Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Lorsqu'un journaliste croise un homme traqué qui a beaucoup à dire, il ne peut s'empêcher, même durant ses vacances, de flairer le scoop...
L'été, une maison nichée au coeur de Saint-Goustan, le port historique d’Auray. Les vacances entre famille et amis s’annoncent bien. Mais il suffit d’une rencontre pour que tout bascule. Cet inconnu aperçu sur le seuil d’une boutique, retrouvé – par hasard ? – au restaurant, qui donne de mystérieux rendez-vous, qui est-il ? Un homme traqué qui a beaucoup à dire… Or, quand on est journaliste, un scoop est une aubaine. Et voilà Vincent embarqué dans une enquête dont il croit tirer les ficelles, un jeu de dupes qui, peu à peu, se révèle plein d’imprévus et de danger.
Suivez pas à pas les investigations de Vincent au cœur de Saint-Goustan, et plongez dans un jeu de dupes qui, peu à peu, se révélera plein d’imprévus et de danger.
EXTRAIT
—Ne restez pas debout sur le seuil. Entrez donc. Vincent fit quelques pas et, regarda autour de lui. La pièce était vaste, encombrée sur l’un des côtés d’une pile de cartons qui accrocha immédiatement le regard de Vincent. Dans un coin, on devinait le départ d’un escalier qui devait mener au sous-sol. L’inconnu, probablement Gallier le directeur, toujours debout, avait suivi son regard :
—Oui, il y a en bas, un bureau aménagé pour mes collaborateurs. J’aime travailler en petite équipe. Nous étions trois, mais nous ne sommes plus que deux et c’est la période des vacances, si bien que je suis seul. Entrez, je vous en prie.
Vincent fit quelques pas et faillit trébucher sur une sacoche posée à même le sol. Son hôte s’était pré cipité :
—Excusez-moi, dit-il–du bout du pied, il repous sa la sacoche–il est vrai que l’espace nous est mesuré mais je me suis quand même préservé un coin de travail agréable. Suivez-moi.
Il fit quelques pas, manœuvra un bouton et la lumière inonda l’espace tout entier. Dans le fond de la pièce, un renfoncement aveugle et bas de plafond était aménagé en bureau : vaste table de verre, flan quée de deux consoles portant chacune un ordinateur. Le maître des lieux contourna la table, s’installa dans un large siège pivotant et, du geste, invita son visi teur à prendre place dans un fauteuil en face de lui.
A PROPOS DE L'AUTEUR
Gisèle Guillo fait partie des Bretons de Paris : carrière parisienne mais fréquents séjours en Bretagne, notamment à Arradon. Dans ses romans, quel que soit le lieu où se déroule l’intrigue, la mer n’est jamais loin. Agrégée de Lettres Modernes, elle a enseigné la littérature comparée et la linguistique, a publié des ouvrages scolaires et universitaires. Elle finit par succomber à sa passion pour la littérature policière et signe ici son quatorzième polar.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 174
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.
— Où est-elle cette enveloppe ?
— Là, dans l’entrée.
— Tu la vois ?
— Non, pas du tout.
Sur le seuil de la porte de la cuisine, Margot apparut :
— Mais là, regarde ! Je l’ai posée sur l’étagère du portemanteau.
Vincent s’approcha. L’enveloppe était bien là. C’était une grande enveloppe kraft de format commercial. Pas de timbre ni de cachet de la poste, seulement une inscription manuscrite « Monsieur Vincent Hermelin. » Et tout en bas, en majuscules, « E V. »
Qui l’avait déposée dans la boîte à lettres déglinguée qui pendait au portail du jardin ? Personne ne savait. Ni Margot, occupée à explorer les placards de la cuisine, ni Tessa, l’étudiante engagée pour donner un coup de main pendant les semaines de vacances, encore moins Nicolas qui tentait de redresser le guidon d’un vieux vélo déniché dans le hangar à bois.
— C’est bizarre, dit Vincent.
— Pourquoi bizarre ?
— Parce que personne ne connaît notre adresse ici.
Et pour cause. Ils ne s’étaient décidés à louer cette maison un peu délabrée mais pleine de charme que la veille, tard dans la soirée.
— Je trouve étonnant, reprit Vincent, qu’après une première nuit passée ici, je reçoive déjà du courrier à mon nom.
— C’est peut-être, monsieur Dumont ?
