Travailleurs détachés et mis à disposition - Charles-Éric Clesse - E-Book

Travailleurs détachés et mis à disposition E-Book

Charles-Éric Clesse

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Beschreibung

La mondialisation, l’internationalisation du marché du travail et l’aide apportée aux travailleurs peu qualifiés par les différents pouvoirs de l’État sont des facteurs amplificateurs du phénomène de détachement et de mise à disposition de travailleurs auprès d’utilisateurs. Le présent ouvrage analyse cette situation juridique à trois niveaux : national, européen et international.

L’état du droit belge est caractérisé par une interdiction de principe de la mise de travailleurs à disposition d’utilisateurs. Mais, de nombreux régimes dérogatoires, parfois peu connus, permettent d’échapper à cet interdit.

Au niveau européen, la Directive 96/71 édicte les règles d’ordre public qu’il convient de respecter pour le détachement d’un travailleur. Enfin, au niveau international, la Belgique a conclu plusieurs conventions bilatérales relatives à la sécurité sociale.

Quels sont les principes de ces différentes règles de droit ? Quelles sont leurs implications en droit du travail de la sécurité sociale et en droit fiscal ? Quelles sont les sanctions, civiles, administratives ou pénales édictées par chacune ? Quelles sont les démarches à effectuer pour se conformer à ces réglementations ? Autant de questions que se pose le praticien de cette matière et que le présent ouvrage aborde.

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Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larciergroup.com.

© Groupe Larcier s.a., 2015Éditions LarcierRue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

EAN : 978-2-8044-7980-0

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

Bibliothèque de droit social et Collection de droit social, cette nouvelle collection Droit social couvre toute l’étendue de ce droit à travers des ouvrages de grande qualité scientifique. Elle propose des études complètes tournées vers la pratique sur le droit individuel et collectif du travail, le droit de la sécurité sociale, le droit pénal social, le droit social européen, le droit de la protection sociale, le droit judiciaire social…

Elle intéressera particulièrement les avocats, les magistrats, les juristes d’entreprises, les responsables des ressources humaines, les responsables syndicaux, les juristes des administrations publiques et des parastataux sociaux et tous les praticiens du droit social.

Sous la direction de :

Philippe Gosseriesest conseiller émérite à la Cour de Cassation, professeur invité e.r. à la Faculté de droit de l’Université catholique de Louvain et secrétaire de rédaction du JTT - Droit du travail, droit de la sécurité soAciale, droit judiciaire social, droit pénal social.

Claude Wantiezest avocat au barreau de Bruxelles. Il est également rédacteur en chef du JTT - Droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit judiciaire social, droit pénal social.

Coordination scientifique :

Marc Morsaest Conseiller, collaborateur stratégique-juriste, spécialisé en droit social européen et international auprès de la Direction générale Appui Stratégique du SPF Sécurité sociale.

Dans la même collection :

CLESSE Ch.-É., Travailleurs détachés et mis à disposition. Droit belge, européen et international, 2008

MORSA M., La notion de rémunération en sécurité sociale, 2008

DELOOZ P., KREIT, Les maladies professionnelles, 2e édition, 2008

MORSA M., Les vacances annuelles des employés dans le secteur privé, 2008

HOSTAUX S., Le droit de l’assurance soins de santé et indemnités, 2009

CLESSE Ch.-É., GILSON St. (dir.), Actualités en droit social européen, 2010

NEVEN J.-F., GILSON St. (dir.), La sécurité sociale des travailleurs salariés. Assujettissement, cotisations, sanctions, 2010

CLESSE Ch.-É., RANERI G.-F., La doctrine juridictionnelle du droit pénal social, 2010

CLESSE Ch.-É. (coord.), Les grands arrêts de la Cour constitutionnelle en droit social, 2010

ZORBAS G., Le harcèlement. Droits européen, belge, français et luxembourgeois, 2010

MORSA M., Les inspections sociales en mouvement, 2011

DECONYNCK M., SIMON V., Prévention et protection au travaiL Structure du bien-être au travail dans les secteurs public et privé, 2011

LAGASSE F., PALUMBO M., Manuel de droit pénal social, 2e édition, 2011

CLESSE Ch.-É. (coord.), L’auditorat du travail : compétences civiles et pénales, 2012

WANTIEZ C., Le licenciement pour motif grave, 2012 MORSA M., La notion de rémunération, 2e édition, 2012

VAN GOSSUM L., SIMAR N. et STRONGYLOS M., Les accidents du travail (8e édition), 2013

MORSA M., Infranctions et sanctions en droit social, 2013

VRIELINCK M.- H., Les grands arrêts de la cour de cassation en matière de contentieux ONSS. L’assujettissement personnel et territorial, 2013

GOSSERIES P., L’humanisme juridique. Droits national, international et européen, 2013

MORSA M., Le régime des vacances annuelles des employés dans le secteur privé, 2e édition refondue, 2014

VERWILGHEN M., VAN KERREBROECK N., Harmonisation des statuts ouvriers-employés. État des lieux après la Loi sur le Statut Unique, 2014

GOSSERIES, Ph. et MORSA, M. (coord.), L’impact sur la crise de la sécurité sociale, 2014

MARTIN D., MORSA M. et GOSSERIES Ph. (coord.), Droit du travail européen, 2015

AVERTISSEMENT

Cet ouvrage est la seconde édition de celui que nous avions publié dans cette même collection en 2008. Les nombreuses réformes législatives, tant nationales qu’européennes, et les développements jurisprudentiels de la Cour de justice de l’Union européenne impliquaient une refonte de l’ouvrage. Nous avons demandé à Marc Morsa1 de mettre à jour la partie de notre texte consacré au détachement européen. Nous l’en remercions vivement.

1. La contribution de ce dernier comporte les opinions personnelles de son auteur et n’engage aucunement l’organisation (employeur) de laquelle il relève.

LISTE DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES DANS L’OUVRAGE

A.E.B.

Actualités en bref – Contrat de travail

Ann. parl.

Annales parlementaires

Arr. Cass.

Arresten van het Hof van Cassatie

Bull.

Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

Bull. F.E.B.

Bulletin de la Fédération des entreprises de Belgique

Bull. Q.R.

Bulletin des questions et réponses

C.A.

Cour d’arbitrage (devenue Cour constitutionnelle)

Cass.

Cour de cassation

C.C.T.

Convention collective de travail

C.E.

Conseil d’État

Ch. repr.

Chambre des représentants

Chron. dr. soc.

Chronique de droit social

C.I. cr.

Code d’instruction criminelle

C.I.R.

Code des impôts sur les revenus

C.J.C.E.

Cour de justice des Communautés européennes

C.L.S.

Contrôle des lois sociales

C.N.T.

Conseil national du travail

C.R.A.

Compte rendu analytique

C. trav.

Cour du travail

C.T.B.

Coopération technique belge

CUP

Commission Université – Palais

Doc. parl.

Documents parlementaires de Belgique

Dr. Soc.

Droit social (revue française)

F.A.T.

Fonds des accidents du travail

G.S.P.

Guide social permanent

J.L.M.B.

Revue de jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles

J.O.U.E.

Journal officiel de l’Union européenne

J.T.

Journal des tribunaux

J.T.T.

Journal des tribunaux du travail

M.B.

Moniteur belge

O.I.T.

Organisation internationale du travail

O.N.G.

Organisation non gouvernementale

O.N.S.S.

Office national de sécurité sociale

O.N.S.S.A.P.L.

Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales

Orientations

Orientations. Droit social – Gestion du personnel

Pas.

Pasicrisie

Pasin.

Pasinomie

P.T.P.

Programme de transition professionnelle

R.A.C.E.

Recueil des arrêts du Conseil d’État

R.B.S.S.

Revue belge de sécurité sociale

R.C.J.B.

