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Quand les Libanais se lancent dans une entreprise, ils le font avec une passion sans limites. Leur exubérance, leur générosité et leur ouverture aux autres imprègnent chaque aspect de leur vie, de leur langue et de leurs interactions sociales. Cette œuvre, à la fois drôle et captivante, explore à travers des anecdotes vécues les traits uniques qui font de ce peuple vaillant une étoffe exceptionnelle.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Docteur en Langue et Lettres françaises, spécialisée dans le roman policier et la littérature comparée,
Berthe El Bitar Makhlouf brandit sa plume afin de partager quelques spécificités, bonnes ou mauvaises, du peuple libanais qu’elle côtoie au quotidien.
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Seitenzahl: 82
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Berthe El Bitar Makhlouf
Tout à fait Libanais(e)
Essai
© Lys Bleu Éditions – Berthe El Bitar Makhlouf
ISBN : 979-10-422-4058-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Afin de faciliter la lecture de cet ouvrage et de la rendre plus fluide pour toute personne ne parlant pas l’arabe, nous avons placé, la plupart du temps, directement entre parenthèses dans le texte, la traduction des mots, expressions ou phrases en libanais qui s’y trouvent en gras. Ainsi, ceux qui le souhaitent peuvent ignorer ces derniers, les remplaçant immédiatement par ce qui se trouve entre crochets, sauf pour quelques cas où l’explication est dans le texte même ou lorsqu’une longue explication s’impose et pour ne pas surcharger le texte, il faut avoir recours aux notes de bas de page.
Chers amis lectrice et lecteur,
Bi’oulo zghayar baladi (On dit que mon pays est petit). Lorsque j’entends ces paroles tirées d’une chanson nationaliste célèbre de notre non moins célèbre diva Feyrouz, mon cœur se gonfle de joie et de fierté et je me rappelle qu’effectivement, le pays dont je suis originaire est minuscule de par sa superficie, mais tellement grand par son histoire, son rayonnement et surtout son peuple, comme l’affirmait le grand penseur et poète libanais francophone Michel Chiha : « Petit pays, assurément ; très petit pays : petite nation, peut-être, mais non point petit peuple ».
Je suis issue d’un pays qui s’appelle le Liban et qui ne fait que 10 452 km2, mais dans lequel l’on peut trouver 10 452 façons de se saluer, de discuter ou bien de marchander. Je suis issue d’un peuple qui a été piétiné et continue à l’être 10 452 fois par jour, mais qui, comme le roseau, plie, mais finit par se redresser et refuser de mourir. Ni les guerres fratricides, ni les ingérences étrangères, ni même les énormes crises financières n’ont réussi à venir à bout de ces Libanais ébréchés par les différentes blessures de la vie et disséminés aux quatre coins de la terre, mais qui continuent à briller et à étonner par leurs capacités intellectuelles et leur joie de vivre.
Permettez-moi donc, chers amis lecteurs, de vous emmener faire un voyage dans ce pays trait d’union entre l’Orient et l’Occident, un voyage ni historique ni politique, mais purement social, composé d’un salmigondis de petites histoires, blagues et anecdotes, basé sur l’observation de faits et le vécu, afin de vous faire découvrir le mécanisme linguistique, sociétal et culturel assez compliqué à comprendre qui régit la vie de tout Libanais digne de ce nom, et que je m’efforcerai de rendre aussi simple que possible, sans pour autant avoir d’explication claire, nette et précise pour certaines choses. Je tiens juste à présenter, avec parfois, je l’avoue, un zeste d’humour ironique, mais sans être incisive, critique ou irrespectueuse, avec aussi des mots simples et des phrases sans fioritures ni alambiquages (à tout le moins, je vais essayer), certaines particularités de notre culture, datant de quelques décennies ou beaucoup plus récentes, et qui font que les Libanais forment, avec leurs qualités, mais aussi avec leurs défauts, une marque déposée, universellement connue et très souvent jalousée et admirée.
Si vous êtes libanais, tant mieux, parce que vous comprendrez aisément de quoi je parle ; si vous ne l’êtes pas, tant mieux aussi, car vous découvrirez et serez initiés à toutes ces subtilités qui font de ce peuple une étoffe à part.
Prêts pour le décollage ? Alors, suivez-moi.
Vous avez sans doute déjà entendu parler du fameux Hi, kifak, ça va ?1 (Bonjour, comment vas-tu, ça va ?) que pratique la plupart des Libanais. En effet, il est impossible de passer à côté de cette salutation qui revient comme un leitmotiv et qui est devenue une sorte d’effigie brandie haut et fort et imprimée sur des serviettes de courtoisie, des T-shirts ou des sous-verres. Dans cette terre qui fut un creuset de civilisations, où différentes langues et cultures se sont rencontrées et ont présidé aux destinées de son peuple, il apparaît évident, voire absolument naturel, que la langue orale se soit fissurée pour laisser s’infiltrer, entre ses mots d’origine, des emprunts des langues variées qui furent ou sont encore pratiquées sur son sol, comme des mots turcs tels que Bakhchich (Pot-de-vin), Bacha2(Pacha), Chich(Brochette),Chech bech3(Cinq et six), italiens comme autostrade qui signifie autoroute, mais surtout français et anglais.
