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Elle s’aime le bonheur plonge dans le parcours de Léa, une jeune femme qui réorganise son emploi du temps dédié aux personnes âgées à l’hôpital, afin de coacher de jeunes entrepreneurs désireux de réaliser leurs rêves. Elle jongle avec aisance entre sa vie familiale, ses patients, les animaux et les enfants défavorisés, leur offrant une perspective de vie plus positive et inspirante.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Dans un style d’écriture fluide,
Sophie Carré allie l’humour, l’amour et la spiritualité dans ses récits sur le développement personnel. Elle s’inspire de ses rencontres pour placer dans ce nouveau roman des mantras et des notes bienveillantes, pour tendre encore un peu plus vers le bonheur. Après son premier roman "Le bonheur se trouve au quatrième étage" et le second "Les bonheurs intérieurs", Sophie nous propose cette troisième suite qui clôture la trilogie du bonheur.
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Seitenzahl: 470
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Sophie Carré
Elle s’aime le bonheur
Roman
© Lys Bleu Éditions – Sophie Carré
ISBN : 979-10-422-2852-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le bonheur de recevoir une invitation…
Depuis combien de temps n’ai-je pas reçu une invitation ? Même pas une seule. Je ne parle même pas de quelques propositions de soirées, de soupers, de promenades ou même d’accompagner une amie faire des courses : rien !
J’aurais même pris du plaisir à pousser un caddie pour quelqu’un d’autre, à déménager un pote qui vient de se séparer dans la douleur, ou à consoler la copine inconsolable. Mais rien !
Il faut dire que quand on a un bébé de quatre mois, ce n’est pas évident pour les autres de se mettre à notre place.
Je le sais très bien, parce que j’étais comme ça avant. Dès qu’un bébé était présent à un kilomètre à la ronde, je devenais la championne du monde de l’excuse !
Obsolète « j’ai piscine » ou « j’ai poney », j’étais plutôt du genre : « ma grand-mère est morte suite à un saut à l’élastique », « mon chien s’est fait opérer des dents de sagesse » ou « mon père a été arrêté pour trafic d’organes ».
Je ne jette de cailloux à personne, même pas à Pierre, car il est vrai que par respect ou par discrétion, les gens autour de nous se font très… discrets ? Pudiques ? En tout cas, ils se font très rares !
C’est peut-être aussi la peur de se faire séquestrer ou exploiter comme baby-sitter, le temps d’une évasion en tant que couple, ce que je peux comprendre…
Quand notre petite Aurore est née, Alex et moi avions promis que ça n’affecterait pas vraiment nos vies. Elle prendrait le train en marche avec nous et tout serait parfait dans le meilleur des mondes. Où ça ?
Mais étant autour de la quarantaine tous les deux et en sachant très bien que notre fille sera unique, nous voulons aussi profiter un maximum d’elle, et si je suis totalement honnête, c’est aussi nous qui avons pratiquement hiberné ces quatre derniers mois.
J’avoue quand même que mon amie, Nina, est assez présente : seule pour un petit encas, de passage en coup de vent, avec son chien Albator, avec son mari Marc et, quelquefois, avec leurs deux enfants, mais cette dernière proposition est la case que je cocherais en tout dernier, voire pas du tout.
Bien qu’ils soient adorables tous les deux, leur changement de voix fait parfois sursauter ma petite. Je comprends bien qu’ils n’ont pas le choix de muer, mais je préférerais qu’ils le fassent ailleurs.
De plus, je trouve que ça ressemble franchement à un violon mal accordé. Certains animaux perdent leurs poils, d’autres leurs plumes ou leur peau. Mais chez l’humain, on a décidé de faire dans le ridicule, le temps de la mutation.
Soit, je me ravise, je suis un peu dure là, j’aime parfois trop jouer ma drama queen.
C’est vrai que nous sommes invités parfois et c’est plutôt de mon côté que la crainte se fait sentir.
Après analyse, je ne suis pas si exigeante que ça, mais comme dans quelques mois, Aurore va commencer à se déplacer sur les fesses ou à quatre pattes, je demande juste à nos hôtes que les meubles soient surélevés ou au minimum que les coins soient calfeutrés, je leur laisse au moins le choix.
Chez Nina, c’est passé crème, mais elle m’aime beaucoup, c’est mon amie.
Et puis, elle est sa marraine de cœur, donc je crois que si je lui demandais de faire Couvin-Ostende à cloche-pied et sans ravitaillement, elle le ferait. Mais perso, je ne vois pas vraiment l’intérêt… Même si on aime vraiment les moules.
