Les bonheurs intérieurs - Sophie Carre - E-Book

Les bonheurs intérieurs E-Book

Sophie Carre

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Beschreibung

Dans la quarantaine, Léa travaille avec des personnes âgées et des enfants, menant une vie remplie d’intrigues comiques et émouvantes. Son évolution spirituelle l’amène naturellement à partager ses mantras et ses recettes de bonheur avec ses proches. Cependant, un tourbillon d’événements inattendus bouleversera son quotidien, chacun plus fou que le précédent. Malgré ces défis, Léa reste déterminée à poursuivre son objectif ultime : tendre vers le bonheur. Soyez prêts à suivre ses aventures captivantes !

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Ayant reçu une formation en secrétariat médical, Sophie Carré a découvert son épanouissement dans le domaine des soins énergétiques. Sa plume fluide adore mêler humour, amour et spiritualité. Les bonheurs intérieurs est sa deuxième réalisation littéraire sur le développement personnel, faisant suite à Le bonheur se trouve au quatrième étage, paru en 2022 aux éditions St Honoré.

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Sophie Carré

Les bonheurs intérieurs

Roman

© Lys Bleu Éditions – Sophie Carré

ISBN : 979-10-377-9965-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

01h01, je regarde mon réveil, il est beaucoup trop tôt, je vais me rendormir, c’est sûr.

La magnifique baleine, que je suis devenue au fil de ces derniers mois, va tenter de pivoter sur elle-même. L’ultime mission est de ne pas réveiller ma moitié, qui dort paisiblement à mes côtés.

C’est une nuit de pleine lune, ce qui me permet de voir nettement le contour de son visage.

Je souris, je ne me lasse pas de le regarder. Je suis heureuse…

Mes yeux se referment, je sens que je m’endors à nouveau, presque, car une crampe dans le ventre me signale que je suis encore mal placée. 01h07, là c’est bon. En effet, c’est bon… jusqu’à 1 h 13.

Là, je sursaute, j’écarquille les yeux, je réalise que cette crampe dans le ventre arrive toutes les six minutes. Un peu trop régulier pour que ça soit naturel tout ça.

Je scrute le réveil, j’attends. Je vois les minutes défiler, je sens l’excitation monter. 1 h 17… 18… 19…

Houlà, je sens que ça me reprend, oh la vache, la même crampe au même endroit, ou devrais-je dire… contraction !

Je commence à rire toute seule dans mon oreiller, les larmes me montent, je suis prête à réveiller Alex qui est toujours serein à mes côtés, puis je me ravise.

Je vais encore profiter quelques minutes de ces délicieux moments, de sentir la contraction arriver et d’attendre encore les six minutes suivantes, pour réaliser tranquillement que, probablement dans les heures à venir, je vais devenir maman !

Moi, Léa Aubène, quarante et un ans, je vais être maman, quelle chance !

Mais au fait, première contraction à 01h01, c’est un signe, c’est une heure miroir, ça veut dire quoi ?

J’attrape mon téléphone et je regarde la capture d’écran que j’ai faite sur internet : « 01h01 : Je redécouvre mon pouvoir créateur ».

Oh mon Dieu, ça c’est taper dans le mille !

Je caresse mon ventre tout doucement, je sens de petits mouvements sur le dessus, ça commence à travailler là-dedans.

Je pensais vraiment que les premières contractions faisaient déjà plus mal que ça, on dirait juste une crampe, ça se présente bien, en voilà encore une.

Je suis juste le jour du terme, c’est parfait comme timing.

Je suis plus que prête de toute façon, j’ai quand même eu sept mois pour m’organiser.

À la seconde où j’ai su que j’étais enceinte, j’ai été écartée de mon poste par la direction. En effet, comme je travaille en milieu hospitalier, même si c’est au quatrième, à l’étage des personnes âgées et que le service est assez calme, on est d’office mise de côté.

C’est un gros avantage pour les femmes enceintes et j’en ai bien profité.

Ça a quand même été difficile de quitter mes collègues et mes patients du jour au lendemain, car cette grossesse n’était pas prévue du tout. C’est le moins qu’on puisse dire, quelle surprise.

Il faut dire aussi que trois mois avant d’être enceinte, j’étais encore célibataire…

Ma rencontre avec Alex s’est faite à l’anniversaire de Nina, ma meilleure amie. Elle est mariée à Marc depuis dix ans, et Alex est son cousin.

Ça a tout de suite matché entre nous. Il est drôle, attentionné, responsable et je suis certaine qu’il fera un papa formidable.

