Échec et mat au 55 - Marc Vanghelder - E-Book

Échec et mat au 55 E-Book

Marc Vanghelder

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Beschreibung

Le Président disparaît de l’Élysée et une course contre la montre se déclenche dans les cercles du pouvoir. Sous la direction du Premier ministre, une équipe d’élite se mobilise pour le retrouver, mais le silence est de rigueur dans cette mission ultra-secrète. Avec l’économie nationale en péril et les médias en ébullition, chaque instant compte. L’ex-divisionnaire Scaglioli est appelé pour démêler les fils de cette intrigue politique mortelle. Des couloirs du pouvoir aux recoins les plus sombres de la vie du chef de l’État, les enjeux explosent, menaçant de plonger la V République dans le chaos.

À PROPOS DE L'AUTEUR
Marc Vanghelder a prodigué pendant de nombreuses années des conseils à d’éminents dirigeants et personnalités politiques du monde entier. Après s’être retiré, il prend la décision de se consacrer à l’écriture. Faisant suite à "Malin pour quatre", publié par Le Lys Bleu Éditions en 2022, "Échec et mat au 55" vous entraîne à nouveau dans un voyage au cœur d’un univers d’intrigues et de rebondissements.

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Marc Vanghelder

Échec et mat au 55

Roman

© Lys Bleu Éditions – Marc Vanghelder

ISBN : 979-10-422-3550-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Jeudi 9 h 5

« Un silence d’état »

« Pierre ton portable sonne, il est encore dans le salon, où tu l’as laissé hier soir avant d’aller te coucher ! »

Neuf heures cinq minutes, et Marie Scaglioli est à la bourre pour rejoindre son cabinet de psychologue, où sa journée s’annonce bien remplie, tandis que « son Pierre » achève la lecture de l’Équipe, son rituel du matin.

« Marie tu veux bien répondre… ah… et… puis… non… laisse le message, je l’écouterais plus tard, il n’y pas d’urgence. »

Son épouse, un peu agacée par la musique qu’a choisie son tendre mari, fait un détour par le salon pour mettre fin au générique de Mission Impossible.

À la lecture du nom qui s’affiche, elle a un moment d’hésitation.

« Bonjour, Dimitri, vous êtes bien matinal et obstiné dans votre volonté de joindre Pierre ? »

« Désolé chère Marie, mais j’ai absolument besoin de parler au divisionnaire. »

« Vous savez qu’il ne l’est plus, mais bon je vous l’appelle. À l’occasion, passez prendre un verre ou mieux donnez quelques dates à Pierre, afin que nous dînions avec votre épouse ce mois-ci. »

Dimitri la remercie et lui promet de passer le message.

Dans l’entrée, Pierre Scaglioli embrasse tendrement son épouse, qui lui passe son cellulaire tout en franchissant le seuil de la porte.

« Alors Dimitri depuis que tu es passé commissaire tu déranges les amis de bonne heure… »

« Écoute Pierre, je ne peux rien te dire au fil. Une voiture banalisée est arrivée en bas de ton immeuble, je te serais très reconnaissant de bien vouloir la prendre. Elle va t’emmener vers une destination que je n’ai pas le droit de prononcer… mais je t’y retrouve, disons dans dix petites minutes. »

L’ex-divisionnaire un peu inquiet du ton employé par son ancien adjoint est tenté de le faire parler, afin d’en apprendre davantage, mais il lui semble bien que le nouveau commissaire Faure n’a ni le droit ni le pouvoir de lui en dire plus.

« Tu es bien mystérieux, me serais-je mis dans une sale affaire sans le savoir, tu t’apprêtes à mettre en garde à vue ton ancien patron ? »

Dimitri, préfère ne rien ajouter, rappelant seulement à son ex-boss qu’une voiture de police l’attend et que c’est une urgence de service.

Pierre jette un rapide coup d’œil autour de lui, enfile une veste, tire le col de sa chemise blanche, glisse sa pince à billets dans une poche de son pantalon, son porte-cartes dans sa veste, avant d’attraper son Apple Watch qu’il fixe à son poignet. Ses enfants lui ont acheté ce dernier gadget, afin qu’il reste connecté facilement, lui qui égare tout le temps son vieux portable.

Il choisit de faire peu d’exercice en prenant l’escalier à la place de l’ascenseur, de toutes façons bien trop lent à son goût.

Un salut rapide à monsieur Julian, le gardien, avant d’apercevoir la voiture de service garée juste devant le portail de l’immeuble.

Un jeune homme à la place du conducteur, sort précipitamment pour lui ouvrir la porte arrière du véhicule.

« Mes respects Monsieur le divisionnaire ! »

« Bonjour, je ne suis plus… »

« Pour nous tous, y compris les gens de ma génération, vous serez toujours le Divisionnaire Scaglioli l’une des légendes de notre “36”. C’est un honneur, monsieur, de vous accompagner ce matin. »

Pierre tout en souriant referme la porte arrière de la Renault et s’installe à la place du passager avant, celle du mort, comme on la surnommait autrefois.

« Vous avez quelle fonction auprès du commissaire Faure, mais si vous commenciez par me donner votre nom ? »

« Je suis le capitaine Etienne Duparc l’un des trois adjoints de Dimitri… pardon du commissaire… »

« Dimtri cela suffit, où allons-nous Etienne, au quai des Orfèvres ? »

« J’ai la charge de vous déposer le plus rapidement possible rue de Varenne. »

« Vous m’intriguez, que voulez-vous que j’aille faire au ministère de l’Agriculture ! Mon balcon à Paris est un peu juste pour de nouvelles plantations et ma maison familiale en Corse, qui compte quelques oliviers, ne me permet pas de revendiquer le statut d’oléiculteur ».

Le jeune capitaine, jette un coup d’œil rapide à la « légende du 36 », bien que prévenu par son boss, le commissaire Faure, cet humour un peu décalé du divisionnaire, le surprend.

« Monsieur le divisionnaire, je vous conduis à… Matignon. »

Surpris, il attache sa ceinture. Le silence s’installe dans l’habitacle.

