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Un homme, connu de tout Châteaulin, est retrouvé mort près de Quimper. Cette mort ne cacherait-elle pas quelque chose ?
Que venait faire David Montier au cœur de la nuit dans cette ancienne briqueterie à la sortie de Quimper? La découverte de son corps soulève bien des questions. Ce châteaulinois, était-il bon camarade et homme aimable ou opportuniste et profiteur? Qui lui en voulait? Les femmes délaissées et trompées, les maris jaloux, les enfants écartés, les collègues écrasés par sa personnalité dominante?
Les OPJ Erwann Le Métayer et Christophe Guillou enquêtent dans la capitale du Pays Rouzig sur les bords de l’Aulne et dans les collines bleues, entre femmes de caractère, adolescents fantasques, amateurs de vieilles voitures, adorateurs de chats et chiens de recherche. Les pistes ne manquent pas et ressemblent étrangement au jeu “cadavre exquis”.
Plongez-vous sans plus attendre dans le 4e tome des enquêtes haletantes menées par les OPJ Erwann Le Métayer et Christope Guillou !
EXTRAIT
Christophe Guillou ralentit avant d’arriver près de l’ancienne usine des Grès d’Armor tandis qu’Erwann le Métayer signale une personne appuyée contre le pilier en bordure de route. Le chauffeur se gare sur le délaissé quelques dizaines de mètres plus loin.
Les OPJ reviennent au pas de course à l’entrée du site en faisant attention aux véhicules qui circulent sur la départementale, ils se faufilent entre les panneaux de grillage. Sylvie les attend depuis qu’elle a appelé le commissariat, son interlocuteur lui ayant demandé de ne pas bouger. Elle esquisse un sourire en voyant les deux hommes se diriger vers elle, prend appui sur le vieux mur et se redresse, blême.
Les policiers détaillent la femme qui se tient devant eux : la cinquantaine, des cheveux courts gris et bouclés, des traces de glaise maculent ses joues et ses vêtements, la poche de sa parka déchirée laisse voir la doublure.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Élisabeth Mignon est née à Quimper, ville où elle réside depuis toujours. Passionnée d’histoire locale et de romans policiers, encouragée par ses amies “pousse-au-crime”, elle se lance dans l’écriture de polars. Ses personnages, Erwann Le Métayer et Christophe Guillou, mènent l'enquête dans ce quatrième roman à suspense. Elle a rejoint le collectif d’auteurs "L’Assassin Habite Dans Le 29" dès sa création.
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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.
« Le cadavre – exquis – boira – le vin – nouveau. »
Jeu d’écriture collectif inventé, vers 1925 à Paris, par les surréalistes, Marcel Duhamel, Jacques Prévert et Yves Tanguy.
— À Éliane, qui m’a fait découvrir le Châteaulin de son enfance,
— À Christophe, pour ses conseils et ses apports techniques,
— À Sylvie et Cayenne, chiens de recherche, qui m’ont menée sur des terrains parfois boueux,
— À Brigitte, qui entraîne et forme les chiens et les conducteurs à la Recherche Utilitaire,
— À Sylvie, Anna et les chiens danseurs Gaspard et Angel.
— À mes complices : Françoise et Sylvie, pour leur lecture attentive,
Martine, Nadine, Pascale et Renée pour leurs encouragements.
CHRISTOPHE GUILLOU : Capitaine de police. OPJ. La petite quarantaine. Peu expansif, il se découvre sur sa vie privée et ses relations au fil des enquêtes. Très sportif, il n’est pas insensible à l’art dans sa forme brute. Il vit depuis quelques mois avec Stéphanie Ollier, médecin légiste.
ERWANN LE MÉTAYER : Capitaine de police. OPJ. Chef de groupe. La petite quarantaine. Il s’implique totalement dans les affaires qui lui sont confiées et n’hésite pas à prendre l’avis de Morgane son épouse, qui lui apporte l’équilibre et la sérénité dans son travail. Ils ont deux enfants, Titouan et Noé.
NADIA RENIER : Brigadier-chef. 35 ans. Sa bonne humeur permanente, son sens de la plaisanterie et de l’à-propos s’allient avec ses qualités d’enquêtrice et sa maîtrise de l’informatique. Elle vit avec Yann MORILLON, affecté à la BAC ; ils ont des jumeaux.
STÉPHANIE OLLIER : Médecin légiste. Elle écoute de la musique classique en fond sonore lors des autopsies. Elle souhaiterait que sa relation avec Christophe évolue vers plus de stabilité.
RÉMI MOINEAU : Commissaire. 50 ans. Il laisse les coudées franches à son équipe et la couvre en cas de besoin. Ses relations avec Erwann sont plus cordiales qu’avec Christophe.
CORENTIN LE BARS : La quarantaine largement entamée. Affecté à l’OCBC à Paris, il ne dédaigne pas venir en aide à ses collègues quimpérois lorsqu’il vient passer quelques jours chez ses parents. Il se distingue par son apparence négligée et ses sandales nu-pieds quels que soient le temps et la saison.
CLAUDINE MARREC : Responsable de l’entreprise de services à la personne “Soleil d’Automne” à Châteaulin. 45 ans. Veuve, mère de Jehanne et Tanguy. Maîtresse de son assistant David.
JEHANNE ET TANGUY MARREC : Les enfants de Claudine, âgés de 17 ans et de 15 ans. Très fusionnels. Malgré des caractères différents, ils sont complémentaires et passent beaucoup de temps ensemble. Jehanne est artiste, Tanguy ne s’intéresse pas à grand-chose.
DAVID MONTIER : Assistant de direction dans l’entreprise Soleil d’Automne. La quarantaine épanouie. Très expansif. Il aime les femmes et l’argent et laisse penser à Claudine Marrec, qu’il est le nouvel homme de sa vie.
MÉLISSA PETIT : Gérante des “Gites de la Colline Bleue”. 46 ans. Divorcée. Maman de Gabin et Orlane Provost. Elle est la sœur cadette de Robert Petit.
ROBERT PETIT : Surnommé : “Dico” ou “Lerobert.com” ou encore “.com”. Personnage aigri. Célibataire proche de la retraite, il vit avec ses chats. Il ne supporte ni sa sœur Mélissa, ni ses neveux et ne leur parle pas depuis de nombreuses années.
