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La vie de Jean-Loup, célibataire endurci, employé dans les pompes funèbres, se trouvera bouleversée le jour où il apprendra être l’héritier d’un oncle, riche homme d’affaires canadien, récemment décédé. En allant récupérer la dépouille de ce dernier, il croisera la route d’une bande de braqueurs amateurs. S’en suivront dès lors des événements peu banals.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Auteur d’un premier livre, mélange d’autobiographie et de poésie,
Philippe Jackart a décidé cette fois de changer de style, pour laisser divaguer son inspiration, sans toutefois s’écarter de la réalité des choses. Il en découle alors une histoire originale et rocambolesque.
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Philippe Jackart
Braquage posthume
Roman
© Lys Bleu Éditions – Philippe Jackart
ISBN : 979-10-377-6953-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le téléphone sonna à huit heures quinze, Jean-Loup ouvrit un œil, puis le referma et se mit la tête sous l’oreiller. On n’a pas idée de déranger les gens à une heure pareille un samedi matin, pensa-t-il. D’autant plus que la veille, il avait un peu trop arrosé le départ à la retraite d’un collègue de travail, et que la soirée s’était terminée très tard, ou plutôt très tôt devrais-je dire. À la dixième sonnerie, le téléphone se tut. Jean-Loup crut enfin pouvoir se rendormir tranquillement, quand tout à coup un nouveau concert téléphonique retentit. Mais qui peut m’en vouloir à ce point, dit-il en maugréant. Il se leva péniblement et se dirigea vers l’appareil. Ayant saisi le combiné il décrocha un « Allo » qui paraissait venir d’outre-tombe tant son état était comateux. Heureusement, la voix à l’autre bout du fil était beaucoup plus claire et les phrases qui en sortirent parfaitement audibles et précises. Jean-Loup écarquilla d’abord les yeux, puis ouvrit grand la bouche et finit par s’asseoir sur une chaise.
Jean-Loup est un robuste gaillard, trente-cinq ans, célibataire de son état, profitant de la vie et de la bonne chair avec ses copains, bref, un vrai épicurien. D’un esprit assez simple et d’une intelligence moyenne, son niveau d’instruction n’étant pas très élevé, ayant arrêté ses études assez tôt pour suivre un apprentissage. Il faut dire que l’école ne l’intéressait pas du tout, et puis son caractère et son air goguenards avaient le don d’agacer ses professeurs. C’est donc avec un certain soulagement que sa maman signa pour son fils, alors mineur, un contrat d’apprentissage chez un boucher. Elle qui se demandait souvent ce qu’elle pourrait bien faire de son gamin, tant il était médiocre à l’école. Cette femme courageuse avait élevé seule son fils, et l’autorité paternelle avait fait défaut. De plus, souvent elle rentrait tard le soir, bien fatiguée par ses ménages, et le petit Jean-Loup se retrouvait seul, livré à lui-même. Heureusement, il n’avait pas mal tourné. Paradoxalement s’il n’aimait pas l’école le jeune Jean-Loup adorait les livres, mais pas n’importe lesquels. Ceux qui parlent de la nature avec de belles photos d’animaux, de paysages montagneux, et de lacs. Il pouvait passer des heures à rêvasser dans ses livres. À l’inverse de l’école, son apprentissage en revanche ne s’était pas trop mal déroulé, à part dans les premiers temps où il avait dû se soumettre à la discipline ainsi qu’à l’autorité patronale, mais il s’était vite adapté. Le travail en lui-même ne lui déplaisait pas. Faire ça ou autre chose, pour lui l’essentiel était de ne plus retourner à l’école. C’est pourtant ce qu’il devait faire une semaine par mois pour suivre les cours professionnels. C’était sans doute pour lui la partie la plus désagréable. Cependant avec beaucoup de persévérance et quelques coups de pied aux fesses donnés par le patron, trois années plus tard, Jean-Loup obtint son CAP. Le patron ravi l’embaucha aussitôt, et Jean-Loup travailla à la boucherie jusqu’à son service militaire effectué en Allemagne. De cette période, il n’a gardé que le souvenir des tavernes à bière et autres clandés où un soir de débauche il était devenu un homme. Plus sérieusement cette fois, il avait passé tous ses permis de conduire, ce qui lui permettrait peut-être plus tard d’agrandir ses horizons professionnels une fois revenu à la vie civile, et puis aussi de se débarrasser de sa vieille mobylette qui lui servait de