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Alors qu’ils s’apprêtent à prendre un Eurostar pour Londres, un homme et sa femme se font arrêter à la Gare du Nord. Le motif est un banal procès-verbal de stationnement non payé depuis quatre ans. Convoqués au commissariat, ils découvriront, stupéfaits, que leur voiture a été empruntée à leur insu. Ils chargeront par la suite leur avocat, ainsi qu’un ancien flic à la retraite, d’enquêter afin de connaître ce qui s’est réellement passé.
Jusqu’où mèneront les pistes détectées par le policier ? Trouvera-t-il les responsables de cette curieuse disparition par ses seuls moyens ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après Spin Doctor dans l’ombre, un premier ouvrage qui retrace son parcours professionnel, Marc Vanghelder, le verbe acerbe et l’esprit caustique, nous plonge, cette fois, dans un thriller jonché d’intrigues et de rebondissements.
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Seitenzahl: 599
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Marc Vanghelder
Malin pour quatre
Roman
© Lys Bleu Éditions – Marc Vanghelder
ISBN :979-10-377-7089-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Après 18 mois de COVID 19, voyager est à nouveau possible. La première sortie s’avère être un trajet pour Londres.
Depuis des semaines, Rachel sa belle fille et sa femme Sophie ont tout organisé afin que ce premier déplacement soit une réussite.
Sa belle-fille a changé d’appartement, après les deux premiers confinements décrétés par Boris Johnson en Angleterre, et la jeune fille et son compagnon anglais Jim sont impatients de leur faire découvrir.
Alexandre a toujours eu un faible pour Londres, il est ravi de retrouver le dépaysement de la capitale britannique.
Bagages peu conséquents, ils ne resteront que trois jours, direction en taxi vers la gare du Nord, le point de départ obligé avec l’Eurostar.
Deux heures et vingt minutes, qui dit mieux ! à peine le temps de parcourir la presse, de regarder un film ou une série sur Netflix, tout en ingurgitant, sans plaisir, un repas bien light, qui a le mérite d’exister, mais qui ne ressemble en rien à de la nourriture.
Sophie est très excitée. Sa fille lui a beaucoup manqué.
Les FaceTime ne peuvent remplacer le contact direct, les embrassades, tous les petits gestes tactiles et attentions entre une mère et une fille.
Alexandre et Sophie sont un couple, à la tête, d’une famille recomposée, et cela depuis une quinzaine d’années.
Depuis la prise de leurs billets, ils ont reçu un grand nombre de messages de la compagnie ferroviaire pour les mettre en garde. De nombreux documents administratifs sont devenus obligatoires.
Un formulaire d’une dizaine de pages, avec votre profil complet, vos vaccins, votre domiciliation sur place à Londres, votre éventuel lieu d’hébergement si vous êtes atteint de ce fameux Covid 19 durant votre séjour.
Sans oublier le test à effectuer 48 h avant votre retour, dont vous connaîtrez le résultat seulement après votre arrivée à Paris.
Le couple s’est exécuté, y compris leur test PCR de moins de 48 h qui représente le blanc-seing pour voyager.
Tous ces contrôles rajoutent du temps à passer en gare avant l’enregistrement et les contrôles d’identité.
Deux heures avant leur embarquement, Alexandre et Sophie attendent, fébrilement, que les portes s’ouvrent au premier étage de la gare.
On sent bien que les contrôles sont renforcés, mais, après tout, quoi de plus normal quand on veut tenter d’être efficace face à une pandémie comme celle que le monde entier subit depuis plus de dix-huit mois.
Le couple est dans les premiers passagers et au feu vert, ils ont droit, comme ils s’y attendaient, au premier examen de leurs documents « So British ».
Alexandre en premier puis vient son épouse Sophie.
La seconde étape est la plus classique, puisqu’il s’agit de scanner son billet.
Alexandre et Sophie s’en acquittent, l’un après l’autre.
Direction le poste de la police française pour le contrôle de leur pièce d’identité. La carte d’identité est encore valide jusqu’en octobre prochain, et au cas où vous ne le sauriez pas, un message vous est asséné toutes les dix minutes dans la gare.
Passé cette date un passeport sera nécessaire.
Cela ne concerne pas Alexandre, en rebelle ou simplement parce qu’il voyage beaucoup et depuis fort longtemps, il ne possède qu’un passeport.
Un bonjour poli au policier derrière sa vitre, qui poursuit, comme très souvent, sa petite conversation avec son collègue, dans « son bocal de verre ».
Alexandre lui passe son passeport à la bonne page, ainsi que son pass sanitaire affiché sur son smart phone.
Un passage de la bande magnétique dans son ordinateur et un petit coup d’œil pour savoir si la personne de l’autre côté de la vitre ressemble vaguement à la photo du document.
Tout est en règle il va pouvoir passer à l’étape suivante, le PARAFE utilisé par la police anglaise.
Ce contrôle automatique des frontières par le biais d’une authentification biométrique multimodale, y compris la reconnaissance faciale, semble amplement satisfaire les autorités de la couronne britannique.
Cela ne marche pas toujours, mais ici, contrairement à Roissy ou Orly, cela paraît plus fiable.
Cependant, avant que de se rendre à cette nouvelle étape, Alexandre attend derrière la boîte vitrée du poste de contrôle français sa femme qui le suit.
Bizarrement, les secondes s’égrènent puis les minutes. Ne la voyant pas le rejoindre, Alexandre fait quelques pas en arrière vers son épouse, sans franchir la ligne virtuelle de ce poste vitré.
La police pourrait ne pas apprécier.
Alexandre voit sa femme debout face à la vitre et au policier qui s’échine à passer et repasser la bande magnétique du passeport de Sophie dans son bidule informatique.
Manifestement, il se passe quelque chose d’anormal, pour qu’il se tourne vers son collègue, puis en appel un troisième.
Que peut-il bien se passer pour que Sophie soit ainsi regardée, retardée, puis conduite par une jeune policière, hors de la file, vers un bureau de la PAF (Police aux frontières) ?
Alexandre, à la fois inquiet et dubitatif, la suit avec l’accord des forces de l’ordre, au demeurant fort polies.
Une nouvelle attente commence.
Heureusement, le couple a une heure et demie de battement avant leur départ prévu à 17 h 20.
Le mari interroge sa femme afin de connaître les éventuelles raisons invoquées par les policiers pour ce contrôle qui s’éternise.
Rien ! elle est dans le brouillard, sans aucune explication de qui que ce soit.
Devant ce poste de police, on s’agite.
Des policiers, hommes et femmes, rentrent et sortent.
Le moment des rotations dans les postes de contrôle est manifestement arrivé.
À chaque fois que la porte du bureau s’ouvre, Alexandre jette un coup d’œil et constate une certaine confusion autour du passeport de sa femme.
Il leur est déjà arrivé d’être quelque peu questionnés lors de certains passages de frontières. Sophie dispose d’une double nationalité franco-israélienne et parfois un léger trouble s’installe lors de ces contrôles.
Mais depuis des années ils se rendent par ce même moyen de transport, à savoir l’Eurostar à Londres, sans jamais le moindre problème.
Déjà dix bonnes minutes se sont écoulées, quand un responsable gradé, d’assez forte corpulence, se dirige vers eux.
« Madame, bonjour ».
Puis se tournant vers Alexandre :
« Vous êtes le mari de madame ? »
Réponse positive par un hochement de la tête.
Le policier poursuit :
« Nous avons, madame, un petit problème avec votre passeport. Il semble que vous vous soyez rendu coupable d’une infraction au Code de la route et qu’une condamnation pénale à votre encontre n’ait pas été réglée. Vous êtes de ce fait inscrite au registre des personnes recherchées, ce que nous signalent notre ordinateur et notre base de données.