Alex est le patron d’une entreprise de fabrication de bougies artisanales. Il s’est installé il y a quelques mois dans la région et ça se passe assez bien.

Il a loué un appartement à vingt minutes de chez moi, et nous préparions son déménagement quand j’ai appris que j’étais enceinte.

Comment lui dire ? Comment allait-il prendre la nouvelle ?

Nous avons tendance, tous les deux, à voir le positif dans les choses qui nous arrivent, à se dire qu’il n’y a pas de hasard, mais là, c’était assez balaise comme nouvelle à annoncer !

« Salut, je suis venue t’aider à déménager, je mets le poivre dans l’armoire. Et au fait, tu aimes le piquant ? Car pour épicer un peu plus ta vie, je t’annonce que tu vas être papa dans sept mois ! » En effet, ça pique…

« Salut, tu sais que j’ai des dons de voyance ? Je sais, je sens, que tu vas être père très bientôt ! »

« Salut, comme ton appart est un peu grand, je t’ai fabriqué un bébé pour ne pas que tu te sentes trop seul ! Zut, ne me dis pas que tu aurais préféré un chien ?? »

Des scénarios comme ceux-là, j’en ai construit des tas dans ma tête en quelques jours, et tous menaient à un dénouement heureux.

Et si Alex voit ça autrement, eh bien, je m’occuperai seule de ce bébé, je suis prête, je l’ai toujours été, je crois.

À quarante ans, ça n’était plus dans mes priorités, mais j’en avais quand même très envie.

Chapitre 2

Nous sommes donc sept mois plus tôt, le jour de nos retrouvailles et du déménagement d’Alex.

Il faut vraiment que je lui dise très vite, qu’une des premières fois qu’on s’est vus et qu’on a fait l’amour, va marquer nos vies à tous les deux, je dirais même plus, à tous les trois.

J’ai le test de grossesse en poche et je suis prête à le dégainer dès mon arrivée à son appartement. Je suis partagée entre l’excitation et la peur, mais je vais gérer.

Le camion se gare devant la porte et je suis là pour l’accueillir à bras ouverts.

Bonjour ma chérie, qu’est-ce que tu m’as manqué ! Enfin, on se retrouve. Je suis désolé, mais avec la fin de mon préavis, je n’aurais vraiment pas su revenir ce dernier mois. Et au fait, tu es déjà là ? Tu as terminé ton travail pour aujourd’hui ?

Oui, je ne travaillais pas.

Ah bon, comment est-ce que ça se fait ? Tu es malade ?

En quelque sorte…

Ah bon ? Mais tu me dis ça en riant en plus, et tu m’as l’air en pleine forme pourtant.

Je le suis en effet.

Je ne comprends rien. Ah tiens, voilà Marc et Nina qui arrivent, pile à l’heure pour descendre les meubles du camion. On en reparle après ?

Oui, bien sûr. Toi aussi, tu m’as manqué…

Finalement, Alex a peu de choses à sortir du véhicule. En deux heures, c’est bouclé !

Avec Nina, on se charge des cadres, des plantes vertes, des sacs de vêtements et de la petite décoration.

Ce temps avec Nina est insupportable ! J’ai tellement envie de dire à mon amie que je suis enceinte. Mais c’est impossible qu’elle soit au courant avant le futur papa, ça ne serait pas correct.

Quand on sort les meubles de jardin, ça me donne une idée.

Nina, on va mettre les quatre chaises et la petite table d’extérieur sur le côté, j’irai les placer sous l’arbre avec Alex.

À

vos ordres, chef. Tu veux qu’on s’éclipse une heure ou deux avec Marc, pour vous laisser le temps de vous retrouver ?

Ne me tente pas, j’en meurs d’envie. Mais on ne va quand même pas vous faire ça.

Mais ne te gêne surtout pas, ma belle. On peut aller récupérer les lasagnes commandées à ta place, si tu veux ? Ça fait quand même un mois que vous ne vous êtes pas vus.

Excellente idée ! Tu es géniale ! Certaine que ça ne te dérange pas ?

Pas le moins du monde !

Et ensuite, nous inaugurerons son appart, j’ai pris du champagne.

Waouh ! Mais pas de soucis, on ne restera pas tard, promis, me dit-elle avec un petit clin d’œil.

Quand le camion est vide, c’est le moment pour Marc et Nina de disparaître un peu, donc le grand moment pour moi d’annoncer à Alex cette grande nouvelle qui me flanque des doses d’adrénaline dans tout le corps, un truc de dingue, à chaque fois que j’y pense.