JEAN-PIERRE PRIGENT : Divorcé. Ami d’enfance de Mélissa Petit. Personnage compétent mais effacé, comptable au sein de Soleil d’automne. Il occupe une place importante dans la vie des enfants Provost et auprès des Marrec.
GABIN ET ORLANE PROVOST : Les enfants de Mélissa, âgés de 17 ans et de 15 ans. Très complices. Gabin est artiste et vit dans son univers ; Orlane est très attachée aux gîtes et désobéit parfois à sa mère.
Mercredi 18 avril, lever du jour, chemin de Lanroz, Quimper
Le berger australien saute du fourgon, jappe, tourne autour de sa maîtresse, s’assied à ses pieds tout en remuant son arrière-train.
— Alors, tu es prêt ?
Le chien grogne de contentement, en retroussant ses babines. Sylvie le flatte, lui caresse l’encolure. L’animal lèche sa main, tandis qu’il frappe le sol de la queue, il trépigne, impatient. Litchi sait ce que sa maîtresse attend de lui et ne tient plus en place, il va s’élancer.
— Cherche ! lance la femme.
L’animal file, la truffe dans les herbes. Il s’enfonce dans les buissons, renifle ; il atteint le talus à l’autre bout du champ, se retourne, aboie.
— Va, mon grand !
Sylvie le suit, loin derrière ; sa jambe l’empêche de trotter et de suivre le rythme de Litchi ; elle l’encourage de la voix. Le berger australien reprend sa quête, il zigzague entre les mottes, traverse un ruisseau, s’ébroue, il lève le museau, sent les odeurs, il l’invite à le suivre, marque l’arrêt, s’impatiente. Il hume en direction du trou d’eau.
— Si tu me ramènes un lapin, tu as tout faux, ne t’avise pas de me faire cette plaisanterie ! murmure Sylvie en regagnant du terrain. Qu’est-ce qu’il lui prend de partir dans cette direction ?
Elle passe le ruisseau tandis que le chien file vers l’usine abandonnée. Elle peste ! Pourvu qu’il ne se blesse pas sur les verres brisés. Ces derniers temps, il réalise des parcours sans faute ; elle est sûre, le brevet est à portée de pattes. Elle l’entend aboyer, il l’appelle, elle l’invite à venir près d’elle, il insiste. Litchi réapparaît sous les arbres, lance une longue plainte, s’enfonce à couvert, revient. Sylvie est près de lui, elle sort une bouteille d’eau de son sac et lui propose de boire dans le but de calmer son excitation ; au lieu de s’asseoir, il lui répond par un grognement. Elle lui rappelle les consignes de l’exercice, il remue, jappe, regarde en arrière, gratte le sol. Il accepte un peu d’eau.
— Va ! lance la maîtresse. Maintenant.
Le chien hésite et se décide à partir dans la direction indiquée. Sylvie soupire, quelle mouche le pique ? Les épreuves se déroulent ce week-end, elle le croyait prêt ! Il a repris ses recherches, avance dans la prairie, revient en arrière, s’arrête regarde en direction de la friche industrielle.
— Cherche, cherche !
Le nez au vent, Litchi ne bouge pas, il grogne, gémit, avance de quelques mètres, regarde de côté, s’assied, il attend que Sylvie le rejoigne. Intriguée par l’attitude du chien, elle le rappelle, il ne bouge pas.
— Recherche, zéro, obéissance, zéro. Bravo, le chien ! Ce n’est pas la peine d’effectuer le déplacement jusqu’à Trégueux, si tu continues comme cela, tu seras mieux sur la dune de Mousterlin à courir après les lapins. Tu les as vus sous les arbres, tu veux m’entraîner de ce côté ?
« Le chien » ! Litchi a compris, lorsque Sylvie s’adresse à lui sur ce ton en le nommant ainsi, c’est qu’il n’a pas réussi son exercice. Il la regarde, une plainte monte du fond de sa gorge, mais comprend-elle le message qu’il lui adresse ?
Il passe derrière elle, lui donne de petits coups de museau dans les mollets, il avance, l’exhorte à la suivre. Sylvie soupire bruyamment, râle en passant sous le fil électrique. Elle siffle, un aboiement bref lui répond, elle sait vers où se diriger. Elle aperçoit Litchi au bout du chemin, il l’attend et repart lorsqu’elle approche. Elle n’aime pas cet endroit, à la fois si proche de la route et si isolé, qui paraît désert malgré les tags, les cannettes écrasées et les bouteilles vides brisées contre les murs, les taillis touffus, la végétation déjà bien verte et le sol glissant.
Litchi trottine, il s’assure que Sylvie le suit de loin. Il évite les tôles calcinées et rouillées, grimpe sur un tas de briques, aboie, le museau pointé vers l’intérieur du bâtiment en ruine. La quinquagénaire s’appuie sur sa jambe raide, grimpe en s’aidant des mains, regarde où elle pose les pieds, évite les ronces et les poutrelles métalliques rouillées. Le berger australien gémit, il patiente, il a trouvé. La tête de Sylvie apparaît au-dessus des gravats, il la lèche.
— Bon alors, qu’est-ce que tu as déniché, tu crois vraiment que je t’aurais amené dans un lieu pareil au risque de t’abîmer les pattes…
La conductrice se tait et contemple la scène plus bas. Elle attrape Litchi par le collier, dévale les déblais sur les fesses, accroche sa parka sur les ronces, marche aussi vite que sa jambe le lui permet ; elle tombe dans une flaque de glaise, jure, se relève, cherche le berger australien des yeux et l’appelle alors qu’il disparaît sous les taillis. Sylvie arrive près du grillage sur la route de Bénodet et s’adosse sur le mur de la maison en ruine ; Litchi réapparaît et s’assied près d’elle, il ne bouge plus ; Sylvie lui donne à boire.
Mercredi 18 avril, début de matinée, friche industrielle, Ménez Bily, Quimper
Christophe Guillou ralentit avant d’arriver près de l’ancienne usine des Grès d’Armor tandis qu’Erwann le Métayer signale une personne appuyée contre le pilier en bordure de route. Le chauffeur se gare sur le délaissé quelques dizaines de mètres plus loin.