— Dumont, l’agent immobilier ? Il a appelé il y a un quart d’heure pour nous demander si nous étions satisfaits. Je doute qu’il envoie du courrier en plus.
— On ne sait jamais… Et qu’est-ce qu’il y a dans cette enveloppe ?
Vincent venait de décacheter l’enveloppe. Il lisait et relisait le message Quatre lignes : « Je suis en mesure de vous communiquer des informations de la plus haute importance. Des informations, qui j’en suis certain, vous intéresseront. Si vous désirez en savoir plus, accrochez un vêtement au portail, sous la boîte à lettres. Ce sera le signe que nous pouvons entrer en contact. »
— Et la signature ? demanda Margot, d’une voix distraite.
— Il n’y en a pas.
Vincent avait repris le feuillet :
— Alors, ça, dit-il comme en se parlant à lui-même, c’est encore plus bizarre… On dirait que cela a été tapé à la machine.
— À la machine ! Personne ne tape plus à la machine de nos jours.
Le ton de Margot révélait une indifférence totale.
— Et une vieille machine, reprit Vincent, d’après le format des caractères.
Margot ne répondait pas. Il était clair qu’elle se foutait complètement de cette enveloppe. Du fond de la cuisine, Vincent l’entendait maugréer :
— Il doit bien y avoir un plat à four dans cette cuisine… Quel fouillis !
Nicolas fit une apparition :
— Il me faudrait un tournevis… Ohé ! Vous entendez ? Où est-ce que je pourrais trouver un tournevis ?
— Écoute, dit Vincent, ce n’est vraiment pas le moment. Tu vois bien que ta mère est occupée.
Nicolas battit en retraite.
— Au fait, demanda Vincent, qu’est-ce qu’on fait pour le déjeuner ? On déjeune ici ? Tu as prévu quelque chose ?
— Oui, des croque-monsieurs.
Vincent referma la porte de la cuisine et, pour la troisième fois, relut le message. Puis, il remit le feuillet dans l’enveloppe et monta à l’étage défaire sa valise. Tout en rangeant ses vêtements, il réfléchissait, revoyait l’après-midi de la veille. En compagnie de Dumont, l’agent immobilier, ils avaient visité un appartement dans le centre d’Auray ainsi que deux maisons aux alentours. Rien qui leur convînt.
À chaque fois, Margot justifiait leur refus :
— Il nous faut quelque chose de plus grand. Nous attendons un couple d’amis avec qui nous avons l’habitude de passer des vacances. Nous nous entendons très bien mais il nous faut malgré tout de l’espace pour que chacun puisse s’isoler à sa guise. Vous voyez ?
— Je vois. J’ai bien quelque chose mais… Dumont semblait perplexe, c’est dans le vieux quartier d’Auray historique, en plein cœur de Saint-Goustan. C’est une maison ancienne, très pittoresque avec beaucoup de cachet. Mais, pour le confort, c’est disons… un peu simple.
— Eh bien, avait dit Vincent, montrez-nous cela. On prend la voiture et on vous suit.
— Où est votre voiture ?
— Au parking, tout près d’ici.
— Laissez là où elle est. La mienne est à deux pas. Je vous emmène.
À pied, ils avaient traversé le centre de la ville, dépassé la mairie, les halles, le temps d’admirer les vieilles maisons du centre-ville.
— Attendez, dit Dumont, quand vous allez voir Saint-Goustan.
— C’est qui Saint-Goustan ? demanda Nicolas.
— C’était le patron des marins et des pêcheurs.
— Tu dis merci, Nicolas ?
— Parce que, enchaîna Dumont, il y avait des marins ici. C’était un port.
À présent, ils descendaient la rue du Château. La rue était bordée de chaque côté, de petits restaurants, d’échoppes, de boutiques.
— C’est vivant, plein de charme… disait Margot. Je sens que cela va nous plaire.
— Nous descendons jusqu’à la rivière, disait Dumont et ensuite, vous allez voir…
Il ralentit pour leur laisser le temps de jeter un coup d’œil sur le pont.
— Il est célèbre, commenta Dumont. Je ne suis pas très féru de vieilles pierres mais il a toute une histoire ce pont. On vient de loin pour l’admirer.
Ils avaient franchi la rivière et à travers un dédale de ruelles, de placettes, de maisons à colombages, étaient parvenus à la maison. Une grande maison flanquée d’un enclos plein d’herbes folles. Un jardin comme Margot les aimait, secret, à l’abri de ses murs en pierre.