Pivot principal de la francophonie au Moyen-Orient, le Liban a, depuis très longtemps, affiché un bilinguisme qui était au début le privilège d’une certaine caste sociale, mais qui a fini par pénétrer dans les couches populaires, imprégnant indélébilement la langue libanaise. Avec l’anglais qui prime dans le monde du travail et son introduction en force au Liban depuis quelques décennies, notre langue orale, déjà fortement colorée, est devenue une sorte de patois bigarré, disloqué, une sorte de « sur-dialecte fantaisiste »4 où chacun y met du sien.
« Coco makmak »5 dont beaucoup ont entendu parler ou suivent les vidéos cocasses, assure que « tu sais que tu es libanais quand tuspeak tlété language dans la same phrase » (parles trois langues dans la même phrase). Elle a tout à fait raison ! Il est rare qu’un Libanais parle sans agrémenter ses propos de ce grain de sel spécial qui consiste dans le rajout par-ci par-là de petits mots étrangers. On rencontre dans presque toutes les langues des emprunts : les « rendez-vous », « fiançailles », « déjà-vu », « cul-de-sac » et autres mots français embellissent la langue de Shakespeare, tandis que celle de Molière a fait siens les « week-end », « challenge », « hamburger », « business », « smartphone » anglais, les « méchoui », « khôl », « kif », « toubib » et autres termes arabes. Chaque langue peut s’enrichir en adoptant quelques mots étrangers. Mais, ce qui est ahurissant dans notre langue orale libanaise, c’est qu’elle ne s’arrête pas à l’introduction de certains mots français ou anglais ; le Libanais met un point d’honneur à conjuguer ces emprunts en arabe, alliant leur radical étranger à la terminaison grammaticale arabe adéquate, leur rajoutant parfois, selon les besoins, des préfixes ou des suffixes. Ainsi, un simple « bonjour » devient Bonjourak, Bonjourik, Bonjourkoun, conjugué fièrement et respectivement au masculin, au féminin et au pluriel selon la ou les personnes auxquelles il est adressé. Il peut aussi se métamorphoser en Bonjourein, deux fois « bonjour », sorte de surenchère pour montrer le plaisir de voir un certain individu, exagération sur laquelle nous nous pencherons plus tard. Dans Tmaquillaget, vous reconnaîtrez facilement le mot « maquillage » auquel deux petits rajouts au début et à la fin aident à en faire toute une phrase signifiant « Je me suis maquillée ». Il en va de même pour les mots Daprasset6 (Je déprime), Raglajné7 (Nous l’avons réglé), Talfantelloun8 (Je les ai appelés au téléphone), Tallat rassé9(Ma tête ne fonctionne plus), Mfayamé10 (Aux vitres fumées), Sayavta11 (Je l’ai enregistrée), M’anégra12 (Je suis en colère), Farrazto13 (Je l’ai placé au congélateur)… et j’en passe ; tous proviennent de mots français ou anglais et sont déclinés à toutes les personnes et à tous les temps de la grammaire arabe. Or, comme vous avez dû le constater, non seulement l’on s’approprie les mots et on les conjugue dans une langue à laquelle ils n’appartiennent pas, mais on les plie à notre bon vouloir, changeant parfois la place de leurs lettres ou carrément leurs lettres selon notre façon de parler ; ainsi, le « é » de « dépression » ou de « réglage » se transforme en « a », de même que le « i » de « tilt ». Le « save » et le « angry » se voient écartelés et perdent le « e » pour le premier et le « y » pour le deuxième.
Le « p » n’existant pas en arabe, il devient systématiquement un « b » et parfois même, pour certains, un « k » sans aucune raison évidente. Dans ce sens, si vous arrivez chez un mécanicien et que vous lui demandez de changer le pot d’« échappement » de votre voiture, il ne vous comprendra pas jusqu’à ce que vous lui dites que vous voulez changer votre Achékmane. En prenant des cours de conduite, ma fille, qui ne maîtrisait pas encore tous les rouages de notre belle langue, est tombée sur un instructeur qui lui enjoignait de mettre le Bomor. Elle a cru pour un moment qu’il parlait d’un mort qui était beau et ne savait plus que faire jusqu’à ce qu’elle se rendît compte finalement que l’homme voulait qu’elle mette sa vitesse au « point mort » ! Dans certains villages, la vieille génération, qui écorche des prénoms tels que Patricia, Pascal, Paul ou Pierre en les transformant en « Batricia », « Bascal », « Baul » et « Biérre », croit bien faire en remplaçant le « b » par un « p ». Ainsi, mon prénom « Berthe » devient dans la bouche de certaines personnes « Perte » tandis que le « bermuda » mute vers un « permuda ». Quelques Libanais adorent aller s’acheter des Bantalones (Pantalons) et un Caleçone (Caleçon), vous avez certainement deviné la signification, ainsi qu’une Skarbiné (Escarpins) et des Zbadrines (Espadrilles), un peu plus délicats à comprendre pour les non-initiés.