Les OPJ reviennent au pas de course à l’entrée du site en faisant attention aux véhicules qui circulent sur la départementale, ils se faufilent entre les panneaux de grillage. Sylvie les attend depuis qu’elle a appelé le commissariat, son interlocuteur lui ayant demandé de ne pas bouger. Elle esquisse un sourire en voyant les deux hommes se diriger vers elle, prend appui sur le vieux mur et se redresse, blême.
Les policiers détaillent la femme qui se tient devant eux : la cinquantaine, des cheveux courts gris et bouclés, des traces de glaise maculent ses joues et ses vêtements, la poche de sa parka déchirée laisse voir la doublure.
Les deux hommes écoutent son histoire.
— Vous promeniez votre chien, ici ? s’étonne Christophe.
— Dans la prairie et le sous-bois à côté, je suis garée chemin de Lanroz, c’est lui qui m’a amenée, je n’ai rien dissimulé de ce côté, je ne prendrais pas le risque qu’il se blesse ces jours-ci !
— Dissimulé, vous voulez dire caché ?
— Je le dresse, je suis propriétaire et conductrice. Litchi et moi faisons de la Recherche Utilitaire. En fin de semaine nous sommes à Trégueux pour des épreuves. Une amie est venue ce matin de bonne heure déposer mes repères pour le guider là-bas, de l’autre côté du ruisseau, pas ici !
Sylvie désigne d’un geste vague les arbres sur sa droite, elle plisse les yeux et scrute la végétation. Erwann l’invite à poursuivre.
— Au départ du parcours, Litchi répondait à ce que j’attendais de lui et se dirigeait dans la bonne direction, puis après avoir traversé le ruisseau, il a filé droit sur la briqueterie ; j’avais beau l’appeler, il venait vers moi, ne répondait plus aux consignes, il aboyait d’une façon étrange, partait, revenait. J’ai cru qu’il n’en faisait qu’à sa tête, et suivait la piste d’un lapin ou d’un autre animal ; il est encore jeune. Finalement, il réagissait comme je le lui ai appris, sauf que ce n’est pas un objet qu’il a ramené. Il m’a tout simplement attirée là… Je me suis approchée de l’homme, je suis secouriste, j’ai vu tout de suite que je ne pouvais plus rien pour lui et je vous ai appelés !
La découvreuse interrompt son récit, change de position avant de s’appuyer sur le mur.
— Pourvu qu’il ne se blesse pas sur ces morceaux de verre et dans cette ferraille rouillée !
Inquiète, elle siffle, deux coups brefs. Elle tourne la tête, lève le nez, attend, l’oreille aux aguets.
« Mimétisme, elle se prend pour son chien, elle a l’habitude de renifler les pistes, elle le suit sur les sentiers, elle anticipe, elle guide », Christophe observe son manège silencieusement.
L’animal se plante devant le policier, émet un son de gorge, remue la queue et s’assied près de lui avant de regarder sa maîtresse, il est plus crotté qu’elle. Il grogne doucement, gigote. Sylvie sort de sa poche intacte quelques croquettes qu’elle lui tend, le berger australien s’empresse de les avaler avant de lui lécher généreusement la main puis il reprend sa position d’attente devant Christophe.
— Alors, tu nous montres le chemin ? invite celui-ci en caressant le cou de Litchi, qui ne reste pas insensible à l’attention que lui porte le nouveau venu. Répondant à l’ordre de sa conductrice, le chien file jusqu’à l’angle du bâtiment, se retourne pour s’assurer que le trio le suit, aboie, part à vive allure et disparaît derrière un tas de briques réfractaires.
— C’est là ! annonce Sylvie en s’arrêtant. Je n’ai pas envie… d’y retourner, c’est un peu… ce n’est pas naturel.
De nouveaux aboiements leur parviennent, plus forts, insistants. Litchi s’impatiente, il les relance.
Comme Sylvie, à peine une heure auparavant, les OPJ grimpent sur les gravats en faisant attention à ne pas glisser. Le berger australien réapparaît en haut du tas de déblais, émet une plainte longue et lugubre qui ne s’arrête que lorsque les deux hommes arrivent à sa hauteur.
— Pas naturel, en effet ! lâche Erwann en dessinant les contours de la cicatrice sur sa pommette.
— Aïe ! lance Christophe. Il n’avait aucune chance.
Un petit coup de museau sur la cuisse lui rappelle la présence de l’auxiliaire à quatre pattes. Il se baisse, le caresse longuement tout en le flattant et lui demande de rejoindre Sylvie en faisant attention. Litchi hésite, regarde tour à tour Sylvie et ce nouvel ami et se décide enfin à obéir au sifflement de sa conductrice. Après tout, il a plus que rempli sa mission du jour : retrouver et ramener. Le chien la rejoint, s’allonge à ses pieds.
« Il sourit » pense Christophe avant de regarder en bas. Erwann entreprend de descendre à l’intérieur du bâtiment, des briques roulent sous ses pieds et s’écrasent sur le sol.
— Tu n’as jamais eu envie d’avoir un animal à la maison ? demande Erwann à son collègue.
— Avec nos horaires ? Qui s’en occuperait ?
— Toi et Stéphanie !
— Elle passerait son temps à traquer les poils et à passer l’aspirateur. Et puis, elle n’est pas plus disponible que nous.
— Ta petite voisine retraitée, elle prend soin de toi et s’occupe de son petit chien ; elle sortirait le tien le temps d’une promenade hygiénique le matin et l’après-midi. Vous pourriez prendre un petit animal, il vous manque un quelque chose bien à vous, à partager, à dorloter, ce serait un peu votre…
— Stop ! s’écrie Christophe. Ne prononce surtout pas le mot “bébé” devant Stéph’. Ni gosse ni chien ni chat ni hamster ou poisson rouge, aucun truc à poils ou à plumes.
Erwann est à l’intérieur du local, il examine la scène et transmet les premières informations à Christophe qui observe du haut du mur.
Tandis qu’Erwann passe de l’autre côté de l’ancienne construction, Christophe a rejoint Sylvie en passant par une ouverture latérale cachée derrière un amas de planches calcinées, il lui propose de revenir sur le bord de la route en attendant de prendre sa déposition dès que ses collègues arriveront ; il la ramène près du portail, en l’interrogeant sur ce qu’elle a remarqué à partir de la découverte du corps.
— Une chose est sûre, il ne s’est pas fait ça tout seul ! lance Erwann lorsque son coéquipier le rejoint.
