Cauchemars à Plozevet - Elisabeth Mignon - E-Book

Cauchemars à Plozevet E-Book

Elisabeth Mignon

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Beschreibung

Qu'est-ce qui motive le meurtre d'une populaire organisatrice d'événements et de son amant qu'elle fréquentait discrètement, à peine quelques heures plus tard ? De premier abord, rien ne le laisse deviner...

L'enquête sur l'assassinat sordide d'une quadragénaire quimpéroise mène les OPJ Erwann Le Métayer et Christophe Guillou à Plozévet. Organisatrice de cérémonies laïques, Maritza Dumont était-elle la femme sans histoire qu'elle prétendait être ? Son compagnon est retrouvé mort dans des circonstances tout aussi ignobles quelques heures plus tard. Deux passions animent Maryse Ansquer, jeune retraitée : la marche en bord de mer et la danse. Cette femme énergique, décideuse, a-t-elle voulu se venger de celle qui lui a pris le coeur de son mari ? Ou le coupable faitil partie des amis du couple ? De Pors Poulhan à Prat Meur, de Bellevue à Poulbrehen, la valse vire au cauchemar chez les amateurs de danse de salon.

Une enquête absorbante, dont vous devrez déchiffrer les indices en même temps que les officiers de police !


À PROPOS DE L'AUTEURE

Elisabeth Mignon est née à Quimper en 1958, ville où elle réside depuis toujours. Elle a exercé pendant de nombreuses années en tant que gestionnaire administrative dans un établissement scolaire. Passionnée d’histoire locale et de romans policiers, encouragée par ses amies “pousse-au-crime”, elle se lance dans l’écriture de polars avec cette première enquête.

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Couverture

Page de titre

Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

REMERCIEMENTS

À mes danseurs,

Martine et Claude.

À mes complices,

Sylvie pour sa lecture attentive,

Stéphane Jaffrézic et, Françoise.

PROLOGUE

Plozévet, Poulbrehen, jeudi 9 septembre 2021, 23 h 30

Claude Gloaguen tapote le volant en écoutant la valse no 2 de Chostakovitch. Il ralentit avant le virage. La musique envahit l’habitacle du Land Cruiser. Malgré la nuit claire, la route étroite l’incite à la prudence. Il a passé une soirée agréable, en compagnie de ses amis. Les bras de ses partenaires ne sont pas désagréables, cependant, jusqu’à ces derniers jours, il ne désespérait pas de voir son amie rejoindre leur petit groupe. Il pensait persuader les autres de l’accepter, de l’admettre au sein de leur coterie.

À l’approche de la maison de Poulbrehen, il rétrograde. Il commande l’ouverture du portail et attend patiemment que les deux battants s’écartent. Il roule doucement dans l’allée en manipulant la télécommande de la porte du garage. Il tique, la manœuvre a échoué. Il est contrarié, il va devoir appeler le menuisier demain. Il sort du 4x4, et s’apprête à enfoncer la clé dans la serrure. Le bruit du moteur qui s’emballe le fait se retourner. La voiture fonce sur lui, tous feux allumés, alors que les violons s’emballent.

Il tombe sur le capot, les jambes bloquées entre le pare-chocs et le mur du garage. Il hurle. Les mains posées sur le capot, il tente de repousser le Toyota. Ses yeux cherchent qui se cache derrière le pare-brise tandis que le moteur ronfle plus fort. La manœuvre d’écrasement s’accentue. Il perd connaissance.

Marche arrière, retour de quelques mètres dans l’allée. Le conducteur regarde le corps affalé devant la porte. Le pied sur l’accélérateur se fait plus lourd, le moteur ronfle, une fois, deux fois, trois fois. Frein à main libéré, la voiture se lance à pleine vitesse, écrase Claude Gloaguen et fait voler en éclats la porte du garage.

Le moteur cale. Le chauffeur peine à ouvrir la portière, gêné par le panneau de bois qui la coince. L’odeur du caoutchouc brûlé se répand dans le sous-sol. Il se penche pour regarder le corps coincé sous le bas de caisse puis disparaît furtivement. Les violons et les violoncelles bercent les derniers instants de Claude Gloaguen.

