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Admise dans un institut, Ella a un but : retrouver le souvenir de la fille qu’elle était avant l’accident qui, deux ans plus tôt, l’a privée d’une partie de sa mémoire. Un jour, alors qu’elle suit sa routine, elle fait la rencontre de Hugo, un homme avec qui elle explore les traces de son passé. Peu à peu, des bribes de souvenir lui renvoient l’image de celui-ci, dévasté par le chagrin, lui disant des mots qu’elle ne comprend pas. Entre doute, hésitation et incertitude, Ella parviendra-t-elle à retrouver la mémoire et éclaircir le flou qui entoure sa vie ?
À PROPOS DE L'AUTEURE
Marie Lavaud a fait des études secondaires en section littéraire. Ayant une affection particulière pour la romance, avec
Ella, elle signe un livre plein d’émotions fortes.
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Seitenzahl: 465
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Marie Lavaud
Ella
Roman
© Lys Bleu Éditions – Marie Lavaud
ISBN : 979-10-377-6909-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Chaque matin, je répète le même rituel et chaque matin, la fille que je vois dans le miroir reste une inconnue. Je connais son nez fin, ses pommettes hautes, sa bouche pleine et ses yeux bleus qui semblent presque trop grands pour son visage. Elle garde une trace visible de l’accident sous la forme d’une fine cicatrice blanche qui court depuis sa tempe jusqu’au milieu de sa joue droite. Elle la cache à la vue des autres à l’aide de ses cheveux bruns coiffés en un carré court dont la frange lui tombe juste au-dessous des sourcils. Quelqu’un m’a dit que cette fille dans le miroir s’appelle, Ella Saintonge ! Mais qui est-elle ? Qui suis-je ?
Amnésique ! Voilà qui est la fille du miroir ! Je m’appelle Ella Saintonge et je suis amnésique !
Je passe les mains sur mon visage dans l’espoir que mes doigts aient gardé la mémoire de mes traits exempts de cette balafre qui à mes yeux fait de moi une sorte de monstruosité, mais il ne reste rien ! J’ai oublié qui je suis ou du moins celle que j’étais avant le 20 décembre 2018, jour où tout a foutu le camp, jour où Ella Saintonge a déserté ma mémoire emportant avec elle dix-huit ans de vie, jour où tout à basculer par-dessus le pont dans ce foutu ravin. Comment je le sais ? Ce sont eux qui me l’on dit, le soir où je me suis réveillée dans une chambre d’hôpital. Mon esprit était confus, je regardais autour de moi étourdie comme au sortir d’un long sommeil, ce que j’ignorais c’était justement que je sortais d’un long, très long sommeil dont je ne me rappelle rien. À mon réveil, des bips se sont fait entendre, c’était angoissant voir un peu effrayant, puis une femme vêtue de blanc est entrée dans la chambre, elle m’a parlé d’une voix très douce avant de poser sa main rassurante sur mon front.
— Bonjour toi, te voilà enfin ! m’a-t-elle dit, n’aie pas peur ma jolie, tout va bien, tu vas te sentir un peu déboussolée au début, mais ça va passer. Tout ira bien maintenant !
Je me souviens qu’un homme très grand vêtu d’une blouse blanche l’a rejoint, il s’est assis au bord du lit, m’a ébloui avec sa lampe pendant qu’avec son pouce il soulevait mes paupières puis il m’a posé nombre de questions auxquelles je n’ai pas su apporter de réponses, même pas la plus basique, comme mon prénom. Je n’ai pu que secouer la tête, seuls quelques sons mal articulés passaient mes lèvres, des sons étranges et incompréhensibles des sortes de coassements incohérents. Alors j’avais refermé les yeux, pressant fort mes paupières l’une contre l’autre, je voulais me rendormir pour ne plus avoir peur du vide immense qui raisonnait dans ma tête.
Je n’ai plus le temps de fouiller dans cette mémoire qui chaque jour déçoit l’espoir que je garde de me retrouver et comme chaque matin je m’adresse à haute voix à l’image que me renvoie le miroir.
— Salut Ella ! Je ne sais toujours pas qui tu étais, peut-être demain.
Rapidement je retourne dans ma chambre, enfile un short en jean, un débardeur blanc et des tennis blancs, un coup de brosse pour discipliner mes cheveux, avant de m’engager dans l’escalier pour rejoindre le réfectoire, où nous avons des règles à respecter telle que l’heure du petit déjeuner. Lorsque je pénètre dans la grande salle, elle est inondée d’une lumière généreusement dispensée par le soleil de ce début d’été. Il passe au travers des nombreuses fenêtres à petits carreaux. Quelques pensionnaires sont déjà regroupés autour d’une table, certains lèvent la tête à mon entrée pour me sourire, d’autres m’adressent un joyeux.
— Salut Ella !
À mon tour, je leur rends un bref sourire accompagné d’un petit signe de la main tout en me dirigeant vers le buffet où je m’empare d’un plateau sur lequel je pose un yaourt, un fruit et une tasse de thé pour rejoindre la table que je me suis attribuée. Ce besoin d’indépendance n’a pas été facile à obtenir. À mon arrivée au centre, le fait que je m’isole ne convenait pas aux personnels soignants, ils ont essayé de m’obliger à me joindre aux autres pensionnaires. Cela contrariait ma volonté de refuser de me mêler au groupe, alors je laissais mon plateau intact sur la table et quittais la pièce sans me nourrir. Comme j’avais perdu beaucoup de poids, je ne pouvais pas me permettre de sauter un repas, après en avoir référé au psychiatre qui exerce à l’intérieur de cette structure, ils m’avaient obtenu son accord pour me laisser m’installer à cette table que j’ai faite mienne.
Je stoppe ma progression dans l’allée que je remonte mon plateau à la main, pour découvrir ma place déjà occupée. Une forte contrariété s’empare de moi, si je me suis attribué cette place de ce côté-ci du réfectoire, c’est justement parce que les jours où le soleil brille, il vient me caresser le visage et que sa chaleur semble réchauffer un peu de ce froid intérieur qui ne me quitte pas. Un homme plutôt jeune que je n’ai encore jamais vu à l’institut est assis à ma place, sans comprendre pourquoi, je ne peux détacher mon regard de cet intrus que je détaille sans vergogne. Il semble assez grand, son buste joliment musclé est moulé dans un tee-shirt noir qui arbore sur le devant une forme sphérique noire et blanche que je suis certaine d’avoir déjà vue, mais dont il est inutile que je fasse l’effort d’en trouver la signification. Pourquoi le ferais-je ? Alors que je suis toujours incapable de retrouver dans les limbes de ma mémoire ma vie d’avant l’accident, alors chercher la signification d’un logo est très loin de mes préoccupations. Alerté par ma présence, il relève la tête, son regard sombre se promène brièvement sur ma silhouette, me détaille de haut en bas avant de revenir au livre posé près de son plateau comme s’il venait de décider que je ne méritais pas son attention. Face à tant de désinvolture, je suis tentée de lui balancer mon plateau à la figure au lieu de quoi, je m’installe à la table qui lui fait face. Mon instinct, mon ressenti et mes émotions qui sont les seules choses auxquelles je me fie, me disent qu’aussi contrariante que puisse être sa présence, je n’ai rien à craindre de ce spécimen que je ne sais pas trop comment nommer. Il est trop vieux pour être un garçon, trop jeune pour être un monsieur, je dirais qu’à la maturité de son visage il doit avoir tout au plus dans les vingt-cinq ans. Son teint est hâlé, un peu cuivré, ses yeux que je n’ai entrevus que quelques secondes sont d’un noir profond avec une forme légèrement bridée, me font penser aux ailes déployées d’un oiseau. Cette forme ne laisse que peu de doute sur ses origines, quant à ses cheveux ils sont très raides, aussi noirs et brillants que les plumes d’un corbeau. Il les porte un peu long, juste en dessous de sa mâchoire carrée, des mèches sont glissées derrière ses oreilles pour dégager son visage aux pommettes hautes, au nez fin et à la bouche joliment ourlée, véritable appel aux baisers.