Revue critique de jurisprudence belge

R.D.S.

Revue de droit social

Rec.

Recueil des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne

R.G.A.R.

Revue générale des assurances et des responsabilités

R.G.

Rôle général

Rev. dr. commun.

Revue de droit communal

Rev. dr. étr.

Revue du droit des étrangers

Rev. rég. dr.

Revue régionale de droit

Rev. trav.

Revue du travail

R.W.

Rechtskundig Weekblad

Sén.

Sénat

Sess. extr.

Session extraordinaire

Sess. ord.

Session ordinaire

S.P.F.

Service public fédéral

Trib. trav.

Tribunal du travail

INTRODUCTION

1. La mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs est un mécanisme fréquemment utilisé par les employeurs, sans qu’ils n’en respectent nécessairement les conditions légales. En droit belge, le cadre juridique est repris dans la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs1. Cette législation a été modifiée à de nombreuses reprises et fait l’objet de nombreux arrêtés royaux subséquents. Elle constituera la première étape de notre cheminement.

L’interdiction de principe contenue à l’article 31 de la loi du 24 juillet 1987 a connu des évolutions majeures au cours de ces dix dernières années. La nouvelle mouture issue de la loi de 2012 a mis fin au laxisme que la loi du 12 août 2000 avait créé. Mais, comme nous le verrons, certaines interprétations demeurent et l’utilisateur peut toujours bénéficier d’une parcelle du pouvoir patronale.

Ce principe connaît des exceptions, contenues directement dans la loi du 24 juillet 1987. Ses articles 32 et 32bis autorisent la mise de travailleurs à la disposition de certains utilisateurs moyennant le respect d’une procédure d’autorisation ou d’information du Contrôle des lois sociales. Trois situations dérogatoires, dont deux seulement – celles contenues à l’article 32 – sont connues, mais peu appliquées.

Les champs d’application, rationae materiae et rationae personae, diffèrent de l’une à l’autre. Les procédures mises en place également. Toutes ces différences seront exposées afin de permettre aux employeurs d’utiliser plus efficacement ces normes protégeant le travailleur.

2. Dans un second temps, nous analyserons les diverses législations éparses qui dérogent à l’article 31 de la loi du 24 juillet 1987. Le législateur a préféré ne pas les réunir au sein de la loi de base du 24 juillet 1987, ce qui, pourtant, aurait été plus facile pour son application.

Pas moins de neuf normes particulières dérogent à l’article 31 de la loi du 24 juillet 1987 : la loi nouvelle communale ; la loi du 12 août 2000 des dispositions sociales, budgétaires et diverses ; la loi organique du 8 juillet 1976 sur les centres publiques d’action sociale ; l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs ; la loi du 26 mars 1999 relative au plan d’action belge pour l’emploi 1998 et portant des dispositions diverses ; la loi du 21 décembre 1998 portant création de la Coopération Technique Belge ; l’arrêté royal du 5 mars 2007 rendant obligatoire la convention collective de travail du 24 juin 2005, conclue au sein de la Commission paritaire de la construction, concernant la mise à disposition de personnel ; l’arrêté royal du 11 décembre 2013 relatif au personnel des Chemins de fer belges ; le décret du 6 juillet 2012 concernant l’autorisation à créer une association flamande pour le personnel TIC.

Souvent rédigés trop rapidement, parfois mal pensés, ces régimes dérogatoires ne comportent, à l’exception de l’un ou l’autre, aucune sanction en cas d’infraction. Or une règle sans sanction est souvent dépourvue d’effet en pratique. Quelle est l’utilité, pour une entreprise, de solliciter une autorisation ministérielle pour mettre certains de ses travailleurs à disposition d’un tiers si, d’avance, elle sait qu’elle n’encourt aucune sanction pénale, administrative ou civile en cas de transgression de la norme ?

Chaque champ d’application, rationae materiae, rationae personae et rationae institutionae, diffèrent de l’une à l’autre de ces normes dérogatoires. Leur entrée en vigueur est, pour les unes, retardée, pour les autres, pratiquement impossible en l’absence d’arrêtés royaux explicitant certaines règles fondamentales du texte de base.

L’analyse de ces normes juridiques permettra aux lecteurs de se forger une idée quant aux procédures à suivre pour obtenir l’autorisation de mettre leur personnel à disposition.

Dans la foulée des régimes dérogatoires, nous nous pencherons sur le détachement des agents contractuels des différents pouvoirs de l’État. Certaines réglementations admettent leur détachement pour mission auprès de différents utilisateurs. Si ces normes règlent les hypothèses de détachement et les conséquences de celui-ci quant à la rémunération ou l’ancienneté, elles ne dérogent pourtant pas à la loi du 24 juillet 1987. Cette situation est source d’infractions.

3. La troisième étape de notre cheminement nous mène au niveau international. De plus en plus, les travailleurs sont contraints de se déplacer dans le monde ou en Europe. À cet égard, la Belgique a conclu plusieurs conventions bilatérales portant sur la sécurité sociale avec des États en dehors de l’Union européenne. Chacune de ces conventions contient un article relatif au détachement du travailleur et au maintien de ses droits à la sécurité sociale dans son pays d’origine. Une évolution peut être dégagée au fil du temps quant à la période de détachement, aux travailleurs qui entrent dans le cadre conventionnel, etc.

Les États avec lesquels la Belgique n’a pas conclu de conventions peuvent également envoyer des travailleurs sur notre territoire. Pour déterminer la législation sociale applicable, il convient dès lors de se référer aux règles générales de la loi sur la sécurité sociale des travailleurs salariés.

4. Nous poursuivrons notre tour du monde par l’analyse de la directive européenne 96/71/C.E. sur le détachement ainsi que du règlement (C.E.E.) no 1408/71. Depuis la parution de la première édition de notre ouvrage, ce corpus de règles européennes a été profondément modifié. D’une part, la directive 96/71/C.E., telle qu’interprétée par le juge européen, a suscité bien des craintes, non sans raisons2. Dans le but de répondre à ces inquiétudes, la Commission européenne a présenté, le 21 mars 2012, une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’exécution de la directive 96/71/C.E. (COM (2012) 131 final) ; cette proposition, au terme d’un parcours législatif sinueux, a été adoptée en première lecture par le Conseil européen le 15 mai 20143. D’autre part, le règlement (C.E.E.) no 1408/71, depuis 1971, a fait l’objet de nombreuses modifications, tant pour s’adapter aux évolutions des législations nationales que pour intégrer les avancées (les « acquis ») résultant des nombreux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. Ces modifications, au fil du temps, ont contribué à la complexité des règles communautaires de coordination. Le processus de révision de ces règlements, initié en 19964, a débouché sur l’adoption de nouveaux règlements (le règlement (C.E.) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (C.E.) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (C.E.) no 883/2004), qui sont entrés en vigueur et ont remplacé les règlements no 1408/71 et no 574/725.

Les normes européennes sont de plus en plus présentes dans notre sphère juridique. Pourtant, il nous faut constater qu’elles sont souvent mal comprises par leurs destinataires. Lointaine, bureaucratique, parfois peu compréhensible pour le non-juriste, l’Union européenne essaie pourtant de permettre aux employeurs et aux travailleurs de circuler librement dans cet espace géographique gigantesque qu’est l’Europe des vingt-huit.

Les directives et règlements resteraient des normes aux contours flous si la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ne venait pas les redessiner plus nettement. C’est pourquoi leur analyse est essentielle. D’arrêts en arrêts, la jurisprudence évolue et tente de faire poindre une règle lisible et compréhensible pour tous et protectrice pour ses destinataires, en l’espèce les travailleurs. La norme européenne ne peut être comprise dans tous ses aspects qu’à l’aune de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

Pour clore ce volet international et européen, nous consacrerons un large chapitre à l’incidence d’un détachement – international ou européen – sur le droit fiscal. Les conventions prévenant la double imposition, basées sur le modèle O.C.D.E., permettent au travailleur d’éviter de se voir imposer dans son pays d’origine et dans celui où il effectue ses prestations par application du principe de l’interdiction de la double imposition. À cet égard, les circulaires fiscales sont d’une grande clarté et permettent au travailleur de connaître aisément ses droits et obligations.