Dégradé de noirs, le ciel de nuit se reflète sur l’océan mollement endormi, tel un gros édredon étouffant le bruit des vagues. Parfois un reflet argenté anime la surface sombre. La lune se cache derrière les nuages, qui prennent un malin plaisir à lui voiler la face. Les températures restent douces, annonçant une fin d’été clémente.

I

Quimper, quartier du Bourdonnel, vendredi 10 septembre 2021, début de matinée

La jeune fille est assise dans le fauteuil de bois plus loin sur la terrasse, pâle. Une grosse veine bleue part de sa tempe et se perd sur sa joue. Elle respire difficilement et tient dans une main son inhalateur. Un pompier se penche vers elle et lui parle. Elle acquiesce d’un hochement de tête.

Anthony Jamier*, l’adjoint du commandant du SDIS*, fait entrer Christophe Guillou et Erwann Le Métayer par la porte de l’arrière-cuisine.

— Romane déposait le journal dans la maison ! explique le gradé. Elle venait de nous apercevoir sur le sentier en contrebas lorsqu’elle a découvert le corps. Elle a crié et nous a fait signe.

— Si je voulais faire du mauvais esprit, murmure Christophe, je dirais que c’est un sabotage orchestré par ta copine Lisa Priol* !

Erwann soupire. Lisa n’habite pas très loin et se promène dans ces chemins presque tous les jours. Un coin éloigné des routes, où les marcheurs, les promeneurs de chiens et les cyclistes se croisent en toute sécurité.

— Et si tu nous as fait venir, c’est que tu doutes de la thèse de l’accident ? interroge Erwann sans relever la remarque de son collègue.

— Ce n’est pas banal. Venez voir. L’accident n’est pas envisageable, encore moins le suicide ! commente Jamier en entraînant les policiers à sa suite.

Les trois hommes traversent le salon et montent les escaliers qui mènent au niveau supérieur. Ils s’arrêtent sur le seuil de la mezzanine. Un corps sans vie est étendu sur la moquette blanche tachée de sang.

— Effectivement ! lâche Erwann. Ni accident ni suicide.

— Si c’est l’artisan qui a fait ça, je n’en veux pas chez moi ! grimace Christophe, au bord de la nausée. La victime…

— Vraisemblablement la propriétaire ! lance Jamier. L’ado ne s’est pas attardée. Elle est redescendue ou plutôt elle a dégringolé les marches sans demander son reste. Elle n’était pas préparée à voir un tel massacre.

— L’arme du crime ! dit Erwann en désignant l’objet coincé entre le fauteuil et le mur. Tu as vérifié que la femme est bien morte ?

Le pompier acquiesce. Les trois hommes redescendent en prenant toutes les précautions nécessaires pour ne pas polluer la scène déjà contaminée par les soldats du feu.

Une toux sur la terrasse leur rappelle la présence de Romane. Erwann sort et se dirige vers elle ; le pompier agenouillé devant la jeune fille les laisse en tête à tête, il promet de revenir voir sa cheville, qu’il repose délicatement sur la chaussette qu’il lui a retirée.

— Romane Mazurier ! répond celle-ci. J’habite en face. Le journal dépassait de la boîte aux lettres, je l’ai récupéré et venais le déposer sur la table. Maritza a confié une clé de la maison à mes parents. Pendant son absence, nous récupérons le courrier et surveillons le jardin.

L’adolescente secoue la tête à la question d’Erwann. Non, elle ne savait pas que Maritza était chez elle. Elle prend le quotidien de bonne heure quand elle est là. Toutes deux avaient échangé quelques mots hier soir.

— Oui, elle semblait normale. C’est une femme d’égale humeur, elle fait un petit signe lorsqu’elle nous aperçoit et qu’elle est pressée. Si elle est plus disponible, elle échange quelques mots ou reste bavarder. Elle organise une petite fête tous les ans avant l’été, ici au fond de l’impasse ; les six familles y participent. Elle prépare cela très bien, c’est sympa. C’est son métier aussi…

Romane soupire lourdement et demande si elle peut téléphoner à ses parents, elle n’a pas envie de rester seule après cette découverte. L’OPJ s’écarte puis revient au moment où elle range son portable dans la poche arrière de son jean.

— Vous connaissez Maritza… ?

Erwann ne termine pas la phrase.