Que lui veut-on de bon matin dans les bureaux du Premier ministre ? Les commandants, les commissaires, les divisionnaires ne manquent pas dans la maison mère de la police nationale, alors pourquoi lui ?

Son vieux complice Dimitri Faure a-t-il encore trop parlé, à moins qu’il ne s’agisse d’un vieux dossier qu’il a eu à traiter ? mais lequel, lui qui en a suivi et conclu des centaines en trente années de carrière dans la police.

Attendre et voir et à la vitesse à laquelle la voiture slalome entre les autres véhicules, sirène hurlante dans les carrefours de la capitale, il ne va pas attendre longtemps pour connaître la raison de sa venue rue de Varenne.

Dimitri avait raison dix petites minutes et la voiture rentre dans la cour de l’Hôtel Matignon.

Sur le perron, le récent et fringant commissaire Faure l’attend.

Entre gens du sud, la bise s’impose. Les deux hommes pénètrent dans le hall des bureaux du Premier ministre, avant d’être dirigés promptement vers une petite salle d’attente.

« Dimitri maintenant tu peux arrêter avec tes secrets et me dire ce que je fais ici ? »

Le regard sombre et la voix un peu enrouée, son ex-adjoint lui confie qu’il n’en sait rien lui-même.

Le grand patron de la police l’a appelé vers 7 h 45, lui a intimé l’ordre de mobiliser la meilleure équipe discrètement et de lui envoyer une voiture pour une réunion au sommet à 9 h 30.

La demi-heure sonne à la pendulette de leur salle, à cet instant précis, le directeur de la police nationale, passe une tête et fait signe aux deux policiers de le suivre.

Ils s’exécutent.

La porte blanche et dorée passée, les deux amis se retrouvent face à monsieur Nicolas Roussel, le Premier ministre en exercice.

« Bonjour, Messieurs, merci de nous avoir rejoints.

Je n’ai pas besoin de vous présenter votre ministre de l’Intérieur, Paul Berthold, ni votre directeur de la police nationale.

J’ai souhaité cette première réunion ici, entre nous, avant de nous rendre discrètement au Palais de l’Élysée, dans une trentaine de minutes. Nous y retrouverons sur place, les Ministres des armées, de la justice, des finances et des affaires internationales, sans oublier les proches collaborateurs du Président de la République. »

À ce stade Pierre, Scaglioli continue de s’interroger sur les raisons de sa présence, dans ce haut lieu de pouvoir.

Durant trente ans il a croisé bien des personnages de la vie politique française, mais pour la première fois il est convié dans le bureau solennel du Premier ministre.

Cette réunion sent la poudre, pas besoin d’être devin ou de savoir lire dans le marc de café pour se rendre compte, qu’il s’agit d’une réunion de crise, au plus haut niveau.

Mais la même musique tourne en boucle dans son cerveau : que fait-il, lui, ex-divisionnaire à la retraite avec le deuxième personnage dans la hiérarchie de l’État ?

« Messieurs, en tout premier lieu je veux votre parole d’honneur, la plus solennelle, pour que tout ce qui va suivre, dans les heures et jours, reste secret d’État. Ce que nous nous apprêtons à vivre n’a jamais été connu à ma connaissance dans notre république.

Face au cas qui nous occupe pleinement j’ai pris la décision de réunir dans la plus grande confidentialité des personnes qui accordent une place prépondérante à l’amour de leur pays, au respect de nos institutions, et qui disposent d’une grande capacité de travail et d’analyses.

Monsieur le ministre de l’Intérieur, en accord avec monsieur le directeur de la police, vous m’avez recommandé fortement deux noms.

Le commissaire Faure, mais aussi et peut-être surtout, le divisionnaire Scaglioli. »

Le Premier ministre se tourne vers les deux policiers et d’un air martial :

« Messieurs, sachez que votre mission future est cruciale pour l’avenir de la France. »

À chaque mot prononcé par l’hôte de Matignon, Dimitri s’enfonce un peu plus sur sa chaise autour de la table, quant à Pierre Scaglioli, il est tout ouïe.

Une affaire d’État qui touche la sécurité publique, cela peut concerner bien des sujets. Des menaces terroristes semblent les plus probables, pour autant, il n’a jamais été avec son équipe en première ligne sur cette problématique.

« Monsieur le Premier ministre, bien que très honoré d’être ce matin dans votre bureau, je m’interroge sur ma présence. Comme vous le savez je suis à la retraite et s’il doit s’agir de menaces sur la sécurité du pays, avec une action terroriste ou quelque chose de semblable je ne suis pas l’homme de la situation, avec tout le respect que je vous dois. »

Le Premier ministre, qui manifestement cherchait ses mots tout en se versant une grande tasse de café noir, se tourne rapidement vers Pierre, plongeant ses yeux dans les siens.

« Nous ne savons pas s’il s’agit d’une menace terroriste, nous ne savons rien ou presque, mais j’anticipe sur la prochaine réunion de travail.

Monsieur le divisionnaire c’est votre réputation qui vous a conduit ce matin dans mon bureau. Vous êtes et l’avez démontré un grand serviteur de l’État, un fonctionnaire d’élite admiré par vos troupes et ne lâchant rien, jamais, quelle que soit la situation à laquelle vous devez faire face.

C’est justement ce qui se présente à nous.

Un cas unique, jamais vu, où votre analyse, vos réseaux doivent nous aider à y voir clair le plus vite possible, afin que nous puissions prendre les bonnes décisions pour le pays.

Rien de moins, suis-je assez clair, pour le moment ?

Je compte avec l’accord de Monsieur le ministre de l’Intérieur et de votre ex-patron directeur de la police vous confier la pleine direction de l’enquête qui s’ouvre.

Vous ne dépendrez que de moi, n’aurez de compte à rendre qu’à moi sauf si le Conseil constitutionnel l’entend autrement. »

Sur ces derniers mots, Nicolas Roussel prie les participants de rejoindre leurs véhicules respectifs pour se rendre au 55 rue du Faubourg St Honoré.

« Pierre, tu te joins à moi, Duparc nous attend. »

Un signe de tête pour marquer son approbation, au revoir Matignon, bonjour l’Élysée.