Je me dépêche de chasser cette pensée, car outre sa présence à ma place, la chose qui me contrarie dans cette rare et insolente beauté c’est qu’elle vient me happer jusqu’au tréfonds de l’âme, apportant avec elle une sensation bizarre, comme si sans m’y attendre je venais de retrouver une chose que j’avais perdue et qui m’avait manqué, beaucoup manqué. Je ne peux détacher mon regard de ce visage, cherchant dans les brumes de ma mémoire d’où me vient ce sentiment d’appartenance quand une nouvelle fois il relève la tête et me surprend à l’observer. Mes joues s’empourprent, je me presse de détourner le regard pour le chasser de mes pensées.
Il y a un peu plus d’un an, je suis sortie du coma dans lequel j’étais plongée depuis quelques mois, c’était comme naître une seconde fois, car tous avaient fini par perdre l’espoir de me voir en sortir. Les jours qui ont suivi mon réveil, j’étais terrorisée, je n’avais rien oublié des habitudes de la vie, mais j’avais tout oublié de mon passé. Le médecin avait beau me dire que mon cerveau n’avait gardé aucune séquelle grave et irréversible de l’accident, mais qu’il me fallait être patiente, ma mémoire reviendrait dans quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois. Ses paroles ne m’avaient pas plus rassuré que lorsqu’il m’avait affirmé que le cerveau étant une mécanique complexe, chaque être humain allait à son rythme pour récupérer les informations égarées. Mon corps avait dû subir de longs mois de rééducation, après quoi j’ai quitté l’hôpital pour intégrer un centre spécialisé, à part ma cicatrice sur la joue et une légère claudication qui devrait disparaître, il ne restait que peu de séquelles apparentes de l’accident.
De ces mois passés entre deux mondes, où je n’étais pas tout à fait morte, mais plus tout à fait vivante, je ne garde aucun souvenir. Je me suis trouvée toute désorientée lorsqu’à mon réveil, j’ai vu arriver des gens de mon passé qui se revendiquaient de ma famille. Tout d’abord, il y avait eu cette belle femme, grande, brune, très distinguée dans son strict tailleur bleu marine parfaitement ajusté à sa fine silhouette, elle s’était précipitée sur moi des larmes pleins les yeux pour me serrer dans ses bras en répétant sans cesse.
— Ma chérie, tu es réveillée c’est merveilleux, j’ai eu si peur. Je t’aime tant.
J’étais restée sans réaction dans les bras de cette femme que je ne reconnaissais pas, mais j’aimais le nuage de parfum fruité dont elle était entourée, parce qu’il me semblait familier. Elle avait relâché son étreinte, passé sa main sur mon visage, les yeux pleins de larmes.
— Oh, ma chérie quel bonheur de te retrouver enfin, j’ai eu si peur que tu ne te réveilles jamais.
Elle s’était présentée comme Mandy Saintonge De Vauréal, ma mère ! Elle m’apprit mon âge et comment je m’appelais ! L’homme qui l’accompagnait et qui se tenait un peu en retrait était grand, avec des cheveux grisonnants, il était vêtu d’un impeccable costume gris qu’il portait sur une chemise immaculée. Je lui trouvais un côté aristocratique, plus encore lorsqu’il s’était approché d’elle et avait posé une main sur son épaule et déposé un baiser sur mon front tout en m’adressant un sourire.
— Salut Ella ! Je suis Simon De Vauréal, très heureux de te revoir dans le monde des vivants, tu nous as manqué.
Ma mère avait devancé ma question en m’expliquant que cet homme était son deuxième mari et qu’il vivait avec nous depuis environ trois ans. J’allais l’interroger sur mon père biologique lorsque la porte de la chambre s’était ouverte pour livrer le passage à un homme vêtu d’un pantalon de toile beige un peu froissé. Il portait un tee-shirt bleu délavé, un blouson léger sous lequel se dessinait un corps plutôt fin et sec. Ses cheveux châtain clair et bouclés étaient retenus en queue de cheval basse, il m’a fait penser à ces babas cool des seventies avec son style décontracté diamétralement opposé à celui du couple qui se tenait à présent un peu en retrait au pied de mon lit. Je remarquais son teint halé et légèrement buriné des gens qui vivent au grand air, mais ce qui avait retenu mon attention dans ce beau visage, c’était ses immenses yeux bleus ! Les mêmes que j’avais croisé dans le miroir que m’avait gentiment apporté l’infirmière quelques jours après mon réveil alors que je voulais savoir à quoi je ressemblais faute de savoir qui j’étais.
Dans son désir de me serrer dans ses bras, il avait presque fait dégager ma mère qui l’avait devancé lui cédant la place. Une nouvelle fois, je me retrouvais prise dans l’étreinte d’une paire de bras dont je n’avais gardé aucun souvenir, mais que j’avais ressentie comme une sorte de cocon protecteur. Face à mon air intrigué, il s’était exprimé d’une voix légèrement chevrotante, trop ému de me voir revenue parmi les vivants.
— Hey ma puce, je suis ton papa. Ces yeux s’étaient embués de larmes, dans ses paroles, je sentais vibrer sa profonde émotion.
— Tu n’imagines pas Ella mon cœur à quel point je suis heureux de revoir ton si joli visage et tes grands yeux bleus, j’ai eu si peur de te perdre, tu m’as manqué mon ange, terriblement, infiniment.
Touchée par ses paroles, j’avais tenté un petit sourire pour le rassurer, puis en relevant les yeux j’avais découvert que derrière lui se tenait un jeune homme qui était son portrait craché et qui faisait un gros effort pour retenir les larmes qui brillaient dans le même regard bleu que celui de mon père. À son tour, il avait chassé l’homme pour me prendre dans ses bras et me donner un baiser sonore sur la joue. Dans son étreinte, j’avais ressenti le combat qu’il menait pour maîtriser sa voix.
— Salut sœurette, j’étais certain que tu allais finir par te lasser de ce rôle de belle au bois dormant.
Il avait un peu relâché son étreinte pour plonger son regard dans le mien avant de poursuivre d’un air faussement sévère.