— Et, je ne veux pas vous influencer mais un jardin, c’est rare ici, fit remarquer Dumont.
Ils n’écoutaient plus. Ils étaient conquis. L’affaire avait été rondement menée. Margot avait craqué la première :
— Pour le confort, on se débrouillera.
Et il semblait qu’elle se débrouillait très bien. Pendant qu’il suspendait ses derniers pantalons, Vincent sentit monter de la cuisine des effluves appétissants. C’était bon signe. Ils s’installaient dans ce qui allait être leur domaine pendant un mois. En attendant l’arrivée de Jean-Luc et Anne-Marie, ce premier repas, c’était un peu comme une pendaison de crémaillère.
Une fois la valise vidée, casée au fond du placard, Vincent inspecta le tiroir de la table qui allait lui servir de bureau. De la poussière mais aussi de la place. De quoi ranger les liasses de coupures de presse, les guides touristiques et aussi les dossiers en attente. Car, il le savait d’expérience, un journaliste n’est jamais tout à fait en vacances. Au moment de descendre, il reprit l’enveloppe mystérieuse, en extirpa le feuillet, et encore une fois, relut le message. Il était toujours aussi perplexe mais bien décidé à ne pas donner suite à la demande. D’ailleurs, cette suggestion d’accrocher quelque chose au portail sentait le canular, comme un jeu de piste pour boy-scout attardé. Un instant, il hésita à déchirer le feuillet. Finalement, il le remit dans l’enveloppe et rangea le tout sous un paquet de cartes routières, dans le fond du tiroir.
Un coup d’œil à la fenêtre, le temps de vérifier que, malgré les prévisions de la météo, le ciel était clair. Après cette matinée consacrée aux rangements, Vincent ressentait le besoin de prendre un peu l’air avant le déjeuner. Il commença à descendre mais s’arrêta net au milieu de l’escalier. Du rez-de-chaussée montaient des exclamations et des odeurs alarmantes. Il fonça vers la cuisine, poussa la porte et recula. Dans un brouillard de fumée âcre, Margot, les cheveux en bataille, s’évertuait à noyer sous le robinet un plat où s’alignait ce qui aurait dû être leur déjeuner, des petits tas complètement carbonisés.
— Ce sont les croque-monsieurs ?
— Oui… Le four est complètement encrassé. Impossible de régler le thermostat.
— Ne t’inquiète pas ma chérie. L’endroit est plein de ressources. Va dire à Tessa de se préparer. J’appelle Nicolas. Nous allons pendre la crémaillère au restaurant.
Bien calés, tout au fond de la terrasse du café, à l’abri du vent, Jean-Luc et Vincent attendaient leur deuxième petit-déjeuner. Ils savouraient l’instant, le charme de l’endroit. Du regard, ils firent le tour de la place Saint-Sauveur dans son cercle de maisons à colombage.
— Il avait raison, le type de l’agence, dit Jean-Luc. Vous avez fait le bon choix. Pour un séjour de vacances, c’est idéal. On a tout ici, les vieilles pierres, un port, la mer à proximité. Nous allons faire de la voile…
— Oui, fit Vincent, mais j’ai promis à Margot que, cette année, nous serions prudents.
— Pas comme l’année dernière à La Trinité ? Tu te rappelles ?
— Tu penses si je m’en souviens !
— Qu’est-ce que tu as promis au juste ? Pas de sortie en mer ?
— Si mais avec un marin expérimenté.
— Quelqu’un qui prendrait tout en main, ça n’aurait aucun charme.
— C’est vrai, approuva Vincent. Mais, chacun sait que les promesses n’engagent que ceux qui…
Il s’interrompit pour répondre à la serveuse qui venait prendre la commande :
— Qu’est-ce que je vous sers ?
— Pour moi, un thé, dit Jean-Luc, un thé vert et un toast. Et pour toi, un petit noir ?
— Bien serré et un croissant. Et, pour la bouffe, poursuivit Vincent, depuis notre arrivée, nous n’avons pas perdu de temps. Nous avons déjà expérimenté deux bistrots qui ne paient pas de mine mais où l’on mange plus que bien.
— Deux restaurants en trois jours ! Vous ne vous refusez rien !
— C’est que Margot n’est pas très douée pour la cuisine. À Paris, depuis qu’elle a la responsabilité du secteur mode, elle rentre tard. Ce n’est pas elle qui s’occupe de l’intendance, elle a perdu la main. D’ailleurs, on compte beaucoup sur les talents d’Anne-Marie.