— Dumont ! précise l’ado. Mes parents mieux que moi, sans doute. Maman arrive, elle ne travaille pas très loin d’ici, chez un cuisiniste. Elle sera là dans moins de dix minutes.

Le policier accompagne la jeune fille de l’autre côté de la rue lorsque Christelle Mazurier se gare dans l’allée.

Affolée, la mère de famille se précipite vers Romane. Erwann la rassure, celle-ci n’a rien. Il lui explique sommairement la situation.

— Maritza Dumont ! lance la nouvelle venue. Elle a acheté la maison cela fait presque quatre ans. Elle est célibataire à temps partiel, son ami n’habite pas avec elle. Elle exerce la profession d’officiante de cérémonie laïque et d’organisatrice d’événements. Elle travaille à domicile pour la préparation des cérémonies et aussi chez les personnes qui lui confient leur célébration. Elle exerce principalement en fin de semaine et le week-end, et son calendrier est très chargé entre Pâques et fin septembre puis en décembre et janvier. Son ami la rejoint ici de temps en temps, ou elle le retrouve chez lui à Plozévet.

La maman arrête de parler et caresse le dos de sa fille.

— Votre voisine a entrepris des travaux de rénovation d’après ce que nous avons vu.

— Elle réaménage cuisine, salle de bains et dressing. Je n’ai pas vu le fourgon de l’artisan, reprend Christelle en consultant sa montre. L’entreprise pour laquelle je travaille sous-traite avec lui…

— Était-il présent hier ? s’enquiert Christophe, qui a rejoint le trio.

L’ado prend la parole :

— Oui. Il arrive avant 9 heures et part vers 18 h 30, parfois plus tard. Enfin, je ne le surveille pas. Il déjeune dans son fourgon. Parfois il vient avec une employée.

— Vous avez évoqué un compagnon ! lance Erwann.

— Un monsieur à cheveux blancs. Il gare sa voiture devant le portail ! souligne Christelle. S’il était venu hier soir, nous l’aurions remarqué.

Les réponses suivent les questions, précises et claires sans vraiment apporter de précisions complémentaires.

— Sans se cacher, le couple ne s’affiche pas en public et Maritza sort rarement avec lui. Ils sont discrets. Divorcé depuis peu, il vient ici plus souvent depuis cet hiver ! avance la cuisiniste. J’ai rencontré Claude Gloaguen lorsque j’ai fait les plans de la cuisine et de la salle de bains de Maritza. Il est expert-comptable et a revu mes devis plusieurs fois. Je ne souhaitais pas me fâcher avec ma voisine, mais sur ce dossier j’ai travaillé sans bénéfice, pour ne pas dire à perte, sur un mobilier et un équipement de qualité. Ce monsieur vient d’acquérir une maison à Plozévet, face à la mer ; il souhaite refaire son intérieur et a insisté pour que je m’en occupe. J’ai argumenté que je ne me déplaçais pas si loin, que mon planning était chargé pour plusieurs mois. Maritza a appuyé sa demande. Cependant, je ne la sentais pas très à l’aise, elle s’attendait vraisemblablement à ce qu’il minore mes propositions.

Le médecin se gare derrière la Peugeot des policiers. Christophe laisse son collègue et va à la rencontre de Stéphanie Ollier. La brouille qui a pendant quelques mois séparé la légiste et l’enquêteur est un lointain souvenir. Le baromètre de leur relation affiche un “très beau temps fixe, ciel bleu, sans nuage” depuis leurs retrouvailles.

Le médecin s’apprête à suivre Christophe, elle salue les témoins. Elle remarque Romane, assise sur le mur, jambe tendue et élevée, une poche de glace sur la cheville. Mince, souple, la légiste se dirige vers la jeune fille d’une démarche sportive et palpe la cheville. Romane grimace.

Erwann écoute Christelle Mazurier tout en observant le médecin. Les cheveux bruns coupés au carré sont un peu plus courts qu’auparavant. Il s’attarde sur le port de tête de Stéphanie. Une belle femme.

Erwann se concentre de nouveau sur la voisine. Elle ne connaît pas de famille à Maritza, pas d’enfant, pas de proches. Des amis, qu’elle recevait régulièrement, chez elle, plus rarement des relations de travail et des clients, car elle préférait les rencontrer chez eux, dans leur cadre de vie pour apprendre sur eux et préparer la cérémonie. Une quadragénaire sans problème.