1. M.B., 20 août 1987. Ci-après : « loi du 24 juillet 1987 ».

2. C.J.C.E., 11 décembre 2007, Viking, C-438/05 ; C.J.C.E., 18 décembre 2007, Laval, C-341/05 ; C.J.C.E., 3 avril 2008, Rüffert, C-346/06 ; C.J.C.E., 19 juin 2007, Commission c. Luxembourg, C-319/06.

3. Directive 2014/67/U.E. du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à l’exécution de la directive 96/71/C.E. concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (U.E.) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI »), J.O., L. 159, du 28 mai 2014, p. 0011.

4. La Commission européenne a, dès 1998, proposé de procéder à une refonte législative du règlement (C.E.E.) no 1408/71 (voy. COM (97) 586 final) ; voy. aussi COM (1998) 779 final, J.O., C. 38, du 12 février 2001. La Commission a présenté au Conseil, le 21 décembre 1998, une proposition de règlement portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, proposition visant à moderniser et simplifier les dispositions du règlement (C.E.E.) no 1408/71. « La réforme et la simplification de la coordination représentaient une occasion de relever le défi de la mutation des régimes de sécurité sociale en Europe. »

5. Comme nous l’analyserons infra, les nouveaux règlements de coordination (art. 87 du règlement (C.E.) no 883/2004) comportent des dispositions transitoires.

1

LA LOI DU 24 JUILLET 1987

SOMMAIRE

1CONSIDÉRATIONSLIMINAIRES

2HISTORIQUE

3L’INTERDICTIONDEPRINCIPE

4LAMISEÀDISPOSITIONAPRÈSAUTORISATIONPRÉALABLE

5LAMISEÀDISPOSITIONAPRÈSINFORMATIONPRÉALABLEDANSLECADREDEL’ARTICLE 32, § 1ER

6LAMISEÀDISPOSITIONAPRÈSINFORMATIONPRÉALABLEDANSLECADREDEL’ARTICLE 32BIS

7LESSANCTIONSPÉNALESETADMINISTRATIVES

8LESCONSÉQUENCESSOCIALESETFISCALESDELAMISEÀDISPOSITIONLICITE

1

CONSIDÉRATIONS LIMINAIRES

5. Sur la quarantaine d’articles qui composent la loi du 24 juillet 1987, seuls trois sont relatifs à la mise à disposition. Le principe de base est aisé à comprendre : la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs est interdite. Les exceptions sont toutefois, pour certaines, plus difficiles à appréhender.

Les mécanismes administratifs relatifs aux quatre exceptions mises en place par les articles 32 et 32bis varient suivant les articles : tantôt l’employeur doit solliciter l’autorisation du Contrôle des lois sociales, tantôt l’utilisateur doit l’en informer. De même, les sanctions civiles varient également selon que l’on se situe dans l’une ou l’autre des exceptions. Autant de divergences qui peuvent amener l’employeur ou l’utilisateur à se tromper.

2

HISTORIQUE

SECTION 1

Des années 1950 aux années 2000 : aperçu de l’évolution législative

6. L’évolution qui a abouti à la loi du 24 juillet 19871, contenant l’interdiction de mettre des travailleurs à la disposition d’utilisateurs, trouve sa source dans la problématique du travail intérimaire, en plein essor dans les années cinquante. Dès cette époque, doctrine et jurisprudence divergèrent sur le type de qualification à donner à cette relation de travail qui ne trouvait aucun écho dans les constructions juridiques connues. Quatre tendances ont ainsi vu le jour2. Elles qualifiaient cette relation juridique de :

contrat d’entreprise ;

contrat de société (l’intérimaire était l’associé ou un coopérateur de l’agence d’intérim)3 ;

contrat sui generis (ce qui impliquait que l’intérimaire n’était protégé ni par le droit du travail, ni par le droit de la sécurité sociale) ;

contrat de travail.

La Cour de cassation a, dans son arrêt du 3 mars 1971, entériné cette dernière qualification, estimant qu’un lien de subordination existe entre la société d’intérim et le travailleur intérimaire4. Malgré cet arrêt, la jurisprudence de fond hésitait à retenir l’existence d’un contrat de travail lorsque la prestation était de courte durée et occasionnelle5.

C’est en plusieurs étapes que le législateur s’est dirigé vers une réglementation propre au travail intérimaire. Dans un premier temps, l’arrêté royal du 28 novembre 19696 a étendu l’application de la loi du 27 juin 19697 « aux personnes qui, à titre d’intérimaires, sont mises au travail chez des tiers ainsi qu’aux personnes qui les y mettent et les rémunèrent ». Ensuite, en 1970, un avant-projet de loi relatif au travail intérimaire fut soumis au C.N.T. Ce dernier, dans son avis no 364, admettait qu’un lien de subordination existait entre l’entreprise d’intérim au travailleur intérimaire. Cet avant-projet ne fut jamais déposé à la Chambre des représentants. Enfin, en 1974, un nouvel avant-projet, relatif à la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs et aux bureaux de placement payants, fut soumis au C.N.T., qui, rendit un avis, portant le no 450, divergent. S’inspirant de l’avis exprimé par la majorité des membres, le gouvernement déposa, le 20 juin 1975, le projet de loi8 qui allait devenir la loi du 28 juin 1976.

7. Le 28 juin 1976, la loi portant réglementation provisoire du travail temporaire, du travail intérimaire et de la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs9 était votée. Ce nouveau régime légal expérimental10 avait un double but : protéger les travailleurs intérimaires et les travailleurs permanents de l’entreprise utilisatrice et lutter contre les pourvoyeurs de main-d’œuvre.

Le texte de loi, entré en vigueur le 1er décembre 1976, avait une durée de vie de quatre ans11 et fut prorogé d’un an12. Cette période d’un an devait permettre au Parlement d’adopter une nouvelle loi s’inspirant des propositions unanimes du C.N.T. contenues dans son avis no 676 du 27 juin 198113. L’avant-projet fondé sur ces propositions ne fut pas déposé en temps utile à la Chambre. Un projet de loi prorogeant de six mois la durée de vie de la loi du 28 juin 1976 fut déposé à la Chambre le 18 septembre 198114. La dissolution des Chambres au cours du mois d’octobre 1981 n’a pas permis l’examen et le vote de ce projet de loi.

8. Pour éviter un vide juridique et vu l’absence de commission paritaire pour le travail intérimaire15, les organisations d’employeurs et de travailleurs ont conclu, le 27 novembre 1981, au sein du C.N.T., sept conventions collectives de travail, portant les numéros 36 à 36sexies et 3716. Celles-ci reprennent, dans les grandes lignes, les dispositions de la loi provisoire.

Pour deux motifs, ces C.C.T. n’offraient toutefois pas les mêmes possibilités qu’une loi : d’une part, l’intervention du C.N.T. devait s’inscrire dans le champ d’application de la loi du 5 décembre 196817 et, d’autre part, il ne pouvait déroger aux règles impératives contenues dans la loi du 3 juillet 197818.

Au départ conçue pour n’être qu’éphémère, la C.C.T. de base no 36 est restée en vigueur près de six ans. Ce n’est qu’en 1985 que le ministre de l’Emploi et du Travail a finalement soumis au C.N.T. un avant-projet de loi19.