Assis tous deux en compagnie du jeune capitaine l’un et l’autre gardent le silence. Pas question d’évoquer une affaire dont ils ne connaissent rien devant une personne non habilitée.

L’ex-divisionnaire ressent l’inquiétude chez son ex-adjoint. Il a toujours été anxieux au début d’une investigation.

« Commissaire on rentre par quelle porte, je ne suis jamais venu ici et ne suis pas certain de pouvoir franchir le premier portillon positionné sur la rue. »

Pierre propose de descendre devant le ministère de l’Intérieur place Beauvau, à cent mètres et de se rendre à pied jusqu’à la grille.

Au même instant, la voiture du ministre de l’Intérieur se porte au niveau de leur voiture banalisée.

La vitre de l’officier de sécurité du ministre baissée, celui-ci indique à son collègue, le capitaine Duparc la marche à suivre pour franchir les différents barrages de police.

« Route ouverte par la voiture du ministre en personne, quand je vais raconter cela au 36 ! »

« Capitaine vous n’allez rien dire, ni à nos collègues ni à vos proches, suis-je assez clair !! Ce que vous voyez, et faites ce matin est du plus haut niveau de confidentialité. Tout dérapage, tout manquement à votre devoir d’extrême réserve sera sanctionné avec la plus grande force. Me suis-je bien fait comprendre ? »

Le ton du divisionnaire corse ne laisse aucune place au doute ou au questionnement.

« En d’autres termes Etienne, vous vous la fermez jusqu’à nouvel ordre ! » ajoute le commissaire Faure.

Après les pavés de la cour de Matignon, le gravier de la cour de l’Élysée, un lieu plutôt impressionnant.

« Dire que je n’ai jamais voulu, même pendant les journées du patrimoine, venir découvrir ce palais et maintenant, j’y suis ! »

« Du calme Dimitri, on ne va pas rencontrer le Président de la République, seulement d’autres ministres et sans doute quelques hauts fonctionnaires. Quant au bâtiment le jour où tu veux en savoir davantage, je t’invite à lire et parcourir l’excellent ouvrage d’art qui s’intitule tout simplement : “l’Élysée”.

Bon je veux bien t’accorder que ce perron et ces superbes portes vitrées en imposent quelque peu. »

La voiture marque un stop, il est temps pour les deux flics de descendre et suivre cette fois à pied, leur ministre.

Un huissier avec sa grande chaîne autour du cou les prie de patienter. L’un et l’autre en profitent pour admirer le vestibule d’honneur avec son lustre de bronze aux multiples lumières. Un autre coup d’œil à l’escalier d’honneur orné de son tapis rouge, qui mène à l’étage.

Perdus tous deux dans leur découverte patrimoniale, ils n’entendent pas de suite le raclement de gorge de l’un des huissiers qui les invite à le suivre, en empruntant cet escalier Murat.

Nouvel arrêt dans une antichambre, véritable galerie des portraits des anciens Présidents de la République, puis une seconde antichambre, le salon d’attente où la tapisserie des Gobelins « Don Quichotte » prend un large espace.

Pierre et Dimitri s’installent presque confortablement tout en voyant passer quelques têtes connues et d’autres moins familières.

« Messieurs si vous voulez bien me suivre jusqu’au salon Vert. »

Les deux policiers s’exécutent une fois encore en suivant l’huissier de service.

Pas un bruit, pas un mouvement de trop, au cœur de cet univers totalement aseptisé.

Pierre et Dimitri sont a priori les derniers participants à faire leur entrée.

« Messieurs, merci de vous joindre à nous. Monsieur le divisionnaire Scaglioli, prenez place à ma gauche, Paul venez à ma droite, Monsieur le Secrétaire général asseyez-vous en face de moi, mesdames, messieurs prenez place.

Chers collègues et ami(e)s, je vais rapidement faire les présentations, principalement pour nos deux amis de la police qui vont être les chevilles ouvrières de notre affaire.

Monsieur le divisionnaire, Monsieur le Commissaire, sont présents autour de cette table de travail, Monsieur David Rouland, secrétaire général de l’Élysée, un homme peu connu du grand public, mais essentiel à la bonne marche de cette maison, Monsieur Alain Louvel, directeur de cabinet de Monsieur le Président de la République, Louis Baroud chef de cabinet du chef de l’État et la cheffe du secrétariat particulier du Président, madame Juliette Dumoulin.

Le général Emile Parand chef d’état-major, accompagné par le commandant Daniel Bugue, chef de la sécurité, la commandante Pauline Bonnet qui dirige les policiers de la maison ainsi que le lieutenant-colonel Alain Frédérix l’un des trois aides de camp du Président.

Messieurs les Ministres, vous les connaissez, enfin je suppose, Paul Berthold à l’intérieur, Jean-Michel Charon aux armées, Pierre-Alexandre Dumont à la justice, Antoine Gueret à l’Économie et aux finances publiques et enfin Charles-Auguste Lanssac au quai d’Orsay.

Mesdames et Messieurs, je vous présente le commissaire Dimitri Faure qui dirige une section d’élite au 36 quai des Orfèvres, et l’ex-commissaire divisionnaire Pierre Scaglioli que beaucoup d’entre vous connaissent de renommée pour ses nombreuses affaires résolues, la plus médiatique étant celle qui a révélé certains agissements de l’ancien ministre Baurepère.

J’ai décidé en accord avec Paul Berthold de confier à Monsieur Scaglioli la direction de l’affaire qui nous occupe à compter de ce matin et je le crains pour les jours futurs. »

Pierre n’en croit toujours pas ni ses yeux, ni ses oreilles. Depuis plus d’une heure, on l’a véhiculé de chez lui à l’hôtel Matignon puis au Palais de l’Élysée, le Premier ministre en personne ne cesse de lui témoigner toute sa confiance en le chargeant d’une enquête extrêmement confidentielle, dont il ne connaît absolument rien.

Quand allons-nous rentrer dans le vif du sujet s’interroge-t-il avec un agacement certain, parfaitement dissimulé, comme il se doit.

« Bien ! qui veut prendre la parole ? Monsieur le secrétaire général ou Mr le directeur de cabinet ? »

Les deux personnes citées, tête baissée, ne semblent pas disposées à ouvrir le feu.