Donc nous nous trouvons devant la situation suivante. Nous devons vous conduire au poste de police principal, dans le hall de cette gare.
Là, un de mes collègues devra soit vous notifier une convocation lors de votre retour de Londres, soit interroger maintenant le parquet. Cette seconde hypothèse pourrait prendre un peu de temps et je suppose que vous ne souhaitez pas louper votre Eurostar ? »
« Monsieur, je ne comprends pas de quoi il s’agit vous n’avez aucune information plus concrète au-delà de ce que vous venez de nous dire ? » s’inquiète Sophie.
« Non, malheureusement, mais je vous propose de vous faire accompagner par une de mes collègues, je préviens mon autre collègue au poste principal afin qu’il prépare une convocation pour lundi, ainsi vous perdrez le moins temps possible et pourrez prendre ce train.
C’est l’affaire d’un petit quart d’heure !
On fait comme cela, madame ? »
Sophie échange un regard d’incompréhension avec son mari, mais pour le moment le plus urgent c’est de récupérer la prochaine convocation. Ils y verront plus clair lundi à leur retour et il sera temps alors de tenter de comprendre le pourquoi de tout ce chambardement.
Alexandre reste avec les baguages et sa femme, accompagnée non par une mais par deux policières, s’éloigne.
Lui, prend son mal en patience et continue d’observer le bal des policiers devant cette cahute dans laquelle ils s’entassent tous.
Pas la peine qu’il alerte qui que ce soit. Il ne sait pas de quoi il retourne.
Un petit coup d’œil à sa montre, ils ont le temps.
Quinze minutes écoulées et Sophie revient, toujours accompagnée. Tout le monde a l’air détendu.
« Comment cela s’est-il passé, mon cœur ? »
Calme et sereine sa femme lui répond qu’elle n’en sait pas plus.
Un autre policier en civil lui a remis une convocation pour lundi après-midi.
« Il s’agirait d’une infraction commise dans le Vaucluse il y a plusieurs années, vraisemblablement en 2017 ou 2018, mais le parquet saisi serait celui de Nanterre, donc personne n’y comprend rien, attendons notre retour. Pour le moment la seule chose qui compte c’est notre train et notre séjour chez les enfants ».
Sophie n’est pas une mère juive pour rien et ses filles sont la prunelle de ses yeux.
Heureusement pour eux deux, tout se passe bien avec le PARAFE britannique. Ils peuvent rejoindre le hall d’attente, à proximité de l’escalier désigné pour rejoindre le quai le moment venu.
Cette histoire bizarre, sans les inquiéter, les surprend, bien évidemment.
Comment la voiture de Sophie a-t-elle pu se retrouver verbaliser dans le Vaucluse, alors qu’elle n’y a pas mis les pieds et que le seul moment où ils sont passés dans le sud de la France, c’était avec l’une des voitures de collection d’Alexandre, durant leur périple sur la nationale 7 en juillet et début août 2018.
La voiture est pourtant au nom d’Alexandre et non à celui de Sophie.
Le couple a beau chercher à comprendre, rien ne colle. Ils décident d’un commun accord d’attendre lundi, la lecture du document du parquet.
L’annonce du départ est faite, ils vont retrouver leurs enfants et prendre un grand bol d’air londonien durant 72 heures.
Retour dimanche fin d’après-midi à la gare du Nord, Alexandre et Sophie sont détendus et heureux de ce dépaysement toujours aussi complet, quand ils se rendent de l’autre côté de la Manche.
Leurs enfants étaient en grande forme, leur appartement dans la banlieue sud de Londres est très agréablement agencé.
Le couple aime ces moments à deux, en amoureux. Ils arpentent leurs quartiers préférés, jusqu’alors Camden ou Shoreditch.
Ils doivent bien convenir, pour autant, que le confinement a aussi fait des ravages dans le petit commerce à Londres. Les échoppes sont fermées, les artisans ont disparu des galeries, reste le marché couvert « Old Spitalfields Market » fidèle au poste.
Des restaurants de seconde zone ont fait leur apparition, tristes sans être exceptionnels puisque c’est le même constat partout.
Le e-commerce tue doucement mais sûrement le commerce de proximité. On a tous été heureux de le retrouver durant cette pandémie, mais on s’en détourne, dès que les choses semblent aller mieux.
Le monde est ainsi fait.
Alexandre et Sophie en ont pris leur parti. Ils vont devoir aller à la recherche de nouveaux quartiers londoniens pour trouver des artisans locaux et des produits made in England, loin du made in China.
Le soleil est toujours de la partie en ce lundi midi.
Alexandre accompagne sa femme pour leur retour à la gare du Nord.
Le rendez-vous est fixé à 14 h, ils ont donc un petit moment pour déjeuner rapidement au terminus Nord, le rendez-vous incontournable pour grignoter vite, sans être trop importuné.
L’heure du rendez-vous approche, le couple se dirige vers le poste de police principal dans le hall de la gare du Nord.
À chaque fois qu’Alexandre pénètre dans ce lieu, dont on dit qu’il est le plus fréquenté en Europe, il est à la fois triste et scandalisé par cette gare indigne de son pays.
Quelle image peuvent bien avoir toutes celles et tous ceux, qui arrivent d’Amsterdam, de Bruxelles ou de Londres pour la première fois en France.
Leur première rencontre, c’est cette gare. Elle est dépassée dans ses infrastructures, le parvis est occupé par les sans domicile fixe, les paumés et les camés, le tout dans un bordel automobile, assez indescriptible, puisque chacun s’arrête comme bon lui semble.
En attendant, ils marchent tous deux d’un pas rapide sur un quai coincé entre des bureaux ou locaux en file indienne sur leur côté gauche et une voie ferrée à leur droite, jusqu’au poste de police central.
Un petit coup de sonnette, Sophie décline son identité et le fait qu’elle a une convocation.
Un jeune officier de police vient leur ouvrir. Il les prie aimablement de ne pas rester dans l’entrée qui est bien étroite et peu confortable et les dirige vers un bureau, lui-même bien désuet.
La personne qui doit les recevoir est prévenue, ils n’attendront pas longtemps.
Quelques minutes s’écoulent et un policier en civil, le même que sa femme a rencontré la semaine passée, les retrouve.
Il leur précise qu’il va demander au parquet les éléments d’information et qu’ils peuvent patienter. Il revient dès que possible, mais il est persuadé que cela ne devrait pas être trop long, même si avec le parquet tout est toujours possible !
Un gros quart d’heure et ce policier revient vers le couple avec deux feuilles dactylographiées.
« Bien, madame, monsieur, il s’agit donc d’une infraction pour un stationnement de votre véhicule à Avignon le 22 octobre 2017. Une amende pour ce stationnement illicite non payé qui est passé devant le tribunal de police du Vaucluse et qui a été majoré à 135 €. »
Sophie ébahie regarde son mari puis s’adresse au policier :
« Monsieur, je n’ai jamais été avec mon véhicule à Avignon ! »
Durant cet échange, Alexandre regarde sur son iPhone son agenda et découvre qu’à cette date, qui est un dimanche, ils étaient ensemble à Honfleur, pour un de leurs petits week-ends dont ils raffolent, à La Ferme Saint-Siméon.
Difficile d’être dans ces deux lieux aussi éloignés le même jour !
Fort de ces éléments, le mari se tourne vers l’officier de police pour les porter à sa connaissance.