— Et son ami. Elle était éperdument amoureuse de cet homme plus âgé qu’elle.

La cuisiniste consulte son ordinateur, et transmet au policier les coordonnées de l’ami de Maritza Dumont et celles du menuisier absent.

— Le cabinet d’expertise comptable Gloaguen et fils à Pont-L’Abbé ! précise-t-elle. Il se situe en périphérie, on l’aperçoit lorsque l’on circule pour aller vers Penmarc’h ou Le Guilvinec. Je ne suis pas sûre que Claude Gloaguen soit présent. Selon Maritza, il est en télétravail depuis le premier confinement, en raison de petits problèmes de santé. Il se rend au bureau une ou deux fois dans la semaine.

— Une chance sur deux de le rencontrer ! lance Christophe. On peut appeler le secrétariat, nous serons fixés.

— Ou l’alerter s’il a quelque chose à se reprocher.

Les OPJ prennent congé de Christelle Mazurier et de Romane. Christophe rejoint Stéphanie Ollier, qui s’entretient avec les techniciens de scène de crime arrivés pendant l’échange avec la voisine, tandis qu’Erwann prend contact avec Nadia Renier, leur collègue restée au commissariat. Il demande à la brigadière de rechercher les informations sur la victime, l’expert-comptable et l’artisan menuisier.

Vêtus d’une tenue de protection, les enquêteurs montent à l’étage. La légiste se penche sur la femme.

— Pistolet à clous ! avance-t-elle en faisant une moue sceptique. Une arme originale qui n’a pas laissé beaucoup de chances d’en réchapper à notre victime. L’agresseur savait manipuler son matériel. La précision des tirs est irréprochable. Vingt-neuf clous dans le corps, trois dans la cloison.

— Elle rentre, pose les sacs sur la table, retire sa veste, et va ranger ses courses. Elle entend du bruit à l’étage, appelle. Personne ne répond. Elle monte l’escalier, pensant trouver l’ouvrier dans la mezzanine. Elle se trouve nez à nez avec son agresseur. Elle le reconnaît, lui demande ce qu’il fait là. Il panique, réplique avec ce qu’il a sous la main ! suppose Christophe.

— Scénario plausible ! avance Erwann, revenu auprès du groupe.

— Il faut connaître ce matériel pour s’en servir avec autant de précision. Un novice ne réussirait pas un tir groupé, aussi parfait ! répond Thomas, l’un des techniciens, bricoleur à ses heures perdues. Ce qui exclut l’intervention d’un rôdeur.

— Le menuisier paraît tout indiqué ! suggère Stéphanie en retirant ses gants.

— Ce qui expliquerait son absence ce matin. Si c’est lui, il devait vraiment en vouloir à cette femme pour la massacrer ainsi.

— Une mise à mort, elle n’avait aucune chance d’en réchapper ! conclut la légiste. Elle a été clouée au sol. Le visage et la poitrine sont ravagés. Le ventre semble le point de mire. Elle s’est vidée de son sang, et rapidement.

— Elle a souffert ? s’enquiert Christophe.

— Je pense qu’elle n’en a pas eu le temps. Je vous le dirai lorsque je pratiquerai l’autopsie.

— Ce type de matériel possède une sécurité. Il suffisait de libérer la pression de la détente pour tout arrêter. Celui, ou celle, qui l’a manipulé s’est acharné sur Maritza ! lance Thomas.

— Une vengeance ? suggère Christophe. Dans ce cas, ce serait personnel.

La légiste opine d’une mimique approbatrice. Elle demande au technicien des précisions sur l’arme et ses projectiles avant de prendre congé des enquêteurs. Elle se dirige vers le domicile des Mazurier, elle a promis à Romane de passer la voir avant de s’en aller.

Christophe et Erwann s’attardent au rez-de-chaussée. La pièce à vivre reçoit le soleil toute la journée ; ses larges baies vitrées s’ouvrent sur un jardin de belle taille, bien entretenu. Par-delà un talus naturel s’étend un champ où trois chevaux paissent en toute tranquillité.

— Un beau volume pour une célibataire ! constate Christophe en évaluant la surface du salon séjour.