Face à ce refus déguisé, le Premier ministre se ravise.

« Monsieur le Ministre de l’Intérieur, cher Paul, vous nous faites un point s’il vous plaît ! »

Une grande respiration, un regard circulaire, les doigts qui s’entrecroisent marquant une certaine gêne et le premier flic de France, comme on a pris l’habitude un peu idiote de surnommer le locataire de la place Beauvau, se jette à l’eau.

« Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, chers amis, voilà ce que nous savons.

À 6 h 30 ce matin, comme tous les jours de la semaine, une femme de chambre, en l’occurrence Marion, pénètre dans la chambre à coucher du chef de l’État.

Cette jeune femme appartient au personnel du palais depuis plus de quinze ans. Excellente notation, discrète, efficace, toujours souriante, elle apporte au chef de l’État son jus de pamplemousse et ses deux biscottes beurrées, avec le digest de la revue de presse préparée par le service de communication élyséen.

Elle prend soin, comme ses collègues, de faire le moins de bruit possible, mais elle doit ouvrir les rideaux et poser les affaires de jogging du président sur une petite table.

Cette première tâche exécutée, elle quitte la chambre à coucher et attend aux côtés des deux agents de sécurité, désignés pour accompagner le Président durant son footing quotidien, que le chef de l’État sorte pour mettre en ordre et ranger ce qui doit l’être dans cette pièce.

En principe un petit quart s’écoule avant que le Président en tenue de sport salue tout le monde et quitte son étage pour rejoindre les Champs-Élysées, puis les quais, pour une petite heure de course à pied.

Ce matin à 6 h 45, puis 6 h 50, personne n’est apparu.

Autour de la table, les regards se croisent.

À 7 h Marion, pressée par les deux officiers de sécurité, rentre à nouveau dans la chambre.

Pas un bruit, ni dans la pièce à coucher ni dans la salle de bain attenante.

Les affaires de sport sont à l’endroit exact, où la femme de chambre les a laissées.

Elle ressort de cette pièce et signale aux policiers l’absence du Président.

Les deux personnes en charge de la sécurité rapprochée du chef de l’État pénètrent à leur tour dans la pièce, la passe en revue, le lit n’est pas défait, le chef de l’État n’y a pas dormi.

Question simple où est-il ?

Les deux membres du service de sécurité du président alertent le commandant Bugue, leur chef, qui lui-même alerte le chef d’État-major, le commandement militaire, la DOC ainsi que Monsieur le Secrétaire général et le directeur de cabinet du chef de l’État. »

« Monsieur le divisionnaire des questions ? »

« Oui, Monsieur le premier Ministre, deux petites questions, quand toutes les personnes que vous venez de citer sont informées, quelle heure est-il ? Ensuite quelle est la procédure en pareille situation ? »

« Monsieur le secrétaire général ? »

« J’ai été informé de cette situation à 7 h 5, j’ai demandé que toutes les caméras de surveillance soient examinées et que tout le personnel de sécurité soit interrogé immédiatement.

J’ai aussi appelé Alain LOUVEL qui en sa qualité de directeur de cabinet possède certaines informations confidentielles, qui ne sont pas portées à ma connaissance.

Ma dernière démarche a été de joindre le personnel au domicile privé du chef de l’État, sur l’île Saint-Louis. La première dame y vit à l’année, ayant refusé de séjourner au Palais. La femme de chambre de la première dame m’a confirmé que le président n’était pas présent. »

« Monsieur le Premier ministre, intervient Alain Louvel, certains déplacements, ou rendez-vous privés ne sont pas portés à l’agenda officiel du Président. Juliette Dumoulin au secrétariat, Louis Baroud et moi-même disposons de renseignements avec pour instructions de ne pas les communiquer. Pour ce jour et devrais-je dire pour cette nuit, le Président ne nous a rien confié. »

« Monsieur le directeur de cabinet, s’agissant des rendez-vous à l’extérieur, des agents accompagnent le chef de l’État, rassurez-moi ? » interroge le Premier ministre.

Un lourd silence s’installe quelques secondes avant que Pierre, comme à son habitude, mitraille de questions les personnes présentes.

« De quel type de rendez-vous sommes-nous en train de parler ? Des rencontres très politiques, ou très personnelles ?

Quand l’alerte, je crois que l’on peut employer ce terme, est donnée, qui fait quoi et que découvre-t-on ? »

« Paul vous avez les réponses à fournir au divisionnaire Scaglioli ? »

« Il a été organisé méthodiquement une fouille du palais, avec discernement et la plus grande discrétion.

Tout se sait très vite et surtout des membres du personnel parlent ou transmettent des informations, en particulier à la presse, donc il est primordial de faire preuve de beaucoup de prudence.

Parallèlement tous les policiers de garde ont été interrogés sur les mouvements observés durant la nuit, que ce soit au Palais même, ou à l’hôtel Marigny, de l’autre côté de la rue.

Les enregistrements des caméras ont été examinés quasiment image par image, toutes les entrées et sorties ont été notées, et toutes les personnes concernées, vues en mouvement durant la nuit et au petit matin, ont été immédiatement interrogées, soit en face à face ici au palais, soit par téléphone, quand elles avaient quitté leur fonction.

Enfin les deux téléphones portables du chef de l’État ont été activés, tout comme son traceur. »

« Pour quels résultats Monsieur le Ministre ? »

« Pierre, vous permettez que je vous appelle ainsi, rien à signaler à une exception près. Un officier en charge de la sécurité du Président a quitté le garage de l’hôtel Marigny, à 23 h 32, au guidon de sa moto, mais nous n’avons pas réussi à le joindre à l’instant où je vous parle. Tous les moyens sont mis en œuvre pour le trouver et le questionner. »

« Monsieur le Ministre, quel le profil de ce policier ? est-il bien noté ? Depuis quand assure-t-il sa mission auprès du Président ? A-t-on relevé quelque chose de particulier ? »

« Monsieur le Premier ministre, permission de parler ? »

« Je vous en prie mon colonel, en votre qualité d’aide de camp que pouvez-vous ajouter ? »

« Ce policier est sans doute l’un des préférés, j’irais jusqu’à dire le confident du Président. Je le connais fort bien et le porte en haute estime, je suis troublé par ces évènements qui ne lui ressemblent pas. C’est un officier très méticuleux, très efficace, extrêmement dévoué. »

Le commandant Bugue, patron de la sécurité, confirme ses dires.