« Madame vous n’avez pas prêté votre voiture à l’un de vos enfants ou à une personne amie ? »
Une fois encore les regards du couple se croisent rapidement.
En 2017 Sophie venait d’acheter une Audi A8 qu’elle ne prêtait à personne et surtout pas à ses filles. Rachel, son aînée, qui vivait encore à Boulogne Billancourt, utilisait, avec sa sœur cadette Marie, une vieille Chevrolet qui ressemblait encore vaguement à une automobile.
De son côté, les enfants d’Alexandre avaient soit leur voiture, soit pas le permis comme sa petite dernière Joséphine.
Quelle est cette embrouille ? La voiture de sa femme qui se retrouve à 700 km de Paris, un dimanche alors qu’ils sont sur la côte normande.
« Est-il possible qu’il y ait une erreur sur le véhicule, ou sur l’immatriculation au moment de la verbalisation, monsieur le policier ? »
Il semble dubitatif et relit le document bien sibyllin qu’il a entre les mains.
« Je lis qu’il s’agit d’une Audi A8 de couleur gris foncé immatriculée : FR-272-XL, cela correspond-il à votre voiture ? » interroge le policier.
Sophie, qui a toujours du mal avec les chiffres, se tourne vers son mari, qui après une seconde de réflexion, confirme que cela correspond bien à la voiture de son épouse.
« Bien, monsieur le policier pour nous ces faits sont impossibles, donc quelle est la procédure que nous pouvons suivre car, pour nous, soit il s’agit d’une erreur administrative, soit ce véhicule a été utilisé sans notre accord et nous devons savoir par qui. Nous ne saurions en rester là.
Je pense que vous le comprenez ! »
« Je vous comprends monsieur, j’ai malheureusement très peu d’infos en ma possession. Je vais vous laisser ces deux feuilles que le parquet m’a transmises et demander à madame de bien vouloir me signer ce document attestant que je lui ai remis cette pièce venant du greffe ».
Sophie s’exécute en parafant le document et le couple prend alors congé du policier, fort courtois, mais qui ne peut plus leur être utile.
À nouveau le long du quai, ils prennent le temps de se poser.
Quelle est cette histoire ? Ils peuvent évidemment se contenter de régler l’amende de 135 € et clore tout cela. Régulariser au plus vite cette condamnation et ainsi avoir la paix, quand Sophie repassera une quelconque frontière.
Mais c’est pour le moins troublant, qu’un véhicule qu’on laisse dans son box à Paris dans le 16e arrondissement, durant un week-end, se retrouve en infraction dans le Vaucluse.
De retour à leur domicile, ils décident d’interroger, en premier les filles de Sophie.
La maman se charge avec délicatesse et gentillesse de cette mission.
Rachel et Marie sont formelles, jamais elles n’auraient emprunté la voiture de leur mère. Trop grosse, trop chic et de plus Marie déteste les « Audi ». Pour la cadette, tous ceux qui conduisent la voiture aux anneaux sont de mauvais conducteurs pour ne pas dire des « bofs ». Se rendre à Avignon en cachette c’est purement impossible.
Le couple n’imaginait pas un tel scénario, mais il devait s’en assurer.
Sophie propose d’en rester là et de régler cette amende. Encore faut-il savoir à qui et où ?
Se rendre au bureau des services fiscaux proches de leur appartement dans leur arrondissement, pour fixer le bénéficiaire et le lieu de l’envoi du chèque correspondant, semble l’évidence.
Alexandre, quant à lui, entend poursuivre son investigation. Il ne sait pas comment procéder, mais il veut en savoir davantage.
Qui a pu utiliser la voiture de sa femme, durant ce week-end à Avignon ? Un ou une ami(e) ? Un collaborateur de la société de production que dirige son épouse ?
Il l’interroge en ce sens, et sans surprise Sophie est catégorique. Elle ne prête pas sa voiture qui coûte fort cher, à qui que ce soit.
Sa meilleure amie Catherine, à sa MINI pour se rendre dans sa maison de campagne à Fontainebleau et son autre amie Marie-Paule dispose d’une Volvo.
Leurs couples de meilleurs amis vivent entre Boulogne Billancourt et Porto-Vecchio en Corse. Ils ont leurs propres véhicules et n’ont jamais éprouvé le besoin qu’on leur prête une voiture.
Alexandre ne renonce pas.
Des questions toutes plus folles les unes que les autres fusent dans sa tête.
Quand il a rencontré Sophie, par l’intermédiaire d’un de ses meilleurs amis, lui-même producteur, il sortait d’un divorce, que l’on peut qualifier de douloureux et difficile. Ce type d’expérience a laissé chez lui une certaine perte de confiance.
Cette histoire de voiture qui sort d’un box fermé à clé, pour lequel il faut un bip pour ouvrir les portes sécurisées du garage en sous-sol et qui circule sans que l’on sache aux mains de qui, sème un trouble chez lui.
Il préfère évoquer le sujet le plus vite possible avec Sophie.
« Non je n’ai passé ma voiture à personne et ne va pas te faire un film avec je ne sais quoi ! Cette histoire est incompréhensible mais je n’y suis pour rien ! » affirme-t-elle.
Il la croit et ils repartent à la case départ.
« Chéri, toi qui connais la terre entière, peut-être peux-tu en parler à tes amis préfets, avocats ou magistrats ? Ils auront peut-être des suggestions et pourront nous indiquer quoi faire pour essayer de comprendre. »
Ces idées, il les a eues bien entendu, mais il voulait creuser plus avant de déranger des personnes qu’il rencontre dans le cadre de ses affaires et qui sont devenues assez proches pour leur demander un conseil ou un avis.
Avant d’user, de ses relations, Alexandre propose à son épouse, qui accepte, de se rendre à Avignon.
Le lieu où tout a commencé.
Il veut savoir où cette voiture était stationnée et si la police d’État ou la municipale peuvent lui en dire davantage.
Cette histoire met tout d’autant plus sur les nerfs Sophie, qui cherche depuis ce lundi, lorsqu’on lui a remis le document du parquet, comment et à qui payer cette fichue amende.
Une histoire tout aussi Kafkaïenne car personne ne sait à qui et où régler.
La police du 16e arrondissement la renvoie aux services fiscaux, qui, à leur tour, la dirigent vers le tribunal d’instance d’Avignon.
Celui-ci ne répond ni au téléphone ni aux lettres recommandées.
Cela pourrait être risible mais malheureusement, il n’en est rien.
Désabusée Sophie est heureuse d’accompagner son époux dans la cité des papes.
Elle est intriguée pour ne pas dire choquée par le fait que sa voiture, ai été utilisée à son insu ? Elle en profitera aussi pour se rendre au tribunal et régler cette fichue condamnation.
Petit bagage pour 48H, ils se dirigent vers la gare de Lyon, direction Avignon TGV.
Après tout, on peut joindre l’utile à l’agréable, un petit week-end dans le sud, un peu de soleil c’est toujours bon à prendre.
La cité des papes, Alexandre connaît un peu, et à chaque fois qu’il y a séjourné, une nuit ou un peu plus, il a toujours pris ses quartiers à l’hôtel d’Europe, sur la place Crillon, derrière les remparts.
Le couple y dépose ses valises puis se rend directement au commissariat central à l’hôtel de police, boulevard St-Roch.
Une petite balade en amoureux au cœur de la vieille ville, en longeant le boulevard St Dominique.
Un peu de lèche-vitrine, comme on disait autrefois.
Quelques entrées dans diverses boutiques, enfin « originales », loin de toutes ces marques qui pullulent dans les villes et vous donnent une seule envie, celle d’acheter sur internet.
