Drôle de destin - Patrick Hamel - E-Book

Drôle de destin E-Book

Patrick Hamel

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Beschreibung

"Drôle de destin" plonge le lecteur dans la vie émouvante de Christian, rendant hommage à la beauté des petits moments du quotidien tout en explorant la profondeur des souvenirs familiaux. Ce récit, où réalité et fiction s’entrelacent, est une véritable quête initiatique, soulignant l’importance de préserver et de transmettre nos histoires les plus précieuses.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Patrick Hamel, artiste polyvalent, célèbre la langue française à travers son recueil "Poèmes à dire et à chanter" publié aux éditions Le Lys Bleu, et son album "Par hasard". Reconnu pour son interprétation de Michael François dans la série Scènes de ménages, il parcourt le monde avec son spectacle Voyage dans la poésie. Son œuvre, "Drôle de destin", résonne particulièrement avec ceux qui apprécient les autobiographies empreintes de nostalgie et de sincérité.

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Couverture

Page de titre

Patrick Hamel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Drôle de destin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Patrick Hamel

ISBN : 979-10-422-4574-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ne maudissez pas la vie, dites bonjour à la vie.

Patrick Hamel

Drôle de destin

 

 

 

 

 

Christian est né un trois janvier malgré lui, enfin du moins c’est ce qui est stipulé sur sa carte d’identité, en plein hiver bien blanc et très rigoureux dans cette singulière, étonnante et très surprenante région qu’est la Normandie. Terre de contrastes à tous les niveaux, pour le meilleur et pour le pire, je vous fais grâce du pire, vous chercherez par vous-même, ce n’est pas très difficile. Quant à la notion du meilleur, considérons tout simplement qu’une naissance apporte le bonheur béat d’un entourage familial qui est aux anges et qui n’imagine pas une seule seconde dans quel bourbier il s’est mis. Donc, naissance au sein d’une clinique réputée de la ville de Rouen, située dans le département de la Seine-Maritime, connu notamment pour son quartier où siège Le Gros-Horloge. Emblème de Rouen, il unit beffroi gothique, arcade Renaissance et fontaine du XVIIIe siècle. Doté de l’une des plus anciennes horloges de France, datant de 1389, il offre un mécanisme unique en Europe. Chaque midi, le semainier dévoile des scènes mythologiques associées aux jours de la semaine. Le musée interne raconte l’histoire du monument, tandis que le sommet du beffroi offre une vue panoramique sur Rouen. Le terme masculin « Gros-Horloge » remonte au Moyen Âge, persistant malgré la reconnaissance féminine au XVIe siècle. Une visite fascinante à travers le temps !

 

Ville surnommée « Cent clochés », qui a inspiré avec enchantement et ravissement un bon nombre d’artistes renommés, notamment pour ne citer qu’eux, Gustave Flaubert, le célèbre romancier très prolixe, imaginatif et créatif du dix-neuvième siècle. Auteur de plusieurs romans à succès, dont le plus connu, Madame Bovary, qui a été, à sa parution, aussitôt condamné par un blâme devant la justice en 1857 par les têtes bien-pensantes de l’époque. Nous sommes sous le règne de Napoléon III, période très austère et conservatrice, livre écrit sur une période de cinq ans. Prenez-en de la graine, vous, pseudos auteurs qui publiez des livres mièvres tous les trois mois et vous étonnez que vos livres ne se vendent pas. Claude Monet fut également très attiré par l’atmosphère qui régnait à Rouen, particulièrement par sa lumière si changeante, qui a inspiré ce peintre français de renommée mondiale. L’un des fondateurs de l’impressionnisme, né le 14 novembre 1840 à Paris et mort le 5 décembre 1926 à Giverny, très ami avec Georges Clemenceau, dit le Tigre, né le 28 septembre 1841 et mort le 24 novembre 1929, homme d’État français, président du Conseil. Monet a peint à toutes les heures de la journée, par tous les temps et à différentes saisons, notamment à travers ce réputé brouillard normand dont l’humidité vous transperce le corps, et la très remarquable, admirable et magnifique cathédrale de Rouen Notre-Dame-de-l’Assomption avec son savant et habile mélange d’architecture gothique flamboyant tout en dentelles et de la Renaissance, qui étonne par sa beauté et fait le bonheur des touristes.