moyen de locomotion. Son service militaire terminé, il revint vivre avec sa maman, mais ne retourna pas travailler à la boucherie, il se fit embaucher dans une grosse entreprise de pompes funèbres comme chauffeur, et porteur. Ce qui lui faisait souvent dire « Avant je bossais dans la viande fraîche, aujourd’hui je suis dans la viande froide ». De cet humour douteux, il en abusait souvent, et cela pouvait choquer certains qui ne le connaissaient pas ou peu. Un jour, il était passé prendre une de ses conquêtes à la sortie de son usine, avec son véhicule de service, autrement dit un corbillard. Le gag n’était pas passé inaperçu, et chacun avait apprécié à sa façon. Certains étonnés, d’autres morts de rire, c’est bien le moins que l’on puisse dire. D’autres encore furent choqués, ce fut d’ailleurs le cas de la dulcinée qui refusa de monter dans le véhicule et qui rompit illico. Rien ne la fit changer d’avis, pas même les roses envoyées à son domicile pour se faire pardonner. Là aussi, il avait poussé le bouchon puisqu’il les avait fait mettre en couronne. Vous pensez bien que ce n’était pas fait pour arranger les choses. Une autre fois, et sous prétexte qu’il enterrait la vie de garçon d’un copain, ils avaient débarqué au bal d’un village voisin, avec le même véhicule. Là aussi, cela avait produit son effet, et si certains avaient bien rigolé, ce ne fut pas le cas de son patron quand il apprit la nouvelle relayée par la presse locale. Le vieux père « Lachaise » de l’entreprise du même nom convoqua Jean-Loup, et après un savon carabiné, lui infligea deux jours de mise à pied. Après cette mésaventure, il ne fit plus de bêtises, et devint même un employé modèle tant et si bien qu’après avoir regagné la confiance de son patron celui-ci lui donna de la promotion. Au fil du temps, ses conquêtes s’étaient espacées pour laisser la place à ses deux passions, la pêche et la chasse. Jean-Loup rentra dans un célibat plutôt douillet, ce qui lui convenait parfaitement. Non pas que les femmes le laissaient indifférent, mais elles avaient surtout tendance à l’encombrer. Cependant parfois, et pour l’hygiène comme il disait, Jean-Loup rendait visite aux dames de la rue Jeanne d’Arc qui au contraire de celle-ci n’étaient plus pucelles depuis très longtemps.
Au décès de sa maman, il se retrouva donc seul avec pour simple compagnie son Setter irlandais fidèle compagnon de chasse. Il avait hérité en outre de la petite maison qu’il occupait avec sa maman ainsi que de la vielle Renault cinq qui se trouvait dans le garage et qui n’avait pas vu la route depuis des lustres. S’il ne roulait pas sur l’or, Jean-Loup avait de quoi vivre décemment et pouvait assouvir ses deux passions, il ne lui en fallait pas plus pour être heureux. La vie avait donc continué ainsi, paisible, sereine, jusqu’à ce fameux coup de fil un samedi matin.
— Monsieur Lacaze Jean-Loup ? Maître Lesbouts, notaire à Lyon, veuillez me pardonner cette intrusion matinale, mais il se trouve que votre oncle Albert est décédé avant-hier, et que vous êtes son seul héritier.
Jean-Loup, qui ne se connaissait aucune famille, faillit tomber sur ses fesses. Feue sa maman ne lui avait jamais parlé pas plus d’oncle Albert que de tante Yvonne ou autres cousins. Elle lui avait juste dit que son père les avait abandonnés avant sa naissance et n’avait jamais donné signe de vie. D’ailleurs, elle ne voulait plus en entendre parler et c’était aussi bien pour tout le monde. Le notaire poursuivit.
— Monsieur Lacaze, il faudrait que vous passiez à mon étude assez rapidement afin de solder la succession de votre oncle. Il s’agit d’une somme assez importante, et il y a une clause, que vous devez respecter. En effet, votre oncle avait émis le souhait d’être inhumé à proximité de votre maman. Il vous faudra prendre des dispositions à cet effet. Vous devrez donc venir récupérer sa dépouille afin de procéder aux obsèques comme il le souhaitait.
Le ciel venait de lui tomber sur la tête, Jean-Loup, déjà éprouvé par sa gueule de bois, ne savait pas quoi dire.
— Monsieur Lacaze, quand pensez-vous passer à mon étude ? Sachant que l’idéal serait sous huitaine, étant donné la situation.
Incapable de répondre à cette question, Jean-Loup bredouilla.
— Il faut que je me douche, rappelez-moi dans une heure.
Sans attendre la réponse, il raccrocha. Le notaire un peu surpris par cette réponse se dit : « quel drôle de personnage ».