— Si j’ai un conseil à te donner ma vieille, t’as plutôt intérêt à rester cool avec nous et je t’interdis de recommencer à nous foutre ce genre de trouille ou je te jure que je te botterai le train si fort que tu ne pourras plus jamais t’asseoir, parole de grand frère. Oh ! Je m’appelle Ethan, mais tu peux m’appeler Ethan, si tu veux, rajoute-t-il en m’adressant un clin d’œil.
Instantanément, je me suis senti plus proche de ces deux hommes, que du couple endimanché, un peu guindé qui se tenait en retrait. J’avais une famille dont je n’ai gardé aucun souvenir, des gens qui semblent m’aimer, ce constat amenant dans mon esprit confus une question. Est-ce que moi je les aimais ? Comment être certaine que ce qu’ils disent est la vérité sur nos relations d’avant ?
Au cours des mois qui ont suivi mon réveil, tous ont fait de leur mieux pour m’aider en me parlant de mon passé, essayant à leur manière de rallumer ma mémoire défaillante. Que ce soit à l’hôpital, ou encore pendant les six mois au centre de rééducation, ils étaient présents pour me soutenir, même les fois où je voulais abandonner lorsque ma jambe me faisait trop souffrir, lorsque l’envie me prenait de cacher cette horrible cicatrice aux yeux du monde en fuyant leur présence.
Il y a quatre mois en sortant de rééducation, j’ai intégré ce programme élaboré par un couple ami de ma famille et dans lequel je suis sensée faire le point, décider de mon avenir, enfin toutes ces choses que l’on peut attendre d’une jeune femme de vingt ans. Je ne vois pas de vraie avancée, ma mémoire reste absente, je ne sais toujours pas quoi faire de cette nouvelle vie, mais je refuse d’accepter que je ne serais peut-être plus jamais la même. Ces quatre derniers mois de replis sur moi-même ne m’ont toujours pas apporté de réponses à mes questions ni à ce sentiment diffus que j’ai perdu une chose à laquelle je tenais énormément. Confusément, je sens qu’elle me manque, mais je suis incapable de la définir et encore moins de dire ce qu’elle est. Cela fait bientôt un an que j’écoute toutes ces personnes me parler de celle que j’étais, sans que cela n’allume la moindre étincelle de souvenir. Les questions se bousculent dans ma tête, elles sont si nombreuses que par moment j’ai l’impression que je vais devenir folle et lassée de ne rien trouver dans le vide abyssal qui m’habite, j’ai fini par abdiquer, préférant au questionnement les écouter me parler de la vie de cette fille dont j’ignore tout.
Le raclement des pieds d’une chaise sur le sol m’arrache à mes pensées pour me ramener à la réalité. Si je ne me souviens plus de ma vie d’avant, je me souviens parfaitement de ma vie depuis que j’ai ouvert les yeux sur ce lit d’hôpital. Le jeune homme qui vient de quitter sa place s’avance dans ma direction, il a coincé son livre dans la ceinture de son jean, tient son plateau à deux mains, il me paraît plus grand que ce que laissait deviner sa position assise quand il s’avance vers moi, avec sa silhouette longiligne est harmonieusement musclée. Je pensais qu’il allait m’ignorer, mais voilà qu’il s’arrête à ma hauteur, s’incline légèrement au-dessus de ma tête, le timbre de sa voix veloutée provoque une sorte de vibration que je ressens comme une chose familière, de la même manière que le parfum de ma mère ou les yeux de mon père. Je garde la tête baissée, mais relève le regard sur lui.
— Salut Ella !
Je me retiens in extremis de lui demander d’où il connaît mon prénom, mais je reste muette. Comment sait-il qui je suis et lui qui est-il ? Quand une situation inconnue s’impose à moi, mon cerveau se met à imaginer une multitude de questions qui se pressent sur mes lèvres sans jamais les franchir. Il y a longtemps que j’ai cessé de m’épuiser à chercher des réponses, car dans ma tête il n’y a que du vide. Un vide abyssal et effrayant ! Je me contente d’un simulacre de sourire pour répondre à son bonjour, personne ne semble l’avoir averti que je ne communique avec les autres que lorsque je le juge indispensable, pas pour me montrer désagréable, juste parce que j’ai l’impression de n’avoir rien à dire. Je ne sais pas qui je suis et ma vie me semble aussi passionnante et trépidante que celle d’une algue dans un aquarium, alors je me suis fixé un but, découvrir qui était Ella Saintonge avant que ce stupide accident ne vienne foutre sa vie en l’air.
— À très vite, me dit-il avant de s’éloigner.
Je hausse les épaules, il peut toujours rêver s’il croit que je vais rechercher sa compagnie, mais je sens mes joues s’empourprer légèrement avant qu’il ne dépose son plateau sur le chariot et qu’il ne quitte la salle sous le regard des autres pensionnaires. Je ne sais ni qui il est, ni ce qu’il fait à l’institut, il n’a pas l’air de souffrir de problèmes particuliers, bien qu’ici, pour la plupart des pensionnaires, les problèmes ne se voient pas physiquement. Il y a tout un tas de jeunes qui souffrent de pathologies mentales différentes, il y a de grands dépressifs chroniques, d’autres qui ont fait une TDS ou encore d’autres qui ont eu des lésions cérébrales suite à un traumatisme quelconque et puis, il y a moi ! La fille qui a perdu son identité et ne se souvient plus de qui elle était !
Depuis mon arrivée, j’ai un peu progressé avec l’aide du docteur Fevrié le psychiatre du centre qui m’a expliqué que l’amnésie peut se présenter sous infiniment de formes différentes et que j’ai « de la chance » de ne souffrir que d’une forme sélective et réversible. Après mon réveil, il ne m’avait fallu que quelques jours pour retrouver toutes les choses que j’ai apprises au cours de mes dix-huit premières années d’existence. Mais ce qui concerne ma personnalité, mes sentiments, mon entourage, tous ces paramètres qui font l’être qu’était Ella Saintonge restent une énigme que je m’évertue à résoudre. La théorie du docteur Févrié penche vers l’hypothèse que mon cerveau a profité de cette « interruption temporaire » qu’il a subie à la suite de l’accident pour mettre ma vie d’avant sur pause. Il me dit que tout est encore là, sous-jacent, perdu quelque part dans les méandres de mon néant, qu’Ella reviendra lorsque mon inconscient sera prêt à accepter, ou peut-être jamais. Alors il me faudra apprendre à vivre avec la nouvelle Ella et faire à tout jamais le deuil de l’ancienne, ce qui à l’heure actuelle est pour moi inenvisageable.
Le centre dans lequel je réside est à l’initiative d’un couple qui, si j’ai retenu ce que m’a dit ma mère, se trouve être de très anciens amis de notre famille. Elle trouve admirable que Madeline et Gaspard Brondson soient dévoués pour venir en aide à une jeunesse en difficulté et qu’ils ne ménagent pas leurs efforts en ce sens. Gaspard et Madeline Brondson occupent à titre personnel une jolie maison de pierre à deux pas du château, bâtiment principalement aménagé dans un esprit chambres d’hôtes pour que les pensionnaires qui y résident pour un temps limité n’aient, non pas l’impression de vivre dans un espace médicalisé, mais dans un endroit paisible, où ils peuvent se ressourcer, retrouver une santé et un équilibre afin de marcher sereinement vers leur avenir.