 

Mais pour être plus précis et exact, il faudrait dire que Christian est en fait né un quatre janvier. Je ne sais si c’est par oubli, nonchalance, peut-être même par inattention, négligence ou simplement par ce pur moment de bonheur euphorique que procure la naissance d’un enfant, mais dans un moment de trouble et de confusion, l’officier d’état civil présent ce jour-là à la mairie, qui n’avait certainement pas bu que de l’eau – nous sommes en Normandie, une région assez connue pour son taux élevé d’alcooliques – l’a enregistré le trois janvier et non le quatre, sans évidemment aucune vérification de la part de ses parents, qui eux, cependant, ne buvaient que de l’eau. Ne faites jamais confiance à personne et vérifiez toujours la véracité des informations. Cet événement n’a jamais été corrigé, pour ses parents, le trois ou le quatre janvier n’avait pas grande importance ; ce n’était pas bien grave, on n’était pas à un jour près. C’est un peu comme si on fêtait le 14 juillet le 15 et Noël au mois de juin ; après tout, sur ce principe, plus rien n’a d’importance, n’est-ce pas ? Il l’apprit tardivement, au cours d’une brève discussion autour d’un repas familial, qu’il était bien né un quatre janvier. Il en fut très surpris, mais n’en fit pas tout un plat, ne voulant pas créer de tensions, étant de nature bienveillante. Pourtant, une erreur sur la véracité d’une date de naissance peut malheureusement engendrer des conséquences assez graves, comme vous le découvrirez plus tard. Tout s’est bien déroulé pour lui et pour sa mère. Joli bébé tout joufflu, proche des quatre kilogrammes, un costaud, un garçon. Ses parents étaient aux anges, surtout son père : la lignée était assurée. Retour au bercail dans une banlieue ouvrière sordide, Saint-Étienne-du-Rouvray, tristement connue pour l’assassinat du Père Hamel par une inquiétante folie islamiste radicalisée, comme l’affirme l’info low-cost en boucle de BFM racolage. Localité tenue et gérée par le Parti communiste depuis des décennies, et qui malgré tout, fait ce qu’elle peut pour faire croire à chacun en son droit à sa part d’enchantement, sans être trop exigeant, cela va sans dire. Pendant quelques années, il a vécu dans un logement provisoire qui appartenait à ses grands-parents : une petite maison de poupée très sobre surplombant un champ verdoyant abandonné, débordant de toutes sortes de fleurs sauvages, parmi elles des pissenlits qu’il allait cueillir, muni de son petit couteau, pour les transformer en salade. Cette demeure était située en face d’un triste cimetière – toujours triste les cimetières d’ailleurs – avec ce déambulement quotidien des curieux et des proches dans un silence assourdissant, recueillements obligent. Christian a toujours eu l’impression, le sentiment, que les morts l’observaient, veillaient sur lui et ses parents. Drôle de constat.

 

À propos de ses parents, quand il est venu dire bonjour à ce monde, Ève, sa chère maman, était alors âgée d’une vingtaine d’années, élancée, une jolie jeune femme avec une chevelure ondulante blonde remarquable, une certaine allure à la Catherine Deneuve, l’actrice préférée des Français. La mère de Christian était fille de commerçants ; son grand-père ainsi que sa très chère grand-mère maternelle étaient propriétaires d’un bar-épicerie tout proche de leur maison. Ils gagnaient bien leur vie, adoraient leur activité, et travaillaient énormément. Bernie, le père de Christian, avait rencontré Ève très tôt, vers l’âge de seize ans. Il travaillait au sein d’une industrie en tant que chef magasinier, très courageux, toujours levé à la même heure pour un travail très routinier. Mais bizarrement, Christian n’avait pas le souvenir de l’avoir entendu se plaindre de quoi que ce soit et, de toute façon, il n’avait pas trop le choix : il fallait bien nourrir sa famille. Il était résigné et déterminé, son salaire était leur seule source de revenus. « Merci papa ! » pensait Christian dans son for intérieur. Il avait très peu de souvenirs de cette lointaine période qui a duré environ deux années. À l’arrivée de son frère, il a fallu trouver un autre endroit plus vaste. Deux ans les séparent, Christian étant l’aîné. Pour plus de confort, ses parents, après une mûre réflexion quant au financement possible, ont pris la sage décision de quitter cet endroit qui appartenait donc à ses grands-parents maternels. Ils ont assez rapidement déménagé dans une vraie maison toute neuve, très confortable, dotée d’un charmant jardin dans un quartier résidentiel assez cossu, chic. Enfin de l’espace ! Chacun sa chambre, la satisfaction apparemment, mais qui s’avérera faite de compromis incessants, d’incertitudes, de doutes et d’incompréhensions récurrentes.