— Célibataire à mi-temps ! tempère Erwann. Meubles neufs, décoration intérieure totalement revue du sol au plafond. La cuisine vient d’être posée et la salle de bains est en cours de changement. Elle bosse dans l’événementiel. Elle n’a pas dû beaucoup travailler depuis le début de l’année : confinement, interdiction des regroupements, fermeture des restaurants. Soit elle possède de belles économies pour payer ses factures, soit l’ami règle les notes.

— En négociant le montant des dépenses. Ou alors elle a une autre source de revenus qu’il faudra découvrir.

Thomas montre le pistolet à clous dans le sac à scellés :

— Les empreintes ont été effacées là-dessus. En revanche, sur la rambarde de l’escalier, nous en avons relevé plusieurs, bien nettes. Celles de la victime sûrement, celles de l’artisan ainsi que celles de son ouvrier vraisemblablement. Quatre autres séries seront à préciser. Je passe voir la petite voisine en sortant d’ici afin d’être fixé, elle est montée jusqu’à la mezzanine et a pu se tenir à la rambarde en descendant. L’ami, à confirmer, je pense qu’il s’agit de lui, ses empreintes sont partout dans la chambre. Et deux séries restent inconnues, l’une concernera peut-être le menuisier.

Nadia retrouve les OPJ au Bourdonnel. Elle transmet le résultat des recherches demandées par Erwann.

Des policiers frappent aux portes des riverains, le porte-à-porte commence. Les enquêteurs décident de se séparer. Christophe ira interroger le menuisier, Erwann prendra la direction de Plozévet où habite Claude Gloaguen, et s’il est absent il se rendra à Pont-L’Abbé. Nadia reste à Quimper où elle poursuit les recherches sur la victime.

* Voir Cadavres exquis à Châteaulin, même collection.

* Service départemental d’incendie et de secours.

* Voir Fontaines mortelles à Quimper, même collection.

II

Pluguffan, route de Pouldreuzic, vendredi 10 septembre 2021, fin de matinée

Christelle Mazurier a transmis l’adresse d’un autre chantier où intervient aussi Jeantot, le menuisier.

Dès la sortie du bourg de Pluguffan, la Peugeot file sur la route de Pouldreuzic. Quelques kilomètres plus loin, Christophe met le clignotant et tourne sur la gauche, il pénètre dans un sous-bois. L’allée débouche dans la cour d’une maison ancienne où le fourgon du menuisier stationne.

Un homme âgé d’une cinquantaine d’années, penché sur un établi près de la porte d’entrée, se redresse en apercevant l’importun s’avancer vers lui. Des copeaux de bois se mêlent à ses cheveux gris. Il répond à son salut, lance un coup d’œil à l’intérieur de l’habitation, tique et frotte les mains sur son pantalon de travail pour faire tomber la sciure de bois. Christophe décline sa fonction.

— C’est un de mes chantiers ! lance Jeantot. J’ai pris pas mal de retard au printemps dernier. Je n’ai pas pu travailler en raison de cette fichue pandémie. Pas de boulot, pas d’entrée d’argent, alors depuis la reprise j’essaie de combler mon retard. Je suis sur plusieurs chantiers à la fois, je tente de répondre à un maximum de clients. Pour les contenter, je commence les travaux, je viens un jour sur deux ou sur trois. Ma femme me donne un coup de main, mon fils aussi. Hier, j’étais à Quimper, chez madame Dumont, effectivement. Il ne me reste plus grand-chose à faire dans sa salle de bains, l’essentiel est qu’elle puisse y accéder. Les finitions, je verrai cela ultérieurement.

L’artisan s’épanche sur les clients et ses conditions de travail depuis le printemps. Christophe s’attarde sur la tenue de Jeantot. Les pliures et les taches sur le pantalon multipoches attestent qu’il est porté depuis plusieurs jours. Les chaussures de sécurité ont déjà bien vécu mais ne sont pas encore prêtes à être répudiées. Seul le tee-shirt tire son épingle du jeu et semble sorti du placard.