— Tu crois, on dirait plutôt qu’il a été…
— Fracassé, défoncé ; il a saigné abondamment, pas joli, joli !
Sceptiques, les deux hommes lèvent les yeux pour mieux appréhender le lieu.
— Nous nous sommes garés derrière un autre véhicule, vide. Ce pourrait être le sien… Si nous avons suivi le même chemin, notre inconnu serait tombé de là-haut, le chien a flairé sa piste.
— Ou il aurait été poussé ? Que faisait-il ici ? Stéphanie nous donnera rapidement une plage horaire pour l’heure du décès.
— Sylvie Kerjose n’a croisé personne en arrivant sur le site. Si cela s’était passé le week-end, l’endroit aurait été vraisemblablement plus fréquenté, comme l’attestent les canettes et les bouteilles que l’on retrouve un peu partout ; les empreintes de pas sont nombreuses, brouillonnes, pas toutes récentes, il faudra voir si elles sont réellement exploitables. La copine qui est venue plus tôt ce matin et qui a placé les objets n’est pas passée ici, l’usine n’était pas sur le parcours prévu, cependant il faudra vérifier si elle n’a pas croisé la victime dans sa vie privée ou professionnelle, on ne sait jamais.
— Les pattes du chien, et les traces significatives de la jambe de sa maîtresse. Des traces de chaussures de sport, celles que portent l’homme, sans doute, ainsi que des marques indéfinissables dans la terre glaise… des pas écrasés, comme si une personne avait voulu éviter que l’on reconnaisse ses chaussures…
— Ou avait tenté de ne pas glisser. Si elle est venue la nuit, cela se comprend. Nous aurions ainsi deux personnes qui connaissaient les lieux suffisamment pour s’y déplacer la nuit ou tôt ce matin.
Les aboiements du berger australien retentissent. Christophe sort des décombres et se porte au-devant des nouveaux arrivants.
Nadia apparaît escortée du chien qui s’empresse de rejoindre Christophe.
— On dirait que tu t’es trouvé un nouveau coéquipier ! lance la brigadier-chef en voyant celui-ci flatter les flancs de l’animal. À moins que ce ne soit lui qui t’ait trouvé. Je prends la déposition de sa maîtresse, elle pourra s’en aller ensuite.
La jeune femme regarde la scène de crime par-delà le mur défoncé.
Elle fronce le nez, réprime une moue et frissonne :
— S’il voulait se faire peur en se baladant dans ces ruines la nuit, il a réussi… la Clio blanche devant votre voiture, c’est la sienne ?
— Nous le supposons, nous attendons les techniciens, il a peut-être des papiers ou la clef du véhicule sur lui ! répond Erwann.
Nadia hoche la tête, son regard fixe les lieux, elle grimace et recule :
— Tu me suis Litchi !
Le chien détale et la précède sur le sentier.
Les techniciens en scène de crime arrivent rapidement sur le site ; Erwann et Christophe ont pris soin de vérifier l’accès près de la route, permettant ainsi aux hommes de se garer sans gêner la circulation sur la départementale. Matthieu et Luc s’équipent de leur tenue près du grillage puis suivent les enquêteurs jusqu’à l’ouverture éventrée dans le mur du hangar.
— Quelqu’un s’est approché du corps ? interroge Luc en réglant son appareil photo.
— Sylvie Kerjose, pour vérifier s’il était encore en vie, avant de nous appeler, et le chien ! répond Erwann. Ils sont passés par là-haut, tout comme Christophe et moi.
Luc et Matthieu regardent le mur écroulé.
— Nous avons fait tomber des briques lorsque nous sommes arrivés. On peut penser que notre inconnu a glissé ou que des pierres ont roulé sous ses pieds entraînant sa chute ! poursuit Erwann. Ou encore qu’il a été poussé.
— Possible ! rétorque Matthieu en s’approchant du cadavre. Il ne s’est pas écrasé le visage tout seul. Vous connaissez l’endroit ?
— Des tagueurs, des jeunes squatters, des ados en mal de sensations fortes y viennent le week-end ou à la belle saison fumer un joint ou boire de l’alcool ; ils laissent leurs traces et leurs déchets après eux. Les nuits sont agitées. Dans la journée, quelques explorateurs urbains passent ici. Les pompiers viennent régulièrement s’entraîner : recherche de personnes en milieu hostile avec leurs chiens et parcours sportif dans le bois, entre le dernier bâtiment et le trou d’eau au fond du terrain.
L’arrivée de Litchi précède de peu celle de Stéphanie. Après avoir tourné autour du médecin légiste en gémissant, le chien vient s’asseoir aux pieds de Christophe. La jeune femme embrasse Erwann, adresse un signe à Christophe et s’empresse de rejoindre les techniciens.
Nadia, restée en bordure de route, en a terminé avec le témoin, elle lui propose de la raccompagner jusqu’à sa voiture. Sylvie refuse, donne à boire à son chien, lui passe la laisse et prend la direction du chemin de Lanroz en marchant sur le bas-côté. Elle signera sa déposition au commissariat dans l’après-midi. La brigadier les regarde s’éloigner ; Litchi, docile, trottine en se calant sur l’allure de sa maîtresse.
La brigadier s’installe dans son véhicule, consulte le fichier des immatriculations, puis poursuit ses recherches sur l’ordinateur ; ensuite elle enfile des gants et se dirige vers le véhicule stationné près de celui d’Erwann et Christophe.
— Pas de papiers, pas de clef. Il va falloir nous débrouiller pour lui donner un nom ! lance Erwann. Tu as trouvé quelque chose ?
— La Clio blanche sur le bord… est un véhicule immatriculé au nom d’une société appelée “Soleil d’Automne” ! répond Nadia, en revenant près d’eux. Une entreprise de services d’aide à la personne, basée à Châteaulin et qui intervient dans le mieux-être et l’autonomie à domicile. La gérante se nomme Claudine Marrec. La clef de la voiture était dissimulée sous l’aile arrière droite ; j’ai récupéré un portable, ainsi que des papiers dans la boîte à gants, notre homme s’appelle David Montier.
Nadia tend les effets à Erwann et poursuit :
— J’ai consulté le smartphone, il a reçu plusieurs messages depuis ce matin, Claudine s’inquiète de son absence au bureau.
