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Voyagez au cœur d’une amitié profonde entre Georges Sim et Claude Walsome, unis par leur humanité et leur quête de vérité. Ensemble, de Liège à Paris, ils savourent des plaisirs culinaires mémorables. Lorsque Claude se retrouve à Meung-sur-Loire, il s’immisce dans l’intimité de Maigret, capturant avec précision quatre enquêtes palpitantes. "Quatre souvenirs de Maigret" vous plonge dans une histoire envoûtante, jalonnée de rencontres fascinantes.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jacques Sacré a publié une variété d’articles d’information grand public et des ouvrages dans le domaine de la cuisine, des contes, des légendes, du polar et bien d'autres. À la suite de ceux-ci, il nous entraîne à la découverte d’un personnage mystérieux nommé Maigret.
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Seitenzahl: 80
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Jacques Sacré
Quatre souvenirs de Maigret
© Lys Bleu Éditions – Jacques Sacré
ISBN : 979-10-422-0290-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Lorsque le 11 février 1972, Georges Simenon mettait un terme aux aventures de Maigret en publiant sa dernière enquête, « Maigret et Monsieur Charles », on aurait pu croire que jamais on n’en saurait plus sur le célèbre commissaire.
Pourtant, d’autres héros de papier tout aussi connus, confrontés à la même situation, ont vu leurs actions et donc leur vie prolongées par des mémoires, études, souvenirs et autres aventures inédites. Pourquoi n’en aurait-il pas été de même pour Jules Maigret ? Ses quarante-cinq ans de vie professionnelle n’auraient-elles recelé aucun drame occulté ou oublié ?
Nous sommes donc partis à la recherche de ces enquêtes oubliées. Nous en avons retrouvé des traces dans les romans de Simenon. Ce sont ces traces que nous avons développées à l’aide d’un journaliste liégeois contemporain de Simenon, Claude Walsome.
Nous avons présenté ces aventures sous forme d’un dialogue entre Jules Maigret et son vieil ami Claude Walsome. Ce ne sont que des confidences, des souvenirs évoqués entre deux retraités pour qui il y a prescription des faits. Le but n’étant pas tant d’écrire une enquête, soins que nous laissons à Georges Simenon, que de mieux faire transparaître le caractère humain de Maigret et ses sensibilités, sensibilités qu’il n’a pas toujours voulu exprimer au grand jour dans l’exercice de ses fonctions.
C’est surtout une réflexion sur les thèmes chers à Maigret : la petite enfance, la détresse des jeunes, la difficulté de communiquer entre générations, la fragilité de la femme, la vieillesse, les mondes fermés de la haute bourgeoisie et de la campagne.
Une occasion pour lui de s’exprimer sans l’ombre tutélaire de Simenon. Une nouvelle vie pour Maigret ? Pourquoi pas ?
Jamais je n’aurais cru faire pareille découverte en retournant les vieilleries qui se bousculaient dans le grenier de mon grand-père. Le brave homme était revenu au pays pour y mourir après une vie aventureuse aux quatre coins de la planète.
Son métier de journaliste en avait fait le héros de la famille. Souvent absent, il était peu disert quand il se retrouvait parmi nous, de quoi l’auréoler encore un peu plus de mystère. Ma grand-mère était morte jeune et mon père, souvent seul, avait été mis en nourrice.
Grand-père Claude avait le chic, lors de ses retours en famille, de nous rapporter quelque objet mystérieux déniché lors de ses pérégrinations. Je me souviens qu’un jour, il m’avait rapporté de l’Himalaya une coupe de sacrifice (dont j’ai oublié le nom) qui était faite de la calotte d’un crâne humain, ce que ma mère n’avait absolument pas apprécié.
Je m’étais donc attelé avec beaucoup de plaisir et d’émotion à trier ce que mon père appelait « ce foutoir de grenier ». J’y retrouvais donc avec émerveillement ces curiosités ramenées des quatre coins du globe. Pourtant, c’est une petite valise en carton râpé qui allait me réserver la plus belle des surprises. Au milieu d’un fatras de notes manuscrites, de textes dactylographiés, de coupures anciennes, de journaux et de vieilles photos, je dénichai un calepin à la couverture fatiguée de toile grise. Il y avait rassemblé, sous forme de mémoires, de nombreuses anecdotes sur le fameux commissaire Maigret.
Apparemment, ils s’étaient rencontrés plusieurs fois sur le terrain, lors de ses reportages. Il était alors journaliste dans un grand quotidien parisien. Mais c’était surtout la seconde partie du carnet qui était passionnante : mon grand-père y avait relaté quatre enquêtes de Maigret dont son biographe officiel, Georges Simenon, n’avait pas fait état. Il semblerait, à première vue, que ce soient des enquêtes dont Maigret n’a jamais parlé à personne, soit parce qu’elles prenaient une tournure trop délicate ou parce qu’il les considérait personnellement comme des échecs.
La lecture de ce précieux document m’avait pris, au sens propre du terme, une partie de la nuit. Mais cette découverte m’avait laissé bien perplexe. C’était un véritable scoop sur les enquêtes de Maigret, mais m’appartenait-il ? Je me sentais dans la peau d’un de ceux qui découvrent une partition inconnue d’un musicien célèbre ; j’avais envie de révéler ce Maigret encore plus humain.