 

L’école primaire se trouvait à une encablure d’un trajet en Solex, ce fameux deux-roues qui avait la particularité d’avoir le moteur sur la roue avant, avec Ève aux commandes et son fils Christian à l’arrière sur le porte-bagages, posé nonchalamment. Sacrée expédition, il fallait avoir le cœur bien accroché. Une chute mémorable sur une plaque de verglas avait marqué Christian à tout jamais. Fort heureusement, il n’avait pratiquement rien, juste une petite éraflure à la main, et sa mère était à peine blessée : sur sa jambe, un peu de sang filait sur ses bas, rien de grave, mais sacrée chute. Période heureuse de sa plus tendre enfance, il affectionnait particulièrement l’école et, très fièrement, la tête haute, il franchissait le seuil de la porte d’entrée de l’institution, pourvu de son magnifique cartable avec des cahiers et stylos tous neufs pour bien travailler. Il adorait son métier d’écolier, « Tout nouveau, tout beau » comme on dit. C’était inédit, une vraie découverte qu’est l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, les fameux fondamentaux martelés par l’Éducation nationale. Il a su lire et écrire très rapidement. Ces matières furent pour lui, sans prétention aucune, une simple formalité en cours préparatoire à la communale, à tel point qu’il avait raflé avec brio pratiquement tous les prix en fin d’année, au grand désespoir de ses chers camarades de classe : le prix d’honneur, le prix d’assiduité, prix d’excellence, premier prix avec les félicitations de son instituteur bienveillant. Christian était un bon élève, assidu, bien discipliné ; il le devait à l’éducation assez stricte qu’il avait reçue de ses parents. Robert, son grand-père, l’avait emmené pour la remise des prix dans sa superbe Peugeot 404 toute neuve qui sentait bon le cuir qui recouvrait les sièges, voiture rutilante d’un bleu acier. Christian était très fier ce jour-là ; malheureusement, son père n’était pas présent, travaillant à l’usine, et sa mère, bien que présente, semblait absente. Il a surtout gardé ce souvenir mémorable de son grand-père Robert qui, à chaque fois que le directeur de l’école l’appelait pour monter sur l’estrade et recevoir ses prix, avait un large sourire, une grande fierté apparaissait dans son regard d’un bleu océan étincelant, l’air de dire « Bravo mon petit gars » et il applaudissait fortement son petit-fils à tout rompre, histoire que l’on remarque bien que c’était bien lui le grand-père. Robert avait un physique de star américaine hollywoodienne des années mille neuf cent cinquante : du charme, chevelure ondoyante, très athlétique, travailleur acharné dans son commerce, ne comptant pas ses heures. Pour le retour, Christian a eu le droit et le privilège de monter à l’avant de la voiture, ses prix sur les genoux, pas un mot, mais des regards complices se croisaient de temps en temps avec son grand-père qui arborait un léger sourire de contentement. Sur la banquette arrière, sa mère gardait le silence. Pourquoi donc cette retenue, certainement de la pudeur, c’est dommage. Ce manque de générosité instinctif ne lui allait pas vraiment. Elle, qui était tellement communicative et prolixe à propos de sujets très éloignés du cocon familial, les très fameuses et sempiternelles histoires et péripéties de voisinage, qui éveillent la curiosité mal placée et engendrent la jalousie plutôt malsaine, sans importance, sans grand intérêt, qui pouvaient se dérouler dans le quartier, vous savez, les gens qui parlent des gens, les fameux qu’en-dira-t-on.

 

Arrivés dans leur maison, ses livres sous le bras, Christian, très digne, est monté directement dans sa chambre, souvent un refuge. Il pouvait partager sa solitude avec ses livres et ainsi dompter l’ennui à bon escient. Il s’est allongé sur son lit paisiblement et a parcouru ses prix minutieusement, notamment un livre qui a retenu particulièrement son attention sur la vie sauvage des animaux en Afrique. C’était pour lui une façon de voyager, de découvrir ce continent avec sa flore, la diversité de sa faune et ses habitants, des Noirs, un peu tabou à la maison. L’étranger était toujours, semble-t-il, un peu soupçonneux, pas trop bien accepté quand on est différent. Ceci dit, c’était un peu l’air ambiant qui se dégageait dans la plupart de ces quartiers populaires dans lesquels la peur, l’intolérance et l’ignorance, malheureusement, sont de mise et amènent le vote que l’on connaît. Réglé comme une horloge, son père Bernie arriva comme tous les jours de la semaine à dix-huit heures après une très longue journée, assez monotone et harassante, au sein de son entreprise, située dans la banlieue de Rouen, spécialisée notamment dans l’isolation thermique, ce qui lui a permis néanmoins, car il était bon bricoleur mine de rien, de réaliser et d’achever l’isolation de sa maison à un coût dérisoire. Même dans l’ennui et la routine, si on sait bien y faire avec un peu de chance et de talent, il y a toujours des avantages à une période donnée. Christian, en tendant l’oreille, a entendu son père s’installer confortablement sur le canapé devant la télévision, ignorant totalement cette remise de prix scolaires. Certainement un oubli de sa part sur ce jour si particulier, mais qui avait été, en revanche, pour Christian un moment de joie très court certes, qu’il n’a pas pu, malheureusement, partager autant qu’il l’aurait souhaité.