Jean-Loup se dirigea alors vers la salle de bains, en se demandant s’il rêvait encore ou s’il était bien réveillé. Après dix minutes sous une douche froide, il avait déjà les idées plus claires deux cafés bien serrés là-dessus, il était cette fois en mesure d’affronter la situation. Ce notaire lui paraissait étrange et puis la possibilité d’un canular n’était pas à écarter. Jean-Loup vérifia sur son minitel que l’étude de ce notaire existait bien à Lyon. Ce fut le cas. Il était perdu dans ses pensées quand le téléphone sonna pour la troisième fois.
— Monsieur Lacaze, c’est encore Maître Lesbouts. Êtes-vous cette fois en mesure de me répondre ?
— Oui, Maître ça va beaucoup mieux, mais ce serait plutôt à vous de répondre aux questions que je me pose.
— Bien sûr, bien sûr, mais je ne peux vous en dire plus au téléphone. Je répondrai à toutes vos questions à mon étude. Pour l’instant, la seule question d’actualité, c’est quand pouvez-vous passer à mon étude ?
Jean-Loup réfléchit un moment avant de répondre, sa charge actuelle de travail ne lui permettait pas de prendre un congé en ce moment, en effet la grippe saisonnière avait tardé cette année, mais elle était particulièrement virulente en cette fin mars et faisait énormément de victimes le moins que l’on puisse dire c’est que son travail marchait à toute pompe, de plus son collègue parti à la retraite n’était pas encore remplacé, donc pas moyen de s’absenter.
— Maître, si vous m’appelez aujourd’hui, j’en déduis donc que vous travaillez le samedi n’est-ce pas ?
— Exceptionnellement, oui si cela vous arrange je peux vous recevoir samedi prochain.
— Effectivement, cela m’arrangerait beaucoup.
— Bon alors c’est entendu je vous attends à neuf heures samedi prochain. Je vous ai fait parvenir un courrier avec certains documents ainsi que mes coordonnées et l’adresse du funérarium où se trouve la dépouille de votre oncle, si vous le souhaitez je peux m’occuper de son retour.
— Vous êtes gentil, Maître, mais c’est mon métier et je m’en occuperai personnellement.
— Alors qu’il en soit ainsi. Je vous souhaite un bon week-end et à samedi.
— Au revoir, Maître.
Jean-Loup raccrocha et ne put s’empêcher de murmurer : « Ben merde alors ! » Il avait besoin de s’aérer. Après avoir passé des vêtements, il sortit pour marcher avec son chien. La forêt n’était pas très loin de la petite zone pavillonnaire où il résidait. Dix minutes plus tard, il marchait dans cette forêt qu’il aimait tant et où, quand il était gamin, il construisait des cabanes avec ses copains. Tout en marchant, il réfléchissait. Lundi, il prendrait contact avec ses confrères de Lyon afin de récupérer tonton Albert, et puis il devrait aussi parler à son patron afin de réserver un véhicule pour le transport. Il prendrait la route très tôt pour faire les quatre heures trente de route qui le séparent de Lyon. Il en aurait sûrement pour un bon moment chez le notaire, et ne pourrait probablement pas récupérer la dépouille de son oncle avant le samedi après-midi. Je m’arrangerai avec mes confrères lyonnais se dit-il. Soudain, il se souvint que ce samedi tombait la veille de Pâques il y aurait sans doute du monde sur la route, et vu l’heure matinale à laquelle il décollerait ça lui ferait une sacrée journée, il se dit que ce serait plus raisonnable de faire une halte au retour étant donné qu’il entendait descendre seul. Je m’arrêterai dans les environs de Beaune, se dit-il. Tout en marchant, il cogitait. Il était tellement perdu dans ses pensées qu’il en oublia de passer au café du commerce pour l’apéro avec ses copains. Il rentra directement chez lui et après un bon repas, fit une sieste réparatrice. Il en avait bien besoin avec toutes ces émotions et le réveil matinal provoqué par le notaire. Le reste de la journée passa sans qu’il ne puisse se détacher de ses pensées, tonton Albert était omniprésent. Il en fut de même tout le dimanche, et lors de sa partie de tarot hebdomadaire avec ses copains, il n’arrivait pas à se concentrer sur le jeu et se fit à plusieurs reprises chambrer par ses amis tellement il jouait mal.
Le lundi après avoir pris connaissance des papiers envoyés par le notaire, Jean-Loup s’occupa des formalités avec ses confrères lyonnais puis alla voir son patron pour le véhicule.
Monsieur « Lachaise » planifia donc le transfert, et tout était en ordre pour le samedi suivant. Le retour de Jean-Loup se ferait le dimanche, et avec l’aide d’un collègue ils entreposeraient le défunt dans un salon en attendant les obsèques quelques jours plus tard.
Tout paraissait donc en ordre pour le retour de tonton Albert.