Après tout, quitte à acheter la même chose que tout le monde autant rester les fesses dans son fauteuil, zapper les collections et commander par un petit clic.
Alexandre et Sophie approchent du commissariat, qui ressemble à tous les autres. Des barrières en nombre et des agents à l’extérieur, qui ne vous donnent pas envie d’aimer les forces de l’ordre.
Sophie craint le pire.
Comment va-t-elle leur expliquer ce qui lui arrive ?
Ils vont les prendre pour des cinglés, les regarder de haut, leur dire qu’ils ne sont pas compétents.
Alexandre s’adresse au premier agent en face d’eux. Il tente le plus aimablement possible de lui présenter leur requête.
L’agent de police ouvre de grands yeux et comme ils s’y attendaient, les renvoie vers la police municipale, qui est l’autorité ayant dressé le fameux procès-verbal.
« Oui Mr l’agent j’entends bien et je comprends, mais je voudrais savoir simplement si je Pourrais m’entretenir avec un officier de police pour avoir son conseil.
Comprenez-moi, nous sommes un peu désemparés face à cette très curieuse situation ».
Nouveau regard ni aimable ni courtois du policier en faction.
Alexandre l’ennuie et cela se voit.
Il lui a déjà dit d’aller voir ailleurs, avec les formes, cela va de soi.
Rien à ajouter, circuler comme l’on dit, il n’y a rien à voir.
Un coup d’œil à sa femme et le couple tournent les talons.
Nouvelle destination la police municipale.
Même décor, même entrain, mais cette fois au moins comme ils sont les responsables de cette contravention. Le couple entend bien creuser un peu cette histoire et obtenir des suppléments d’informations, comme diraient les juristes.
De l’agent à l’entrée à un autre, puis à un troisième, ils finissent par obtenir un tête-à-tête avec un « gradé » qui accepte de les recevoir.
Alexandre laisse sa femme exposer les faits qui les ont conduits à Avignon.
Il constate, non pas l’agacement, mais bien la surprise sur le visage du policier en face d’eux.
« Madame vous êtes bien en train de me dire que votre voiture a été verbalisée ici par nous, le week-end du 22 octobre 2017, alors que vous étiez avec votre mari, ici présent, à Honfleur et que personne de votre famille, ou de vos amis ne l’a emprunté et que vous avez retrouvé ledit véhicule dans votre garage quand vous en avez eu besoin ! »
Sophie s’empresse de lui dire que son résumé est parfaitement exact et qu’au-delà de l’amende qu’elle entend régler, elle voudrait surtout comprendre.
« Mr l’agent, disposez-vous de caméras ou d’informations que vous pourriez consulter et nous dire par exemple si sur le lieu de l’infraction, un de vos collègues a constaté quelque chose de particulier, rencontré la personne qu’il a verbalisée, enfin un indice quelconque qui nous permettrait d’y voir clair ? »
« Vous jouez au détective monsieur ? » retourna cet officier de police à l’adresse d’Alexandre.
« Monsieur l’agent, je suis certain que vous feriez de même si une telle mésaventure vous arrivait ! »
Un petit silence s’installa quelques secondes, mais dans ce cas, cela paraît toujours très long.
« Bien, madame, monsieur je ne suis pas habilité à vous communiquer quoi que ce soit, donc je ne peux rien pour vous. Je vous invite à régulariser cette contravention et à profiter de notre belle ville puisque vous êtes descendus de Paris ».
Alexandre sent sa femme prête à relancer le débat, mais il sait par expérience que cela ne servira à rien.
Ce policier a raison sur le fond et comme il ne veut pas se donner la peine de questionner qui que ce soit parmi la troupe de joyeux policiers municipaux, ils n’auront aucune info de sa part.
En sortant, Alexandre propose à Sophie de se rendre au moins sur les lieux du « délit ».
Ils poursuivent leur balade dans les rues du vieil Avignon, bien à l’abri derrière les remparts, qui encore aujourd’hui préservent du bruit, du tumulte de la circulation, en un mot de la civilisation.
En moins de 10 minutes, les voilà rendus au pied d’une église.
Quelle drôle d’endroit pour garer un véhicule, de surcroît un dimanche.
Si on a envie de se faire verbaliser, on ne s’y prendrait pas autrement.
Un petit coup de cœur autour de ce lieu de culte, pour découvrir quelques très belles demeures anciennes, de petits hôtels particuliers comme le couple les aime.
Ces maisons d’hier, qui dégagent un charme fou, sont le plus souvent cachées par de beaux murs, des grilles plus ou moins en bon état et l’on devine presque toujours, des arbres et de jolis jardins fleuris, qui rajoutent ce petit côté bucolique au cœur de la ville.
Ils se promènent, main dans la main, mais sans déceler quoi que ce soit de particulier.
Il y a bien des maisons plus grandes, plus distinguées que d’autres, mais rien qui accroche leur regard ou les arrête dans leur recherche, qui s’annonce bien compliquée.
Que diable allait donc faire la personne avec la voiture de Sophie dans ce quartier ?
Alexandre note à tout hasard le nom des rues qui partent du parvis de l’église et prend quelques photos, en espérant ne pas se faire « engueuler » par les propriétaires de ces maisons.
Il ne leur reste plus qu’à se rendre au tribunal afin de régulariser cette condamnation.
Encore une fois, ils ne sont pas au bout de leur surprise.
Une petite file d’attente, dans laquelle Sophie se glisse. Elle y découvre des hommes et des femmes qui viennent pour des infractions bien plus graves et d’une tout autre nature.
Un homme la questionne avec un léger accent du Maghreb. Quand elle lui livre le motif de sa présence, tout en indiquant qu’elle fait l’objet d’une inscription sur le registre des personnes recherchées, pour un simple PV, elle devient immédiatement l’objet de toutes les attentions et surtout incompréhensions des personnes présentes, bien plus habituées à fréquenter ces lieux.
Un formulaire, puis un autre, avant de se voir remettre un document attestant du règlement de ladite amende. Mais, pour autant, on lui signale qu’elle n’est pas encore sortie d’affaire. La régularisation n’entraîne pas le retrait de son inscription. Il peut se passer plusieurs semaines avant qu’elle n’en soit débarrassée.
Ils rentrent enfin à leur hôtel d’Europe et demain remonteront sur Paris.
Un petit séjour très agréable à Avignon, mais sans réponse à leurs questions.
À bord du TGV, Alexandre poursuit sa réflexion.
S’agirait-il d’une usurpation d’immatriculation ? Cela arrive ! Il faut bien accepter l’idée que la police municipale n’a pas fait d’erreur ni sur le jour ni sur le véhicule.
Alexandre décide d’en parler à l’un de ses amis magistrats pour connaître son avis sur la marche à suivre.
Le réveil sonne chaque matin à 6 h 30 précises.
Mathilda ouvre un œil et comme chaque jour s’interroge sur cette heure bien matinale.
Elle n’a pas d’heure précise pour se rendre à son travail, puisqu’elle bosse à la maison, mais elle s’est astreinte à une hygiène de vie qui la conduit à faire chaque jour, quels que soient l’endroit et la météo, ces dix petits kilomètres de footing.
Elle appuie sur le commutateur près de la tête de son lit, pour actionner les volets extérieurs électriques de sa chambre.
Pas un mouvement, elle ne bouge pas, elle attend.
Il y a cinq ans maintenant, elle a pu acquérir après des mois de recherches sur tous les sites des agences immobilières l’appartement de ses rêves.
Il n’a rien de gigantesque, un petit 100 m2, au dernier étage, avec une petite terrasse de 20m2, mais cet appartement à la particularité de donner sur la tour Eiffel.