J’aime beaucoup les Brondson ! Depuis le début, ils manifestent à mon égard de la gentillesse, me prodiguent des encouragements constants et je fais l’objet d’une attention particulière et bienveillante. Ils sont proches de leurs pensionnaires, ont de multiples petites attentions pour chacun, parce qu’ils nous traitent tous avec la même gentillesse et discipline que des parents. Ce vieux château est bâti sur un immense parc de plusieurs dizaines d’hectares parfaitement entretenus, les chemins sont balisés, il y a même un petit étang où j’aime particulièrement m’isoler. Il est situé tout près d’un très joli pavillon d’été qui se cache sous le couvert d’un bosquet d’arbres dont le charme un peu désuet et le romantisme de l’architecture me touchent particulièrement. Souvent je me plais à imaginer qu’en son temps cet endroit a servi à dissimuler des complots, des amours clandestins ou pourquoi pas des amants maudits.
Je relève les yeux sur la pendule, bon sang, je dois arrêter mes rêveries, je suis en retard pour ma séance de kiné journalière, rapidement je dépose mon plateau, cours jusqu’aux bâtiments qu’autrefois on appelait l’orangerie. C’est encore un bâtiment pétri de charme architectural avec ses nombreuses portes-fenêtres à petits carreaux. Les Brondson ont choisi cet endroit pour y installer les infrastructures sportives on n’y trouve une piscine pour la balnéothérapie, des salles de massage, de rééducation motrice et la salle de sport qui réunit tous les instruments de « torture » inimaginables et possible. Encore essoufflée par ma course j’entre d’un pas pressé dans la grande salle, par habitude je pose sur le sol mes effets près de l’appareil sur lequel je travaille avant de me diriger vers un des vestiaires où j’enfile un caleçon noir, un tee-shirt et des baskets. J’étale une serviette éponge sur le banc recouvert de simili cuir orange pour m’allonger sur le dos, les pieds joints sur les plaques de fonte, j’attends que Julien le kiné vienne régler l’appareil. Je dois faire travailler les muscles de mes jambes restées de très longs mois immobiles. Ma voix raisonne contre les murs de la grande salle pour l’avertir de ma présence.
— Julien, je suis là !
Celui qui s’approche de moi n’a pas grand-chose de commun avec le Julien que je connais, un jeune homme très sympathique, mais au physique plutôt banal et loin d’avoir le sex-appeal de celui qui se poste près du banc de musculation. Lorsque son regard se pose sur moi, il relève un sourcil.
— Tu pensais voir Julien peut-être ?
Je me sens bête et intimidée, je secoue la tête positivement pendant qu’il ouvre un dossier sur lequel mon nom est inscrit. Il le parcourt des yeux, le referme d’un claquement sec puis le laisse tomber au sol avant de s’affairer au calibrage de l’appareil.
— OK ! Il est noté là-dedans que mademoiselle Saintonge doit effectuer un renforcement musculaire plus appuyé pour la jambe droite, mais qu’elle est du genre introverti évite autant que possible d’interagir avec autrui. Bien, dis-moi, ça va être pratique pour t’aider !
Je chuchote plus pour moi-même que pour lui.
— C’est peut-être parce que je n’ai rien à dire ?
Il suspend la mise en place des poids, pose sur moi un regard sombre dépourvu d’amabilité.
— Écoute ma jolie, je ne te demande pas de me faire la conversation, mais je n’ai ni l’envie, ni le temps de jouer aux devinettes alors si tu ne veux pas parler c’est ton choix, mais tu vas devoir faire un effort pour te faire comprendre, c’est clair pour toi ?
Furieuse qu’il m’agresse de cette façon, je lance rageusement.
— Je ne suis pas votre jolie, et je parle si je veux.
Quant à être clair, je dirais que c’est carrément Limpide. Qu’est-ce que ça peut bien lui faire que je ne parle pas, il est qui ce type qui depuis ce matin s’évertue à gâcher ma journée ?
— Je t’appelle ma jolie si je veux, tu ferais bien de me croire sur parole, car tu es plus que ça. Si cela ne te plaît pas que je ne m’apitoie pas sur ton sort, tu devras faire avec. Il semblerait que dans le domaine de l’apitoiement tu n’aies besoin de personne, tu sembles y arriver très bien toute seule. Alors, concentre-toi sur ta rééducation, tu vas me faire trente tractions à cinquante kilos après tu te débrouilles pour m’avertir que je vienne régler l’appareil à soixante-dix pour trente supplémentaires.
Que veut dire (Tu es plus que ça) est-ce que ce type me connaît ? Vient-il de mon passé et pourquoi maintenant ? Furieuse de ne pas l’avoir envoyé se faire voir ni de lui avoir dit à quel point je le trouve antipathique, je pousse la fonte des deux pieds et concentre toute ma colère dans mes mouvements. Au lieu de disparaître de ma vue, il s’installe sur un banc, retire un short d’un sac de sport, avant de faire glisser son jean le long de ses cuisses fuselées et musclées, le spectacle est tel que sans m’en rendre compte je suspends mes mouvements lorsqu’il se retrouve en boxer et fait passer son tee-shirt par-dessus sa tête pour laisser apparaître un torse à la musculature joliment dessinée. Il tourne le dos pour récupérer un débardeur dans son sac me laissant tout loisir d’admirer la ligne de sinogrammes chinois tatouée à l’encre noire, qui court de sa nuque tout le long de sa colonne vertébrale pour finir au bas de son dos.
Non contente de ne plus bouger subjuguée par tant de beauté s’est tout juste si je pense à respirer. Le spectacle devant mes yeux est fascinant, je me dis que je pourrais passer des heures à photographier chaque partie de ce corps magnifique. Je le regarde enduire ses mains de magnésie avant de se saisir d’une paire d’haltères qu’il soulève chacune leur tour sans fournir, semble-t-il, trop d’efforts, il souffle profondément chaque fois que ces mouvements gonflent ses biceps en cadence. Je sursaute lorsqu’il m’interpelle.
— Hey ! quelqu’un t’a dit de t’arrêter ?
J’ai oublié que j’étais en position off, rougissante je détourne le regard et me remets à pousser sur la fonte en recommençant le compte de zéro, le spectacle de monsieur muscle m’a fait perdre le fil. Pour mieux me concentrer, je ferme les yeux, si je les garde ouverts, je ne vais jamais pouvoir m’empêcher de rester pendue aux mouvements de son corps. J’ai oublié beaucoup de choses, mais pas la troublante émotion que provoque la vue d’un beau garçon ni l’envie de dessiner du bout des doigts ce corps parfaitement sculpté. L’envie ! Voilà bien une chose que je n’ai plus ressentie depuis longtemps, j’ai presque oublié ce que cela procure comme sensation, mais cette envie ramène avec elle une autre sensation beaucoup moins agréable comme la frustration !