9. Le projet du ministre, amendé sur la base de l’avis no 819 du C.N.T., a été déposé le 11 juillet 1987 à la Chambre des représentants20. Vu l’unanimité dégagée auprès des interlocuteurs sociaux, la loi a été votée rapidement. Ainsi, la loi du 24 juillet 1987, « aboutissement d’une évolution dont le premier pas législatif a été posé en 1976 »21, voyait le jour22.

Le travail intérimaire restait soumis à trois sources juridiques différentes. Tout d’abord, à la loi de base du 24 juillet 1987. Ensuite, à la C.C.T. no 36, qui subsiste pour certaines parties, et à la C.C.T. no 58, qui a remplacé la C.C.T. no 47. Enfin, à la C.C.T conclue au sein de la commission paritaire pour le travail intérimaire23.

SECTION 2

De la loi du 12 août 2000 à la loi-programme du 27 décembre 2012

10. La loi de 1987 a été modifiée par la loi du 12 août 200024. La réforme législative avait pour objectif de « remédier à des difficultés pratiques rencontrées sur le terrain et (…) de tenir compte de l’évolution des modes de fonctionnement de l’entreprise »25, ainsi que « de rendre plus claire la législation en matière de mise à disposition »26. La ministre précisait dans son exposé introductif que : « les interlocuteurs sociaux ont souhaité éclaircir la notion de transfert d’une partie de l’autorité. On propose ainsi, dans le projet de loi à l’examen, qu’il n’y ait pas de transfert d’autorité lorsque l’employeur se limite aux instructions relatives au bien-être sur le lieu de travail, quant aux temps de travail et temps de repos et quant à la manière d’exécuter le travail convenu. »27

L’avis rendu par le C.N.T le 20 décembre 1999 et les négociations qui s’ensuivirent avec le gouvernement avaient abouti début février 2000, sur un accord traduit dans les modifications apportées aux articles 31 et 32 de la loi du 24 février 1987.

Les partenaires sociaux avaient constaté que les entreprises devaient pouvoir faire appel, pour certains travaux complexes, à des travailleurs disposant d’un savoir-faire qui est totalement ou partiellement inexistant de l’entreprise.

À cet égard, les travaux parlementaires précisaient que : « [les entreprises] font valoir qu’il n’est pas toujours aisé de tracer la limite entre mise à disposition et sous-traitance dans des situations où le recours à des travailleurs externes se justifie par l’évolution technologique et le phénomène d’outsourcing. À cette fin, les partenaires sociaux ont introduit une modification de l’article 31, § 1er, de la loi du 24 juillet 1987 dont le but est de confirmer :

que la sous-traitance reste un procédé valable pour rencontrer des problèmes de disponibilité de compétences particulières au sein des entreprises qui en manquent ;

que la mise à disposition de travailleurs au service d’utilisateurs reste interdite en son principe quand la mise à disposition s’accompagne d’un transfert d’autorité venant de l’employeur d’origine et allant à l’entreprise utilisatrice ;

que n’est pas signe d’un transfert d’autorité rendant la mise à disposition interdite mais un indice permettant au contraire dans la sphère de la sous-traitance bien comprise, le fait pour l’entreprise utilisatrice :

de faire respecter les obligations qui lui reviennent en matière de bien-être au travail, plus particulièrement les articles 8 et suivants de la loi du 4 août 1996 portant les dispositions spécifiques concernant les travaux d’entreprises extérieures – aspect protection des travailleurs de tous ceux de l’entreprise prestataire comme ceux de l’entreprise bénéficiaire du service presté et respect des normes de sécurité ;

de donner dans le cadre du contrat – de nature commerciale – qui le lie à l’employeur du travailleur visé ici, des instructions relatives aux temps de travail et aux temps de repos ;

et de donner des instructions quant à l’exécution du travail convenu – c’est-à-dire en vertu du contrat qui lie les deux entrepreneurs dans le contexte repris au point précédent. »28

La loi de 2002 insérait un second alinéa au premier paragraphe de l’article 31, qui disposait que : « Ne constitue toutefois pas l’exercice d’une autorité au sens du présent article, le respect par le tiers des obligations qui lui reviennent en matière de bien-être au travail ainsi que les instructions données par le tiers, en vertu du contrat qui le lie à l’employeur, quant aux temps de travail et aux temps de repos et quant à l’exécution du travail convenu. »

Cette réforme avait pour but que « des problèmes d’interprétation sur le terrain soient limités au minimum, sans apporter de modification à l’interdiction de principe sur la mise à disposition »29. Réussite ? Échec ? Les avis étaient assez négatifs. Même le Conseil d’État estimait que le projet avait vidé l’interdiction de sa substance30. À tel point, finalement, qu’il a fallu à nouveau repenser le texte légal quelques années plus tard.

SECTION 3

De la loi-programme du 27 décembre 2012 à ce jour

11. L’accord du gouvernement du 1er décembre 2011 précisait que : « afin d’attaquer les abus relatifs à l’application de la législation de la mise à disposition, la loi sera évaluée en concertation avec les partenaires sociaux et sera, le cas échéant, adaptée. » En effet, en pratique, la disposition qui avait été créée par la loi du 12 août 2000 rendait difficile, pour les inspections sociales, la possibilité de vérifier si certaines instructions données par les utilisateurs aux travailleurs qui étaient mis à leur disposition étaient bien en relation avec le travail convenu.

Le C.N.T. fut saisi d’une demande d’avis de la part de la ministre de l’Emploi, du Travail et de la Concertation sociale. Il rendit donc, en sa séance du 30 octobre 2012, un avis no 182331, qui mettait en évidence l’absence d’accord entre les organisations représentatives des employeurs et celles représentatives des travailleurs. Les premières considéraient que la souplesse de la loi du 12 août 2000 devait être maintenue, tandis que les secondes estimaient que cette loi avait vidé de sa substance l’interdiction contenue à l’article 3132. Les organisations des employeurs proposaient à la ministre un nouveau texte légal, tandis que les organisations des travailleurs recommandaient l’abrogation de l’article 31, § 1er33.

Bien que le texte proposé au Parlement fût assez éloigné de la proposition patronale, il tentait de concilier à la fois les revendications des organisations des employeurs et les critiques des organisations des travailleurs.

La loi-programme du 27 décembre 201234 apporte donc un certain nombre de modifications et de restrictions à la norme précédente. Ainsi, elle fixe les conditions auxquelles doivent répondre les contrats entre les employeurs et les utilisateurs, mais en outre, elle crée un droit d’information au bénéfice des organes de concertation des utilisateurs.

Nous verrons toutefois que certaines lacunes subsistent et peuvent mener à des interprétations divergentes du texte de loi.

1. Pour un aperçu historique complet, voy. M. DE GOLS et M. MALDERIE, « Une décennie de réglementation du travail intérimaire », R.D.S., 1988, pp. 16-24.

2. À cet égard, voy. Th. CLAEYS et H. SCHEYVAERTS, « Travail temporaire, travail intérimaire et mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs – Commentaire de la loi du 28 juin 1976 portant réglementation provisoire du travail temporaire, du travail intérimaire et de la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs », J.T.T., 1976, p. 326 ; L.-E. TROCLET et E. VOGELS-POLSKY, Le travail intérimaire, Institut de sociologie de l’U.L.B., 1968, pp. 164 et s.

3. C.P. (Conseil de Prud’hommes) Bruxelles, 26 juin 1963, inéd., cité in J. PONET, « De uitzenarbeid », R.W., 1975-1976, col. 1030.

4. Cass., 3 mars 1971, J.T.T., 1971, p. 150 ; Cass., 6 juin 1968, Pas., 1968, I, p. 1142.

5. M. DE GOLS et M. MALDERIE, « Une décennie de réglementation du travail intérimaire », op. cit., p. 17, citant M. DELHUVENNE, Problèmes généraux de contrat de travail individuel, C.A.D., 1972, pp. 150-151.