Il y a bien quelques visites occasionnelles chez mon père aussi. Il habite seul, en appartement, depuis plusieurs mois.
En couple avec Fiona, c’est sa première expérience de vie en solitaire et je trouve que ça lui réussit plutôt bien. Je n’aurais pas misé une mirabelle sur lui, à part dans l’eau-de-vie, et pourtant son mental s’est amélioré au quotidien.
De nature pessimiste, il a dû prendre sur lui parfois, mais on peut dire que maintenant, il gère ses journées, avec parfois de petits incidents, mais sans gravité.
Les fonctions grill/micro-ondes du four, ainsi que la gestion de la température de la machine à laver, n’ont maintenant plus de secret pour lui.
Après quelques plastiques fondus sur ses repas ou des chemises sorties de la machine à laver deux tailles en dessous et dans des couleurs improbables, il est blindé maintenant ! Parfois vêtu de rose, mais blindé !
Il nous reçoit souvent avec plaisir ma fille et moi, c’est un vrai bonheur. Il prend son rôle de papy très à cœur. Même si son nouveau statut lui hérisse encore les poils !
Alex nous accompagne rarement. Patron de sa petite entreprise de confection artisanale de bougies naturelles, il consacre beaucoup de temps à la création, mais surtout, il met un point d’honneur à ce que le personnel se sente bien. C’est sa priorité.
Il me répète souvent qu’un cadre de travail agréable et respectueux améliore grandement la qualité des produits et la rentabilité de l’entreprise. Donc, tout le monde y gagne.
J’adore converser avec l’amie de mon père, Fiona, elle est très ouverte à ce que peut nous apporter l’univers.
Ensemble, nous discutons de comment fonctionnent la loi de l’attraction, les synchronicités, le pouvoir des émotions, la pensée positive ou on s’échange des mantras à répéter sans modération. On se prête des livres ou on partage un avis sur nos auteurs préférés comme Virginie Grimaldi, Mélissa Da Costa, Valérie Perrin, Laurent Gounelle et bien d’autres.
Tous ces bons conseils, je les ai notés dans un carnet que j’ai intitulé : « Les bonheurs intérieurs ».
C’est un peu la même chose avec mon amie Nina. C’est elle, entre autres, qui est la grande responsable de mon ouverture d’esprit sur ce que l’univers peut nous apporter quand on est dans la gratitude, et je ne la remercierai jamais assez pour ça et pour toutes ces nouvelles expériences.
Nous avons déjà fait des séances de méditation guidée ensemble, et souvent, ça commence bien, car nous sommes très motivées et concentrées.
Nous sommes chacune dans notre coin, un plaid sur les épaules, entourées de quelques bougies et d’encens. Rien ne peut nous déloger de ce moment de connexion à l’univers…
Mais si par malheur, la voix de l’orateur est un peu trop spéciale ou nasillarde, un accent à couper à l’éplucheur économique mal aiguisé, ou qu’on perçoit une drôle de respiration, un râle pendant les moments de silence, c’est parti, on s’imagine n’importe quoi et on est écroulées de rire.
Et pourtant, on se retient, les yeux fermés, on résiste, mais si une des deux laisse échapper un léger rictus, même un son à peine audible, on peut être certaines qu’on va se payer une belle tranche de rire jusqu’aux larmes.
La méditation sert à entraîner son mental à se libérer ! Et de fait, quand on pouffe de rire comme ça, pas d’inquiétude, plus aucune pensée négative ne traîne par-là, on a tout évacué à coup d’éclat de rire ! C’est que du bonheur.
Dans la famille Aubène, je demande la fille, c’est moi, Léa, quarante et un ans, travaillant au quatrième niveau d’un hôpital, le merveilleux étage des personnes âgées.
Mais pour le moment, je suis à l’arrêt, pour cause de bébé accroché à mes seins.
Ensuite, je demande le père Aubène, retraité, évoluant lentement spirituellement, mais progressant quand même de jour en jour et acceptant difficilement le grade de Papy depuis mi-décembre. Ce changement d’identité l’amuse moyennement.
Et pour terminer, je demande la mère Aubène, vivant à l’étranger depuis plusieurs années, et communiquant avec sa fille par courrier principalement. Avec le père Aubène, elle ne communique plus trop, on peut même dire que les conversations sont légèrement gelées et glaciales depuis des années.