Les OPJ écoutent les messages ; d’abord agacé, le ton de la femme devient inquiet au fur et à mesure des appels.
— Alors, David Montier, que faisiez-vous dans ce drôle d’endroit en pleine nuit ? Qu’est-ce qui vous a attiré ici ? interroge Christophe. À moins que vous ne jouiez à vous faire peur !
— Je ne sais pas qui voulait faire peur à qui ! annonce la légiste en se redressant et en évaluant la toiture éventrée au-dessus d’eux. Ça ne ressemble pas à un suicide, il existe des manières plus faciles pour le faire. Cet homme est tombé de là-haut, cependant la chute n’a pas été fatale, il a rampé sur les gravats comme l’indiquent ces traces ; c’est à ce moment qu’une main secourable lui a défoncé le crâne avec une brique.
Les OPJ lèvent la tête vers la poutrelle métallique qui relie les murs à plus de quatre mètres de hauteur.
— Qu’est-ce qui l’a poussé à monter là-dessus ? Le point d’impact se situe à mi-distance des murs ! ajoute Erwann.
— Son entrejambe n’est pas marquée ! souligne Christophe. Cela signifie qu’il se déplaçait en équilibre. Pour réaliser cette prouesse de nuit, c’est qu’il connaissait bien le terrain. Il y est déjà venu !
— Il est monté pour le fun, l’adrénaline ; il a pu faire un faux pas, perdre l’équilibre, ce n’est pas très large. Pourtant la thèse de l’accident ne tient pas, la brique ne s’est pas acharnée sur lui toute seule !
— Était-il suivi ou attendu ? murmure Christophe. A-t-il dérangé quelqu’un ? Juché sur son perchoir, il a pu voir un ou des individus, ou surprendre une conversation ! Cela ne répond pas à la question première : que faisait-il ?
Erwann jauge la hauteur entre la poutre métallique et le sol :
— Ce qui veut dire que les indices sont au-dessus de nos têtes !
— Qui s’y colle ? interroge Matthieu. Il va falloir nous trouver une bonne échelle ou une nacelle !
— Il est mort sur le coup ? poursuit Christophe.
— Quel coup ! réplique Stéphanie pensive. Notre homme tombe de la structure dans les déblais, il tente de se relever ; son agresseur descend sans encombre du mur, lorsqu’il arrive à sa hauteur, il lui assène un coup.
— Fatal ? s’enquiert Erwann.
Stéphanie remue la tête :
— L’assaillant s’y est pris à plusieurs reprises.
— Tu veux dire qu’il s’est acharné ?
— Il ne devait pas être très fort ou il a eu peur ; au premier essai le projectile a dérapé, vous voyez ces éraflures ; le deuxième coup l’a atteint, je dirais qu’il correspond à cette marque sur le front et le troisième a achevé le travail.
— On voit que l’agresseur a laissé des traces de ce côté du corps ; il a glissé sur les gravats en se redressant ! poursuit Matthieu, toujours présent.
— Les deux hommes se connaissaient-ils et avaient-ils rendez-vous ? Leur rencontre a-t-elle mal tourné et le second a-t-il saisi l’opportunité qui s’offrait à lui de supprimer David Montier ? avance Christophe. Accident ou crime avec préméditation ?
— Ou mauvaise rencontre entre deux personnes qui n’ont aucun lien ! poursuit Erwann. À moins que ce ne soit un duo qui venait se ferait plaisir loin des regards indiscrets.
— Je reste ici encore un moment, ces vieux bâtiments n’ont pas commencé à nous révéler ce que les briques cachent. Je contacte les pompiers, ils connaissent les lieux et pourront nous prêter main-forte et une échelle.
— Je vais avec Nadia à Châteaulin ; nous allons rencontrer Claudine Marrec !
Les techniciens poursuivent leurs investigations à l’intérieur du bâtiment tandis que Stéphanie Ollier se prépare à partir en direction de l’Institut médicolégal à Brest.
Mercredi 18 avril, milieu de matinée, Ménez Bily, Quimper
Le commandant des pompiers, Alain Lefebure, accompagné de son adjoint Anthony Jamier ainsi que de Pauline Godard, maître-chien et Horace, son malinois, a répondu rapidement à l’appel de Christophe et s’est dépêché sur les lieux ; l’ancienne usine sert de terrain d’entraînement au SDIS de Quimper, dont les nouveaux locaux, situés avenue de Kéradennec ne sont pas trop éloignés. Un fourgon et un véhicule léger rouges se garent près des voitures de police. Policiers et pompiers font un point de situation sur le terrain dégagé à l’entrée du site.
— Litchi et Sylvie Kerjose ! s’exclame Pauline après le résumé de Christophe. Cela ne m’étonne pas, ce chien a un flair exceptionnel, il est encore jeune mais dans quelques années il sera un excellent chien de recherche. Leur binôme fonctionne très bien, leur complicité se voit au premier coup d’œil. Litchi a confiance en son conducteur et réciproquement. Il allie les critères demandés par les éleveurs, la beauté, le pedigree, les tests de santé des parents et ceux que nous, maîtres-chiens recherchons, le flair, la vitesse, l’endurance, et la pugnacité. Litchi sera une pointure dans son domaine, une truffe ; lorsqu’il aura mûri un peu, il sera au maximum de ses capacités. Et vous ne l’avez pas vu danser !
— Avec sa jambe raide ! s’exclame Christophe en repensant à la démarche de Sylvie Kerjose. Ce ne doit pas être facile.
— Litchi, pas sa conductrice. Litchi danse.
Les yeux de l’OPJ s’arrondissent.
— La danse, l’obérythmée fait partie des épreuves de dressage. Ce chien a le rythme dans la peau. Vous devriez le voir ! s’esclaffe la jeune femme en regardant les policiers étonnés. Litchi est particulièrement doué ; cependant Sylvie privilégie la recherche utilitaire au dog dancing.
Assis aux pieds de sa maîtresse, Horace semble approuver.
— Ils étaient seuls ?
— Oui, ils suivaient un parcours balisé en fin de nuit par une copine, dans les chemins et les champs environnants en prévision d’une épreuve dimanche. Litchi a mené sa conductrice ici.
— Je t’ai dit que c’était un bon élément !