J’ai encore perdu mon compte, la sensation d’être observée me fait ouvrir les yeux, je pousse un profond soupir quand deux cuisses fines et musclées s’arrêtent juste à la hauteur de mon visage et quand je dis deux cuisses, c’est que j’oblige mon regard à s’arrêter à ce niveau. Sa peau dorée aux reflets cuivrés est couverte d’une fine pellicule de sueur. Il est torride !
— Heureusement que je compte pour toi ! dit-il m’arrachant à ma rêverie. Allez, on passe à soixante-dix, concentre-toi sur ton exercice au lieu de laisser ton esprit vagabonder vers des contrées où il n’y a rien pour toi.
Sa voix légèrement moqueuse me fait l’effet d’une douche glacée, j’ouvre la bouche pour le détromper, mais une nouvelle fois je me retiens et détourne la tête m’imposant de le chasser de mes pensées. Pousser sur la fonte, voilà pourquoi je suis ici, pas pour mater les beaux gosses.
Les muscles douloureux, je termine mes exercices avant de m’asseoir une jambe de chaque côté du banc de musculation. Je ramasse la serviette et la petite bouteille d’eau posées près de moi sur le sol, bois de longues gorgées en me disant que ce n’est pas humain de m’obliger à m’exercer par une chaleur pareille. J’ose jeter un œil en direction du garçon dont j’ignore toujours l’identité, il est assis sur un banc de bois, les jambes écartées, il s’éponge les cheveux avant de presser la serviette sur son visage qu’il garde dans le creux de ses mains. Chacun de ses gestes est empreint de sensualité, béate d’admiration la bouteille suspendue à mi-parcours de ma bouche je n’arrive pas à détacher mon regard de cette gravure de mode. Quand ses yeux noirs plongent droit dans les miens, déstabilisée de m’être une nouvelle fois fait surprendre à le regarder, je rebouche rapidement ma bouteille, me saisit de ma serviette et me lève brusquement du banc pour gagner la sortie.
Mes jambes se dérobent sous moi, manquant de me faire tomber, mes muscles sont douloureux, lourds et ankylosés. À force de reprendre mon compte à plusieurs reprises, il est plus que probable que j’ai largement abusé de l’exercice.
En deux enjambées, il se précipite pour passer son bras autour de mon corps et me soutenir en me serrant légèrement contre lui. Son étreinte provoque une sorte de flash-back, derrière mes paupières des images se mettent à défiler à toute vitesse. C’est comme si je regardais les arabesques d’un kaléidoscope, mais cela va si vite que mon cerveau ne peut pas enregistrer ni analyser ces informations. J’en suis étonnée, car c’est la première fois que ce type de phénomène se produit, j’en ai presque la nausée et je sens qu’il en faudrait peu pour que je panique.
— Hey ! Doucement, ce n’est rien, je te tiens.
Ces bras, cette voix, je les connais, j’en suis certaine. Je relève la tête pour étudier les traits de son visage, peut être que ma mémoire photographique va le reconnaître et me renvoyer un souvenir alors je ne peux pas détacher mes yeux de son visage, je suis comme hypnotisée, sans l’avoir prémédité je lève une main pour le toucher quand il m’enserre le poignet pour arrêter mon geste.
— Arrête ça Ella !
Je ne comprends pas ce qu’il veut dire, que faut-il que j’arrête ? Il retourne vers le banc, fouille dans son sac de sport avant de revenir un tube de pommade en main qu’il me tend en prenant soin de garder une distance entre nous.
— Rentre au centre, douche-toi, après tu frottes tes muscles avec ceci, car il n’y a personne pour les massages aujourd’hui et les salles sont fermées.
Les yeux baissés vers le sol, je bredouille un merci à peine audible, comme si parler pouvait faire disparaître ces quelques instants troublants. Mes vêtements sont toujours dans le vestiaire, je les récupère rapidement, traverse à nouveau la salle et referme derrière moi la porte vitrée sans pouvoir m’empêcher de jeter un dernier coup d’œil à l’intérieur pour le voir frapper rageusement à mains nues sur un énorme sac pendu au plafond.
Remontant l’allée centrale du parc pour rejoindre ma chambre, je me dis que ça tient presque de l’exploit que j’ai réussi à sortir de mon mutisme pour échanger quelques mots en sa présence. Ce garçon m’intrigue, me bouscule, me trouble, depuis ce matin c’est un questionnement permanent dans ma tête. Je passe le reste de la matinée assise en tailleur sur mon lit et me concentre sur mon but ultime à savoir la recherche de celle que j’étais avant l’accident. Je relève la tête lorsque le son de la cloche annonçant le repas de midi se répercute sur les murs de pierres du château, en pénétrant dans le réfectoire, je constate avec soulagement que ma place est libre de tout occupant alors je m’installe avec un roman posé près de mon plateau-repas. Le regard tourné vers la fenêtre, je me perds dans la vue du parc lorsqu’une voix féminine au timbre doux et rassurant me ramène au présent.
— Bonjour Ella, comment vas-tu aujourd’hui ?
Madeline Brondson se tient près de ma table, vêtue d’une élégante robe d’été bleu ciel, elle me sourit les bras croisés sur sa poitrine.
— Bonjour madame Brondson, je vais bien merci.
— Tant mieux ça me fait plaisir de l’entendre. Mon fils m’a dit que tu avais un peu trop forcé sur tes exercices de musculation, tu sais que tu dois respecter scrupuleusement les exercices donnés par Julien, il ne sert à rien d’en faire trop cela ne t’aidera pas à guérir plus vite.
Je ne m’attarde pas sur sa mise en garde, la seule chose que je retiens, c’est que ce mec absolument superbe et troublant est : son fils ! Comment ce garçon peut-il être son fils ? Il n’a aucun trait physique commun que ce soit avec elle ou son mari. L’impact que cette information a sur moi ne semble pas lui échapper, mais elle fait mine de n’avoir rien vu.
— Maintenant que ce bel été se profile, as-tu réfléchi au fait de passer les vacances d’été dans ta famille ?
— Je ne pense pas partir d’ici, mon père et mon frère sont sur l’île où ils vivent et ma mère doit partir quelques semaines avec Simon. Elle a promis de me rendre visite avant leur départ.
— Je pense que tu devrais prendre encore le temps d’y réfléchir, je te laisse déjeuner tranquille, bon appétit Ella, dit-elle en s’éloignant pour s’arrêter à une autre table.
— Merci madame, bonne journée.
