles qu’il croit aider, mais qui, en fait, ont de meilleures notes que lui, pour ne pas dire qu’elles sont meilleures que lui sur toute la ligne, et s’il avait pris le temps de bien lire l’énoncé du devoir maison en question, l’on n’en aurait pas été là. « De surcroît, Frizzère, considérez-vous chanceux de m’avoir parlé sur un ton si irrespectueux et de vous en être tiré à si bon compte, remerciez l’établissement, voire l’Univers, que l’on ne fût pas dans la rue, au sein d’un contexte non scolaire, car votre taille et votre corpulence ne m’impressionnent guère (puis, je lui souffle) et s’il y a une chose dont je suis sûr, c’est que les grands prétentieux comme vous font beaucoup de bruit en dégringolant : considérez-vous pardonné, ne vous avisez pas à recommencer et ôtez-vous de ma vue ! »

Cet incident-là fut le troisième que j’eus avec Frizz. Les deux premières avaient été sans conséquences notables, des petites plaintes concernant le nombre de devoirs hebdomadaires que je donnais ou l’étendue des lectures hebdomadaires que je faisais faire. Toutefois, après l’incident susmentionné, plus jamais de soucis avec Frizz. Ni avec son « gang » de morpions-moutons de Panurge qui aura sûrement vu que leur jeu collectif n’en valait pas une quelconque chandelle, pas même un cierge de paroisse pauvre. De surcroît deux filles qui jusqu’alors collaient aux basques de Carl Frizzère dans mes cours s’en éloignèrent et, comme je l’avais prédit, elles virent leurs notes s’améliorer au point d’atteindre 19 sur 20 pendant que celles de Frizz stagnaient à 16,5 sur 20, régressant des fois jusqu’à 16 et n’atteignant que rarement 17,5.

À côté des têtes brûlées de l’établissement (d’autres collègues s’en étaient plaints), il y avait celles assez pleines ou presque pleines, des têtes assez-bien faites qui semblaient s’ennuyer dans tous les cours. Raunch Boudi en était une, que dis-je : elle en est toujours une ! Plus précoce physiquement que ses copines de classe, elle semblait savoir que sa silhouette, ses traits fins, et son sourire sublimissime pouvaient faire tourner plus d’une tête de mâle/femelle. Même lorsque sévère ou capricieuse Raunch projetait un certain charme qu’un jeune collègue me confia trouver très intimidant, beauté que je remarquai dès les premiers instants de mes tout premiers cours de mon premier CDD dans l’établissement. Je ne sais plus comment j’avais brisé le double vitrage me séparant de Raunch (et de Salma Cabral, sa binôme), mais je réussis à le fracasser. Mes cours lui plurent, ses belles dents s’y montraient souvent et le travail qu’il me rendait s’améliorait de semaine en semaine. Au fur et à mesure que l’année scolaire prenait de l’âge, j’avais droit à des bonjours préfacés de sourires : dans les couloirs, devant l’établissement et au sein des transports publics. D’ailleurs nous nous croisions trop souvent dans le métropolitain pour que ce fût une coïncidence. Je n’y faisais pas attention pour autant. En revanche, je ne pouvais ignorer le fait qu’à la fin de mes cours, un sur deux, à l’intercours, avant ma sortie de la salle, ou dans les couloirs pleins d’élèves pressé.e.s en transit, Raunch venait me poser une question, me faire un compliment et/ou me rappeler une de mes blagues qu’elle avait trouvée hilarante, et j’en passe. Tout cela en deux ou trois minutes, beau sourire à l’appui, de moi tout près pour me faire sentir son haleine fraîche, pour m’effleurer avec sa poitrine, avant de tourner les talons et me dire « à la prochaine, Monsieur Xuer’b ! » Je me contentais de hocher la tête ; en deux décennies et plus d’enseignement j’en ai vu des vertes et des pas mûres, en quantité et rythme suffisants pour que Raunch ne pût me faire peur, m’ébranler. En fait, il ne s’agissait même pas de peur, pourrais-je arguer, mais plutôt du fait que jusque-là élèves et étudiants avaient constitué l’exception avérée à ma règle de liaisons et/ou de rencontres sexuelles avec un être consentant. Je n’ai pas peur de telles rencontres, j’y étais ouvert, mais les mineures n’étaient pas ma tasse de thé : elles ne l’avaient jamais été. Raunch ressemblait à une fille de 19 ans au moins, ce qui accrut l’infime tentation de céder à ses avances qui m’animait, une envie mitigée uniquement par ma conscience que son cerveau, son corps et son esprit reflétaient son âge réel : 16 ans : punaise, mais punaise, pourquoi était-elle si précoce et audacieuse ?