J’apprécie tout particulièrement ce style d’échange avec ma mère, car je peux peser chaque mot que je ressens pour retranscrire de vrais sentiments et les partager avec elle.
Elle était bien sûr au courant de ma grossesse et de la venue de notre petite Aurore et il était convenu qu’elle débarque dans la région pour l’été. Ma mère a besoin de chaleur pour son bien-être.
En ce matin de février, quand on a sonné à la porte, j’ai d’abord sursauté.
Bien que je sois relativement sociable, j’ai rarement de la visite. Je me pose d’ailleurs des questions parfois. Est-ce que je fais peur le matin, sans maquillage ? Ou est-ce que je fais peur tout court ? Suis-je suffisamment agréable quand on me dérange chez moi trop tôt ?
Soit, ces questions resteront en suspens, car là, je dois aller ouvrir.
Et : surprise ! C’est un chauffeur de taxi qui stagne devant ma porte.
Avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, je vois ses yeux exorbités, en découvrant que sous une serviette qui part de mon épaule, il devine la tête d’un bébé de deux mois.
Oui, je sais, l’allaitement debout en ouvrant une porte, ce n’est pas ce qu’il y a de plus pratique, ni de plus esthétique.
Quoiqu’à ce stade, l’esthétisme, on s’en fout un peu, vu qu’en plus, je n’ai pas réservé de taxi ! Et là, moi non plus, je ne vois pas le rapport !
Je ne comprends pas trop ce que cet homme a voulu dire avec ses deux doigts en guillemets au-dessus de « colis », affublé d’un grand sourire niais.
Re-tentative de fermeture de porte ! Re-pied écrasé !
À croire qu’il a fait un stage chez les Jéhovahs, avec supplément formation spécifique « blocage de porte », car avant que celle-ci ne claque, il avait à nouveau glissé subrepticement son pied dans l’entrebâillure.
Et c’est là que le chauffeur de taxi décide quand même d’ôter sa grosse chaussure blindée de mon entrée et de se reculer, pour que je puisse apercevoir… ma mère ?
Je vais payer ce charmant jeune homme, prendre mon sac et j’arrive.
Je vois que ce chauffeur et elle rigolent bien, on dirait qu’ils ont monté cette petite blague ensemble depuis des heures, ils kiffent grave !
Quand j’enlève la serviette qui la recouvre, pour éviter que notre ami Ronaldo ne se rince l’œil, je découvre une Aurore repue, souriante et endormie.
Délicatement, je la place sur mon épaule pour qu’elle puisse se reposer, et éventuellement roter.
C’est chose faite quelques secondes plus tard. On n’aurait d’ailleurs pas pu ignorer ce rot, qui nous fait nous demander, à ma mère et à moi, s’ils n’étaient pas plusieurs là-dedans !
Avec un tympan en moins, on éclate de rire toutes les deux. Enfin, moi j’essaye de rire en sourdine, pour ne pas la réveiller.
Rire en catimini n’est pas chose facile, surtout pour moi !
On baisse instinctivement d’un ton, pour respecter son sommeil.
Un bébé de deux mois, ce n’est pas rien.
Mais dis-moi, il fait bien calme ici, pas de comité d’accueil… Ne me dis pas que Truc est… ?
On avait remplacé le sol de ta chambre par un magnifique tapis blanc tout moelleux, quand tu as eu l’âge de pouvoir jouer seule dans ta chambre.
Tu en as profité pour y dessiner une esquisse d’un mètre de diamètre qui aurait pu rendre jaloux René Magritte !
Est-il toujours comme ça ?
Mon directeur a eu un peu de mal à accepter ma demande, mais me donne quand même mon mi-temps. C’est ma collègue Aline qui va reprendre l’autre mi-temps comme responsable du quatrième étage.
À propos d’Aurore, tu vas au cimetière parfois ?
Le débarquement imprévu de ma mère tombe à pic.
Même si je suis en congé de maternité, je vais encore régulièrement à l’hôpital pour prendre des nouvelles de nos patients, mais aussi pour faire la gestion d’un planning d’activités, que j’exerce en tant que bénévole.
Grâce à l’héritage d’un de nos patients, Alfred Gabelet, nous bénéficions d’une petite salle située entre l’hôpital et l’école.
Elle permet, entre autres, de mettre en relation les patients du quatrième étage, et les enfants du pensionnat et de l’école d’à côté.
Nous avons déjà fait l’expérience auparavant, les mercredis après-midi ou les week-ends, et cette connexion entre ces deux générations est super bénéfique pour tout le monde.