— Et l’étudiante américaine ?
— Franco américaine, plus exactement.
— Je l’ai à peine aperçue hier, dit Jean-Luc. Jolie fille, elle a l’air sympathique.
— Elle est très sympathique. D’après l’annonce, elle était censée avoir l’expérience du ménage et des notions de cuisine. Pour le moment, ce qu’elle fait le mieux c’est ouvrir des boîtes de conserve et mettre la table, très joliment d’ailleurs. Pour le reste…
— Dis donc, interrompit Jean-Luc, tu t’es déjà fait des relations.
— Pourquoi ?
— Notre voisin, là, à la table d’à côté vient de partir en t’adressant un grand salut. Tu n’as pas remarqué ?
— Non. Pas du tout.
Vincent se retourna, suivit des yeux, l’homme qui, un ciré au bras, s’éloignait le long du Loch. La silhouette élégante lui rappelait vaguement quelque chose. Il se souvint d’un incident ; n’était-ce pas l’inconnu qui l’avait légèrement bousculé, la veille sur le seuil d’une galerie de la rue du Château ?
— Oh ! Je vous demande pardon !
— Ce n’est rien, avait dit Vincent.
— Je ne vous ai pas blessé au moins ?
— Pas le moins du monde.
Mais l’homme n’en finissait pas. L’entrée d’un couple de clients avait fini par mettre un terme à une litanie d’excuses.
La serveuse arrivait avec son plateau. Vincent commença à siroter son café, le troisième de la matinée.
— C’est beaucoup trop, disait Margot.
Le médecin lui donnait raison.
Avec des précisions d’alchimiste, Jean-Luc, quant à lui, dosait l’eau dans sa théière.
— J’ai envie de commencer à visiter les lieux.
— Ici, on n’a que l’embarras du choix. Il y a beaucoup de choses à voir dans le centre-ville et ici, dans Saint-Goustan. Par où veux-tu commencer ?
— Par Saint-Goustan.
— Alors, je t’emmène faire le grand tour. Nous pourrions aller jusqu’à l’église Saint-Sauveur, la montée est intéressante. À propos, poursuivit Vincent, je passe du coq à l’âne, je ne t’en ai pas encore parlé. Figure-toi que le lendemain de notre arrivée, j’ai reçu un drôle de courrier, un message, provenant d’un correspondant anonyme, me proposant des révélations sensationnelles.
Mais Jean-Luc n’écoutait que d’une oreille, conquis par le pittoresque des lieux.
Ils avaient commencé la promenade par la rue Saint-René. Ils montaient en flânant, au hasard de ruelles qui se terminaient par quelques marches ou par des escaliers qui débouchaient sur d’autres ruelles.
De temps en temps, Jean-Luc s’arrêtait pour admirer un pignon, la pente d’un toit, et, inattendue dans l’enfilade des maisons à colombages, la façade en pierre de taille d’une ancienne maison patricienne.
Ils étaient parvenus à l’église Saint-Sauveur.
— Qu’est-ce qu’on fait, on continue ?
— Non, dit Vincent. Ce ne serait pas gentil. On nous attend pour organiser la journée.
Ils entamèrent la descente par la rue du Port Vadrouille et débouchèrent sur le quai où les clients se pressaient aux terrasses des cafés.
— C’est déjà la rivière d’Auray ? demanda Jean-Luc.
— Oui ; mais, ici, on dit le Loch.
— Je sais. S’il te plaît, ne me prends pas pour un débutant !
L’arrivée du plat fut saluée par une salve d’applaudissements.
— Ce sont vraiment des croque-monsieurs ? demanda Vincent.
— Et des vrais. Des bons, des “pas brûlés”. C’est Anne-Marie qui s’y est collée.
Anne-Marie acquiesça :
— Nicolas était tellement déçu. C’était à fendre le cœur. Il disait qu’il mangeait moins bien qu’à la cantine depuis qu’il est ici.
— Tu n’as pas honte, Nicolas, de dire des choses pareilles, dit Margot.
— D’autant plus, ajouta Vincent, que beaucoup d’enfants voudraient bien être à ta place.
Sans répondre, l’intéressé adressa un sourire complice à sa mère et attendit que vînt son tour de tendre son assiette.