Un jour, à l’intercours, alors que je rebroussais chemin, après avoir pris congé de Raunch, pour aller voir sa responsable de niveau au sujet d’une requête dont je n’ai plus souvenir, je fis face au dos de l’élève précoce et hardie, face à sa silhouette de sablier, à sa croupe en forme de bas de poire pas encore mûre, à ses déhanchements sobres, mais sensuels. Et je sentis une horde de papillons voler dans mon ventre qui montaient jusqu’à mon œsophage, menaçaient de sortir par ma bouche et, dans l’autre direction, celle descendante s’entend, les mêmes lépidoptères poussèrent un fort jet de sang chaud dans un membre à l’ardeur restreinte uniquement par un caleçon de petite taille surmonté d’un Levi’s 501 des années 1980s, taille 36, assez ample pour, heureusement, ne rien laisser voir. C’est in extremis que Raunch s’ôta de ma vue pour s’engouffrer en salle d’informatique, calmant par là même, et mon p’tit frère et mes esprits. Je secouai la tête et serrai mon ordinateur à l’endroit stratégique pour ne rien laisser soupçonner, car, à trois, deux, voire un an du Baccalauréat, pour une raison qui semble m’échapper, les élèves tendent à balader leur regard sur leurs professeurs, de la tête aux pieds, mais enfin ce jour-là, heureux étais-je que ce fut mon dernier cours de la semaine avec Raunch : « je pourrai réfléchir à tout cela », pensais-je jusqu’à la fin de ma journée de travail… (Un temps.)

Je ne fis rien de l’incident du bander à la vue de cette élève, rien des papillons qu’elle fit se balader dans mon fort torse, juste en dessous de mes tablettes de chocolat, rien du sang que ces mêmes papillons faisaient gicler vers ma terre de bas encore et encore, au moins une fois par semaine. Rien. Et ces pas de danse que Raunch et moi faisions – souples, fluides, complexes et improvisés tels ceux d’un tango argentin – durèrent deux autres trimestres, se chargeant de tension sensuelle, d’hésitations que nos deux regards et ses sourires voulaient (et réussirent à) réprimer ou réprimander coûte que coûte. Jusqu’à la célébration de la fin d’année scolaire pour toutes les classes du niveau d’études de Raunch, le trois-ans-avant-le-Bac. J’avais cours une bonne partie de cette journée-là ; mes élèves, la tête pleine de fête, voulurent me piéger, m’attirer dans la cour de l’établissement et me couvrir de la mousse multicolore à laquelle certain.e.s collègues ne purent échapper, mais je parvins à éviter ce piège particulier ainsi qu’à déjouer tous leurs autres plans espiègles ; mon ouf de soulagement ne dura qu’une heure néanmoins, parce que l’élève physiquement précoce ne lâchait rien : elle vînt m’attendre à la sortie d’un de mes cours, me remit un petit paquet (« du chocolat ? », me demandai-je, en le prenant et qu’elle fit traîner ses paumes soyeuses sur le dos de mes mains) « de la part de toute la classe, en remerciement pour tout le bien que vous nous avez fait… » ; je la remerciai à mon tour et m’empressai de l’ouvrir… « mais vous n’êtes pas obligé de faire ça maintenant Monsieur, vous savez ?

— Vous avez raison, Mademoiselle Boudi. Et puis j’ai un cours qui débute dans (coup d’œil sur ma Rolex) trois minutes ! merci à toi et à toute la classe, je vous enverrai un courriel…

— Oh non, pas besoin Monsieur X, surtout pas. Celles et ceux qui n’ont pas participé au cadeau ne comprendraient pas, okay ? s’il vous plaît ?

— OK, ça marche.

— Oh merci ! vous êtes un amour. J’espère vous voir tout à l’heure ?

— Je ne peux rien promettre. Passez une excellente journée, vous le méritez tout.e.s, bye !

— Bye, Monsieur X ! » Je m’avisai de ne pas me retourner et risquer, à nouveau, de remplir mon froc de ce liquide visqueux me rendant toujours vasouillard, ensommeillé, non, je marchais droit devant moi malgré la vue, dans l’œil de mon esprit, des yeux et de la bouche et des mains de Raunch qui m’emplissaient d’un plaisir à peine contrôlable.

J’ouvrai mon paquet une heure plus tard. Une carte. Signée Rau, Salm, Yass, et Kris : Raunch et les trois filles qui s’asseyaient très souvent ensemble, au fond de la classe. Au dos de la carte, un mot. Je reconnais l’écriture soignée, mais encore enfantine de Raunch : « rdv à 18 h. Toilettes hommes, 3e étage, bât. D en rénov. Accès possible par escalier arrière-cantine. “Hors service” sur porte-toilettes mais entre : m’sieur ne sera pas déçu , j’balance jamais ! j’veux juste te voir. Juste toi. Sans arrière-pensée. Impossible autrement. Là-haut pas de dérangement. Juste 20 mns de ton temps, m’sieur. Merci d’avance. Bises ! »

Hallucinant mais tentant, dingue, mais presque irrésistible n’ai-je eu de cesse de penser, avec autre chose que mon esprit, durant tout l’après-midi. (Un temps. Long.)