6. A.R. du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, M.B., 5 décembre 1969.

7. L. du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, M.B., 25 juillet 1969.

8. Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1974-1975, no 627/1.

9. M.B., 7 août 1976.

10. M. BOTTE et G. SCHREIBER, Le travail temporaire, le travail intérimaire, la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs, la loi du 24 juillet 1987, M.E.T., Inspections sociales, 1er septembre 1995, p. 3.

11. Art. 47 de la loi du 28 juin 1976.

12. L’art. 47, al. 2, permettait au Roi, sur proposition du C.N.T., de proroger d’un an cette durée. Le Roi a utilisé cette possibilité par l’A.R. du 21 novembre 1980 prorogeant la durée de validité de la loi du 28 juin 1976 portant réglementation provisoire du travail temporaire, du travail intérimaire et de la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs, M.B., 26 novembre 1980.

13. Information reprise in P. PIRENNE, « La nouvelle réglementation provisoire du travail intérimaire », J.T.T., 1982, p. 105.

14. Information contenue in M. DE GOLS et M. MALDERIE, « Une décennie de réglementation du travail intérimaire », op. cit., p. 21.

15. La durée de vie de cette commission était liée à celle de la loi provisoire du 28 juin 1976. Elle avait donc cessé d’exister le 1er décembre 1981.

16. Ces conventions (rendues obligatoires par l’A.R. du 9 décembre 1981, M.B., 6 janvier 1982) étaient les suivantes :

C.C.T. no 36 portant des mesures conservatoires sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à disposition d’utilisateurs ;

C.C.T. no 36bis concernant l’institution d’un fonds de sécurité d’existence pour le travail intérimaire et la fixation de ses statuts ;

C.C.T. no 36ter relative à l’octroi d’avantages sociaux à charge du fonds social pour les intérimaires ;

C.C.T. no 36quater concernant le statut des délégations syndicales des travailleurs intérimaires ;

C.C.T. no 36quinquies concernant les vêtements de travail et de protection pour les travailleurs intérimaires ;

C.C.T. no 36sexies concernant le contrat type de travail intérimaire, les documents sociaux et le règlement définitif de paie ;

C.C.T. no 37 portant modification de la C.C.T. no 9 du 9 mars 1972 coordonnant les accords nationaux et les C.C.T. relatives aux conseils d’entreprise conclues au sein du C.N.T.

Pour un aperçu historique complet et une analyse de ces C.C.T., voy. P. PIRENNE, « La nouvelle réglementation provisoire du travail intérimaire », op. cit., pp. 105-108 ; X., « Le travail temporaire et intérimaire », Bull. F.E.B., no 2, 1982, pp. 173-180.

17. L. du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, M.B., 15 janvier 1969.

18. L. du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, M.B., 22 août 1978.

19. Cet avant-projet a fait l’objet de l’avis no 819 du C.N.T. du 4 juillet 1985.

20. Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1986-1987, no 762/1.

21. M. DE GOLS et M. MALDERIE, « Une décennie de réglementation du travail intérimaire », op. cit., p. 22.

22. Dans la foulée, les conventions nos 36 et suivantes ont été remplacées presque entièrement par les conventions nos 47 et suivantes du 18 décembre 1990. Le 7 juillet 1994, la nouvelle convention no 58, rendue obligatoire par l’A.R. du 23 septembre 1994 (M.B., 18 octobre 1994), remplaçait la convention no 47. Cette convention no 58 a été modifiée à deux reprises : tout d’abord, par la C.C.T. no 58bis du 25 juin 1997 (enregistrée le 17 juillet 1997 sous le no 44481/CO/300. Les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 de cette C.C.T. ont été rendus obligatoires par l’arrêté royal du 14 septembre 1997, M.B., 15 novembre 1997) et ensuite, par la C.C.T. no 58ter du 19 décembre 2001 (enregistrée le 11 janvier 2002 sous le no 60501/CO/300. Cette C.C.T. a été rendue obligatoire par l’arrêté royal du 4 février 2002, M.B., 12 mars 2002).

23. A.R. du 8 avril 1988 instituant la commission paritaire pour le travail intérimaire et fixant sa dénomination et sa compétence et en fixant le nombre de membres, M.B., 19 avril 1988.

24. L. du 12 août 2000 portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses, M.B., 31 août 2000.

25. Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1999-2000, no 756/1, p. 89.

26. Idem, p. 4.

27. Ibid.

28. Idem, p. 89.

29. Ibid.

30. Projet de loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses, avis du Conseil d’État, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1999-2000, no 756/1, p. 219.

31. « Évaluation de l’application de l’article 31, § 1er, de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail intérimaire, le travail temporaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs, tel que modifié par la loi du 12 août 2000 portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses ».

32. Voy. spéc. les pp. 8 et 14 de l’avis.

33. Pour un résumé des discussions du C.N.T, voy. M. GOLDFAYS, Mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs, Malines, Kluwer, 2013, pp. 37-39.

34. M.B., 31 décembre 2012.

3

L’INTERDICTION DE PRINCIPE

SECTION 1

Le texte légal

12. L’article 31 de la loi du 24 juillet 1987 pose comme principe de base l’interdiction de mettre des travailleurs à la disposition d’utilisateurs et énonce à cet effet que :

« Est interdite l’activité exercée (…) par une personne physique ou morale qui consiste à mettre des travailleurs qu’elle a engagés, à la disposition de tiers qui utilisent ces travailleurs et exercent sur ceux-ci une part quelconque de l’autorité appartenant normalement à l’employeur. »

SECTION 2

Le champ d’application rationae personae

§1. Les employeurs

13. L’employeur peut être une personne physique ou une personne morale, relever du secteur privé ou du secteur public. Certaines lois particulières dérogent à ce principe et permettent à des employeurs de mettre, plus souplement, des travailleurs à la disposition d’utilisateurs1.

Il importe peu que ce soit la même personne physique qui dirige deux personnes morales différentes. Cela demeure des employeurs distincts au sens du droit social, qui doivent, s’ils souhaitent se prêter du personnel, respecter la loi du 24 juillet 1987.

Toutefois, comme le précise V. Pertry à juste titre, il « n’y a pas de détachement entre une société et sa succursale, qu’elle soit localisée dans le même pays ou dans un autre État. En effet, il ne s’agit pas de tiers mais de la même entité juridique »2.

14. L’employeur qui n’a pas engagé le travailleur mis à la disposition d’un utilisateur, mais sert uniquement d’intermédiaire non rémunéré3 est exclu du champ d’application rationae personae de la loi du 24 juillet 1987.

D’autres employeurs sont exclus du champ d’application de la loi, à savoir ceux visés dans les textes dérogatoires que nous étudierons ci-après.

§ 2. Les travailleurs

15. Le texte légal ne fait pas référence au contrat de travail tel qu’il est défini par la loi du 3 juillet 1978, de sorte qu’il y a lieu d’interpréter largement la notion de travailleur. Sont donc visées toutes personnes soumises à un lien d’autorité et qui effectuent leur travail dans le cadre d’un contrat de travail ou d’une relation similaire à un contrat de travail, qu’elles relèvent du secteur privé ou du secteur public4.

16. Le travailleur qui ne peut être mis à disposition est celui qui a été spécialement engagé à cet effet. Cette interprétation est confirmée par l’article 31, § 2, qui frappe de nullité « le contrat par lequel un travailleur a été engagé pour être mis à la disposition d’un utilisateur »5.

A contrario, les travailleurs dits « permanents », c’est-à-dire attachés à une personne physique ou morale depuis un certain temps, peuvent bénéficier des dérogations de l’article 326.

17. Tant les travailleurs indépendants – sauf si la relation est requalifiée en contrat de travail7 – que les travailleurs qui relèvent d’un statut8 sont exclus du champ d’application de l’article 31.