— La victime n’était pas là hier. Nous nous sommes entraînés dans la matinée, sur le parcours du côté du trou d’eau et nous avons coupé des branchages en bordure du chemin pour faciliter notre accès le long des bâtiments. Le site est interdit au public, nous savons que ce n’est pas lorsque nous sommes présents que les squatters, fêtards, camés ou curieux de toutes sortes viennent y faire un tour ! avance Anthony Jamier.
— Les visiteurs sont plutôt nocturnes que diurnes, sans doute ! émet Christophe.
— Du genre oiseaux de nuit qui laissent leurs ordures, cannettes, bouteilles, seringues et préservatifs usagés ! précise le commandant, resté silencieux depuis la présentation des faits.
— Vous n’avez pas peur pour vos chiens, ils pourraient se blesser, se couper ou se piquer ?
— C’est un terrain d’exercices pour des entraînements en conditions extrêmes ; nous sommes là pour la sécurité de nos chiens qui mesurent les risques avec nous et savent anticiper. Ce sont des pros ! répond Pauline. Litchi a-t-il déambulé sur le site ?
— Il a fureté, reniflé, gratté.
— Il s’est imprégné des odeurs, un jour ou l’autre sa mémoire olfactive ressurgira. Horace et Litchi ont déjà travaillé ensemble à la recherche d’un homme âgé atteint de la maladie d’Alzheimer, il avait échappé à la surveillance de ses enfants.
La maître-chien caresse son animal, il lui donne un petit coup de museau sur le bras.
— Nous soupçonnons un autre phénomène depuis quelque temps, l’urbex* ! reprend Anthony Jamier.
— Ici, au milieu de la nuit ? C’est risqué ! rétorque Christophe. De nombreux lieux s’y prêtent en ville, Yann, de la BAC, a coincé un ado dans un local désaffecté de la gare. Cette pratique a de plus en plus d’adeptes et les plus jeunes ne calculent pas toujours les risques. David Montier n’était pas un gamin ! Je ne sais pas s’il avait intégré cette communauté qui respecte des codes et des points de sécurité car il ne portait pas de gants et avait laissé son téléphone dans sa voiture, ce sont des règles de base. Nous avons trouvé sa lampe de poche, cassée, sans doute lorsqu’il est tombé. Les urbexers signent leur passage ; s’il était un des leurs, il a pu laisser une trace, ou s’il en a croisé un, celui-ci a pu signer ; nous devrions retrouver une marque significative.
— Dans le bâtiment voisin, une partie de mur est encore abritée, je t’y emmène ! propose Anthony Jamier.
Il entraîne Christophe, Horace les devance, Pauline donne toute sa longueur à la laisse avant de la rétrécir. Le malinois adopte les attitudes de Litchi, flairant truffe au sol ou en l’air, il entraîne sa conductrice plus loin sur le sentier et jappe. Pauline lui parle.
— Il veut aller dans le dernier entrepôt ; un couple de paumés s’était réfugié ici l’hiver dernier, ils avaient fabriqué une espèce d’igloo et vivaient en marge des SDF du centre-ville. Ils ne faisaient de mal à personne et ne demandaient rien ; des petits cons les ont délogés à plusieurs reprises, ils ont fini par ne plus revenir, nous ne savons pas où ils ont migré, c’est dommage, notre médecin les suivait. Jacquotte souffrait de graves problèmes rénaux et, sans soins, son état a dû se dégrader très vite. Depuis, d’autres sans domicile squattent le coin.
— Sylvie Kerjose a entendu des aboiements en arrivant et, lorsque je suis allé par là avec Erwann, il n’y avait personne, ça sentait le départ précipité, les types ont dû avoir peur en nous voyant débarquer, ils ont filé par l’arrière du terrain en laissant quelques affaires. Luc et Matthieu prendront des photos et feront des prélèvements tout à l’heure ! précise Christophe.
— Tu penses que l’un d’eux aurait pu… ! suggère Pauline.
— Peut-on se fier à un camé ? dit Christophe en haussant les épaules. Qu’il ait vu la scène, possible, et qu’il ait donné le signal du départ au groupe, encore possible. Ni vu, ni connu, pas de soupçon, pas d’embrouille. Il faudra attendre un jour ou deux et ils reviendront ici. Quant aux tags sur le mur près de la départementale, ils sont signés, nous retrouverons les auteurs en ville !
Christophe lève les yeux vers la structure métallique du bâtiment devant lequel ils se sont arrêtés.
— La victime est tombée de là-haut ? s’enquiert le commandant.
— Selon toute évidence. Qu’en pensez-vous ? Vous connaissez bien le terrain ; pour quelqu’un de sportif cela semble facile de grimper.
En guise de réponse, Anthony Jamier grimpe sur le mur à moitié éventré, s’élève en suivant la courbe du pan cassé, saisit la poutrelle métallique à deux mains, se balance légèrement et se hisse à la force des bras avant de se rétablir, en homme aguerri à ce genre d’exercice. Il avance debout.
— Tu as ta réponse ! lance Anthony. Je ne sais pas si elle te satisfait ; j’ai un avantage, moi ou mes collègues passons ici régulièrement, nous savons ce que nous faisons. Je ne vais pas plus loin, des traces sont visibles, ce ne sont pas celles que nous avons laissées. Je n’ai pas ce qu’il faut sous la main pour effectuer les relevés. Si la victime a chuté d’ici, je ne pense pas que votre agresseur l’ait suivi, à moins qu’il n’ait été aussi entraîné et expérimenté qu’elle et qu’il ait repéré les lieux de jour.
Le pompier fait demi-tour et redescend prestement de son perchoir. Il mène l’enquêteur vers le coin abrité où il a remarqué des traces lors de ses passages précédents.
— Effectivement, elles sont bien marquées et dessinées, certaines sont anciennes, d’autres plus récentes, Luc les photographiera.
*
Mercredi 18 avril, fin de matinée, Châteaulin
Erwann et Nadia ont pris la direction de Châteaulin où se situe le siège de la société dirigée par Claudine Marrec. La jeune femme consulte son ordinateur.
— Soleil d’Automne, est une entreprise de services à la personne ; elle intervient dans le domaine du mieux-être, livraison de courses à domicile, entretien de jardins, petit bricolage et dans celui de l’autonomie, maintien à domicile, assistance à la personne, livraison de repas et autres services. Son siège social est à Châteaulin, et l’ouverture de deux nouveaux points semble imminente. Soleil d’Automne ressemble aux nombreux établissements qui ont fleuri ces dernières années dans ce secteur d’activité.