Un très joli loft rue Raynouard, au calme certain, avec une vue imprenable sur le monument qu’elle aime depuis qu’elle est toute petite et qui la met immédiatement de bonne humeur quand elle l’observe.
Alors à l’heure de se lever même tôt pour beaucoup de gens, elle profite de cet instant.
Les quelques secondes, où le rideau électrique va doucement mais sûrement dégager centimètre par centimètre le monument aux yeux de Mathilda, se savourent.
Le jour se lève et annonce une belle journée sur la capitale, mais cela lui importe peu car elle doit se rendre en Italie dans l’après-midi.
C’est davantage la météo sur la capitale de la mode, qui l’intéresse.
Allez ! assez flâner, elle saute du lit et enfile rapidement ses affaires pour aller courir.
Toujours très organisée elle prépare sa tenue avec ses écouteurs et son chrono la vieille au soir, pas de stress et surtout pas de temps perdu au petit matin.
Elle est fin prête.
Un dernier regard circulaire pour constater que toutes les fenêtres et baies vitrées sont fermées, avant de claquer la porte.
Pas question de prendre l’ascenseur, l’escalier pour s’échauffer avant de rejoindre la rue Raynouard, puis la rue Singer et le Ranelagh, avant le bois de Boulogne.
Quelques tours du lac avec de rares habitués, qui comme elle, s’adonnent à leur sport préféré, ou tout du moins à leur exercice matinal, histoire de garder la forme où la ligne, pour certains.
Cette petite heure c’est pour Mathilda déjà le moment de penser à sa journée. Elle anticipe dans sa tête tout ce qu’elle doit faire et le timing qu’elle doit s’imposer, afin que tout soit parfait.
Elle va rentrer, une bonne douche et se sentir déjà une autre femme.
Un petit déjeuner avec des oranges pressées, quelques Krisprolls et du fromage blanc avec une noisette de miel.
Un coup d’œil à sa boîte mail et à ses SMS arrivés dans la nuit ou au petit matin.
Puis la presse : le Figaro, les Échos, le Parisien, le Temps et le NY Times, le tout en restant à l’écoute de France Info pour savoir en un minimum de temps, l’essentiel.
Il y a bien longtemps qu’elle n’écoute plus toutes ces radios dites généralistes qui invitent toujours les mêmes copains pour échanger sur les mêmes sujets qui n’intéressent qu’eux.
Pas davantage les radios dites musicales qui s’apparentent davantage à des radios publicitaires.
Sa valise est évidemment prête, avec juste l’essentiel pour les quelques jours qu’elle doit passer à Milan.
Elle a appris à voyager léger et à user des services en chambre dans les hôtels de luxe dans lesquels elle descend.
Pourquoi se charger quand on peut chaque jour laisser son linge et le retrouver le soir même plus doux que si vous vous en étiez chargé personnellement ?
Son sac à dos avec son Mac, son iPad, ses chargeurs, son passeport et le double papier de toutes ces réservations, avion, limousine, hôtel.
À Milan comme dans beaucoup de grandes villes, elle a fait le choix de descendre dans un établissement du groupe Hyatt. Elle est membre du Hyatt gold passport, ce qui la rassure.
Pas de surprise, à l’accueil on va la reconnaître immédiatement et la traiter, comme une cliente privilégiée.
Elle sera servie en conséquence, disposera des petits plus à l’étage Club et d’un room service à la hauteur de ces grandes chaînes hôtelières.
Elle est aussi membre d’autres grandes chaînes comme IHG hôtels & resorts ou du small luxury hôtels of the world.
En l’espèce à Milan le Hyatt a toujours eu sa préférence. Il est situé dans l’un des plus beaux endroits de cette ville, à l’entrée de la Galleria Vittorio Emamuele II, qui débouche ensuite sur la plazza del Duomo, où trône la cathédrale de milan.
Le footing touche à sa fin.
Il est temps de rentrer.
7 h 55, quelques étirements, une petite marche rapide pour rentrer à son domicile. Elle croise celles et ceux qui se précipitent vers le métro de la station La muette. Seuls ou avec des enfants, tous pressent le pas.
La journée commence et pas question de prendre du retard dès le début.
En arrivant devant la grille du jardin et la façade de son immeuble, Mathilda a toujours un petit rictus de satisfaction.
Elle est chez elle, son rêve s’est réalisé.
Un premier digicode, quelques pas dans ce hall majestueux, où l’art déco est omni présent, mais aussi un peu « too much ».
Une deuxième porte et un second digicode, pour atteindre soit l’ascenseur, soit l’escalier.
Après dix bornes de footing, on peut profiter de l’ascenseur, sans arrière-pensée pour rejoindre le dernier étage, son étage.
Chaque fois qu’elle est dans cette situation, elle a une petite musique qui lui rappelle combien elle est chanceuse d’être ici dans cet immeuble qui n’est pas le plus beau de Paris mais qui est si authentique, si 1930, avec son jardin donnant sur la seine, la rive gauche, son 15e arrondissement et sa tour Eiffel.
Il y a des rêves qui restent en l’état, d’autres qui se transforment en idée fixe, sans succès et puis il y a ceux que l’on peut assouvir.
À 40 ans passés, Mathilda a pu réaliser le sien.
Elle a connu par le passé de beaux endroits.
Pas quand elle était étudiante, chez ses parents, qui étaient des personnes cossues avec un haut pouvoir d’achat, des gens aisés pour les uns, riches pour les autres.
Elle était déjà dans un petit cocon à Neuilly-sur-Seine, mais l’esprit petit-bourgeois la dérangeait quelque peu.
Et puis trop loin de la seine, trop loin du Troca, trop loin de la dame de fer.
Plus tard, après son mariage, fruit d’un peu d’amour et de trop de raison, avec un co-disciple de Sciences Po, puis de la faculté de droit d’Assas, le couple prit un joli appartement haussmannien dans le 8°, rue du Cirque à deux petits pas du ministère de l’Intérieur et de l’Élysée.
Durant trois années ils vécurent là, avant de se séparer d’un commun accord.
Rien à partager vraiment.
Il aimait la musique classique, elle le jazz et les Beatles.
Le week-end il s’habillait comme un plouc. Elle ne conçoit pas de ne pas être tirée à quatre épingles, même pour aller faire son marché.
Il aimait sortir ou organiser des dîners à la maison pour accroître son relationnel business, elle aimait le boulot fini, retrouver le calme de sa maison.
Mais surtout il voulait des enfants et pas elle.
Enfin pas tout de suite et sans doute pas avec lui, qu’elle n’aimait pas assez pour cela.
Elle s’installa alors dans le 18e arrondissement à Montmartre, rue Ravignan un joli appartement retapé par les proprios, qui avaient su casser quelques murs, ouvrir définitivement des portes et surtout faire de deux petits appartements un seul, vaste et lumineux.
Montmartre un choix, loin de son bureau d’avocat, situé rue du faubourg Saint Honoré non loin de l’Élysée, encore !
Les Abbesses, une ambiance encore un peu villageoise. Certes les touristes et les bobos sont de loin les plus nombreux aujourd’hui, parfois très envahissants, surtout le dimanche, quand tout est fermé dans la capitale, à l’exception de quelques quartiers, dont celui de la butte.
Mais surtout pour cet appartement qui a une vue, à couper le souffle sur tout Paris avec au loin un monument qui scintille toutes les heures.
C’est dans ce havre de paix que Mathilda apprit le décès de ses deux parents, dans un accident de voiture.