J’espère que ce n’est pas mauvais pour le bébé !

Alex, si nous faisions aussi une pause ? On peut aller installer le salon de jardin sous cet arbre ? Qu’en dis-tu ?

Merveilleuse idée, je prends deux bières ?

Non merci, de l’eau, ça ira très bien pour moi.

OK. C’est un super endroit en tout cas, on sera bien ici. Je suis si heureux de te retrouver. Changement de ville, de boulot, et toi dans ma vie, quoi demander de plus ?

En effet, à ce propos…

Moi je dirais, une petite chose qui court dans le jardin.

Euh, tu veux adopter un chien ?

Ah ah, bien sûr que non, un chien, tu en as déjà un, c’est très bien comme ça !

En parlant de petite chose, je parlais d’un enfant, d’un petit bout.

Je sais qu’on est ensemble depuis trop peu de temps et que tu as quarante ans, mais je pense qu’on peut l’envisager non ?

Alors là, mon cœur explose, il va y en avoir partout ! La dose d’adrénaline ressentie dans mon corps doit s’apparenter à un saut en parachute ! Je n’en reviens pas de ce qu’il me dit ! Comme s’il se doutait, comme s’il le sentait.

Bon là il faut que la chute libre s’arrête, sinon je vais m’écraser au sol comme une m… mouche ? Je dois atterrir et lui dire enfin.

Tu veux vraiment qu’on fasse un enfant ensemble rapidement ?

Ça me plairait bien en tout cas. Et toi ?

Eh bien, mon cher ami, tes désirs sont des ordres, il arrive dans sept mois.

Ah ah ! … Quoi ??

Je n’ai jamais su te résister, tu me demandes, j’obéis !

Mais arrête, tu déconnes là ?

Non Alex, je suis très sérieuse. Je suis enceinte. Je viens de l’apprendre, je suis toute aussi retournée que toi. On s’est protégés pourtant, mais je pense à la fois où le préservatif s’est déchiré.

En effet, quand on s’est vus chez toi, il y a… deux mois…

C’est ça, je ne vois que ça.

Écoute, je suis rassurée que tu veuilles aussi un enfant, même si j’ai conscience que c’est super précipité. Mais il est là, confirmé par ce test de grossesse et par une prise de sang à l’hôpital.

Eh bien, moi qui te disais ça comme ça…

Mais voilà, rien n’arrive par hasard, si ça se passe comme ça, c’est que c’est notre chemin à suivre.

Tu es OK alors ?

Bien sûr ! Évidemment ! Même si je suis complètement chamboulé !

Et puis, on ne va pas le renvoyer d’où il vient, me dit-il en partant dans un fou rire.

Je ne m’attendais vraiment pas à cette nouvelle.

Donc, je vais être papa, moi, Alex, je vais être papa dans sept mois !

Est-ce que quelqu’un d’autre est au courant ? Nina ? Ta famille ?

Non, à part l’hôpital que j’ai dû prévenir, car je ne peux plus travailler là, c’est trop risqué. Je voulais que tu sois le premier à savoir, c’est normal.

Donc madame est en congé pendant sept mois, super ça !

On va dire un bon dix mois, avec les congés de maternité.

Top ça. Et tu ne vas pas t’ennuyer ?

T’inquiète, j’ai déjà des projets.

Je ne sais pas pourquoi, mais je m’en doutais un peu. Et moi qui viens d’emménager ici. Que va-t-on faire de l’appart

 ?

On peut rester comme ça pour le moment, aller chez l’un et l’autre, le temps de se connaître mieux, pendant quelques mois et on verra au fur et à mesure.

Déjà, voir si la grossesse se passe bien. Qu’en dis-tu ?

Parfait, ça me va. Bon, eh bien, les félicitations réciproques sont de rigueur, non ?

À

fond ! Félicitations futur papa.

Félicitations future maman. Viens dans mes bras avant qu’on ne soit trop éloignés l’un de l’autre par un gros bidou. Tu es magnifique.

Merci. Quelle aventure, hein !

C’est le moins qu’on puisse dire !

Chouette, voilà Marc et Nina, je n’en peux plus de garder le secret.

Ils nous ont aperçus dans le jardin et viennent directement vers nous. Alex en profite pour aller chercher une bouteille de champagne et des verres.

J’espère que vous en avez bien profité, car nous sommes déjà de retour. On mange ?

Nina, penses-tu que tu peux encore attendre quelques minutes avant de te jeter sur ce plat de lasagnes ?

Je t’autorise à cinq minutes max ! Et tu as intérêt à avoir une bonne excuse. Ça sent divinement bon !