§ 3. L’utilisateur

18. L’utilisateur est défini par l’article 31 comme un tiers qui utilise le travailleur et exerce sur lui une part quelconque de l’autorité patronale. Toute personne physique ou morale entre dans ce champ d’application large.

La loi s’applique, sous réserve de la mise en œuvre de l’article 32, même si l’utilisateur fait partie du même groupe de sociétés ou si la société utilisatrice a le même gérant que la société prêteuse ; les entités juridiques sont distinctes. Ainsi, la Cour de cassation a dit pour droit que :

« Attendu que des personnes morales distinctes sont des tiers l’une à l’égard de l’autre ;

Que l’autorité d’employeur ne peut être exercée que par la personne physique ou morale liée à un travailleur en vertu d’un contrat de travail ;

Que la personne physique qui exerce au sein d’une société l’autorité d’employeur sur les travailleurs avec lesquels cette société est liée par un contrat de travail, ne peut exercer l’autorité d’employeur dans d’autres sociétés qui ne sont pas liées à ces travailleurs en vertu d’un contrat de travail et qui sont des tiers à l’égard de la première société ;

Que le fait qu’une seule personne physique soit l’administrateur de toutes les sociétés n’y change rien »9.

SECTION 3

L’activité

19. Le législateur interdit l’activité qui consiste à mettre des travailleurs à la disposition d’utilisateurs. La notion d’activité exclut-elle le service rendu occasionnellement ? La réponse est affirmative selon certains auteurs10, négative selon d’autres11.

Les auteurs qui estiment que le service rendu occasionnellement est autorisé – dont nous étions lorsque nous avons écrit la première édition de cet ouvrage – se fondent sur la définition du terme « activité », qui vise la raison sociale de la personne morale ou de la personne physique, ce qui implique qu’une société ne peut avoir pour activité, principale ou accessoire12, la mise à disposition de travailleurs, quelle qu’en soit la durée, gratuitement ou contre rémunération.

Les tenants de l’interdiction totale estiment que la notion d’activité ne suppose pas que la mise à disposition fasse partie des activités récurrentes de l’employeur, de sorte qu’une mise à disposition occasionnelle est exclue.

Pour que cette seconde interprétation soit admise, la formulation de la norme juridique ne devrait-elle pas être différente ? Ainsi, le texte légal ne devrait pas interdire l’activité qui consiste à mettre son personnel à la disposition d’un tiers, mais bien la mise à disposition de ses travailleurs au profit d’un tiers. Or, de lege lata, le terme « activité » est contenu à l’article 31 et ne pas en tenir compte pourrait être contraire à la volonté du législateur.

Mais il faut bien avouer que cette volonté n’est pas aussi simple à cerner. Ainsi, les travaux parlementaires de la loi provisoire de 1978 précisent, après avoir rappelé que « l’activité de mise à disposition » est interdite, que l’article 30, § 1er, prévoit une « dérogation à l’interdiction de mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs en cas de prêt de main-d’œuvre exceptionnel »13. Le Conseil d’État précise d’ailleurs, dans ses observations, que le projet de loi autorise la mise à disposition dans des circonstances exceptionnelles14. A contrario, le législateur aurait donc entendu interdire uniquement l’activité récurrente.

En revanche, dans les travaux parlementaires du projet de loi portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses15, qui va aboutir sur la réforme de 2000, le législateur précise, sans nuance, que « la mise à disposition demeure interdite par principe ». Ce projet ne touche pourtant pas à la formulation de l’article 31.

20. Que l’on tienne pour l’une ou pour l’autre des positions, il faut admettre que, de lege ferenda, le législateur devrait spécifier ce qu’il entend par « activité » afin de mettre fin à toute controverse.

SECTION 4

L’autorité

§ 1. Considérations liminaires

21. Comme le souligne la cour d’appel de Bruxelles, « la mise à la disposition n’est interdite par la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs que lorsque l’utilisateur exerce sur lesdits travailleurs une partie de l’autorité appartenant normalement à l’employeur »16. La cour du travail de Bruxelles enseigne également que l’utilisateur ne peut en aucun cas être autorisé à exercer l’autorité générale de l’employeur17.

En dehors de tout transfert d’une parcelle d’autorité, il n’y a pas mise à disposition.

§ 2. La notion d’autorité au sens de la loi

22. Pour appréhender la notion d’autorité, il convient de se référer à la jurisprudence qui s’est développée relativement au lien de subordination18.

La Cour de cassation enseigne que « le lien de subordination est la caractéristique du contrat de travail »19-20. Il est l’essence même du contrat de travail21. C’est le rapport d’autorité qui est constitutif du lien de subordination.

L’autorité recouvre trois notions, qui, originairement, étaient reprises dans les articles 2 à 5 de la loi du 3 juillet 1978 : l’autorité, la direction et la surveillance. La loi du 17 juillet 1985 a supprimé les termes « direction » et « surveillance », car, selon le législateur, le terme « autorité » « contient la direction et la surveillance »22.

Comme le précise P. Denis, « la direction et la surveillance ne sont pas des concepts distincts de celui d’autorité, mais n’en constituent que les manifestations »23. Deux manifestations visibles de l’autorité sont, d’une part, le droit de l’employeur de donner des ordres pour l’organisation et l’exécution du travail et, d’autre part, l’obligation pour le travailleur d’accomplir les ordres donnés.

23. L’indépendance technique n’exclut pas le lien de subordination. Il arrive que des directeurs d’entreprise ne maîtrisent pas le savoir technique de leurs employés ou ouvriers. Comme le souligne M. Mengoni, « plus on s’élève dans la hiérarchie des qualifications de l’entreprise, plus on constate que le travailleur jouit d’une autonomie technique toujours plus grande, qui, au sommet, finit pratiquement par se confondre avec celle du chef d’entreprise »24.

À cet égard, la Cour de cassation enseigne que le lien de subordination peut être effectif « même si en fait (…) la nature du travail requiert une certaine indépendance et implique la responsabilité personnelle du loueur d’ouvrage »25.

§ 3. L’autorité doit-elle être effective et permanente ?

24. La Cour de cassation26, suivie par les juridictions inférieures27, considère dans une jurisprudence constante que :

« l’exercice de l’autorité dans un contrat de travail implique évidemment le pouvoir de direction et de surveillance, même si ce pouvoir n’est pas effectivement exercé ».

L’exercice de l’autorité dépend de la personnalité de son auteur et de la qualification technique du travailleur. L’autorité peut être exercée rigoureusement ou faiblement. Mais, si l’autorité ne doit pas être exercée de façon permanente, il faut au moins qu’elle soit susceptible d’être exercée. C’est-à-dire que le rapport d’autorité existe dès que quelqu’un peut, en fait, avoir autorité sur les actes de quelqu’un d’autre28.

La circonstance que le travailleur jouit en fait d’une large autonomie dans l’exécution de ses prestations de travail n’affecte pas la nature juridique du contrat, dès lors que celui-ci reconnaît à l’employeur la possibilité d’exercer son autorité29.

25. Cette autorité « lâche » pose parfois la question de l’existence d’un lien de subordination dans le cadre d’un contrat de travail classique. Il en est de même lors d’une mise à disposition, car l’éloignement du travailleur de son lieu de travail habituel et de son employeur atténue le lien de subordination qui les unit. Or, en matière de mise à disposition, le maintien de ce lien est essentiel.

§ 4. L’appréciation de l’autorité

26. Le juge du fond apprécie souverainement l’existence du lien de subordination30, en ayant égard tant à l’éventuelle convention qui lie les parties qu’aux éléments factuels dégagés de la relation de travail.