— Que trouves-tu sur notre victime ? s’enquiert Erwann.
— Pas grand-chose. L’entreprise se situe au centre-ville, quai Carnot, face à l’hôtel de ville, de l’autre côté du canal. Soleil d’Automne possède son site internet, les employés y apparaissent : Claudine Marrec, tout sourire, la gérante qui s’est inquiétée de l’absence de son assistant de direction, le comptable et les intervenants. Un bon petit groupe. Les différentes actions proposées sont détaillées ainsi que les tarifs. Leurs pages sont bien faites, attractives et les renvois interactifs… elles ont été réalisées par un cabinet de communication, un travail de pro.
Nadia liste les informations accessibles.
— Ainsi nous allons apprendre ce que Montier venait faire à Quimper un soir de semaine ! conclut Erwann en se garant sur le parking devant l’entreprise.
La secrétaire, chargée de l’accueil téléphonique et physique, dirige les policiers vers la responsable.
— Il est arrivé quelque chose à David ! s’écrie-t-elle en voyant le duo. Il est injoignable depuis cette nuit !
Claudine Marrec s’effondre dans son fauteuil en apprenant la nouvelle. L’OPJ et la brigadier attendent que la femme se calme avant de l’interroger.
— Vous nous avez dit, tout à l’heure, que monsieur Montier n’était pas joignable depuis cette nuit. Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
— Hier soir ! sanglote Claudine. Il est parti vers dix-huit heures, il devait aller courir ; je lui ai téléphoné vers vingt-deux heures, il m’a répondu, il était chez lui.
— L’avez-vous appelé sur sa ligne fixe ou son portable ? demande Erwann.
— Son portable, bien sûr, David ne répond pas sur le fixe, il n’utilise que son smartphone, il ne le quitte jamais et le garde à portée de main en permanence. Il circule tous les jours entre le bureau de Châteaulin et celui de Châteauneuf-du-Faou que nous allons ouvrir prochainement ; il m’appelle lorsqu’il a besoin d’une information.
La directrice se mouche bruyamment. Erwann observe la petite quadragénaire brune à cheveux courts qui lui fait face. Potelée, plutôt gironde, elle porte une robe mi-saison dans les teintes beiges, retenue à la taille par une ceinture de cuir assorti. Une petite veste courte souligne une paire de fesses généreuses. Le rouge à lèvres et le vernis à ongles sont assortis. L’OPJ jette un coup d’œil en direction de Nadia.
— Et cette nuit, c’est vous qui l’avez appelé ! insiste doucement le policier.
Il attend que la nouvelle crise de larmes se tarisse. Claudine secoue la tête de haut en bas, saisit son portable sur le plan de travail, le triture dans sa main potelée.
— Je voulais savoir s’il viendrait me voir !
La femme s’effondre, inconsolable :
— Nous avions une relation, il n’était pas uniquement mon assistant ; David était mon âme sœur, il envisageait de s’installer avec moi, il me l’avait promis.
Entre pleurs et confidences, mouchoirs et regrets, Claudine Marrec s’épanche auprès de Nadia.
— David est un homme bon et généreux, il m’a aidée à surmonter mon chagrin après le décès de mon mari, Franck. Nous venions de région parisienne, où nous avions travaillé dans le secteur bancaire pendant plus de quinze ans. Franck désirait revenir dans sa ville natale, il voulait que nos deux enfants grandissent loin de cette capitale qui ne lui convenait pas. C’était un homme adorable, un amant, un père de famille idéal ; sa disparition m’a plongée dans une dépression terrible. David m’a redonné le goût de vivre, j’ai retrouvé le sourire auprès de lui. Il est présent, déborde d’énergie, de vitalité, de projets. Tout le monde l’aime. Qu’est-ce que je vais devenir sans lui ? Comment est-ce que je vais apprendre la nouvelle à mes enfants ?
Nadia et Erwann patientent, ils ne veulent pas brusquer les confidences.
— Hier soir, David avait un rendez-vous après vingt heures, c’est pour cela qu’il était allé courir avant !
« Nous y voilà, le temps des confidences s’est écoulé, à nous les vraies questions ! » Erwann profite de la brèche laissée dans le monologue où alternent présent et imparfait.
— Le rendez-vous ? Un nouveau projet pour développer l’entreprise à Quimper ; il ne m’en avait pas dit plus.
— Vous étiez pourtant très proche de lui et vous êtes la responsable de la société ! observe Erwann.
— Tant que David n’avait pas avancé dans ses démarches, il ne voulait pas me donner de faux espoirs. Il est comme cela, Da’.
Les larmes redoublent alors que la porte du bureau s’ouvre, un homme apparaît.
— Jean-Pierre Prigent ! se présente le nouveau venu. La secrétaire vient de me prévenir.
Erwann laisse Nadia et Claudine Marrec et suit l’homme qui le mène dans le bureau voisin.
— Je suis le comptable ! Le plus proche et le plus ancien collaborateur de Claudine ; je rentre de Châteauneuf-du-Faou où nous allons ouvrir un bureau place Saint Michel.
L’OPJ regarde l’homme qui vient de s’adosser contre le mur en apprenant la mort de David Montier.
— Que lui est-il arrivé ? déglutit l’assistant en scrutant son interlocuteur les sourcils en accent circonflexe.
Il écoute les explications volontairement succinctes du policier.
— À Quimper, cette nuit ?
— Cela vous étonne ?
L’homme aux chiffres hausse les épaules :
— David était très actif, toujours à regarder devant, à chercher des idées pour développer l’entreprise, on ne peut pas lui enlever cela.
— C’est ce que nous a dit madame Marrec.
Un rictus se dessine sur la bouche de Jean-Pierre. L’OPJ l’invite à poursuivre.
— Claudine s’est beaucoup investie dans l’entreprise lors de sa création, c’est son bébé. Elle connaît parfaitement les clients et le tissu local. Ce que je lui reproche, c’est qu’elle s’est vite reposée sur David après le décès de son mari.
Le comptable s’écrase dans son fauteuil, saisit une clef USB sur le bureau, la tourne entre ses doigts :
— Dans tous les sens du terme… elle s’est fait beaucoup d’illusions.