J’ai une excellente excuse, en effet.

On va boire un petit verre de champagne sur l’emménagement d’Alex quand même !

Ah oui, c’est vrai, trinquons ! Attends, ton verre est à moitié seulement, je vais te resservir.

Oh non, merci, ça ira, j’en ai assez, tu sais.

Ah bon ? Ça n’est pas dans tes habitudes, pourtant, de refuser du champagne ? T’es malade ?

Non, mais ça ne m’est pas conseillé… pour le moment… et pendant quelques mois encore…

Qu’est-ce que tu racontes ? Je ne comprends rien, on dirait que tu parles comme une femme enceinte.

Mais noooon ???

Mais si !

Là tu me fais marcher ??

Même pas ! Nous sommes aussi les premiers étonnés, on n’avait pas programmé ça du tout maintenant, et voilà, je suis enceinte de deux mois.

Mais comment as-tu fait ?

Tu veux vraiment que je t’explique comment on fait ?

Mais non, comment as-tu fait pour me le cacher ?

Pas facile en effet, mais c’est tout récent, je viens de l’apprendre, cette semaine. Un accident de préservatif probablement.

Félicitations à vous deux, mes amis, je vous aime tant ! Quel bonheur de vous savoir réunis maintenant !

Honnêtement, Alex, Léa a ramé sans toi pendant ces dernières semaines, elle était en manque !

Et moi donc, c’était très difficile de boucler cette ancienne vie et d’organiser ma venue ici, ça m’a semblé très long ! Trinquons sur ces bonnes nouvelles !

Et tant que nous sommes dans les révélations, je viens de décider de faire l’abstinence de l’alcool, par solidarité avec Léa, pendant un an.

Quoi ? Mais tu n’es pas obligé, tu sais ?

Ah mais je m’en doute, mais j’ai envie de t’accompagner dans cette aventure, ça me fera du bien aussi. Je ne vois pas pourquoi tu serais la seule à te priver. C’est décidé.

Eh bien alors, trinquons aussi à ce dernier verre de champagne !

C’est à ce moment-là que Marc décide de prendre la parole.

Eh bien mon cher cousin, j’avoue que tu me laisses sans voix, tous ces changements en si peu de temps, tu peux être très fier de toi. Bon, bien sûr, les repas seront beaucoup moins festifs sans alcools, mais c’est votre choix et on ne peut que vous féliciter ! Je suis ravi pour vous.

La soirée s’est terminée assez tôt finalement. Alex et moi sommes rentrés chez moi, mon chien et mon chat nous ont accueillis chaleureusement, ils étaient heureux aussi de revoir Alex, ça fait plaisir.

Chapitre 3

Un mois s’est écoulé depuis l’emménagement d’Alex dans son appartement, et nous trouvons notre petit rythme de vie tous les quatre.

Je dis quatre, car mon chien Truc et Astuce, mon chat, font bien évidemment partie intégrante de la famille et donc de l’aventure.

Quand je me mets par terre, couchée à côté d’eux, je suis certaine qu’ils sentent que j’ai changé, je n’ai plus la même odeur. Je dégage des phéromones perçues par mes petits fauves, ils ont un comportement différent, ils sont plus doux, c’est très amusant.

Nos journées se déroulent tranquillement, nous dormons parfois chez Alex ou parfois chez moi. J’aime aussi rester seule à la maison quelques jours quand je le souhaite ou quand il a trop de travail. Il a fait un bureau dans la chambre d’amis chez lui.

Comme je suis très active habituellement, j’ai très vite compris que pour une santé mentale équilibrée, il fallait que je m’occupe.

Je suis écartée de mon travail à l’hôpital, très bien, mais ça ne m’empêche pas de passer voir comment ça se passe de temps à autre.

Prendre des nouvelles de mes patients est important pour moi.

Le quatrième étage, c’est le couloir du bonheur. Nos patients nécessitent seulement une surveillance et rarement des urgences fatales.

Nous suivons, au fur et à mesure des semaines, les histoires des uns et des autres, ce qui nous attache véritablement à eux.

Un ami m’a dit un jour que je pourrais écrire un livre avec toutes ces histoires, je vais y réfléchir, pourquoi pas finalement, maintenant que j’ai du temps…

Mais aujourd’hui, je suis à l’hôpital pour ma première échographie.

Alex n’est pas avec moi, je suis un peu triste, mais il avait un rendez-vous primordial ce matin et c’est moi qui n’ai pas voulu qu’il l’annule. « Un nouveau projet dans le monde de la bougie, et ça te concerne », me dit-il, mais il veut garder le secret jusqu’à la signature.