La plupart des pensionnaires rentrent passer les vacances dans leurs familles, moi c’est ici que je me sens chez moi, les choses me sont devenues familières, ce n’est pas comme chez ma mère où je ne suis allée qu’une ou deux fois pour y passer le week-end. Pour une raison inconnue je n’ai pas beaucoup aimé cet endroit malgré sa gentillesse et ses attentions, j’ai trouvé l’endroit dénué de vie, froid, inhospitalier tout ce design ultra moderne et aseptisé n’avait pas trouvé grâce à mes yeux. J’avais mis beaucoup d’espoir dans cette sortie, espérant trouver des réponses dans cet endroit qui devait m’être familier et où j’ai laissé derrière moi tous mes souvenirs. Des heures durant, j’avais étudié les photos punaisées au mur de ma chambre, tous ces visages qui me souriaient n’appartenaient qu’à des inconnus, j’avais essayé de forcer ma mémoire à se souvenir, mais sans succès. Furieuse de ne rencontrer que le vide, une colère sourde s’était emparée de moi, j’avais arraché du mur tous ces visages, criant mon désespoir et pleurant sous le regard médusé de ma mère. Peut-être avais-je mis trop d’espoir dans ce retour vers mon passé, pensant retrouver des bribes de moi, mais tel n’avait pas été le cas, anéantie et déstabilisée par cet échec, j’avais été raccompagnée au centre.
Il y a quelques jours, ma mère a téléphoné pour me demander si je souhaitais les accompagner dans leur voyage, elle m’assure que Simon et elle seraient très heureux que je passe un peu de temps en leur compagnie. Au cours de mes investigations, j’avais appris que dans le cadre de leur travail ils voyageaient beaucoup, mais la plupart du temps séparément, alors elle pensait que ce serait une occasion de nous retrouver en famille. J’ai refusé son offre prétextant que je me sentais encore trop fragile pour m’éloigner du centre. Même si je sais que ma mère fait de son mieux pour m’aider, quelque part au fond de moi, elle reste une inconnue, aimante certes, mais distante et je me sens coupable de ne pas arriver à l’envisager autrement.
— Je peux ?
Je tourne la tête pour me trouver de nouveau en compagnie de celui qui pour une raison que j’ignore a décidé de gâcher ma journée. Je n’ai pas vocation à me faire remarquer, alors je choisis de lui accorder mon autorisation.
— Si vous voulez.
— Ça tombe bien parce que je le veux et tu peux me tutoyer je ne suis pas si vieux tout de même.
Il dépose son plateau sur la table, tire la chaise vers lui et s’installe face à moi. Je le regarde découper un morceau de beefsteak avant de le porter à sa bouche avec la même béatitude que s’il venait d’effectuer un triple saut périlleux. C’est limite si je ne me synchronise pas à ses lèvres en ouvrant la bouche comme le ferait un jeune enfant qui voit arriver sa cuillère de purée. Tous ses gestes me semblent empreints de sensualité, il lève sur moi un sourcil interrogateur qui me fait réaliser que je le bade avec la même admiration qu’une groupie devant son idole. Rougissante, je reporte mon attention sur mon assiette et me mets à jouer du bout de la fourchette avec mes légumes.
— Alors Ella, dis-moi pourquoi tu n’essaies pas de te sociabiliser, quel avantage trouves-tu à ne pas communiquer ?
Je me dois de lui ôter cette idée ridicule de la tête, car avec lui j’ai la sensation que je pourrais passer des heures à discuter si j’avais des choses intéressantes à dire ce qui pour l’instant ne me semble pas être le cas et je lui en fais la remarque.
— Je suis incapable de me rappeler qui j’étais, quelle était ma vie, ce que j’aimais ou pas. Je suis comme une étrangère dans mon propre corps, alors si je me tais c’est parce que je n’ai rien à dire et encore moins quand je ne sais pas à qui je m’adresse.
— Tu as raison j’aurais dû commencer par me présenter : Je m’appelle Hugo ! Hugo Brondson, mais toi tu peux m’appelle Ash !
— Moi c’est Ella ! Devant son sourire genre « merci, mais je le sais déjà », je me dépêche de préciser. Mais ça tu le sais déjà !
— Je sais tant de choses sur toi Ella ! Disons que j’en sais plus sur celle que tu étais que sur celle que tu es.
Ma fourchette suspendue entre mon assiette et ma bouche. Devant mon regard effaré, il se dépêche de lever une main pour stopper les mots qui se bousculent, alors que mille questions me traversent l’esprit.
— J’entends d’ici les rouages de ton cerveau, dit-il, mais on verra plus tard pour les questions. Parle-moi plutôt de ta vie au centre, comment tu te sens ici ?
Je n’ai aucune envie d’attendre plus tard, cependant je pense plus raisonnable de répondre à ses questions, prête à tout pour apprendre des choses sur mon passé, mais il ne l’entend pas de cette oreille. Il m’interroge sur le roman que je suis en train de lire, nous débattons du sujet aussi librement que si nous étions de vieilles connaissances et c’est troublant. Je me surprends même à rire, chose qui ne m’est plus arrivée depuis mon retour parmi les vivants. Puis soudain, comme si cette fois encore il venait de décider que j’étais devenue inintéressante, il quitte la table en me souhaitant un bon après-midi, me laissant seule avec mes questions, mes doutes et mes incertitudes, sans m’avoir rien dévoilé de sa personne.
La vaste propriété possède un joli petit lac entouré de saules pleureurs, c’est l’endroit où j’aime venir quand j’ai besoin de m’isoler pour réfléchir, ce qui arrive assez fréquemment, car chercher qui j’étais avant l’accident occupe le plus clair de mon temps. Nichées sous les arbres, les eaux claires du lac scintillent sous les rayons du soleil et les branches des saules pleureurs se reflètent à sa surface. Les pensionnaires ne viennent pratiquement jamais jusqu’ici, ils se réunissent le plus souvent autour de la piscine du château c’est pourquoi j’aime cet endroit où je viens me cacher, pour m’isoler du reste du monde. Je passe devant le pavillon d’été construit au milieu d’une clairière de chênes centenaires, les formes hexagonales de la construction éclatent de toutes leurs beautés sous les rayons du soleil qui par endroit percent entre les branches des grands arbres, projetant un jeu d’ombres et de lumières sur la partie visible des murs de pierres ocres qui lui donne une sorte d’aura magique. D’habitude fermés, je constate que les volets à persiennes de bois gris ont été retirés laissant apparaître sur chaque face de hautes fenêtres cintrées et à petits carreaux qui lui donne tout son charme. Sans l’ombre d’une hésitation, je retire mon appareil photo de sa housse et profite de la chance qui m’est donnée de voir cet endroit dans toute sa splendeur et je commence à mitrailler le pavillon sous tous les angles.
Depuis que je suis revenue du néant, j’ai une intuition me concernant, intuition confirmée par mon frère Ethan. La Ella Saintonge du passé était passionnée de photos ! Si j’en crois ses dires, je suis plutôt assez douée, ce que semblent confirmer les dossiers de photos prises avant l’accident et stockées dans mon ordinateur. Je n’ai aucune complaisance pour la fille qui a pris ces photos cependant en toute objectivité après avoir étudié un grand nombre de clichés, je suis assez de l’avis de mon frère. J’ai un œil très sûr pour capturer les jeux de lumière, je sais me placer aux bons angles, sublimer la beauté de la nature, des objets, appréhender les sentiments au travers des regards, cela semble être une de mes qualités.