Ce moment si douloureux et tragique l’avait cruellement rappelée à une autre réalité. Celle de faire face à de nouvelles obligations.
D’abord gérer les obsèques, en tenant compte de choix différents pour son père et sa maman. Puis le moment si délicat de la rencontre avec la notaire, une amie de la famille, qui ne lui apprendrait sans doute rien qu’elle ne sache déjà. Ses parents possèdent trois bijouteries une à Deauville, la seconde à Cannes et la dernière, qui fût la première crée, à Paris rue de la Paix. Le fruit de toute leur vie de travail. Sans omettre dans ce patrimoine l’appartement à Neuilly, qu’elle n’aime pas et dont elle va se séparer.
Quand on est une jeune avocate, que faire de ces biens commerciaux ? Elle n’est pas du métier n’a jamais eu envie de poursuivre le travail de ses parents.
Par ailleurs, depuis quelques années, lors des déjeuners ou dîners en famille, le débat était plus tourné sur la vente de ces boutiques que vers leur développement.
Le temps des boutiques multi marques, au caractère familial est quasi révolu. Les grandes marques veulent leurs propres lieux de vente, bien spécifiques où tous leurs modèles pourront être présentés aux clients, sans la concurrence des autres bijoux.
Elle a décidé de vendre tout cela.
Elle n’a pas le goût du commerce. Supporter des clients, surtout les plus aisés financièrement qui sont rarement les plus aimables.
Les collaborateurs et leurs petits soucis du quotidien, elle n’a pas la fibre « sociale ».
Enfin les banquiers et les fournisseurs sont clairement des personnes qu’elle rejette.
Non décidément tout cela n’est pas pour elle.
La vente de tout ce patrimoine lui rapportera un très beau capital, moins les impôts de succession. On est en France ne l’oublions pas.
Elle devint toutefois une jeune millionnaire.
Trois bonnes années furent nécessaires à Mathilda pour accepter ce deuil si cruel et si rapide. La vente de l’entreprise régularisée, ce fut le temps aussi de la réflexion sur sa propre vie.
Profiter de la vie, chacun se le répète, quand un ami ou un membre de la famille disparaît trop tôt, mais peu de personnes passent à l’action.
On s’installe dans son quotidien, souvent par obligation, alors qu’à chaque instant cette vie peut basculer.
Le départ de ses deux parents si chers à ses yeux fut l’élément déclencheur.
Plus question de poursuivre son travail dans le cabinet où elle est la petite main, la faire valoir des associés du cabinet, avec bien peu de chance de le devenir à son tour dans quelques années.
Pas le temps ni l’envie d’attendre.
Et puis, surtout, elle a voulu faire droit pour défendre les plus démunis, à défaut de la veuve et de l’orphelin, pas pour servir les « petits malins », qui veulent coûte que coûte passer au travers des mailles du filet, en utilisant les avocats qui connaissent mieux les juges, que la loi.
Tourner la page mais pour faire quoi ?
Rien !
Une pause une vraie.
À la quarantaine, il y a tellement de gens qui en rêvent.
Ils font un premier bilan sur une vie de famille, qui souvent tourne en rond, ou pire tourne au cauchemar.
On se marie trop tôt, sur un semblant de coup de cœur.
On fait la fête, un joli mariage parfois des enfants, qui n’arrangent pas la vie de couple et comme si cela ne suffisait pas, on est aussi souvent à la croisée des chemins dans sa vie professionnelle.
Bon ! pas toujours, il ne faut pas exagérer. Dans de la fonction publique, par exemple on est à l’abri de ce questionnement, parce que d’aventure, il n’y en a pas.
Mais dans le secteur privé, entre les promotions, que l’on a, ou pas, les difficultés de l’entreprise qui vous stresse, un « zeste » de harcèlement sur le lieu de travail, pour trop de femmes, il y a de quoi s’interroger.
Au-delà de toutes ces considérations, il y a une petite musique très silencieuse, qui sait se faire entendre et qui vous rappelle que vous faites ce job depuis 15 ans ou plus et que vous vous apprêtez à le poursuivre encore 30 ans au moins.
À condition que les politiciens ne changent pas encore les règles du départ à la retraite.
Donc OUI ! profiter de cet argent pour tout changer, Mathilda l’entend bien ainsi.
Changer, pour autant cela ne veut pas dire grand-chose.
Ne rien faire, on se lasse très vite, et puis l’argent si on le dépense et que rien ne rentre ça file encore plus vite que l’eau au robinet.
Arrêter son job pour Mathilda c’était une évidence, y compris pour mieux réfléchir à ce qu’elle voudra faire après les quelques « petits plaisirs » qu’elle entrevoie.
Elle va reprendre tout à zéro.
Cap sur les boutiques et la nouvelle garde-robe.
Mathilda déteste les fringues de marque. Toutes ces dames qui se bousculent avenue Montaigne, ou au Bon marché pour s’acheter la même robe ou manteau que les autres.
Il n’y a plus que cela, à croire que toutes ces femmes ont perdu leur autonomie de pensée. À moins qu’elles soient rassurées par le simple fait d’avoir une marque sur le dos.
Snobisme, bêtise, paresse intellectuelle ou manque de personnalité, bien des raisons à cette mono culture vestimentaire, que Mathilda rejette.
Donc haro sur les petites boutiques avec des produits surtout pas made in china, par conséquent de qualité et avec beaucoup d’originalité.
Un autre plaisir s’offrir une superbe auto de sport.
Les femmes aussi ont le droit de conduire des bolides.
On colle une étiquette à tout le monde et les femmes aujourd’hui pour les responsables du marketing cela doit rimer avec 4X4. De bonnes grosses voitures, un peu hybride pour la bonne conscience, même quand on se gare en double file et qu’on laisse tourner le moteur en attendant les gosses à la sortie de l’école, ou pour faire une course rapide qui dure pas moins de 10 minutes.
Mathilda veut une belle auto, rapide qui en jette, un peu, mais pas trop, donc pas de Ferrari ni d’Aston Martin. Elle va porter son choix sur une Porsche.
Mathilda se remémore son entrée dans le show-room de cette marque allemande. Un curieux regard du vendeur, et des interrogations sur sa venue.
« Bonjour madame, vous recherchez un modèle SUV hybride ou pas ? À moins que ce ne soit pour votre mari ? »
Un peu macho et pas très malin.
Elle aurait aimé pouvoir prendre la photo de ce vendeur avec son iPhone, quand elle lui a simplement dit qu’elle voulait, pour elle, une 911 GT3 ! Un petit bijou de 510 ch, qui avale le 0 à 100 en moins de 3,4 secondes.
Elle s’est assise, mais le commercial en avait plus besoin qu’elle, pour convenir de la configuration qu’elle souhaitait.
Les fameuses petites options qui vous font grimper la facture du simple au presque double.
Ah la couleur ?
« Je la veux dans une couleur spéciale, Orange », telle était sa décision.
Le vendeur a bien essayé de la faire changer d’avis, sur le fait que pour la revente ce n’était peut-être pas le meilleur choix, que les délais, etc. mais elle coupa court et signa le bon de commande avec un montant simplement scandaleux. Et, en plus de ce petit bijou, elle a dû rajouter une carte grise et un malus de plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Ah que la France est belle avec ses taxes uniques que personne ne nous envie.
La garde-robe, c’est fait, la voiture, c’est fait, les montres et bijoux avec ses merveilleux parents Mathilda a tout ce qu’il lui faut et depuis fort longtemps.
Non ce qui lui manque c’est son appartement bien à elle et qui donne sur sa Tour. Elle est bien incapable de dire pourquoi, elle a depuis si longtemps cette passion pour ce monument mais c’est ainsi.