L’instant d’après, Tessa fit son entrée avec un énorme saladier qu’elle posa au centre de la table au milieu de pétales d’églantines artistement disposés en étoile. Très sociable, ainsi qu’on l’avait sentie dès les premiers jours, elle était rayonnante à la perspective de voir s’étoffer le cercle de ceux qu’elle considérait comme ses nouveaux amis. Discrètement conseillée par Margot, elle avait renoncé à ses habituelles excentricités vestimentaires : jean et tee-shirt sagement décolleté. Restait la longue mèche teinte en vert qui lui barrait le front, juste au milieu de sa crinière rousse. Elle prit place en envoyant un sourire tous azimuts :
— J’ai ajouté des graines de lin, dit-elle.
— Du lin, fit Jean-Luc, je ne savais pas que cela se mangeait !
— Ainsi que des graines de sésame.
— Vous croyez, demanda Margot un peu inquiète, que ça se mélange bien avec l’huile d’olive ?
— Cela l’adoucit et en plus, c’est euphorisant !
On se récria.
— Nous n’avons pas besoin d’euphorisant, dit Jean-Luc. Nous sommes très heureux d’être là, ensemble. Pour ma part, je viens de passer une merveilleuse matinée.
Autour de la table, on approuva. Ils rentraient tous de Carnac où ils avaient pris leur premier bain de l’été. Grand soleil sur la plage mais il avait fallu un peu de courage pour affronter la température de l’eau, un peu frisquette. Jean-Luc et Margot s’étaient élancés les premiers, suivis par Anne-Marie et Nicolas. Vincent s’était montré le plus timoré. De l’eau à mi-mollet, tout en se frictionnant les épaules, il soupirait :
— Il y a des moments où je regrette la Côte d’Azur.
Margot était revenue l’encourager :
— Allez, viens avec moi. La chaleur, c’est débilitant. Ici, on se fait une santé pour toute l’année.
Après avoir avalé une énorme part de tarte aux pommes, pendant qu’on prenait le café, Nicolas s’était éclipsé en douce sans rien demander à personne.
— Il est allé bavarder sur twitter ? demanda Jean-Luc.
— Même pas, dit Margot, de ce côté-là, depuis quelque temps, il s’est calmé. En fait, il s’est découvert une nouvelle passion. Un après-midi, il a accompagné un de ses copains dans une salle d’escrime tout près de chez nous. Il est revenu, couvert de poussière, enthousiasmé. Pendant trois jours, il a joué au preux chevalier avec les parapluies.
— Il a même cassé une potiche chinoise prétendument ancienne, fit Vincent.
— Ne sois pas méchant ; c’était un souvenir de ma grand-tante Lucie.
— N’empêche qu’elle était affreuse, cette potiche !
— Donc, conclut Jean-Luc, il vous a rendu service.
Dès lors qu’il s’agissait de Nicolas, Jean-Luc, par ailleurs exigeant, avait toutes les indulgences. Nicolas, c’était un peu le fils qu’il n’avait pas eu.
— Un vase, fit-il en souriant, ce n’est rien. Ce que je trouve formidable chez Nicolas, c’est sa capacité à s’enthousiasmer. Rappelez-vous, quand il voulait être gendarme…
— Et qu’on lui avait acheté une mitraillette en plastique, parfaitement imitée, à laquelle il refusait de toucher parce que ce n’était pas une vraie, dit Vincent.
— Eh bien, conclut Jean-Luc, Nicolas est un passionné ; et que serait le monde sans passion, hein ? je vous le demande. Un monument d’ennui !
L’après-midi promettait d’être magnifique. Il faisait de plus en plus chaud. Par la porte ouverte sur le jardin, le soleil dardait sur le pas de la porte. L’heure était à l’alanguissement.
— Je crois, dit Vincent, que je vais m’offrir une petite sieste.
— Et moi aussi, dit Anne-Marie.
À ce moment Nicolas fit son entrée. D’une main, il brandissait une sorte de canne à pêche qu’il pointait comme une épée, de l’autre, il tenait une enveloppe de papier qu’il tendit à son père :
— Tiens ; je crois que c’est pour toi.
— Où as-tu trouvé cela ?
— Par terre, près du portail.
— Quand ?
— Tout de suite, là ; quand je suis allé au hangar à bois.