Le menuisier enlève la planche posée sur l’établi et la place près de la porte ; il saisit un tournevis dans la poche de côté. Il poursuit, en fronçant les sourcils, ne voyant pas où les interrogations du policier le mènent :

— J’ai vu madame Dumont hier matin en arrivant au Bourdonnel. Nous nous sommes concertés, elle avait des exigences précises qui ne collaient pas avec les dimensions de la salle de bains et l’emplacement du Velux. Je lui ai bien expliqué pourquoi je n’avais pas suivi son plan. La veille, j’avais rencontré son ami, un monsieur exigeant et très pointilleux. « Je veux… je sais… vous devez… » Il pinaille sur tout, rien n’est bon pour lui. Il ergote sur des détails, insiste sur des réalisations impossibles et improbables. Il ne connaît rien au métier ni aux matériaux. Un casse-pieds comme nous en rencontrons malheureusement trop. Je laisse mon expert s’occuper de ma comptabilité, je me garde bien de lui apprendre son job. Chacun sa spécialité. Mais entre nous, « chiant un jour, chiant toujours », comme résume ma femme. C’est lui qui vous envoie ?

Jeantot, sur le qui-vive, regarde Christophe, qui lui répond par une nouvelle question.

— Hier soir, j’ai quitté Quimper vers 18 heures, un peu plus tôt que les autres jours. Je voulais passer à l’atelier prendre du matériel et ensuite je suis venu ici le déposer.

Une voix féminine agacée les interrompt, venant de l’intérieur du pavillon :

— Arthur, tu bouges !

— Mon épouse, elle attend les planches ! lance-t-il en direction de la maison. Je peux…

L’OPJ hoche la tête, l’artisan saisit le bois et se dirige vers la porte grande ouverte.

— Tu en as mis du temps. Tu es resté tailler des allumettes ou quoi ?

— On a de la visite ! répond le mari en s’écartant.

La femme découvre l’homme qui l’accompagne. Elle esquisse un sourire gêné. La cinquantaine légèrement empâtée, elle porte une combinaison en grosse toile bleue un peu large. Des mèches grises s’échappent du bob délavé enfoncé sur sa tête.

— Laurence bosse ici en solo depuis le début de la semaine ! précise Jeantot. Les clients sont sympas, ils comprennent que l’on soit débordés actuellement.

— Deux chantiers, cela vous oblige à avoir le matériel et le fourgon en double ! suggère Christophe.

— Pour le petit matériel, oui et ce n’est pas un problème, nous avons nos outils personnels, comme un cuisinier travaille avec ses propres couteaux, un chauffagiste avec sa mallette. Pour le gros outillage, je m’organise en fonction de l’avancée des chantiers. Quant au fourgon, là aussi, c’est selon les besoins. Hier il était à Quimper avec moi…

— Et je suis venue ici avec la Renault ! poursuit la femme, inquiète.

Le couple hésite, se concerte du regard, attend.

— Avez-vous vu madame Dumont hier soir ? relance Christophe.

Ils secouent la tête négativement et confirment qu’ils sont rentrés chez eux vers 19 h 30, chacun au volant de son véhicule, l’une suivant l’autre.

— Et ce matin, nous avons pris le fourgon ensemble. Nous restons là toute la journée ! conclut Arthur.

L’OPJ annonce le décès brutal de Maritza Dumont. Le couple accuse le coup.

— Et comment va-t-on faire pour terminer là-bas ? demande l’artisan après un moment de silence. Est-ce que je peux au moins récupérer mes outils ?

— Pas avant quelques jours ! rétorque Christophe. Que souhaiteriez-vous prendre ?

Jeantot énumère une liste du matériel, avant de conclure :

— Et mon pistolet à clous. C’est le plus important. J’en possède un autre moins performant ; Laurence le préfère, il est moins rapide et elle le tient mieux en main. Celui que j’ai oublié au Bourdonnel est récent, plus nerveux, il fonctionne du feu de Dieu, un sacré engin.

L’enquêteur lui annonce que sa clouteuse s’est transformée en une arme redoutable qui a frappé Maryse Dumont. L’homme se cramponne à son plan de travail, livide ; il se tourne vers son épouse, plus blanche que lui.

III

Plozévet, Poulbrehen, vendredi 10 septembre 2021, fin de matinée

La Peugeot blanche roule lentement sur la route. Le chauffeur passe devant la maison de Claude Gloaguen et se gare un peu plus loin sur le bas-côté. La maison, bâtie dans les années 1980, de style néobreton, se dresse sur un grand terrain face à la mer, clos sur les longueurs d’une haie et d’un mur de pierres sèches le long du sentier douanier. Un tas de gravats masque en partie la façade.