Habituellement, je viens à l’hôpital avec Aurore, que je n’ai aucune difficulté à caser, tellement mes collègues sont tous fous d’elle.
Mais aujourd’hui, c’est un peu spécial, car je suis là pour tout l’après-midi et j’ai préféré confier ma petite fille à sa Yaya, comme le disent les Grecs.
Ma mère se fera un plaisir de la cajoler pendant ces quelques heures, surtout qu’elle repart déjà vers le soleil à la fin de la semaine.
Pour ma part, je passe en mode carnaval !
J’avais mis un message sur les réseaux sociaux, pour faire un appel aux dons pour des déguisements, des chapeaux, des boas, du maquillage, etc. Tout ce qui s’apparente au carnaval, sauf des confettis !
Ça non, je refuse, même pas en rêve que je vais nettoyer la salle après la fête, avec les confettis tout collés partout, que les plus petits vont transporter jusque dans le parking, et que les plus grands emmèneront jusque dans leur chambre, avec leur chaise roulante ou leur canne. Surtout qu’on n’est pas à l’abri d’une glissade de canne sur confettis mouillés : confettis 1/résident 0, à coup sûr !
Des serpentins, à la limite, je veux encore bien, mais le premier qui franchit la porte avec un sac de confettis, je l’épingle au mur jusqu’au soir ! Ou je lui verse le paquet entier dans son slip, pour qu’il comprenne à quel point c’est désagréable !
Et je ne parle même pas du bonheur de voir des confettis dériver dans le cacao, pour finir leur vie collés dans le fond de la gorge.
Cette sentence sera exclusivement attribuée aux enfants, bien entendu, car j’ai une totale confiance en mes résidents. Quoique…
Quand j’arrive à l’hôpital, trois sacs de vêtements m’attendent avec de quoi tenir tout un après-midi d’amusement. Quel bonheur cette solidarité ! Je suis vraiment émue !
Aline, ma collègue, vient me donner un coup de main pour faire un premier tri.
D’abord, séparer les affaires pour les adultes et pour les enfants. J’irai directement mettre les plus petits vêtements dans la salle, étalés sur une table, pour que les enfants puissent choisir à leur arrivée.
Veux-tu que je t’appelle un homme d’entretien avec un pied de biche pour te dégager de cette robe pour fillette ?
Tu t’en sors ?
Alors, si lui, il est pilote de chasse, ma grand-mère, elle fait du vélo !
Le suivant ?
Mais c’est fou l’utilisation des filtres, c’est abusé, regarde celui-là, il est tout déformé et il fait genre ! On dirait un personnage de dessin animé avec sa face en plastique et il croit qu’il va matcher comme ça ? Un autre peut-être ?
Il dit aussi qu’il est très.
En fait, si j’enlève celui qui met une bagnole en photo de profil, au cas où j’aurais envie de fricoter avec un radiateur, celui qui place exclusivement ses enfants en avant, celui qui présente de beaux paysages, mais qui s’oublie sur les photos, ou celui qui porte un chapeau, des lunettes de soleil et qui est à moitié de dos, alors on peut dire que ça va.
Voilà Georgi le King, le petit dernier pour la route, qui prend sa photo en contre-plongée et on voit que son nez n’est pas très propre. Tu crois que ce sont de fausses dents ?
On aurait peut-être dû appeler l’homme d’entretien finalement, il n’est pas mal, je crois. Lui aussi est très. Ah ah !
Les enfants arrivent pour quatorze heures.
Finalement, ma mère a peut-être raison. Laisser les commandes du quatrième de l’hôpital à mi-temps à Aline est peut-être une erreur.
Parfois, je me pose des questions sur son manque de logique, mais quelquefois, c’est de l’humour, je ne distingue pas toujours…
De toute façon, jusqu’à juillet, c’est toujours Jasmine qui gère l’étage. Ça me laisse de la marge pour y réfléchir.
Et c’est quand même mon directeur qui aura le dernier mot.
Le premier à choisir son déguisement, c’est Victor. Il trouve que le nez rouge lui va bien, ainsi que la perruque multicolore crollée.
Je vois Aline à l’autre bout de la salle, je me précipite pour la prévenir.
Je me précipite vers lui comme mon sauveur.
Oui, en effet, les enfants crient, tous les costumes sont retournés, mais le temps que les gosses choisissent et j’irai ranger, t’inquiète.
Regarde, Jasmine, Philippe et Aline ont terminé de déguiser les résidents.