— C’est-à-dire ?
— C’est leur vie après tout, je n’avais pas à m’en mêler !
Le silence va s’installer, Erwann lance le menton en avant, son interlocuteur comprend qu’il doit continuer.
— David a un peu abusé de la situation… Claudine est une brave fille… il profitait de sa crédulité. Elle est tombée folle amoureuse de lui, comme une midinette. Il ne lui demandait rien, il lui souriait, elle anticipait tout ce qu’il voulait, tout ce qu’il désirait, tout ce qu’il n’avait pas encore sollicité, ni pensé. Elle s’est imaginé qu’il allait l’épouser !
— Et… ! insiste le policier.
— Elle ne s’est rendu compte de rien : plus elle fait d’heures au bureau, plus il est disponible pour sortir. Plus elle s’accroche, plus il s’éloigne en lui souriant et en lui envoyant des baisers de la main. Je ne devrais pas enfoncer David, au niveau travail, je n’ai rien à dire ; quant à sa vie privée, c’est un sacré cavaleur, il faisait ce qu’il voulait dès qu’il quittait l’agence.
— Vous lui connaissiez des ennemis ?
— Des ennemis, « is », non. Des ennemies, « ies », oui, toutes ses ex. J’en ai vu débarquer ici deux ou trois.
Jean-Pierre baisse les yeux et la voix :
— Claudine était présente lorsqu’elles sont venues. Elle a tout pris en pleine figure : les non-dits de David, qui ne s’est jamais engagé vis-à-vis d’elle, et les colères ou l’hystérie de ces femmes.
Le comptable se tait à nouveau, Erwann le relance, l’homme se fait prier.
— Je ne souhaitais pas que leur relation nuise à l’agence. Claudine est très gentille ; ce n’est pas méchant de le dire, elle est fleur bleue. J’ai essayé de lui ouvrir les yeux, elle n’a pas voulu voir clair. David plaît ou plaisait aux femmes, il usait et abusait de son charme, il est célibataire, sans attaches ; je lui ai parlé, il s’en est amusé. Claudine n’a pas compris qu’elle se trompait d’histoire, ses enfants ont vu clair, et malgré leurs mises en garde, ils n’ont pas réussi à la faire changer d’idée, ils m’en ont parlé à plusieurs reprises lorsqu’ils attendaient leur mère alors qu’elle était à l’extérieur ; désormais, ils ne viennent plus, pour ne plus voir Montier.
— Vous connaissez les dames qui sont venues dans vos bureaux ?
— Deux d’entre elles étaient des clientes, plus précisément les filles de personnes chez qui nous intervenons. Je ne connais pas l’autre, elle n’est pas dans nos fichiers et n’habite pas Châteaulin.
Dans le bureau voisin, Claudine s’est calmée, Nadia peut enfin continuer à l’interroger.
— La présence de David à Quimper peut s’expliquer par le fait qu’il avait des projets, à court terme, de nous agrandir. David est un entrepreneur, il voit grand !
Nadia obtient des informations sur les employés de Soleil d’Automne, des femmes en majorité dans le secteur de l’aide à domicile et le soutien administratif, les hommes intervenant dans le domaine du jardinage et des gros travaux.
— Je ne vois pas qui aurait pu lui en vouloir ! réfléchit Claudine en fronçant les sourcils… si, peut-être Robert Petit. Il était arrivé, un soir en février dernier et David l’avait entraîné dans son bureau. J’entendais Petit hurler, il osait le traiter d’escroc, il disait qu’il lui devait de l’argent, qu’il ne pouvait plus attendre et qu’il fallait le rembourser immédiatement. Voleur, arnaqueur, crapule, des mots très durs à entendre, aux antipodes de l’homme que je connais, Da’ est un amour. Petit s’est enfin calmé, le silence est revenu dans le bureau, je n’entendais plus la conversation, je n’osais pas partir tellement j’étais bouleversée. Finalement ils sont sortis, se sont serré la main en se promettant de se revoir la semaine suivante. Lorsque j’ai demandé à David ce que voulait cet affreux bonhomme, il m’a assuré qu’il s’agissait d’un malentendu, qu’ils s’étaient expliqués et que Petit ne reviendrait plus. Je les ai pourtant revus, quelques semaines plus tard, un soir sur le parking devant la mairie, la discussion semblait animée ; le lendemain, j’en ai touché un mot à Da’, il m’a dit que Petit était un chi… pardon, un casse-pieds de première qui lui reprochait de concurrencer le CCAS**.
— Connaissez-vous ce monsieur Petit ?
— Il travaille à l’Hôtel de Ville à la direction des ressources humaines ; c’est vrai qu’il nous arrive de recruter du personnel issu de leurs services, des employés qui en ont assez d’attendre une titularisation qui ne vient pas, qui ne peuvent pas compter sur un nombre d’heures fixe tous les mois et qui attendent devant leur téléphone, le matin, qu’on veuille bien les appeler. Les Petit sont issus d’une vieille famille connue dans tout le canton. Ils possèdent des terrains à Kerlobret et plus haut.
Claudine Marrec recouvre peu à peu ses esprits tandis que la brigadier-chef reste évasive, ne rentrant pas dans des détails qu’elle ne possède pas encore :
— La thèse de l’accident n’est pas écartée, nous essayons de comprendre ce qu’a fait monsieur Montier depuis le moment où il vous a quittée hier soir jusqu’à la découverte de son corps ce matin.
Lorsqu’Erwann réapparaît, Claudine se précipite dans les bras de Jean-Pierre Prigent qui le suit ; gêné, il ne sait quelle attitude adopter, il lui tapote les épaules et lui propose de la raccompagner à son domicile :
— Ne dérange pas les enfants, laisse-les terminer leur journée, tu leur annonceras cela, ce soir. Repose-toi avant !
— Alors ? lance Erwann en quittant le parking de Soleil d’Automne quelques minutes plus tard.
— Un saint ! Un bourreau de travail, un sportif acharné, un hyperactif menant de front vie professionnelle et activités extérieures. Un amant attentif qui allait s’engager et s’apprêtait à vivre avec elle. Saint David l’entrepreneur à l’image de saint David le Bâtisseur. Un homme bon et dévoué, amant et aimant. Et toi, de ton côté ?