 

À la naissance de sa sœur Laure, il avait quatre ans. Une famille, semble-t-il, unie, trois enfants, l’idéal de la famille patriarcale. Le chef de famille, son père, sa mère pour gérer et régler toutes les tâches ménagères de la maison, et les trois remuants, turbulents gamins qui avaient intérêt à bien se tenir. Chez eux, sans trop exagérer, la crainte était omniprésente, pas facile à gérer ; il fallait se plier aux exigences du chef de famille, son père, sinon gare… Donc une éducation relativement cadrée qui, avec le recul, lui a donné les bases du respect pour le « Vivre en société ». Faut dire que ce n’était pas toujours évident pour une jeune maman d’à peine vingt-cinq ans qui avait la lourde tâche et la responsabilité de s’occuper correctement et décemment de ses trois gamins pleins de vigueur, toujours en mouvement, très animés. Ève accomplissait avec prouesse, forte conviction et beaucoup de détermination ce qu’elle pouvait, suivant ses capacités et ses aptitudes, femme au foyer comme on dit, corvéable à merci et sans salaire pour ce genre de travail. Christian avait beaucoup de respect et de considération pour sa maman : elle avait toujours la classe, pimpante, vêtue avec goût, toujours des repas préparés avec amour, même si l’amour dans la parole ou le geste n’existait pas trop au sein de sa famille. Ça ne se produisait pas, en fait ça ne se faisait pas tout simplement, on ne se disait jamais « Je t’aime » à son grand regret et ça lui manquait, trop pudique peut-être. Chez lui, on n’exprimait pas ses émotions, ses sentiments, ses sensations : c’était comme ça. L’autocensure était de mise, excepté cette marque d’affection du bisou du soir que les enfants attendaient patiemment de la part de leur maman au moment de se coucher, pour l’entendre dire « Bonne nuit ! » et éteindre la lumière. Cette pudeur de la part de ses parents, évidemment, ne le mettait pas entièrement en confiance ; les rapports familiaux lui semblaient trop superficiels, ou plus exactement, personne dans la famille n’avait jamais le temps de s’impliquer avec rigueur. Oui, c’est ça, l’harmonie n’existait pas, les parents dominaient les enfants, la parole des petits était confisquée, pas le droit d’exprimer la moindre idée contradictoire. Alors, évidemment, étrangement, Christian n’a jamais eu vraiment confiance dans sa famille. Il sentait que ça n’allait pas être toujours évident de vivre et partager plusieurs années avec elle. On ne choisit pas sa famille, paraît-il.

 

Son père Bernie était passionné de sport, et notamment de football, le sport national des Français, il en était un grand fan, en quelque sorte sa religion. Au cours de son adolescence, il jouait dans une petite équipe du secteur où il habitait. Marcel, son père, était très dur et sévère au niveau de l’éducation, l’autorisait à taper dans le ballon à condition que le travail soit fait et bien fait. Le dimanche matin était le rituel jour du marché. Bernie et Marcel, son père, chargeaient très tôt les fruits et légumes qu’ils avaient récoltés la veille sur une charrette attelée à Bijou, le cheval blanc, la joie et la fierté de Bernie. Marcel était maraîcher ; il vendait ses légumes et ses fruits sur les marchés, très travailleur, brave homme courageux, qui est malheureusement décédé prématurément à l’âge de cinquante-quatre ans d’une péritonite mal soignée. À l’hôpital, dans le service où il avait été opéré, personne dans le personnel médical, mais alors vraiment personne, apparemment, ne se sentait responsable. Ce n’est quand même pas normal de mourir à cinquante-quatre ans quand on est en pleine forme, mais bon, c’est la fatalité, la faute à pas de chance, ont-ils dit à défaut d’autres choses, difficile à avaler, vous en conviendrez. Voilà, c’était comme ça, peu importe la douleur que ça pouvait engendrer, vous deviez encaisser le choc sans broncher. Une fois le marché terminé, il fallait remballer très rapidement la marchandise invendue, ainsi Bernie pouvait enfin aller vivre sa passion, le football, son unique et vrai bonheur, une façon respectable d’oublier un drôle d’engrenage d’une vie implacable. Très doué, il avait été repéré par un grand club, le Football Club de Rouen, le fameux F.C.R. qui, avec son équipe première, avait, dans les années 1966, éliminé brillamment le fameux club de foot anglais Arsenal en coupe d’Europe.