Et ton « décrocheur » de Victor est sous la surveillance de monsieur Dupont, tout roule, tu vois ?
De plus, tu es encore en repos, je te signale, c’est seulement ta première grosse activité depuis l’arrivée d’Aurore, c’est normal que tu stresses.
Et d’un coup, les enfants arrêtent de crier et se mettent à chanter, à tourner autour des résidents pour faire une farandole.
Je vois que Victor a trouvé de grosses lunettes, il se sera finalement déclaré clown pour l’après-midi. Je l’espère, plus de décrochage aujourd’hui, ce serait cool.
Non, je dirais même que c’est intéressant d’avoir un patient plus jeune que la majorité, à notre étage. Vous restez chez nous j’espère ?
Non, mais sérieux, je voulais vous dire, malgré votre burn out, vous êtes très positif en leur présence, et ça fait plaisir à voir.
En m’approchant de la table, je vois une belle perruque blonde, c’est tout à fait pour moi ça ! J’attrape une longue robe style Nellie Oleson, très large, que je pourrai aisément passer sur mes vêtements, et l’affaire est faite.
Même Alex ne m’a pas reconnue tout de suite, quand j’ai passé ma main subtilement sur ses fesses. Il a sursauté, puis écarquillé les yeux puis éclaté de rire. Sympa !
C’est vrai, depuis l’arrivée d’Aurore, nous ne nous accordons plus beaucoup de temps rien que tous les deux. Nina m’a rassurée, c’est normal après un premier enfant, il faut déjà qu’on se remette physiquement, mais aussi mentalement.
La fête bat son plein, le chocolat coule à flots et les chaises roulantes tournoient au centre de la piste, parfois même en wheeling. Pourvu que personne ne soit malade !
Je peine à reconnaître certains résidents, tellement ils sont bien maquillés ou déguisés.
Aline a de nouveau assuré sur ce coup-là. Je suis certaine qu’elle fera une bonne responsable. Elle est jeune et un peu distraite parfois, mais elle assure pour son travail et ça passe super bien avec les résidents.
Et puis, je sais que je peux compter sur Jasmine pour la seconder en cas de besoin. En tant que remplaçante pour différents services de l’hôpital, elle en connaît un rayon sur à peu près tous les étages.
Et avec l’arrivée de Philippe, ce petit nouveau très motivé, je suis tranquille pour assurer un mi-temps à l’hôpital et un mi-temps complémentaire en coaching chez moi. J’ai hâte.
C’est un résident que je ne connais pas qui me sort de mes songes.
Ah ben, celui-là, on peut dire qu’il m’a clouée sur place.
Super, encore un loufoque dans mon étage, ça promet !
Alors Charles, mollo sur le cacao hein, pensez à votre foie !
Tout va bien, monsieur Gabelet ?
Je suis heureuse de voir qu’Alex n’a rien raté de cette scène, ça nous fera des souvenirs à la fête annuelle de l’hôpital, quand on visionnera ça tous ensemble.
NB : ne pas oublier de couper une certaine scène au montage…
Sur la piste de danse, j’aperçois Jacques Dupont qui danse avec la petite Annabelle. Vu d’ici, on dirait plutôt qu’il lui laboure les pieds, mais ça la fait bien rire, avec la complicité de ses amies Hannah et Léonie.
Je peux voir aussi que notre nouveau résident, monsieur Milo Catini, passe de main en main. Je ne pense pas qu’il lise l’avenir, car c’est très bref, mais il semble surprendre les gens qu’il croise. Il faut que j’approfondisse cela dès que possible.
Au moindre problème, tu pourras toujours me contacter.
Louis et Louis, veuillez descendre de cette table tous les deux ! Et je me fous de savoir qui a eu l’idée ! On se demande vraiment qui est l’enfant entre les deux ?
Pardon pour cette interruption. Il faut vraiment avoir les yeux partout. De neuf à nonante-neuf ans, de vrais gamins !
Aline, as-tu confiance en toi ?
Excuse-moi.
Albert, si vous sortez votre sac de confettis, je…
Et c’est à ce moment-là que tout a basculé…
Tout se passait pourtant si bien, je pensais vraiment maîtriser la situation, et puis…
Quelques gamins se sont mis à scander : Al-bert ! Al-bert ! Al-bert !
Ils nous ont ensuite encerclés, Albert et moi, tout en dansant la farandole.
Lui, sur le point de percer son sac de confettis et moi, pointant vers lui mon index.