Après avoir pris quelques clichés, je range mon appareil dans la besace qui contient déjà mon ordinateur pour rejoindre la rive du lac, mais poussée par la curiosité, je m’approche du pavillon pour tenter d’apercevoir ce qu’il y a à l’intérieur. J’ai souvent imaginé des histoires plus romanesques les unes que les autres, ce lieu m’attire inexorablement. Prudemment, je monte les deux marches menant à la terrasse en bois, colle mon visage aux carreaux de la fenêtre, mes mains placées de chaque côté de mes yeux, je laisse ma vue s’adapter au changement de lumière pour découvrir une seule et immense pièce circulaire aménagée dans un esprit loft.
J’enregistre chaque détail, l’endroit est épuré, décoré avec des matériaux très naturels, de la laine tissée ou tressée, de la toile de jute, du lin, du bois, cet endroit vibre d’un charme douillet. La pièce s’organise autour d’une cheminée centrale avec un avaloir de fumée en métal suspendu, son foyer est ouvert de tous les côtés afin que, quel que soit l’endroit où l’on se place, on puisse profiter du spectacle des flammes. Mon regard se porte un peu plus loin, dans un coin de la pièce se trouve un grand lit, je me tiens courbée le nez collé à la vitre lorsque je distingue une silhouette assise en tailleur au milieu du lit, une guitare à la main. Hugo Brandson que je ne sais pour quelle raison je dois nommer Ash, égrène des notes de musique mélancolique sur l’instrument. Je retiens un cri, lorsqu’il relève la tête et que son regard croise le mien. Vivement, je recule sur la terrasse pour faire demi-tour et descendre rapidement les trois marches de bois. Dans ma précipitation, je renverse un seau que je redresse avant de partir en courant honteuse d’avoir été prise en flagrant délit de curiosité.
Adossée au tronc d’un saule pleureur dissimulée par les branches qui tombent jusqu’au sol, mon ordinateur sur les genoux j’enregistre les photos que je viens de prendre. Concentrée pour éviter de laisser vagabonder mon esprit vers ce garçon qui m’intrigue, je ronge mon frein, il y a tant de questions que j’aimerais poser à ce Hugo qui semble détenir des informations sur moi, mais qui ne semble pas disposé à me faciliter la tâche. Le plus troublant est que j’ai du mal à intégrer qu’à un moment donné de ma vie d’avant, j’ai pu croiser un si beau mec, y rester indifférente et l’avoir oublié. Un rayon de soleil insistant joue sur mon visage m’obligeant à ouvrir les yeux, sans même m’en rendre compte j’ai dû m’assoupir, un léger mouvement dans mon dos me fait tourner la tête, les branches du saule s’écartent pour laisser Hugo se faufiler entre les rameaux et sans me demander si cela me dérange, il se pose près de moi les genoux remontés jusque sous son menton les bras croisés dessus.
— Alors c’est ici que tu te caches ?
— Je ne me cache pas ! C’est ?… Je ne sais pas dire ce que c’est, mais j’aime cet endroit, voilà tout. J’écoute vivre la nature autour de moi, le chant des oiseaux, le bourdonnement des abeilles, le bruit agaçant des mouches, ou celui agréable du vent qui glisse dans les branches des saules. La nature émet chaque jour et à chaque heure des sons différents, des odeurs différentes tout ceci rythme les saisons et je trouve ce phénomène fascinant.
Je rougis sous le regard intrigué qu’il pose sur moi. Il me fixe d’un drôle d’air comme s’il me découvrait pour la première fois, encouragée par son silence, je tente de lui faire comprendre mon ressenti.
— J’aime les rayons du soleil qui filtrent entre les branches, le clapotis de l’eau quand un poisson remonte à la surface avant de replonger, je n’ai pas de souvenirs précis de ma vie d’avant, pourtant je sens au fond de moi que ces bruits m’y ramènent, cet endroit me fait du bien tu comprends ?
Voilà bien la conversation la plus longue que j’ai eue depuis presque un an, mais avec lui, tout me paraît simple, fluide, même si par moment il me traite avec brusquerie, qu’il ne se dévoile pas, ne répond à mes questions que par d’autres questions, je ressens l’envie de m’épancher. J’ai besoin de quelqu’un qui comprenne à quel point il est difficile de vivre à la fois dans le présent et à la fois dans le néant de son passé. La tête appuyée sur ses bras repliés, il me fixe de ses beaux yeux noirs.
— C’est aussi un endroit que j’affectionne tout particulièrement déclare-t-il avec un brin de nostalgie dans la voix. Gamin je venais souvent me baigner dans le lac, parfois l’eau était gelée, mais je m’en moquais. Tu vois le promontoire là-bas, dit-il en me désignant du doigt l’avancée de bois. Je courais tout le long pour m’élancer avant de sauter dans l’eau en poussant des cris d’Orfraie, ça rendait ma mère dingue, elle avait toujours peur que je me brise quelque chose.
Je croise son regard, il me sourit et c’est comme si le soleil venait de pénétrer mon vide intérieur.
— Tu as de la chance d’avoir des souvenirs !
— Pas toujours Ella ! Parfois j’aimerais que certains s’effacent, mais notre cerveau est une machinerie compliquée, il ne fait pas le tri, il garde les bons, les moins bons et puis il y a ceux que…
Il laisse sa phrase en suspens.
— Ceux que l’on voudrait oublier ? Je termine.
— Ouaip, c’est ce que j’allais dire ! Je pense que pour toi ce doit être difficile et angoissant de ne pas te souvenir, mais parfois j’aimerais pouvoir oublier.
— Ce matin tu as dit : je te connais, est-ce que tu peux m’en dire plus ?
Il semble réfléchir à ce qu’il peut ou non me confier, lorsque interrompant notre conversation, la cloche du repas du soir retentit à l’autre bout du parc. Je suis sidérée quand je réalise qu’auprès de Hugo, je n’ai pas vu le temps filer, les yeux levés vers le ciel, je peux voir que le soleil à tourner de l’autre côté de la rive du lac. Je m’empresse de plier mon ordinateur, le range dans ma sacoche pendant qu’il se lève avec souplesse. Hésitante, je finis malgré tout par saisir la main qu’il me tend pour m’aider à me relever. À son contact, je sens comme une sorte de courant électrique qui part de mes doigts pour traverser mon bras. Déstabilisée par cette réaction, je m’empresse de la retirer et frotte les brins d’herbe secs et quelques débris qui sont accrochés à mon short en jean puis j’enfile en bandoulière le sac qui contient mon ordinateur portable et mon appareil photo.
— Je dois y aller si je ne veux pas être en retard pour le souper.
— Je crois que tu sais où j’habite, tu peux passer pour discuter quand tu veux.
Il est près, beaucoup trop près pour que je ne sente pas son eau de toilette ambrée chatouiller mes narines, il me domine d’une tête et je suis obligée de relever les yeux pour croiser son regard. Tout mon corps se met à vibrer, dans une tentative désespérée de lui cacher mon émoi et l’effet qu’il produit sur moi, je tente de m’éloigner et je ne sais pas où je trouve le courage de lui parler sans bafouiller.
— Merci Ash ! Je suis désolée pour tout à l’heure, je ne voulais pas t’espionner, on va dire que ma curiosité l’a emporté sur ma bonne éducation.