« Une seule personne sur la moto ? » intervient Pierre Scaglioli.

« Affirmatif », répond la commandante Pauline Bonnet.

« Dans ces conditions on peut formuler l’hypothèse, que le Président a utilisé ce véhicule avec la complicité bienveillante de son officier de sécurité pour sortir du palais, ni vu ni connu, et se rendre dans un lieu inconnu de nous.

Sauf si bien entendu le secrétariat particulier ou le cabinet disposent d’une information qu’ils souhaitent porter à notre connaissance à ce moment précis où nous nous perdons en conjecture. »

Tous les regards se tournent vers les trois personnes du cabinet du chef de l’État, pouvant disposer d’un renseignement particulier.

Le mutisme de la secrétaire particulière et une gêne évidente de Louis Baroud le chef de cabinet, inquiètent Pierre. L’ex-divisionnaire connaît ces silences qui dissimulent toujours beaucoup d’informations.

« Rien ! vous êtes sûrs les uns et les autres ? insiste le Premier ministre. Le temps presse et nous ne pouvons pas rester sans rien faire. Le Président est introuvable.

Il a un agenda officiel très chargé toute la semaine et nous devons prendre plusieurs décisions.

Monsieur le divisionnaire, je vous propose de mener tous les interrogatoires et votre enquête comme vous l’entendez. L’urgence est absolue et je vous couvre officiellement sur l’ensemble de votre démarche.

Monsieur le ministre des Armées, cher Jean-Michel, je suggère de mettre en alerte maximum nos troupes, sous couvert d’exercice ou de rumeur persistante sur le risque terroriste et de renforcer immédiatement le plan Vigipirate, en collaboration étroite avec Paul, à l’intérieur.

Si des terroristes sont à l’origine de la disparition du Président de la République, on peut s’attendre aux pires scénaris. Une rançon ou une demande pour la libération de certaines personnes incarcérées ici, ou chez nos voisins et amis.

Antoine, votre ministère de l’économie doit anticiper. La bourse risque de dévisser totalement à l’annonce d’un tel évènement, je vous laisse le soin de mettre en place toutes les mesures adéquates. Vous avez ma totale confiance.

Monsieur le Garde des Sceaux, cher Pierre-Alexandre, je souhaite que vous regardiez avec votre équipe de constitutionnalistes le sujet qui concerne la vacance du pouvoir.

Il va s’en dire que je risque de devoir appeler à la fois le président du Conseil Constitutionnel, mais aussi les deux Présidents des deux chambres et peut-être même devoir confier la présidence de la république, par intérim, à ce cher Pierre Desmaret qui se fera un plaisir de quitter le palais du Luxembourg pour celui-ci.

Reste la communication à l’adresse des Français et du monde entier et là nous sommes sur des charbons ardents.

Chaque mot doit être pesé et le timing est plus qu’important ; des suggestions messieurs pour cet exercice d’équilibriste ? »

À ce stade l’ex-divisionnaire propose au Premier ministre de ne rien dire avant 13 h, sauf laisser entendre que le Président souffre d’une mauvaise grippe et que son médecin lui a prescrit de rester au lit. Reste à décider du lieu.

Le palais de l’Élysée semble exclu, trop de personnes, trop d’indiscrétions.

Deux hypothèses sont envisageables. « La Lanterne » à Versailles, où un minimum de personnes peut être mis dans la confidence, ou son domicile personnel.

Le chef de cabinet du Président, très discret jusqu’à cet instant, sort de son silence.

« Monsieur le divisionnaire, je pense que nous devons oublier le domicile privé du chef de l’État. Madame de La Tour, la première Dame n’y consentira pas, en revanche nous sommes tout à fait en mesure de prendre les dispositions pour une convalescence à Versailles. »

En bon policier tenace ayant toujours besoin d’une solide explication, Pierre Scaglioli tente de reprendre la parole, mais à ce moment le ministre de l’Intérieur lui fait un petit signe, afin qu’il renonce à toutes questions.

« Mesdames et messieurs, il est 11 h 12, on se retrouve à 13 h, à l’hôtel Matignon pour faire un point et décider des mesures à prendre et des annonces à faire à la classe politique et surtout aux Français.

Monsieur le divisionnaire pouvez-vous m’accompagner jusqu’à la rue de Varenne j’ai deux ou trois choses à vous dire dans la voiture, afin que nous perdions le moins de temps possible. »

Pierre s’en félicite. Des zones d’ombre et quelques sujets le préoccupent, il est temps de les évoquer avec le chef de gouvernement.

Avant de rejoindre Nicolas Roussel dans sa voiture, il demande à Dimitri de passer par le PC central, afin d’examiner toutes les caméras de cette nuit. Avec un peu de chance, la moto a été filmée à sa sortie du garage de l’hôtel Marigny. Il faut aussi signaler ce véhicule à toutes les forces de police. En admettant que le Président l’ait laissé sur la chaussée ou dans un parking couvert, on pourrait quadriller un secteur géographique et en apprendre davantage sur sa destination finale.

« Dimitri fait aussi un point avec l’équipe sur les accidents de la route cette nuit dans la capitale, et les entrants dans les différents hôpitaux en Île-de-France. »

Son propos à peine achevé, un huissier doublé d’un officier en charge de la sécurité du Premier ministre lui signale que le chef du gouvernement s’impatiente dans son véhicule.

Pierre se glisse à la gauche de Nicolas Roussel.

« Monsieur le divisionnaire, je dois vous mettre en peu “au parfum”, comme disent certaines personnes qui aiment les films d’Audiard.

En bon citoyen il ne vous a pas échappé que mon gouvernement est quelque peu en situation de cohabitation avec le chef de l’État.