Difficile dans ces conditions de garder mon sérieux, surtout en voyant Alex derrière, qui filme la scène, et qui n’attend qu’une chose, l’explosion de confettis ! Le traître !
J’ai l’impression que cette scène dure un temps fou. Mais non finalement, assez rapidement, le sac est éventré et se retrouve en grande partie sur ma tête, sous l’hilarité générale.
Pour le fun, je dois continuer le rôle de la responsable fâchée, mais tout le monde a compris que ce n’était pas si grave et que je marchais dans le jeu. Mais qu’ils étaient quand même tous consignés au nettoyage de la salle, après la fête, jusqu’à exterminer la dernière petite tache de couleur que mes yeux de lynx détecteraient.
Quel bon moment de rire et de fête !
Les plus petits se sont jetés au sol pour récupérer les confettis et les envoyer sur leurs copains ou sur les aînés.
Finalement, dès la fin de la fête, je ne dois pas faire le service d’ordre. Mes collègues remontent les résidents dans leur chambre pour le souper et les enfants de l’école, m’aident à balayer les dernières traces d’une fête bien réussie pour tout le monde.
Dès notre retour à la maison, Truc et Astuce me font une inspection complète. Je me laisse faire bien sûr, mais mon envie est partagée entre le fait de profiter de mon chien et de mon chat, et d’aller retrouver ma petite fille.
Je décide donc de m’installer sur un plaid au sol et d’appliquer notre rituel depuis la naissance d’Aurore.
Astuce, fais ce que tu veux, comme d’habitude de toute façon, c’est toi le boss, tu n’en feras quand même qu’à ta tête.
Quand Truc est bien calme, je m’assieds avec Aurore posée sur mes cuisses. Truc approche sa tête, et pose son museau sur ses jambes. J’adore ce moment.
Merci d’avoir gardé la petite. Ça m’a fait du bien de décrocher quelques heures aussi. Tu veux qu’on regarde le film ensemble ?
Ça fait maintenant quelques semaines que ma mère est rentrée chez elle, mais nous continuons à échanger notre courrier régulièrement.
Elle me manque parfois, mais depuis qu’on a décelé sa maladie, elle n’a pas d’autre choix que de vivre au soleil.
Nous sommes mi-avril et nous profitons déjà de beaux jours printaniers, même s’il fait encore un peu frais le soir.
Enfin, ça, c’est moi qui le dis, car je trouverais n’importe quelle excuse pour faire une petite flambée en fin de journée.
C’est le seul regret que j’ai, en voyant partir l’hiver : un feu de bois, mon bébé, mon amoureux, mon chien, mon chat, quelques bougies, une musique douce et un bon livre.
Mais cet après-midi, l’heure est plutôt à la balade.
Nina vient chercher Truc et l’emmène avec Albator jusqu’au lac du Ry de Rome à Couvin, comme ça je suis libre d’emmener Aurore et la nouvelle super poussette de compétition, qui finalement, va prendre toute la place dans le coffre !
C’est la seule solution pour partir ensemble. Ou alors, je dois mettre Aurore dans le coffre avec la poussette, et le chien devant, mais bon, ça ne se fait pas, je pense.
J’arrive au lac un peu avant Nina, car sur la route, elle a dû faire la loi entre les deux chiens, m’a-t-elle dit. Truc insistait trop pour conduire à sa place, donc elle a dû remettre les pendules à l’heure en précisant que seul Albator avait le droit d’être devant, à la place du convoyeur !
De toute façon, quand elle arrive pour se garer, je suis encore en train de me battre avec la poussette que nous avons payé un prix de dingue, pour être certains que les manipulations soient rapides et fonctionnelles, et ce, avec une seule main, au cas où, par hasard, l’autre main serait encombrée par un mini-humain !
Je ne pense pas avoir le niveau d’études requis pour l’utilisation de cet engin, que je secoue dans tous les sens, sans me soucier d’avoir l’air d’une dingue auprès des promeneurs.
Une dame, un peu plus âgée que moi, me regarde avec un petit sourire, comme pour me dire : « hé oui, je sais… »
Ben, viens m’aider alors, si tu sais ! C’est de la « non-assistance à personne qui rame grave avec ce système de m… »
Je ferme la voiture et c’est parti pour cinq kilomètres.
Allez, c’est vraiment parti cette fois…
Houlà Nina, mais c’est quoi ces enjambées de fou ? Tu oublies que je n’ai plus fait d’exercices physiques depuis…