Loin de la tour Eiffel, elle se sent encore un peu plus orpheline.
Exit Montmartre, en final trop de boffs, de touristes de bruits et de bobos qui ce la « pètent ».
Dans cette recherche de ce bien improbable, combien de journées passées à consulter les sites des agences immobilières, à les appeler et à prendre des rendez-vous ?
Vous vous attendez après avoir vu certaines photos à découvrir de petits joyaux, avec des vues imprenables, des terrasses à vous couper le souffle et surtout avec aucun vis-à-vis.
Bien entendu, rien de tout cela ne vous est proposé.
Des agents immobiliers qui essaient de vous convaincre, comme si vous étiez aveugles et sourds, d’acheter un peu n’importe quoi, sans même tenir compte de vos demandes.
Enfin, elle finit par trouver le bien qui lui convenait.
Son fameux appartement dans le 16° au dernier étage avec une terrasse et surtout une vue à 180° degré sur la rive gauche et Sa tour Eiffel.
Quelques petits travaux devenus classiques, refaire la cuisine et la salle de bains une jolie peinture blanche partout et des portes de couleurs, pour celles qu’elle a gardées.
Nouvel appartement, nouveau mobilier, vivre dans une autre ambiance pour non pas recommencer, mais renaître.
Mathilda n’avait pas perdu beaucoup de temps depuis le « départ vers les étoiles » de ses parents et sa décision de reprendre sa vie en main.
Un temps suffisant pour creuser un petit trou dans ses réserves bancaires, qui a surpris son conseiller.
C’est drôle comme ils sont tous, ils aiment voir rentrer votre argent mais quand vous souhaitez en disposer librement, puisqu’il vous appartient, cela devient beaucoup plus difficile, il faut se justifier, auprès d’un petit bonhomme, sans classe ni distinction.
Un trou certes mais la jeune femme de 40 ans qu’est Mathilda, dispose encore d’un joli « matelas de quatre millions et demi d’euros », de quoi voir venir, puisque les « folies » sont derrière elle.
Un petit message dans son ascenseur lui indique que le dernier étage est atteint.
Autre rituel, aussitôt la porte d’entrée franchie, allumer les enceintes Deviallet en se branchant sur une bonne veille radio anglaise par internet, diffusant des tubes des années 70.
La douche, les fringues enfilées, elles aussi prêtes la veille et pendues sur un cintre, la valise aux couleurs bariolées, petit souvenir de son dernier passage à New York, une dernière vérification pour les papiers.
Elle est fin prête.
La limousine de chez Wheely ne devrait pas tarder, son application se manifeste par une petite sonnerie spécifique, elle peut descendre.
L’alarme enclenchée, la porte blindée fermée, l’ascenseur qui attend, direction l’aéroport pour rejoindre Milan.
Cette ville italienne est devenue une destination habituelle pour Mathilda. Depuis 2016 ou par hasard, elle découvrit une galerie d’art, dirigée par une ancienne connaissance.
Au détour des rues branchées avec des boutiques où seules les « grandes marques » de luxe sont présentes, elle entra il y a cinq ans, dans une galerie de tableaux et photos.
Quelle ne fut pas sa surprise de rencontrer le maître des lieux !
Elle l’avait à plusieurs reprises croisé à Montmartre.
Ce directeur de galerie était une relation de ses parents, de son père surtout qui aimait échanger sur les nouveaux artistes qui étaient exposés. Parfois son père achetait, toujours sur un coup de cœur. Il répétait à l’envi qu’il n’y connaissait rien mais que seul le cœur devait guider le choix.
Depuis à chaque fois qu’elle se rendait à Milan un stop à la galerie s’imposait.
Bien installée à l’arrière de la Mercedes limousine elle se dit qu’elle a bien fait de prendre une marge pour rejoindre Roissy.
Quelle que soit l’heure, à l’exception du petit matin, ou du soir très tard, cette autoroute A1 est chargée, bouchée, fort heureusement il y a des radars, qui vous rappellent que vous ne devez pas dépasser les 50 ou 90 ou encore 110 km/h.
Cela ne peut que faire sourire ou grogner quand vous êtes arrêté depuis plusieurs minutes sans bouger d’un centimètre et que le chauffeur tente d’engager la conversation avec vous.
Mathilda à peine installée positionne ses AirPods dans ses oreilles et lance sa musique. Elle sait qu’elle a le temps, mais surtout sa destination dispose de nombreux vols après le sien et donc au pire elle changera, sans l’ombre d’une difficulté avec Air France, considérant son statut VIP, « Platinium for life ».
Cinquante minutes dans un confort total et une arrivée presque douce à Roissy Charles de Gaulle.
Un enregistrement déjà effectué sur internet, un bagage cabine donc direction le salon d’Air France.
Il n’est pas beaucoup plus tranquille que les salles d’embarquement.
La compagnie y accepte bien trop d’invités, mais Mathilda peut se mettre dans un fauteuil avec un petit café toujours à l’écoute de sa musique en attendant l’annonce de son vol prévue dans une grosse heure.
Les annonces des vols en partance pour l’Europe mais aussi le reste du monde défilent sur les grands écrans.
De bonnes nouvelles avec des départs à l’heure et des moins bonnes pour des délais supplémentaires, voire des annulations pures et simples.
Ici à l’Aéroport de Stockholm-Arlanda comme ailleurs, les passagers se pressent pour occuper une place assisse.
Il n’y en a jamais pour tout le monde. Il y a bien les privilégiés qui sont accueillis dans les salons privés de certaines compagnies, ou de certaines banques internationales, mais la grande majorité doit se débrouiller et patienter.
Alors à défaut de place gratuite on va dans les boutiques ou les restaurants pour passer le temps.
Astrid et Nils ont choisi de prendre un petit en-cas avant le décollage.
Leur vol pour Milan est certes annoncé sans retard mais c’est quand même dans une heure. Et puis surtout il est très tôt.
Le couple n’a pas pris de petit déjeuner avant de quitter son appartement en centre-ville.
Il faut avouer que de prendre un vol à 6 h 30 du matin avec une escale à Amsterdam pour une arrivée à 12 h relève déjà du périple, pour une destination européenne.
Stockholm est une ville jugée plutôt agréable à vivre, mais pour les déplacements cela reste un peu galère.
La preuve, le couple a dû laisser la veille au soir leur fille Sofia âgée de 12 ans, à sa tante maternelle. Pas question de la laisser seule durant les cinq jours d’absence des parents.
Elle est certes bien éveillée, peut-être trop aux yeux de certains, genre petite peste comme parfois pour les enfants uniques.
Astrid et Nils sont déjà sur leurs smart phones réciproques, tout en ingurgitant chacun un café latte et une viennoiserie.
Astrid est plongée dans un article traitant de physique quantique.
Elle est à la fois passionnée par cette matière, mais surtout elle l’enseigne depuis une petite vingtaine d’années à des étudiants boutonneux, dont un sur dix semble comprendre ce qu’elle tente de leur inculquer.
Ces études à elle, furent studieuses avec juste quelques copines et une ou deux aventures plus ou moins sérieuses à la faculté.
Dans l’ensemble elle avait la réputation d’être un peu austère, pour ne pas dire pas « emmerdante » pour ces camarades de fac ou de chambres.
C’est pourtant lors d’une traditionnelle soirée d’étudiants, un classique du genre, qu’elle fit la connaissance de celui, qui deviendra son mari.
Nils est à la même faculté, mais lui son exercice préféré sont les mathématiques.
A priori pas beaucoup plus fun.