— Ce n’est pas grave, tu n’avais pas besoin de t’enfuir comme une voleuse, je ne te ferais aucun mal, tu peux me faire confiance Ella. Enfin, dans la mesure où tu arrêtes de faire ça ! dit-il en fronçant légèrement les sourcils.
— Faire quoi ?
— Me regarder comme si tu voyais… Il hésiter à formuler le fond de sa pensée, puis fini par dire. Je ne sais pas, mais tu dois éviter de le faire.
La cloche retentit une nouvelle fois dernier rappel pour les retardataires, il est temps pour moi de regagner le château. D’un pas rapide, je remonte la longue allée, le gravier crisse sous mes semelles, je gravis en courant les marches de l’escalier pour regagner ma chambre où je dépose mes affaires sur un coin du lit. Je fais rapidement un brin de toilette et je redescends en courant pour rejoindre le réfectoire. Le repas du soir est servi à dix-neuf heures trente. Au début j’ai eu un peu de mal à m’y faire, mais j’ai compris que le personnel une fois les repas terminés doit encore effectuer beaucoup de travail et que la bonne marche de l’établissement demande une organisation bien huilée.
Les jours rallongent le couvre-feu est décalé, on nous autorise à sortir jusqu’à vingt-deux heures pour profiter de la douceur des soirées, ceux qui le souhaitent peuvent se promener dans le parc jusqu’à la nuit tombée. Je suis dévorée par l’envie de voir l’intérieur du pavillon, mais surtout d’y rejoindre Ash qui n’est pas venu souper dans la grande salle et je m’agace toute seule, car depuis ce matin je ne peux le sortir de ma tête. En descendant les marches du perron, j’aperçois quelques pensionnaires regroupés sur les fauteuils en osier de la terrasse, ils bavardent autour d’une tasse de thé, je ne me joins presque jamais aux différents groupes, car la majorité d’entre eux sont des adolescents qui n’ont pas plus de quinze ou seize ans. Ils sont sympas, mais je me sens un peu en décalage, certains ont de vrais problèmes psychologiques que je ne comprends pas, je sais que je ne peux leur être d’aucuns secours et j’ai presque vingt ans autant dire qu’ici je fais office de vieille.
Assises sur les grandes marches du perron, mon ordinateur sur les genoux, je passe en revue les images de mes dossiers photos. Je vais finir par les connaître par cœur tant je les regarde souvent pour trouver un sens à ma vie d’avant. Il y a quelque chose qui m’échappe, mais je n’arrive pas à déterminer ce que je cherche dans ces images qui représentent une jeunesse insouciante et des visages que j’ai oubliés. Il y a cette autre moi avec qui je ne semble plus avoir en commun que mes grands yeux bleus, disparus, les longs cheveux moitié blond et moitié rose barbe à papa, le piercing au sourcil, les tenues voyantes. Celle que j’étais reste pour moi une inconnue que je ne suis même pas certaine d’aimer. Je pousse un profond soupir, referme l’ordinateur et le replace dans ma besace tout en me dirigeant vers l’allée centrale, mon appareil photo autour du cou. Je vais chercher un peu de fraîcheur au bord du lac, mais j’évite le pavillon d’été. Je rejoins directement le rivage afin de capturer des images du soleil couchant la soirée tire largement vers sa fin, la chaleur de la journée est encore présente quand je laisse tomber mon sac contre le tronc du saule pleureur. Les couleurs changent rapidement, le soleil se transforme en une énorme boule orangée qui plonge lentement de l’autre côté du lac pour se cacher derrière le sommet des arbres en lisère de bois. Les derniers rayons éclairent la surface lisse de l’eau, le ponton de bois se détache sur un camaïeu de couleurs pastel qui vont du rose à l’orange en passant par des tons de violet, cette symphonie de couleur est d’une beauté presque irréelle. Depuis mon retour à la vie, la seule chose qui m’excite, qui me rend véritablement heureuse et me fait me sentir vivante, se sont ces moments que je vole à l’espace-temps, l’œil collé à l’objectif de mon appareil photo.
À plat ventre sur le sol, je me cale et mitraille le ponton en déplaçant le zoom pour modifier mes prises de vues, j’attends que le soleil baisse encore pour faire une nouvelle série avec une lumière différente. J’ajuste l’appareil à mon œil quand dans l’objectif je vois Ash ses hanches fines moulées dans un caleçon de bains noir qui met en valeur ses fesses que je devine musclées. J’avale ma salive avec difficulté, sa silhouette longiligne se détache dans le coucher du soleil pendant que je règle l’objectif et retiens ma respiration. Avec la grâce d’un danseur, il s’élance en courant le long du ponton, je le mitraille dans sa course, puis lorsqu’il se projette en l’air avant de plonger dans les profondeurs du lac soulevant une gerbe d’eau autour de lui.
Mon doigt reste appuyé sur le bouton, je saisis des dizaines de photos en rafle pendant que je retiens mon souffle, attendant le moment où il va remonter à la surface, chose qu’il fait en jaillissant de l’eau et repoussant en arrière les cheveux qui lui tombent sur le visage. Immobile on dirait qu’il s’imprègne de la douceur du moment avant de regagner le ponton dans un crawle puissant et pendant qu’il gravit l’échelle de bois, j’en profite pour photographier ce corps magnifique sur lequel glisse l’eau. Je prends une profonde inspiration lorsque je réalise que je dois être en apnée depuis qu’il est apparu sur le ponton, puis je relâche l’air que je retenais prisonnier de mes poumons quand je le vois s’asseoir sur les planches de bois, une jambe étendue devant lui, l’autre pliée, ses deux bras tendus derrière lui, la tête levée vers le ciel, il semble écouter les premiers bruits de la nuit qui tombe lentement.
L’obscurité gagne sur la fin du jour, sa silhouette se dessine en ombres chinoises sous les derniers rayons du soleil couchant qui finit en apothéose. Je ne peux m’empêcher de fixer sur la pellicule tant de beauté, comme s’il avait deviné ma présence, son visage se tourne dans ma direction, pour ne pas être vue, je tasse ma frêle silhouette sur le sol où j’attends un long moment qu’il regagne le pavillon. Je me dépêche de rassembler mes affaires pour quitter le couvert des arbres et regagner le château, lorsque émergeant des longs branchages, je me trouve nez à nez avec Ash torse nu, il a simplement échangé son maillot de bains contre un bermuda beige.
— Tu m’espionnes encore ?
— Heu ! Non, non pas du tout j’étais venue pour photographier le coucher du soleil sur le lac, je suis désolée, je ne voulais pas être indiscrète.
— C’est bon, je te taquine, allez viens, suis-moi.
Je ne me le fais pas dire deux fois, je lui emboîte sans même me demander si c’est une bonne, ou une mauvaise idée, car si je ne rentre pas très vite, je risque de trouver close la porte du château et je serais obligée de dormir à la belle étoile. Je lui dis que j’aimerais accepter son invitation, mais que je risque de ne pas pouvoir regagner ma chambre.
— J’ai la clé, je peux t’ouvrir, mais si tu préfères renter maintenant, libre à toi de le faire.