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Et si l'Europe reconnaissait la propriété africaine des œuvres d'art issues de la colonisation ?
On avait beau jeu d’affirmer qu’elles avaient été achetées, car certains explorateurs ou certains représentants de l’Etat français (…) avaient sans doute troqué ces œuvres contre peu d’argent, ou des babioles, ou des menaces. Aucune transaction inattaquable, certainement. Certes il était possible d’affirmer qu’en les volant on les avait sauvées mais c’était tout de même tordu.
En trouvant l’audace d’intenter une procédure contre le Musée du quai Branly, à Paris, le roi de Bangoulap – un village du pays bamiléké, dans l’Est du Cameroun –, ne pouvait pas deviner que c’était en fait l’Europe libérale et carnassière qu’il allait complètement déshabiller. Une fiction inspirée de la spoliation des biens culturels africains pratiquée par les pays fondateurs de l’Union européenne durant les années de colonisation.
L'auteur de ce court récit, Arno Bertina, renverse la vapeur avec un plaisir non dissimulé et communicatif !
EXTRAIT
J’ai honte de ne pas le connaître encore quand lui l’a visité deux fois déjà. Il s’insurge poliment contre le montant de l’entrée – peut-être douze euros, peut-être quinze. Il est d’autant plus choqué que l’on y admire une sculpture du pays bamiléké. Payer pour voir les œuvres de ses ancêtres ?! Il enchaîne en reconnaissant que les termites, ici, auraient condamné tous ces chefs-d’œuvre. À brève échéance parfois. Mais je vais revenir à la remarque précédente : le ministère de la Culture aurait réussi un coup fumant s’il avait eu l’idée de ne faire payer l’entrée du musée du quai Branly qu’aux seuls Français, rendant gratuit l’accès aux collections pour toutes les autres nationalités, ou au moins aux Africains et aux Amérindiens, ainsi qu’aux pays d’Asie qui furent colonisés. L’idée plaît au fo, nous sourions tous les trois et nous passons à autre chose (la clé 3G qu’il a achetée au revendeur chinois ne fonctionne pas, il a besoin des lumières de Bob (Yves-Pascal, vous vous souvenez ?) pour l’installer).
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Si vous connaissez Arno Bertina, vous savez ce qui vous attend. Si vous ne l’avez pas encore découvert, une nouvelle page de votre vie de lecteur va se tourner. -
Alain Nicolas, L'Humanité
Un court récit, aussi plaisant à lire que stimulant et revigorant et qui apporte sa propre couleur à cette formidable petite collection, Fictions d’Europe, que la Contre allée a inaugurée avec ce titre. -
Marc Ossorguine, La Cause Littéraire
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1975,
Arno Bertina publie son premier roman,
Le dehors ou la migration des truites, chez Actes Sud en 2001. Paraitront ensuite
Appoggio (Actes Sud, 2003) et
Anima motrix (Verticales, 2006), ces trois titres constituant une manière de triptyque. En marge, il va initier de nombreuses collaborations avec des photographes, ou au sein du collectif Inculte.
Je suis une aventure, son dernier roman, est paru en 2012 chez Verticales.
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Seitenzahl: 28
Veröffentlichungsjahr: 2016
DES LIONS COMMEDES DANSEUSES
DU MÊME AUTEUR
Numéro d'écrou 362573 avec la photographe Anissa Michalon, Le Bec en l’air, 2013
Je suis une aventure, Verticales, 2012
Dompter la baleine, Thierry-Magnier, 2012
La borne SOS 77 avec le photographe Ludovic Michaux, Le Bec en l’air, 2009
Énorme avec le collectif Tendance floue, Thierry-Magnier, 2009
Ma solitude s’appelle Brando, Verticales, 2008
Une année en Franceavec François Bégaudeau et Oliver Rohe, Gallimard, 2007
J’ai appris à ne pas rire du démon, Naïve, 2006, rééd. Hélium, 2015
Anastyloseavec Bastien Gallet, Ludovic Michaux et Yoan De Roeck, Fage, 2006
Anima motrix, Verticales, 2006
La déconfite gigantale du sérieux, Lignes, 2004
Appoggio, Actes Sud, 2003
Le Dehors ou la migration des truites
Actes Sud, 2001, rééd. coll. « Babel », 2003
© ( Éditions ) La Contre Allée ( 2015 )Collection Fictions d’ Europe.
ARNO BERTINA
DES LIONS COMMEDES DANSEUSES
La collection « Fictions d'Europe » est née d'une rencontre entre la maison d'édition La Contre Allée et la Maison européenne des sciences de l'homme et de la société. Désireuses de réfléchir ensemble au devenir de l'Europe, La Contre Allée et la MESHS proposent des récits de fiction et de prospective sur les fondations et refondations européennes.
Martine Benoit,directrice de la MESHS.
Pour Mathilde
En juillet 2014 j’ai rencontré Sa Majesté Yonkeu Jean, introduit auprès de lui par Bob (Yves-Pascal), de la fondation Gacha. Je devais me présenter puisque je séjournais à Bangoulap, son royaume, et valider à mon tour son autorité. « Il n’y a pas d’amour il n’y a que des preuves d’amour » me rappelait, quelques jours plus tôt, Nicolas Fargues. Mais la situation était exotique – ce que j’éprouvais le besoin de souligner, bêtement, au souverain bamiléké, dès le début de l’audience : « En France, nous n’avons plus beaucoup de rois ». Et j’avais beau chercher dans la mémoire familiale, ou dans celle de mes amis, je ne trouvais pas d’exemple d’une situation semblable. Sauf à grimper haut dans l’arbre généalogique, une de mes arrière-grands-mères ayant été présentée, en 1911, à la reine de Grèce. (Dans une lettre adressée à ses parents, facteurs de pianos à Pontarlier, elle avait raconté les heures d’attente, et comment la délégation des épouses des officiers français avait été successivement reçue, ou plutôt « examinée », par la Troisième femme de chambre, puis la Deuxième femme de chambre et enfin la Première femme de chambre, de la Reine, ces trois-là inspectant les tenues de ces dames et la respectabilité de leur conversation, avant de les autoriser à passer dans l’antichambre de la Reine elle-même. Devant laquelle elles arrivèrent essorées en quelque sorte, par cette déambulation interminable dans les étages et les couloirs de ce palais qu’il fallait seul incriminer si leurs gants étaient un peu moins blancs, en fin d’après-midi.)
Nous avons beaucoup attendu le fo, Bob et moi, visitant seuls les trois pièces de la chefferie ouvertes au public. J’en profitai pour tout photographier, mais sans être à l’aise dans cette ambiance empruntant aux lieux abandonnés comme à ceux dans lesquels on ne pourra s’abandonner, quelqu’un risquant de nous surprendre dans une attitude inconvenante ou embarrassante.