La poussière, les quelques vis et autres pointes laissées derrière par les ouvriers ainsi que la vétusté globale des toilettes en rénovation n’empêchent Max Xuer’b d’apprécier le visage radieux de Raunch, ses yeux marrons qui brillent, son sourire arrondissant des pommettes et hauts de joues révélant une dentition parfaite, puis une langue, l’air hypersouple, tirée langoureusement lorsque Raunch lui lance un « salut m’sieur X, je saa-vais que je pouvais compter sur toi ; alors : on dit quoi ? »

Assise, adossée au réservoir d’eau d’une des deux chaises anglaises de ces petites toilettes, Raunch fait remarquer à Max sa chemise rose ouverte jusqu’aux racines de ses terres de haut, son soutif en dentelle qui dévoile des gorges rondes, taille pamplemousse de Casadimansa (région sud-ouest d’un pays tropical, où Max et ses parents ont vécu), tétons plus foncés que le reste de son beau corps beige, ses cheveux noir-noirs retenus en mode queue de cheval par un chouchou rose, de façon à dégager un visage fin, des fossettes quasi permanentes qui s’enfoncent davantage au moindre sourire et désarment Max au passage, les lépidoptères de ce dernier ressuscités par une injection de tremblante du mouton (danse), au point qu’ils grouillent partout dans son corps athlétique. Raunch ouvre les jambes, son pantalon de lin noir déboutonné jusqu’à la racine supérieure de son sexe marron foncé (« fraîchement rasé ? ») à peine couvert d’un string ultra serré, délibérément déchiqueté pour en révéler, en l’exagérant, le gonflement naturel dudit sexe. Puis elle se lève brusquement, laisse glisser son pantalon jusqu’à cime de mollets, se rassoit, pieds levés sur leur pointe (genoux légèrement soulevés, aperture des jambes exagérée) ; yeux mi-clos, des deux mains Raunch fait signe à son professeur d’approcher : « je te veux Max, puis-je t’appeler Max ? tu m’as fait jouir dans chacun de tes cours, surtout les fois où tu t’aventurais près de ma table, lors de tes promenades dans la salle de classe où tu débitais, à la seconde, des tonnes de choses intelligentes, oh ! tu ne lis jamais de notes : j’aime ça ! tes explications sont toujours claires, ta méthode exquise, oh X ! je remarquai ton sexe et ses deux gardes du corps dormants (elle semble fermer les yeux, en mode mouvement oculaire rapide) et jamais n’avais-je vu d’assemblage aussi bien disposé, forme ronde au fond d’un jeans non truqué, je le sais, tu es trop vieux jeu et honnête pour tricher – j’ad-dore ! – tu es trop carré pour t’habiller en fake, à l’instar des puceaux du collège et du lycée ! approche donc, mister X. »

Elle le tire par la ceinture.

— Atten…

À peine avais-je ouvert la bouche qu’elle eut fini de me dé-ceinturer, d’ouvrir et laisser mon pantalon de lin blanc glisser paresseusement jusqu’à mes chevilles au même moment qu’elle descendait énergiquement mon caleçon jusque sous mes genoux, prit mes fesses à pleines mains, les attira vers elle et enfouit mon pilon dans son mortier, doux, souple, rose et profond. Au toucher, ses cheveux sont doux et son visage satiné ; mes mains devenaient folles, Raunch donnait un tout nouveau sens à deep throat, gorge profonde; en me regardant paresseusement d’en bas, elle retira sa bouche pour m’enfiler un préservatif surmonté de deux tours d’élastique de bureau poussé jusqu’à la racine du pilon ; ensuite elle se leva, me montra un dos cambré, se pencha légèrement vers l’avant, posa les mains sur le réservoir de la chaise, et se mit à arranger son string pour m’ouvrir un passage direct vers son usufruit ressemblant à une huître gonflée au silicone puis arrosée de vinaigre et jus de citron : « déjà juteuse, ah ! », mais l’impatience me rongeait et je le déchirai, xèèèt-flaaapp ! elle poussa un « aaakhxx ?! », je fis éclater préservatif et élastique et lui fis ce que Clinton aurait dû à Lewinsky, selon Silk, personnage du roman La tache que j’avais fini de relire la veille (parce que la dévierger et/ou risquer de me faire chanter serait inacceptable !) ; après tout, n’y avait-il pas de gens qui savaient que nous étions dans ces toilettes ? Salm, Yass et Kris ? étions-nous filmés ? Raunch était-elle en train d’enregistrer nos ébats ? Je ne pouvais en être sûr, bref, tout en caressant la surface de sa chatte avec index et majeur, et en promenant mon pouce dans son anus (ounh-ounh-c’est-boon !elle appréciait), je dégainai mon portable de la main droite, code à quatre chiffres, appareil photo allumé en mode vidéo : je filmais. Elle essayait de tourner la tête vers moi, comme Leticia baisant avec Hank dans A l’Ombre de la haine (film, 2001), mais je la lui repoussais délicatement et elle se retrouva front contre mur et me sortit un « tu fais quoi là, X ?!