Vous vous en souvenez Monsieur Henri de La Tour a été élu il y a plus de deux années et demie, à la fonction suprême, mais sa formation politique n’a pas recueilli la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, ce qui l’a conduit à rechercher une personne, en l’occurrence moi, capable de former un gouvernement et d’avancer pas à pas sur les textes législatifs et le vote du budget.

Je tiens à vous dire de suite que mes rapports avec le chef de l’État sont bons, mais pas amicaux. Nous partageons peu de choses sur le plan politique et encore moins sur le plan personnel.

Mon gouvernement je l’ai formé en mixant des “techniciens reconnus” à des postes clés, comme votre ministre de l’intérieur et Antoine Guéret à l’économie et des personnalités politiques aguerries, aux autres fonctions notamment régaliennes.

Ma tâche est ardue, je vous l’affirme et chaque texte fait l’objet d’une bataille avec les différents groupes chez les députés, sans oublier le Président de l’Assemblée qui n’est autre que le doyen, issu des rangs de la droite extrême, faute de majorité.

Enfin et parce que nous risquons de l’avoir dans les pattes rapidement, le Président du Sénat, Pierre Desmaret, jouit d’une belle majorité à droite au palais du Luxembourg, qui ne me passe rien.

Ce tableau idyllique vous convient-il, Monsieur Scaglioli ? »

L’ex-divisionnaire n’en demandait pas autant, mais il prend note de toutes ces informations confidentielles, cela va sans dire.

Une fois de plus il a d’autres questions et surtout une interrogation sur le couple présidentiel.

« Je m’attendais à votre demande, Monsieur le divisionnaire, et je reconnais bien là votre sagacité policière.

Pour faire simple, je peux vous dire que nous avons affaire à une Première Dame au fort caractère.

Contrairement à toutes les autres dames qui ont endossé cet “habit”, Madame Caroline de La Tour, née Pascale, depuis l’élection de son mari a poursuivi son activité de patronne de son fonds d’investissement américain. Elle n’endosse le rôle de première dame de France, titre qui l’a fait bondir, que lors des cérémonies et déplacements très officiels.

Son agenda est partagé entre son bureau londonien, ses déplacements professionnels aux quatre coins du monde et ses deux fils, qu’elle adore. »

« Et le couple dans tout cela Monsieur le Premier ministre ? »

Le chef de gouvernement reste quelques secondes silencieux :

« Quand on a épousé un mari qui réfléchit plus avec sa “queue” qu’avec sa tête, l’union n’est qu’une façade. »

À son tour Pierre Scaglioli fait silence, jusqu’à l’entrée de la voiture ministérielle dans la cour de Matignon.

Les deux hommes se regardent longuement, ils se sont compris.

« Rendez-vous ici à 13h00 monsieur le divisionnaire, et s’il vous plaît apportez-moi de bonnes nouvelles. »

Chapitre 2

Jeudi, 10 h

« La mémoire et les questions »

La bouche pâteuse, les yeux paresseux, un mal de crâne identique à un état grippal ou plus simplement des symptômes comparables à une belle gueule de bois, ce sont les premiers ressentis de Henri de La Tour lorsqu’il émerge de son sommeil et prend conscience de sa situation.

Quelle heure est-il ?

Où est-il ?

Que s’est-il passé ?

Il est urgent qu’il remette de l’ordre dans sa mémoire et retrace les dernières heures, mais ce qui l’intrigue c’est le lieu dans lequel il se trouve à l’instant présent.

Aucune lumière extérieure, table, chaise, lit, toilette et lavabo le tout en métal, quelques coussins, mais rien de très confortable, des murs en béton brut, vraisemblablement d’une bonne épaisseur, avec une lourde porte blindée, aux fermetures identiques à celles des navires, ou sous-marins.

Incompréhensible !

Il n’entend aucun bruit extérieur, seule sa respiration un peu forte et cadencée rompt le silence pesant de cette pièce.

Un mobilier digne d’une cellule de prison, mais la porte ne correspond pas au produit.

Que fait-il là ?

Cette situation l’agace, l’énerve.

« Je peux parler à quelqu’un ? Où suis-je ? Qui êtes-vous et pourquoi m’avez-vous enlevé, car il s’agit bien de cela. Vous parlez français, Do you speak English ? Sprechen sie deutsch ? Hablas espanol ? »

Il se tait quelques secondes, puis hausse la voix en insistant pour avoir des réponses à ses questions.

Le silence demeure.

Il en profite pour inspecter son lieu de détention. Tout est neuf, parfaitement propre, aux quatre coins de la pièce, il distingue des caméras et des ampoules led de taille différentes incrustées dans le plafond.

Garder son calme, c’est ce que se répète intérieurement le président de La Tour.

Je ne suis là que depuis quelques heures, au maximum une journée, les recherches ont forcément commencé, tous les policiers et gendarmes de France sont à ma recherche, mais de quels indices disposent-ils pour me retrouver rapidement ?

Voyons, que peuvent-ils découvrir depuis mon départ du palais de l’Élysée, disons hier soir.

Ma dernière réunion avec David, Alain, Juliette et mon Sherpa, consacrée à mon prochain déplacement en GRÈCE à la fin du mois, s’est terminée vers 23 h.

Je les ai salués, leur souhaitant un bon repos, puis je me suis dirigé vers mes appartements privés, dont on n’a toujours pas changé ce mobilier, que je déteste.

J’ai enfilé un Levi’s, un pull et mon blouson de cuir, identique à celui de Bernard, mon officier de sécurité à qui j’ai emprunté sa moto pour me déplacer, incognito, dans Paris.

Un SMS à Caroline, pour prendre des nouvelles des garçons, puis un autre, sur mon autre portable jetable, pour annoncer mon arrivée dans le quart d’heure.

Je me suis faufilé dans cette tenue, le long des couloirs peu éclairés à ma demande pour préserver la facture énergétique du palais, jusqu’au passage vers l’Hôtel de Marigny et son garage où sont parfaitement rangées et entretenues les voitures présidentielles et quelques autres véhicules

À cette heure avancée de la nuit, aucune présence humaine dans ces locaux, j’ai enfilé mon casque intégral, identique à celui de Bernard, composé le code d’accès et suis sorti sans encombre.