Vincent s’empara de l’enveloppe. En guise d’adresse, deux lettres majuscules : « V H. » Avant même d’ouvrir l’enveloppe, Vincent savait de qui venait le message. Cette fois, le mystérieux correspondant avait fait vite : deux lettres seulement pour Vincent Hermelin. Contrairement à la première, l’enveloppe n’était pas cachetée ; elle contenait une feuille avec quelques mots hâtivement crayonnés au feutre noir : « J’ai essayé de vous parler hier pendant que vous montiez à Saint-Sauveur. Mais vous étiez accompagné. Arrangez-vous pour faire une promenade, seul. Il faut que nous prenions contact. C’est important et urgent. »
Margot débarrassait les tasses à café :
— C’est le même type ?
— Oui.
— C’est un canular, quelqu’un qui s’ennuie, qui veut te faire marcher.
— Je n’en suis pas si sûr. Hier, dit Vincent en s’adres sant à Jean-Luc, tu as remarqué quelque chose d’anormal ? Quelqu’un, pendant que nous montions à l’église ?
— Non. Rien. Personne.
— Et pourtant, nous étions suivis.
— Qu’est-ce que tu vas faire ?
— Pas grand-chose. Ne pas répondre.
Au pied de l’escalier qui menait aux chambres, il hésitait. Brusquement, il se ravisa :
— Ou plutôt, si. Je sors, je vais faire un tour.
— Je t’accompagne ? proposa Jean-Luc.
— Non. J’y vais seul. J’ai envie d’en avoir le cœur net. Je n’en ai que pour quelques instants.
Il attrapa ses lunettes noires, une casquette et sortit.
Malgré la chaleur, il descendit jusqu’à la place Saint-Sauveur. Puis, avec une lenteur calculée, il reprit l’itinéraire qu’il avait fait, la veille, avec Jean-Luc. De temps en temps, brusquement, il s’arrêtait et se retournait sans jamais apercevoir une présence anormale. Au moment où il commençait à redescendre, il entendit des pas. Quelqu’un montait. Il s’arrêta, se figea : ce n’était qu’un couple de touristes, un homme et une femme, appareil photo en bandoulière, qui disparurent au premier détour de la ruelle.
Quand il rentra, Vincent trouva le jardin déserté. Rien ne bougeait. Une guêpe s’attardait au fond d’une tasse oubliée. La maison entière était assoupie. Vincent passa le seuil de l’escalier, enleva ses sandales et monta sur la pointe des pieds.
Lors de leur montée jusqu’à l’église Saint-Sauveur, Vincent s’était arrêté devant une enseigne :
— Il paraît que c’est l’une des meilleures crêperies du coin.
Jean-Luc s’en était souvenu lorsque, brusquement, le ciel s’était chargé d’épais nuages noirs : gros temps annoncé.
— Pas de panique ! D’après la météo, cela ne va pas durer. Et, c’est une chance, nous allons faire un dîner de crêpes.
De l’extérieur, « ça ne payait pas de mine » comme disait Vincent. À l’intérieur, c’était breton en diable, bondé, chaleureux, enfumé ; et ça sentait bon. Ils étaient tous les cinq, un peu serrés autour d’une table pour quatre. À la table voisine, coincée contre la porte de la cuisine, on venait de caser un dîneur solitaire et discret.
— Et encore, dit Anne-Marie, heureusement, que Tessa ait préféré rester à la maison. Elle voulait se reposer et se coucher tôt.
— Je crois surtout, fit Vincent, qu’elle avait envie de téléphoner tranquillement à son chéri. Normal, c’est de son âge.
Une grande promenade sous la pluie leur avait ouvert l’appétit mais ils attendaient, sans impatience, les crêpes pliées en quatre, qu’on faisait glisser une à une, toutes chaudes, dans les assiettes.
— Chacun à son tour. Les crêpes, ça se mérite, dit Jean-Luc.
Vincent se leva :
— Je descends me laver les mains.
— En fait, dit Nicolas, il va pisser.
— Nicolas, dit Margot, outrée. Tu n’es pas sortable !
Jean-Luc et Anne-Marie riaient franchement. Leur voisin, le dîneur solitaire se leva à son tour. Il se glissa entre la table et la chaise de sa voisine et s’excusa très poliment :
— Ne vous dérangez pas, je passe très bien. Quand il remonta, il adressa un sourire à Anne-Marie qui s’était levée pour le laisser passer.
L’absence de Vincent se prolongeait. Enfin, il remonta, l’air contrarié :
— Je viens d’avoir Durandel au téléphone. En bas, on entend mal. Il veut que je le rappelle tout de suite.
— Ah non, s’écria Margot ! Tu es en vacances ! Télé-Média peut fonctionner sans toi.