— T’inquiète, tu me veux où, tu veux me tester dans quel orifice ?

— Aah, tes doigts sont une tuerie ! chatte s’i-te-plaît, l’autre c’est pas autorisé, aah, c’est dans mon minouuu que je te veux.

— Putain, t’es… ?

— T’en fais pas, mais, putain X, mets-le dedans ! qu’est-ce que tu fous ! défonce-moi stp, j’attends ça depuis de longs mois, alors de-daaaans (elle commençait à perdre patience, elle ne chuchotait plus : elle criait !) ! » Fraction de seconde de réflexion de ma part et Silk gagna : généreuse couche de vaseline pour lèvres sur sexe et je l’introduisis entre ses fesses ouvertes avec pouce et indexe : premier quart lentement, deuxième doucettement et le reste d’un coup ! « Aaaaghh, Maaxx ! » Bras gauche appuyé sur le haut de son dos, téléphone filmant ses belles fesses beige-marron qui claquaient sous l’effet des va-et-vient de ma trique, je halète un chouia en lui demandant ce qu’il se passait.

— C’est trop bon, mais doucement stp, personne ne m’a jamais fait ça, aah ! la chatte, l’on peut la refermer, la re-vierger, mais l’anus aaghxxh, je n’en suis pas… ouh-ouh-aaah… sûûreuaah !

— Mais vous êtes consentante ? voulez-vous que l’on arrête ?

— Non et noon !

— C’est vous qui m’avez fait venir ici, oui, aah ? vous qui vouliez ça, oui ?

— Oui et ouiii-aah ! j’assume m’ssieur X, j’adore aussi, aaah, mais doucement stp !

— OK, je fais doucement… C’est OK maintenant ?

— Oui, c’est okay, merciii !

Sur ce, j’éteignis mon téléphone et le laissai tomber dans mon pantalon ; je me saisis des hanches de Raunch et y allais pleins feux, toutes voiles dehors : en avant toutes !

— Aïe-aïe-aïïeyeu, aaah, ah-ah-ah, c’est super bon, j’ai mal X, mais je vais jouiiiiiiiir…

— Moi aussi, Boudi !

Lorsque je me retirai huit minutes plus tard, Raunch était chaos ; peinant à se rasseoir sur les toilettes, elle se releva de suite ; larmes aux yeux, elle m’enlaça pendant que je remettais mon pantalon :

— Je ne m’attendais pas à cela, X, tu m’as surprise ; je dirais même que tu m’as presque violée, non ?

— N’essayez pas de m’intimider, jeune fille (sourire forcé).

— Moi ? Non. Ai-je dit que j’étais non consentante, par exemple ? Non m’sieur X. Alors, relaxe. C’est juste que t’es le premier à entrer en moi de la sorte.

— Vous n’avez que 16 ans, c’est normal.

— Seize ans et demi ! et puis sur quelle planète (elle glousse) vis-tu, sieur X ? À cet âge, cher prof préféré, beaucoup de filles en ont déjà fait l’expérience. Elles se fichent de se faire enculer. Mais moi j’ai toujours été d’avis que mon anus n’aurait qu’une seule fonction physiologique. Jusqu’aujourd’hui, s’entend : quelle chose de ouf m’as-tu fait découvrir là !? Maintenant je comprends pourquoi mes parents, pas du tout regardants lorsqu’il s’agit d’ébriété (ils boivent), n’ont eu de cesse de me dire que la sodomie était illicite ; moi je dis que ça l’est parce que c’est juste dément, trop bon ! mon anus mi ngi fet-feti (on dirait qu’il en sort des étincelles), comme le chantonnait mon amie Sitan Akl au lendemain de son tout premier rapport sexuel avec son prof de philo, un officier de réserve, mais moi je referais ça, encore et encore, wooaah !

J’avais fini de me rhabiller et vérifier mon portable.

— Vous serez OK pour sortir d’ici ?

— Bien sûr, X, t’inquiète.

— OK pour rentrer ?