Direction le 15° arrondissement où je stoppe la moto face à la porte d’un garage d’immeuble. Un petit coup de bip et je disparais au premier sous-sol, où une place a été libérée à mon intention.

Je garde mon casque, des caméras sont disposées dans divers endroits de cet ensemble immobilier.

L’ascenseur m’amène jusqu’au 5° étage, puis à gauche la porte est entrouverte, on m’attend.

Un peu comme d’habitude vers 2 h 30, 2 h 40, je repars, par le même chemin.

J’enfourche la BMW grise… puis plus rien et me voilà ici.

Le noir total pour moi et je crains que cela fasse bien peu d’indices pour que la police me retrouve.

Mes ravisseurs ont-ils embarqué la moto pour ne laisser aucune trace derrière eux, ou au contraire l’ont-ils abandonné dans ce sous-sol, histoire de bien compromettre une personne ?

Plus je réfléchis et plus les questions s’ajoutent les unes aux autres, mais toujours aucune réponse.

Puis viennent les autres sujets encore plus préoccupants.

D’abord, la direction du pays. Le Premier ministre qui ne me veut aucun bien va se régaler à prendre des décisions.

Il va jouer au petit chef, rôle dans lequel il excelle !

Le ministre de l’Intérieur va se prendre à nouveau pour l’ancien préfet de police qu’il fut, il va diriger ses troupes comme en temps de guerre. Encore une personne que j’ai dû valider, mais qui ne me plaît pas.

Celui en charge des armées n’est pas beaucoup mieux, cet agriculteur, ex-sénateur, réserviste, qui est droit dans ses bottes et souvent obtus.

Un crétin, rien d’exceptionnel dans un gouvernement, mais à bien regarder celui qui m’a été imposé par la constitution est particulièrement sot.

Ma disparition va aussi soulever bien des questions dans le petit monde des affaires et à son tour le prétentieux ex-banquier devenu par la grâce de monsieur Roussel le ministre de l’Économie va devoir faire preuve d’intelligence pour calmer la bourse et les milieux financiers.

En parlant du monde de l’argent, j’en oublie presque ma chère et tendre épouse qui passe sa vie à jouer au « Monopoly » en grandeur nature, achetant ou vendant à tour de bras, via son fonds d’investissement, des participations et actions dans des entreprises sur la planète entière.

Enfin nos deux fils, qui vont une fois encore se retrouver pourchassés par les minables photographes et journalistes de seconde zone, toujours à la recherche du fameux scoop. Je crois que Mitterrand les avait surnommés « des chiens », ce terme me paraît impropre, nos amis canins sont bien plus affectueux et intelligents, que ces « journaleux ».

Qui est derrière mon enlèvement ? Un geste politique, crapuleux, ou une action terroriste ?

« Y a-t-il quelqu’un derrière votre batterie de caméras qui peut me répondre ? Je vous demande simplement de me parler, est-ce trop demander ? »

Le silence persiste, jusqu’à ce que la porte s’entrouvre, laissant passer une autre lumière artificielle de l’autre côté. Un plateau contenant un croissant et un bol de café noir est déposé sur le sol, avant que promptement on referme et verrouille cette lourde porte.

« Puisque vous êtes là, je vous prie de bien vouloir me répondre, votre silence ne change rien à ma situation, je souhaite simplement que nous nous parlions ! »

Le Président de La Tour pour patienter avale son croissant, encore chaud, et son café noir qui ressemble à s’y méprendre à celui que l’on consomme de l’autre côté de l’atlantique. De l’eau chaude tintée couleur café qui ne vous fait ni bien ni mal.

Brusquement toutes les lumières s’allument, éblouissant le « détenu ».

« Vous êtes en notre compagnie depuis très exactement sept heures. Vous n’avez opposé aucune résistance, ce qui aurait été difficile pour vous et surtout inutile.

Nous vous ferons connaître les raisons de votre présence parmi nous dans les heures qui viennent, mais je vous invite à rester calme. Votre passage à nos côtés ne dépend que de votre classe politique, c’est elle qui va décider de votre sort. »

Une voix rauque, artificiellement déformée, poursuit :

« Notre action, une fois connue, sera approuvée par une majorité de Français.

Le pays a besoin de retrouver ses vraies valeurs, mais surtout une classe politique honnête, respectueuse des engagements, qu’elle prend à chaque scrutin électoral. Il est temps pour notre Nation de retrouver son lustre passé et de redonner à notre peuple sa fierté d’appartenance. »

« C’est quoi ce charabia de seconde zone », hurle le Président de la République.

La voix mécanique reprend :

« Je ne vous ai pas autorisé à parler, mais puisque vous semblez toujours dans votre petit monde de menteurs, hautains, où votre immodestie brille de mille feux, je vais vous laisser encore du temps pour votre introspection. »

« Qui est derrière mon enlèvement ? Répondez cher donneur de leçons aux valeurs pures, vous qui ne mentez jamais » s’emporte Henri de La Tour.

« Toujours aussi arrogant monsieur l’ex… » la voix s’éteint comme les lumières de la pièce où est retenu le Président de la République.

Voyons, retrouve ton calme, Henri ! Que peux-tu retenir de ces quelques paroles au-delà des inepties sur les hommes politiques et leur comportement.

Dans quelques heures je saurai le pourquoi de ma détention et c’est la classe politique tout entière qui va décider de mon sort.

Henri réfléchit !!

La constitution prévoit la vacance du pouvoir et son intérim, mais aussi dans un article, le 68 (lui semble-t-il) la destitution.

Un seul Président de la République démissionna pour des raisons de santé, il s’agissait de Paul Deschanel, sous la III° République.

Henri de La Tour cherche dans sa mémoire les termes exacts de cet article constitutionnel qui pourrait le pousser à s’en aller.

« Manquer à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat. »

Cela ne veut rien dire, ou plus exactement, très imprécis.

Il lui semble qu’avant la révision en 2007, l’article original mentionnait le concept de haute trahison, mais une majorité l’a remplacé par un concept plus large et flou, ouvrant des champs possibles.