Erwann appuie sur la sonnette, personne ne répond, l’écho du carillon se perd dans la maison. L’OPJ insiste une nouvelle fois sans plus de résultat. Le portail est verrouillé. Erwann tente de joindre l’ami de Maritza Dumont sur son portable, en vain. Il passe par-dessus la clôture. Il contourne les déblais et aperçoit l’arrière d’un 4x4 qui dépasse dans l’allée en pente.

L’homme ne risque pas de répondre, constate l’OPJ en se penchant vers l’avant de la voiture. La porte basculante a été enfoncée par la voiture et arrachée de son cadre, avant de retomber sur le Land Cruiser. Un corps gît sous les roues. Erwann hoche la tête, élimine la thèse de l’accident en s’écartant de la victime après s’être assuré qu’il n’y a plus rien à faire.

Il contacte la gendarmerie d’Audierne, le procureur, la légiste et Christophe.

En attendant, il enfile gants et sur-chaussures récupérés dans la Peugeot et commence ses investigations. Dans le dégagement en bas de la pente, les ornières sont trop nettement incrustées dans le bitume de couleur mis à mal.

« L’ouverture du vantail ne répond pas à la télécommande. Le chauffeur sort de la voiture pour ouvrir la porte, il a mal bloqué le frein à main, le Toyota lui passe dessus », récapitule Erwann.

Il évalue la déclivité et la longueur de l’allée, son argumentation ne tient pas. Il se penche sur les marques de pneu à l’extérieur et sur les traces de sang qui maculent l’angle du mur puis le carrelage. Il reprend mentalement : « Je verrais plutôt un chauffeur qui appuie sur l’accélérateur. Gloaguen devant la porte se retourne et voit la voiture qui fonce sur lui. Il est coincé contre le mur. L’agresseur accélère. Les pneus patinent et laissent de la gomme sur le goudron. Une marche arrière, le corps tombe à terre. Un nouveau coup d’accélérateur, le conducteur défonce la porte et traîne notre homme sous ses roues. Le vantail sorti de son rail tombe sur la voiture. L’agresseur peut s’en aller tranquillement lorsqu’il réussit à s’extirper de l’habitacle. Il sait que Maritza Dumont ne viendra pas le déranger. Ce scénario me plaît plus que la thèse de l’accident ! »

En prenant toutes les précautions nécessaires, il contourne la voiture. Le contact a été coupé, réflexe du chauffeur ou maîtrise des émotions du chauffard. Comme le portail, ce battant fonctionne à l’aide d’une seconde télécommande, posée sur le siège passager. Si Gloaguen est sorti du véhicule, c’est qu’elle n’a pas fonctionné.

Erwann se recule pour observer le montant de la porte sectionnelle. Il remarque le chambranle abîmé. Il fouille des yeux le carrelage et découvre, plus loin sur le sol, près de cartons, un tournevis tordu. Cet outil aurait-il bloqué le système d’ouverture ?

« Maritza Dumont, Claude Gloaguen, un couple recomposé. Qui pouvait en vouloir à l’une ou à l’autre ? La femme, l’homme, morts à quelques heures d’intervalle. Difficile d’évoquer le suicide dans ces deux cas. Il ne reste plus à espérer que le fou du volant ait laissé des traces dans l’habitacle. Il s’est contorsionné pour sortir, la portière est bloquée par le panneau en acier galvanisé. Avec un peu de chance, les techniciens trouveront des indices. »

L’enquêteur se dirige vers le fond du garage. Un escalier le mène au rez-de-chaussée. Des odeurs de peinture fraîche flottent dans l’air.

« Peinture à peine sèche, mobilier pas encore sorti des cartons, sol refait. Notre bonhomme préparait son nid pour accueillir sa belle. En revanche, la cuisine baigne encore dans le jus des ex-occupants, électroménager ancien, bois foncé, carrelage démodé. Le coup de neuf de Christelle Mazurier ne serait pas de trop… Le vol n’est pas le mobile ; au premier coup d’œil, rien n’a bougé, l’agresseur n’est pas monté jusqu’ici », constate Erwann. Il se baisse et observe le plancher, neuf. Il passe la main dessus. Le bois est de la même essence que celui posé chez Maryse Dumont. Sur des étagères, un tourne-disque et des disques, un lecteur CD et des CD, des clés USB. Il retourne les pochettes, valse, tango, mambo, rumba, salsa. De la danse de salon, uniquement de la musique à danser.