Si le rapport d’autorité est déplacé dans la sphère de relation utilisateur-travailleur, la mise à disposition est illicite. Ne peuvent donc, entre autres, être transférés à l’utilisateur :

l’engagement du travailleur ;

la demande de permis de travail ;

les négociations relatives à la rémunération ;

l’octroi d’une promotion31 ou d’avantages extracontractuels ;

la déclaration du travailleur à l’O.N.S.S. et le paiement des cotisations sociales sur la rémunération ;

le pouvoir de licencier ou de suspendre le contrat32 ;

la délivrance des fiches salariales et fiscales ;

la compétence disciplinaire.

F. Tilleman33, dont les exemples ont été repris et complétés par M. Goldfays et M.-N. Vanderhoven34, a épinglé quelques indices permettant de considérer qu’il y a eu transfert d’autorité, à savoir35 :

les travailleurs de l’entreprise d’envoi sont intégrés dans une équipe composée de membres du personnel de l’entreprise utilisatrice ;

l’horaire de travail et les périodes de vacances sont déterminés par l’entreprise utilisatrice ;

les travailleurs doivent faire rapport à l’entreprise utilisatrice36 ;

les travailleurs doivent assister aux réunions de l’entreprise utilisatrice ;

le personnel de la société d’envoi utilise le matériel de la société utilisatrice37 ;

la rémunération est payée par l’entreprise utilisatrice ;

les fonctions des travailleurs sont déterminées par l’entreprise utilisatrice ;

les instructions concernant le travail sont données directement par l’entreprise utilisatrice, sans passer par la société d’envoi ;

l’utilisateur recourt à une sanction vis-à-vis des travailleurs en cas de manquement.

Comme pour apprécier l’existence d’un lien de subordination, il convient de recourir à la méthode indiciaire. Ainsi, en cumulant plusieurs de ces indices il est possible de déterminer s’il y a eu transfert, ou non, d’une part quelconque de l’autorité patronale à l’utilisateur.

27. À cet égard, la cour du travail de Liège, saisie d’une espèce dans laquelle une travailleuse affirmait avoir été mise illégalement à la disposition d’un C.H.U. par son employeur, considérait que :

« Il n’est pas contesté que la travailleuse fut occupée à l’unité de documentation qui se trouvait au C.H.U. Il ne peut être contesté que cette unité de documentation était utile aux praticiens de l’hôpital comme au personnel de l’Université du reste. Ce n’est toutefois pas parce qu’un travail s’effectue dans le local d’un tiers au profit de ce tiers qu’il y a mise à la disposition. Il faut non seulement que le travailleur soit utilisé par ce tiers, et pas seulement le travail fourni par ce travailleur, mais aussi que l’autorité du tiers sur ce travailleur soit à tout le moins potentielle.

Cette unité de documentation relevait juridiquement de l’Université de Liège et non du C.H.U. et il n’est nullement établi dans le cas d’espèce que le C.H.U. gérait ou dirigeait le service de documentation dépendant de l’Université. D’autre part, il n’est nullement établi que la travailleuse était sous l’autorité du C.H.U. en tout ou en partie lorsqu’elle effectuait son travail. La mise à la disposition de la travailleuse par son employeur à un tiers n’est nullement établie. »38

28. Antérieurement à la réforme du 12 août 2000, le tribunal du travail de Charleroi39 avait estimé que le fait que les travailleurs de l’entreprise d’envoi reçoivent directement leurs ordres de l’utilisateur était caractéristique d’un transfert d’autorité. Cette jurisprudence n’est désormais valable que si les ordres donnés ne concernent pas le travail convenu.

§ 5. Le transfert d’une part de l’autorité patronale

I. Considérations liminaires

29. La loi du 27 décembre 2012 a fondamentalement modifié l’article 31, qui dispose désormais que :

« Pour l’application du présent article, ne constitue toutefois pas l’exercice d’une part quelconque de l’autorité de l’employeur par le tiers, le respect par ce tiers des obligations qui lui reviennent en matière de bien-être au travail.

Pour l’application du présent article, ne constituent pas non plus l’exercice d’une part quelconque de l’autorité de l’employeur par le tiers, les instructions données par le tiers aux travailleurs de l’employeur en vertu d’un contrat écrit entre le tiers et l’employeur, à condition que ce contrat écrit prévoie explicitement et de manière détaillée quelles sont précisément les instructions qui peuvent être données par le tiers aux travailleurs de l’employeur, que ce droit du tiers de donner des instructions ne porte atteinte en aucune manière à l’autorité dont dispose l’employeur et que l’exécution effective de ce contrat entre le tiers et l’employeur corresponde entièrement aux dispositions expresses du contrat écrit précité.

Pour l’application du présent article, constitue par contre l’exercice d’une part quelconque de l’autorité de l’employeur par le tiers, toute instruction autre que celles prévues au deuxième alinéa, qui est donnée soit sans qu’il y ait un contrat écrit entre le tiers et l’employeur, soit lorsque le contrat écrit conclu entre le tiers et l’employeur ne répond pas aux conditions prévues à l’alinéa précédent, soit lorsque l’exécution effective du contrat écrit conclu entre le tiers et l’employeur ne correspond pas aux dispositions expresses qui figurent dans ce contrat.

Lorsque, conformément aux dispositions de l’alinéa 3, un contrat est conclu entre un tiers et un employeur stipulant quelles instructions peuvent être données par le tiers en exécution de ce contrat aux travailleurs de l’employeur, le tiers informe sans délai son conseil d’entreprise de l’existence de ce contrat. Le tiers fournit ensuite, aux membres de son conseil d’entreprise qui en font la demande, une copie de la partie du contrat écrit précité qui précise les instructions pouvant être données par le tiers aux travailleurs de l’employeur. Lorsque le tiers, après en avoir reçu la demande, refuse de transmettre la copie susmentionnée, le contrat écrit est censé ne pas exister pour l’application du présent article. À défaut d’un conseil d’entreprise, les informations visées au présent alinéa sont fournies au comité pour la prévention et la protection au travail et, à défaut de celui-ci, aux membres de la délégation syndicale. Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, la procédure selon laquelle les obligations d’information précisées au présent alinéa sont mises en œuvre. »

II. Les éléments qui ne sont jamais constitutifs d’un transfert d’autorité

30. L’article 31, § 1er, alinéa 2, dispose que ne constitue pas l’exercice d’une part quelconque de l’autorité de l’employeur par le tiers le respect par ce dernier des obligations qui lui reviennent en matière de bien-être au travail. Ce membre de phrase s’applique à toute mise à disposition, même celles qui ne font pas l’objet d’une convention écrite entre le tiers et l’employeur.

31. Dans le cadre de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs, le maître de l’ouvrage qui fait appel à une firme extérieure doit informer cette dernière des risques et des mesures relatives au bien-être dans son entreprise. Il doit également s’assurer que les travailleurs de la firme extérieure ont reçu la formation et les instructions appropriées inhérentes à sa propre entreprise. Enfin, il doit coordonner les activités et assurer la collaboration de toutes les entreprises extérieures présentes concernant l’exécution des mesures relatives au bien-être. L’utilisateur est tenu d’écarter les entreprises dont il sait qu’elles ne respectent pas la loi sur le bien-être. Or, celle-ci contient petit à petit les dispositions de l’ancien R.G.P.T. et vise une série impressionnante de situations et d’obligations40.

Imposer le respect de ces obligations n’est pas un indice d’autorité – mais l’a-t-il jamais été vu l’obligation légale qu’avait l’utilisateur de faire respecter ces règles ? –, ce qui permet à celui-ci de donner directement certaines instructions aux travailleurs présents sur son chantier dans des domaines aussi divers que le port du casque, le port de chaussures de sécurité, le port de harnais, la mise en place de lisses sur des échafaudages, etc.

III. Les éléments qui peuvent ne pas être constitutifs d’un transfert d’autorité

A. La procédure
1. UN CONTRAT ÉCRIT

32. Afin de pouvoir transférer à l’utilisateur certains éléments constitutifs du lien de subordination, tels qu’ils sont limitativement énumérés par l’article 31, § 1er, alinéa 3, le législateur a imposé la rédaction d’un contrat écrit entre l’employeur et l’utilisateur.