Mon comportement personnel n’est pas sans tache, mais je n’ai ni tuer, ni violer, ni trahit certes je ne suis pas d’une grande fidélité conjugale, mais à l’exception du Général de Gaulle et de Georges Pompidou, les histoires de femmes autour des différents présidents sous la Ve République ne manquent pas.

« J’ai encore une question si vous êtes encore là ? »

Les lumières à nouveau illuminent la pièce de détention.

« Que souhaitez-vous savoir ? »

« Qui m’a trahi ? Personne n’était informé de mon déplacement cette nuit dans le 15e arrondissement, pas même mes trois plus proches collaborateurs. »

Un petit silence suit cette question, ce qui intrique le Président de La Tour.

« Des personnes qui ne vous apprécient pas, il y en a !

Des imprudences commises par vous et votre entourage, il y en a !

Des imbécillités de la part de votre amie, il y en a !

Mais votre présence ici, comme toujours chez vous, les prétentieux du pouvoir, c’est simplement le fait d’avoir sous-estimé les autres !

Vous n’êtes pas plus intelligent que la moyenne, et votre enlèvement si facile le démontre de manière flagrante.

Maintenant vous m’excuserez, mais j’ai fort à faire. Je reviens vers vous dans une petite demi-heure. »

Les lumières, de véritables projecteurs installés au plafond s’éteignent et Henri de La Tour se retrouve à nouveau dans une demi-obscurité.

Que me préparent ces personnes ?

Organisés, ils le sont, avec des moyens financiers et techniques importants à n’en pas douter, mais je n’arrive toujours pas à comprendre, ni leur motivation, ni l’organisation qui se dissimule derrière, car il n’est pas possible qu’une seule personne ait pu mettre au point toute cette logistique.

Trente minutes à patienter.

Que vont-ils me demander ?

Dois-je me montrer serein, dans l’attente d’une libération prochaine par les forces de police et de gendarmerie, qui sont forcément à ma recherche, ou négocier avec eux comme pour une prise d’otage classique, ou ne plus participer à leur drôle de jeu et me murer dans un profond silence.

Les lumières se rallument une fois encore, mais avec beaucoup moins d’intensité, et surprise le miroir encastré au-dessus du lavabo, se transforme comme par magie en un écran multimédia.

« Je vous invite à regarder le programme qui suit monsieur de La Tour. »

Le Président de la République s’avance lentement vers son lavabo et son miroir-écran à une distance d’un petit mètre.

Le générique traditionnel d’une allocution solennelle du chef de l’État s’affiche ainsi que la « Marseillaise » qui l’accompagne en fond sonore.

Henri de La Tour se découvre à l’écran, incroyable !!

Abasourdi, tétanisé par cette image de lui, il se fige et durant plus de cinq minutes s’entend annoncer à tous les Français sa démission pour raison de santé…

Impossible, ce montage grossier ne peut duper les Français, même sur les fameux réseaux sociaux friands de fake news, une telle information ne peut être crédible.

Pour autant, cet homme lui ressemble parfaitement, la voix est la sienne, comment ont-ils fait ?

La Marseillaise à nouveau retentit l’allocution de l’ex-président de La Tour est terminée et son mandat aussi.

Chapitre 3

Jeudi, 12 h

Cause commune

Pierre Scaglioli n’a qu’une petite heure pour tenter d’y voir un peu plus clair dans cette affaire d’État, avant de retrouver le Premier ministre, à 13 h.

Il a rejoint, avec son pote Dimitri et le capitaine Duparc, non pas le « 36" du quai des Orfèvres, trop visible, trop de questionnement pour toutes les personnes qu’ils pourraient être amenés à croiser, mais une salle de crise place Beauvau, que leur ministre a mis à leur disposition.

Une salle dite de crise, c’est avant tout des moyens techniques, des écrans, des terminaux des téléphones directs avec toutes les préfectures, les autres ministères et bien entendu les services très spécialisés et pointus de la famille police nationale.

Comme à son habitude, Pierre réclame des paperboards. Il ne sait pas travailler autrement. Il est de la vieille école.

Depuis leur départ de l’Hôtel Matignon, Dimitri a réuni une équipe de vingt personnes autour d’eux, toutes totalement dévouées à leur commissaire Faure et fières de faire partie d’une enquête dirigée par le divisionnaire corse.

« Mesdames, Messieurs, avant de vous dévoiler l’affaire qui va nous occuper durant les jours et les nuits qui viennent, je vais exiger de chacun d’entre vous une confidentialité totale, dès maintenant et jusqu’à la fin de votre vie.

Ce secret absolu passe par la rédaction de votre lettre de démission, dont le modèle vous ait présenté maintenant. Cette lettre prendra un effet immédiat, si votre silence vient à être rompu auprès de toute personne étrangère à l’équipe ici présente.

Je vous précise que la décision, si elle devait être prise, le serait de manière commune entre le divisionnaire Scaglioli et moi-même.

Si cet engagement est trop lourd pour l’un d’entre vous, vous êtes libre de quitter cette salle de crise dans les 30 secondes qui suivent. »

Les propos du commissaire Faure ont été reçus dans un silence de plomb, puis dans la seconde qui suit chaque policier présent s’installe autour de la table et s’attache à la rédaction rapide de sa lettre personnalisée.

L’enquête peut véritablement débuter.

Dimitri Faure dresse l’ensemble des points connus, en déroulant minute par minute les faits avérés et les actions entreprises par les uns ou les autres.

Ceci posé, tout est à faire.

« Pierre tu veux fixer le plan de travail et définir le qui fait quoi ? »

« Affaire exceptionnelle, dispositif exceptionnel. J’expose mes suggestions, vous pouvez me les complétez et chacun saura prendre la partie pour laquelle, il ou elle se sent le plus capable de la mener à bien urgemment.

Dans le désordre je sous soumets les points suivants :

Je veux que l’on visionne toutes les caméras de l’Élysée celles de l’intérieur et aussi celles qui sont dirigées vers l’extérieur, pour une fois elles vont être plus parlantes que les premières. Il est vrai que le dispositif de sécurité du palais présidentiel est davantage conçu pour se défendre contre une attaque venant de l’extérieure, qu’une fuite de l’intérieur.