Mais d’un autre côté, y avait-il prescription ? Ces enquêtes cachées, dévoilant tant de pudeur, ne devaient-elles pas le rester ? Il me fallut de nombreuses semaines avant de me décider à les faire publier. C’est ma femme, férue de Maigret, qui m’y engagea. Et puis, n’était-ce pas en quelque sorte mon héritage ?
J’eus beau retourner le contenu de la valise, je n’y trouvai aucun autre document : tout était dans le carnet gris. À présent, c’est donc à lui que je vais donner la parole, sans rien changer ni interpréter d’un texte tellement vivant. D’ailleurs, le manuscrit de mon grand-père se terminait un peu comme le codicille d’un testament. Je vous le livre tel quel.
« J’ai longtemps hésité à éditer ces quatre souvenirs de Maigret, mais il m’a semblé que ce serait trahir ses confidences si je le faisais. Elles resteront donc non publiées dans mon carnet. Que celui de mes descendants qui les découvrira décide alors éventuellement de les publier. Je crois qu’à ce moment-là, il y aura prescription : tous les acteurs auront disparu. J’espère que ces récits permettront aux lecteurs du futur de mieux connaître un Jules Maigret moins figé et encore plus humain. »
Il n’est pas ici dans mes intentions d’écrire un journal intime, chose que j’ai toujours considérée comme puérile. Non, mon but est tout autre. J’ai eu l’occasion dans ma vie bien remplie de rencontrer un homme que je considère comme un individu hors du commun. Nous nous sommes côtoyés de loin en loin et pourtant je crois que je peux l’appeler, mon ami.
Une instinctive confiance nous avait attirés l’un vers l’autre. On se ressemblait beaucoup, tant physiquement que moralement. J’ai vécu à ses côtés des moments très forts, mais les années venant, je crains ne plus me souvenir avec exactitude des nombreux récits, des anecdotes et surtout des confidences partagées ensemble à Meung-sur-Loire. C’est ce qui m’a décidé à jeter ces notes sur le papier, afin que peut-être plus tard quelqu’un ait envie de les porter à la connaissance du public, quand la prescription sera portée sur ces faits.
Mais il me faut revenir à mes débuts. Mes parents, Guillaume et Elise, habitaient Liège et plus précisément un quartier d’Outre-Meuse, la paroisse Saint-Nicolas, et ce, comme leurs ancêtres l’avaient fait depuis de nombreux siècles.
Mon enfance n’avait été ni heureuse ni malheureuse dans ce quartier tranquille au charme un peu désuet. Mes parents avaient de l’ambition pour moi ; ils m’avaient poussé à finir mes humanités. Nanti de ce diplôme, je m’étais empressé de chercher une place dans le monde du travail, place que j’avais enfin trouvée comme journaliste dans le quotidien « La Meuse », un journal important de la cité.
Je m’étais lié d’amitié avec une bande de jeunes artistes, pour la plupart des peintres, qui se réunissaient dans un infâme petit local derrière l’église Saint Pholien, local qu’ils avaient surnommé « la caque », tant ils y vivaient à l’étroit. Je m’étais particulièrement lié d’amitié avec l’un d’eux, Joseph Kleine, que nous appelions « le petit Kleine », un jeune peintre souffreteux à l’air perpétuellement désespéré. J’ai longtemps gardé de lui un portrait peint par Scaufelaire aux alentours de l’année 1917, lors d’un original réveillon de fin d’année. Je ne sais ce qu’il est devenu.
Je me souviens de ce fameux réveillon de pauvres que nous avions fait avec la bande fin 17. Michel Morsa en avait décoré le menu et tous l’avaient signé. On y retrouvait les noms de Jean Lebeau, Luc Lafnet, Robert Crommelynck, Elise Thyssen, Joseph Kleine, Michel Morsa et bien d’autres.
C’est cependant quelques années après que je fis la connaissance d’un personnage des plus originaux qui se faisait appeler Sim, journaliste comme moi, mais à la Gazette de Liège, un journal concurrent. C’est lui qui me donna le goût, que dis-je, la passion de la pipe que j’ai gardée jusqu’à ce jour.
Mais le suicide du petit Kleine nous avait tous profondément bouleversés et c’est au début de 1922, si mes souvenirs sont exacts, que je partis pour Paris, encouragé en cela par mes amis Morsa et Bonvoisin. AH, Liège que l’on adore et que l’on hait à la fois !
Journaliste au Petit Parisien, j’eus le plaisir d’y retrouver Georges Sim qui y signait parfois quelques articles. En secret, j’admirais cet homme qui, en plus d’être journaliste comme moi, parvenait à écrire autant de romans en si peu de temps. Me trouvant assez de travail avec mes reportages, une telle production m’époustouflait.
C’est lors d’une matinée très printanière comme seul en connaît Paris que je le rencontrai à une terrasse de café dans le quartier de la Butte aux Cailles, face à un personnage qui me ressemblait comme un frère. Ce fut ma première rencontre avec Maigret. Notre ressemblance l’avait amusé.