Il poursuit ses investigations au rez-de-chaussée, puis au niveau supérieur, l’étage des chambres. Une grande pièce s’ouvre sur un balcon orienté vers l’océan. La décoration, les meubles de bois foncés neufs, un cadre retourné sur un petit bureau, l’univers de Claude Gloaguen. Erwann soulève le cadre : la photo de Maritza. Une pièce jumelle propose un ameublement plus léger, des bois clairs, un fauteuil crapaud, le pendant de la chambre de Maritza au Bourdonnel.

« Nos tourtereaux font chambre à part, comme à Quimper », note le policier. Il revient dans la chambre du propriétaire, un télescope est orienté vers la mer. Il ouvre la baie vitrée, l’air vif le surprend, il contemple la vue. L’océan s’étend par-delà le jardin clos. Il entend la mer, les vagues qui s’écrasent sur la falaise. Il n’a pas eu le temps d’y prêter attention jusqu’à présent. Les amants n’auront pas profité de ce cadre idyllique. La visite de l’étage ne lui apprend rien de plus. Il redescend et passe un appel téléphonique à Christophe puis à Nadia.

Par la fenêtre de la cuisine, Erwann aperçoit une voiture bleue qui ralentit et se gare devant la sienne. Les gendarmes de la brigade d’Audierne ont été rapides. Il passe dans le couloir où il a repéré le boîtier électrique et appuie sur la commande permettant à deux gendarmes qui se présentent au portail de pénétrer dans le jardin. L’OPJ attend sur le seuil, les présentations sont rapides. Les cheveux grisonnants, d’allure athlétique, le maréchal des logis Martin Foucaud, la quarantaine bien entamée, porte l’uniforme. Le brigadier Lucas Rodier, qui ne doit pas dépasser les trente ans, l’accompagne.

Ils écoutent le résumé de la situation puis les trois hommes se dirigent vers le garage en passant par l’extérieur.

— Une figure locale, l’aîné d’une vieille famille ! précise Martin Foucaud. Il est expert-comptable à Pont-L’Abbé, le cabinet Gloaguen et fils. On devrait dire Gloaguen et frère, le père fondateur ayant tiré sa révérence depuis plusieurs années. Un homme discret, inconnu de nos services. D’après ce que l’on sait, il serait divorcé récemment et vivrait désormais avec une femme organisatrice d’événements, plus jeune que lui. Mais vous en savez vraisemblablement plus que nous, ce qui explique votre présence.

Erwann narre le drame découvert ce matin à Quimper. Les militaires écoutent sans intervenir. Si les deux affaires sont liées, le procureur, qu’il a appelé, laissera l’enquête aux policiers quimpérois.

Devant le garage, Foucaud et Rodier observent la scène. Ils attendent l’arrivée des techniciens de scène de crime qui finissent de ranger leur matériel à Quimper et s’apprêtent à prendre la route.

Stéphanie Ollier circule sur la voie express en direction de Brest, lorsqu’elle reçoit l’appel d’Erwann. Elle sort de la RN165 à la hauteur de Briec et revient vers Quimper, elle prendra la direction du Pays bigouden par le contournement nord, le boulevard de la Pointe du Van.

Les enquêteurs attendent les spécialistes. Comme Erwann précédemment, les gendarmes ont enfilé des gants et des sur-chaussures. Ils s’approchent du Toyota Land Cruiser.

— Un joli petit bolide ! souligne Rodier. Une immatriculation toute récente, il sort de chez le concessionnaire. Notre victime rentrait d’une soirée, sans aucun doute. Chemise blanche, nœud papillon, costume clair. Les chaussures ne vont pas avec l’ensemble, elles sont plus lourdes, dommage.

— Des mocassins à semelles de cuir et petits talons sont posés sur le siège passager ! rétorque Erwann. Il ne venait pas de son bureau. Avait-il un rendez-vous galant avec une femme autre que celle attitrée ?

— Un jeudi soir, pourquoi pas ! avance Foucaud. Ou une rencontre dans un bar, un lieu public, ou une soirée entre amis ou en famille.