On dit en physique que les contraires s’attirent, dans le cas présent cela s’est confirmé avec ces personnes fort dissemblables.
Elle est réservée, il est extraverti.
Elle rit peu, car peu de choses l’amusent, lui a le sourire aux lèvres en permanence et enregistre toutes les blagues et plaisanteries pour mieux les ressortir aux potes.
Elle est très coca-cola light, il est plus vodka et vin blanc.
Elle est végétarienne et lui adore la viande rouge.
Mais elle s’est rendue après une cour intensive de près de trois mois.
Il n’était pas tombé fou amoureux d’elle, subjugué par sa froideur, coté Ingrid Bergman, ni par son intelligence vive, puisqu’il avait assez peu échangé avec elle ce soir-là.
Comme souvent avec lui, surtout à l’époque de la fac, tout pouvait être sujet à plaisanter ou à parier.
Mis au défi par deux copains, de séduire celle qui « refroidissait » tout le monde, « l’iceberg » de la faculté de mathématiques physique, il s’y employa.
Il lui fallut ce délai de trois longs mois mais il y parvint et finit par être sous le charme d’Astrid.
Un mariage rapide, une installation dans un studio le temps d’achever les études de l’un et de l’autre, puis les premières affectations.
Un lycée très en vue pour elle, un établissement de seconde zone pour lui. Pas de jalousie mais des regrets, qui ne firent que grandir au fil des années.
Elle s’affirma en enseignante de grande qualité mais surtout en chercheuse de renommée internationale, invitée dans de nombreux séminaires ou colloques.
Dans le même temps, Nils passait d’un lycée à un autre, savourant simplement les bons moments notamment des vacances scolaires.
De cette union naquit une fille, Sofia.
Une collégienne déjà en avance sur un cursus dit normal puisqu’en classe de Quatrième à 12 ans et demi, brillante dans toutes les matières, mais plus spécialement en mathématiques, bien qu’ayant un faible pour les lettres classiques.
Ce couple vit au rythme de l’année scolaire.
Les trimestres se suivent et se ressemblent tristement pour Nils.
Astrid enseigne quelques heures à la faculté et se consacre essentiellement à ses recherches et participe à une à deux conférences mensuelles.
À côté de la physique quantique, elle se passionne aussi pour toutes les nouvelles technologies.
Au point de devenir rapidement une experte en cyber criminalité, pour son simple plaisir mais à un niveau qui pourrait faire pâlir un grand nombre d’experts.
Cette passion ne lui est pas venue par hasard.
Une utilisation frauduleuse de l’une de ses cartes de crédit, puis une seconde la conduisit à s’interroger à la fois sur la non-action de sa banque, mais surtout en tant que scientifique sur le « process » suivi par ses fraudeurs, les nouveaux pirates du 21e siècle.
Elle s’est mise au travail en prenant comme sujet d’étude sa propre personne et tous ses comptes, internet, bancaires, et tout ce qui la relie avec le monde de l’administration fiscale juridique ou sociale.
Elle a voulu s’identifier à la personne qui cherche, pas tant à vous nuire, puisqu’elle ne vous connaît pas, mais à profiter de votre situation sociale. Sans risque, puisque les banquiers, impuissants face au génie de ces hackers, préfèrent rembourser leurs clients plutôt que de lutter.
Elle découvrit que l’exercice pour une personne de son niveau intellectuel rompu aux chiffres et aux analyses était extrêmement simple.
Après sa personne, comme premier cobaye, elle entreprit d’en « espionner » une autre. Ne souhaitant pas s’immiscer dans la vie privée d’une personne inconnue, juste pour son plaisir personnel, elle s’intéressa à son mari Nils.
On a tous notre petit jardin secret et c’est bien quand il le demeure.
Une intrusion rapide dans sa boîte mail personnelle attira son attention sur des échanges quelque peu bizarres avec une de ses collègues.
Puis elle entra dans son compte bancaire à lui.
Dans leur couple, il avait été convenu que chacun gardait son indépendance et que les charges communes seraient prises par l’un et l’autre dans un compte commun au prorata de leurs revenus réciproques.
Astrid gagnant près du double de Nils elle participait donc largement au compte familial.
L’analyse détaillée des relevés du compte privé de Nils fit apparaître des notes de restaurants, mais aussi d’hôtels. Quand elle se mit à croiser son agenda, les relevés de carte de crédit ou de téléphone et les mails, le doute n’était plus permis pour Astrid, son mari avait une liaison.
Elle avait 45 ans et lui aussi, l’âge où, paraît-il, les hommes ont besoin de se montrer à eux-mêmes, qu’ils sont encore capables de séduire.
Rien de très nouveau, rien d’exceptionnel non plus pour cette scientifique, qui savait pertinemment qu’elle n’était ni la plus sexy, ni la plus branchée coté « lit » et que le risque existait.
Ce qui lui déplaisait avant tout, c’est qu’elle n’avait rien vu venir.
Avait-elle inconsciemment décroché de sa vie familiale ?
Son rôle d’épouse, mais surtout de femme était-il passé au second rang dans sa vie quotidienne au point que Nils ait eu quelques excuses ?
Plus inquiétant pour elle, son rôle de mère était-il lui aussi battu en brèche et si oui, depuis combien de temps ?
Après le mari, la fille devait être « oscultée » via sa boîte mail. Pas de mauvaise surprise, des échanges avec des copines, des mots pas très aimables pour qualifier sa mère, mais les adolescentes de 12 ans se plaignent souvent d’être incomprises par leurs parents.
La surprise passée, une question demeurait pour Astrid, celle de savoir quelle attitude adopter face à la trahison de son mari.
Il était encore trop tôt pour évoquer la situation présente avec celui qui partageait tous les soirs le lit conjugal.
Astrid se mit dans la tête d’en savoir plus sur celle qui l’avait remplacée.
Depuis combien de temps ce manège durait-il ?
Elle examina toutes les données personnelles de son mari.
En bonne scientifique elle passa au crible tout ce qu’il lui était possible d’obtenir comme informations sur cette jeune femme.
D’abord son âge, ses parents, les études suivies, le métier exercé, mais ce qu’il la taraudait c’était son profil.
Son parfum, ses achats vestimentaires, son alimentation, Astrid se mit en quête de tout savoir sur ces déplacements, ces emplettes, pour définir un style de femme, qui à l’évidence ne lui correspondait absolument pas.
Nils avait donc choisi le contraire de son épouse.
Des semaines d’enquête sans rien dire à personne, sans aucun changement dans son attitude, ni avec son mari, ni même avec sa fille.
La professeure émérite de physique pouvait cacher une hackeuse capable, non seulement de récupérer toutes sortes de données personnelles, mais aussi de construire des portraits parfaits en analysant chaque détail de la vie de la personne visée.
Avec un peu de recul elle se rendit compte, qu’elle n’avait eu, à aucun moment un quelconque scrupule à espionner de la sorte, son mari, sa maîtresse et même sa fille unique, qui était sa fierté et le seul vrai amour de sa vie.
Le premier pas franchi dans le monde obscur de l’illégalité, on peut soit s’en vouloir et tout stopper, soit se mettre d’autres défis en tête, juste pour voir, s’amuser en se voilant la face derrière une démarche dite scientifique.
Astrid entra dans cette dernière catégorie.
Elle entreprit d’aller voir ce qui paraissait facile dans tous les films, à savoir piocher un peu dans beaucoup de comptes bancaires et virer le fruit de ces « prélèvements » sur un ou plusieurs comptes, bien dissimulés, à son profit.
Avec son « professionnalisme », rien ne lui était plus impossible.