La forme de l’écrit n’est pas précisée, de sorte qu’un échange de courriels suffit41.

2. UN CONTRAT DÉTAILLÉ

33. Le contrat écrit doit prévoir explicitement, de manière détaillée et exhaustive quelles sont les instructions qui peuvent être données par l’utilisateur aux travailleurs. Toute instruction qui serait donnée par lui sans avoir été mentionnée dans le contrat implique un transfert illégal d’une parcelle du lien de subordination. Comme l’écrit E. Wauters, « les collaborations entre entreprises sont par définition de nature dynamique [et] les besoins [des] parties ainsi que la nature et l’ampleur des services fournis peuvent évoluer dans le temps »42. À cet égard, l’exposé des motifs précise que « le contrat conclu entre le tiers et l’employeur [n’est pas] une donnée statique. Des modifications du contrat écrit sont évidemment possibles à condition que les dispositions des alinéas précédents soient respectées »43.

34. Le droit du tiers de donner des instructions ne peut porter atteinte en aucune manière à l’autorité dont dispose l’employeur. Formulation étrange car, en tout état de cause, la faculté qu’a l’utilisateur de donner certaines instructions au travailleur découle d’un démembrement de l’autorité patronale. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous analyserons les directives qui peuvent être données par les tiers.

35. L’exécution effective de ce contrat entre le tiers et l’employeur doit correspondre entièrement aux dispositions expresses du contrat écrit. Il ne peut donc y avoir, sur le terrain, d’autres directives données que celles reprises au contrat, sans quoi l’autorité patronale de l’employeur serait transférée à l’utilisateur, ce qui entraînera l’application des sanctions civiles et pénales prévues dans la loi.

3. UN DEVOIR D’INFORMATION

36. Les obligations d’information sont prévues dans l’arrêté royal du 17 juillet 2013 établissant la procédure selon laquelle les obligations d’information, précisées à l’article 31, § 1er, alinéa 5, de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs doivent être mises en œuvre, lorsqu’un contrat est conclu entre un tiers et un employeur, stipulant quelles instructions peuvent être données par le tiers aux travailleurs de l’employeur, en exécution de ce contrat44.

Le tiers doit informer sans délai le secrétaire de son conseil d’entreprise de l’existence d’un contrat, par une simple communication écrite ou électronique. Le secrétaire en informe ensuite les membres du conseil d’entreprise.

À défaut d’un conseil d’entreprise, l’information est fournie par le tiers à la personne qui est désignée à cet effet dans le règlement d’ordre intérieur du comité pour la prévention et la protection au travail. Cette personne en informe ensuite les membres du comité pour la prévention et la protection au travail. À défaut d’un comité pour la prévention et la protection au travail, l’information visée à l’alinéa précédent est directement fournie par le tiers aux membres de la délégation syndicale.

Le cas échéant, le tiers fournit aux membres de son conseil d’entreprise, du comité pour la prévention et la protection au travail ou de la délégation syndicale qui en font la demande, dans un délai de quatorze jours calendrier, ou, si le contrat a une durée plus courte, avant la fin de celui-ci, une copie de la partie du contrat qui précise les instructions pouvant être données par le tiers aux travailleurs de l’employeur.

Lorsque le tiers, après en avoir reçu la demande, refuse de transmettre la copie susmentionnée, le contrat écrit est censé ne pas exister.

B. Les instructions qui peuvent être données par l’utilisateur

37. Dès lors qu’un contrat a été rédigé entre l’employeur et l’utilisateur, les instructions données par le tiers aux travailleurs de l’employeur en vertu d’un contrat écrit ne constituent pas l’exercice d’une part quelconque de l’autorité de l’employeur par le tiers.

La norme anciennement en vigueur prévoyait que l’utilisateur pouvait donner des directives relatives aux temps de travail et de repos, et toutes autres directives afférentes au travail convenu. Peut-on, dans l’état actuel de l’article 31, autoriser l’utilisateur à donner au travailleur de telles directives ? La réponse est négative, dans la mesure où le droit du tiers de donner des instructions ne peut porter atteinte en aucune manière à l’autorité dont dispose l’employeur.

Nous pouvons repartir de l’article 333, § 1er, de la loi-programme du 27 décembre 2006 portant des dispositions relatives à la relation de travail, qui établit la liste des critères généraux permettant d’apprécier l’existence ou l’absence d’un lien d’autorité, à savoir notamment :

la liberté d’organisation du temps de travail ;

la liberté d’organisation du travail ;

la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique.

Ces indices déterminants pour le lien de subordination ne sont pas transférables à l’utilisateur, qui ne pourra donc pas donner d’instruction relative au temps de travail, lequel, comme dans l’ancien article 31 de la loi du 24 juillet 1987, est défini par référence au chapitre III de la loi sur le travail45, qui traite du repos dominical, de la durée du travail, du travail des jeunes, du travail de nuit, du respect des horaires, du temps de repos et des pauses. Par analogie, toutes les instructions qui concernent les vacances ou les absences sont réservées à l’employeur.

Il n’est pas non plus envisageable que l’utilisateur puisse exercer un contrôle hiérarchique et sanctionner le travailleur.

Reste la question des autres directives. Faut-il y inclure celles qui concernent le travail convenu, c’est-à-dire celles qui posaient problème lors de l’adoption de la réforme en l’an 2000 ? Ces directives ne concernent que le travail convenu, sans que l’utilisateur puisse modifier unilatéralement les tâches confiées au travailleur. Elles peuvent être fort larges. Selon une interprétation extensive, « potentiellement, le client pourra donner des instructions sur la manière dont le travail convenu doit être exécuté, à savoir l’approche, les moyens, le personnel auxiliaire, l’organisation, le fonctionnement des équipes mixtes, le calendrier des réunions obligatoires »46, etc. M. Goldfays et M.-N. Vanderhoven47 ont rappelé les principes suivants :

« Les instructions données ne pourront jamais concerner des travaux autres que le travail qui fait l’objet de la convention conclue entre l’employeur-prêteur et l’utilisateur, et ce même si ces travaux font partie de la fonction “normale” du travailleur. Les parties devront donc apporter un soin particulier à la rédaction du contrat ;

L’objet du contrat d’entreprise ne portera pas sur un individu mais bien sur un travail à exécuter ; les travailleurs chargés d’exécuter ce travail étant en principe interchangeables ;

(…) ;

En principe, l’utilisateur ne pourra jamais disposer du droit de sanctionner le travailleur qui ne respecte pas les instructions données. Le pouvoir de sanction ne peut en effet appartenir qu’à l’employeur ;

L’utilisateur ne fournira pas au travailleur du sous-traitant les instruments de travail pour l’exécution du contrat de sous-traitance ;

L’utilisateur ne pourra licencier les travailleurs du sous-traitant. Ce droit est un attribut personnel de l’autorité patronale ;

L’utilisateur ne décidera pas de l’évolution de la carrière ou d’une augmentation salariale éventuelle. »48

38. Revenir au système antérieur à la modification de l’article 31 n’est pas concevable, dans la mesure où le législateur a entendu lutter contre les fraudes qui pouvaient exister suite à la modification législative du 12 août 2000.

Cependant, il est difficile de dresser une liste des directives qui peuvent être transférées contractuellement à l’utilisateur, d’autant plus que celles-ci ne peuvent porter atteinte en aucune manière à l’autorité dont dispose l’employeur. La jurisprudence pourrait estimer que toute directive qui touche à l’autorité, la surveillance ou la sanction – éléments constitutifs du lien de subordination – emporterait une mise à disposition illicite.

IV. Les éléments qui sont d’office constitutifs d’un transfert d’autorité

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