Faisant partie de « la maison », je pourrai certainement venir faire une écho vite fait avec lui un de ces quatre. Je l’espère.

En attendant, c’est Nina qui m’accompagne. En fait, je n’ai pas vraiment eu le choix :

« Mais tu es folle, jamais de ta vie tu ne vas à une écho toute seule, je viens et je filmerai pour Alex. »

Ravie de savoir qu’une partie de mon anatomie va être stockée dans une vidéo. Soit, elle insiste.

Nous passons donc la porte d’entrée ensemble, Nina et moi. Elle, tout aussi excitée que moi, si pas plus.

Il faut dire qu’elle est déjà passée par là. Maman de deux garçons, elle sait ce que ça fait de voir, pour la première fois, la frimousse de son futur bébé.

Enfin, je dis « voir » c’est un bien grand mot. J’avoue avoir vu une tache grise gluante qui bouge à peine, mais sans plus.

Nous apprenons que la gynéco est une stagiaire, alors qu’elle doit au moins approcher la cinquantaine : cheveux gris en chignon et lunettes sur le bout du nez. Et ça se passe comment ? On ne lui a donc jamais donné son diplôme ? Mais pourquoi ??

Suite aux encouragements de la gynécologue et de Nina, j’essaie d’y mettre un peu plus du mien pour m’émerveiller devant ces quelques trois centimètres qu’Alex et moi avons créés un peu par hasard. Gloire au préservatif beaucoup trop fragile !

C’est émouvant, je l’avoue, surtout quand on peut entendre les battements de son cœur.

Nina filme et commente pour Alex, parce que moi, finalement, je pleure.

Tout va bien, l’embryon n’est ni dans les ovaires, ni dans les trompes, ni dans le col de l’utérus, il est bien dans la cavité utérine. Certains embryons nous font une petite blague et vont se planquer ailleurs, parfois !

Échange de regards entre Nina et moi, je ne sais pas si je vais rire ou me remettre à pleurer…

Était-elle obligée de me donner tous ces détails négatifs pour me faire flipper ?

Vous aimeriez avoir des jumeaux ?

Quoi ??

Ça vous plairait d’avoir des jumeaux ?

Mais non enfin, non, cette grossesse n’était déjà pas prévue.

Ah ? C’est un accident alors ?

Mais non enfin, mais pas deux. Avec un c’est bien suffisant, je vais avoir quarante et un ans. C’est pas vrai, pas des jumeaux ?

Non non, il y a bien un seul embryon !

Là je ne pleure plus du tout, je suis horrifiée de penser que, en effet, j’aurais pu porter des jumeaux ! À mon âge, tout est possible, mais jamais j’ai pensé à une grossesse gémellaire !

Mais c’est quoi cette gynéco à deux balles qui me donne des sueurs froides ! Je vais faire une fausse couche si elle continue !

Des jumeaux, j’imagine la tête d’Alex… Euh non, je ne préfère pas imaginer.

Elle enregistre quelques paramètres pour s’assurer de la bonne santé de notre futur bébé, mais tout semble parfait.

Félicitations mesdames, votre bébé se porte bien, tout est en ordre, nous dit-elle, en nous tendant les clichés de l’écho.

On la regarde ébahies toutes les deux. À quel moment a-t-elle cru que nous étions en couple ? Est-ce que notre complicité indique cette évidence pour elle ?

Je ne connais pas cette stagiaire, c’est une remplaçante de ma gynéco habituelle. J’ai un doute là et Nina le voit.

Est-elle assez subtile pour détecter une anomalie chez mon bébé ? Et croire que Nina est l’autre maman ?

Pour qui croit-elle que Nina a filmé ?

« Tiens, je vais te filmer chez la gynéco, pour pouvoir montrer ton anatomie aux copains en guindaille, ou encore mieux, au repas de famille à Noël ! »

Elle me plaque une tonne de serviettes en papier sur le ventre pour que j’enlève moi-même le gel utile à l’écho, ces mêmes lingettes grises qui se décomposent instantanément au contact de l’humidité et là, nous partons dans un fou rire Nina et moi, qui échappe complètement à la stagiaire.

Je me demande vraiment si elle a de la lumière à tous les étages, cette nana ! Une chose est sûre, c’est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir, et il fallait que je tombe dessus !

Je n’arrive pas à me relever, car mes deux mains entourent le tas de papier collé sur mon ventre, ça glisse même entre mes doigts !

J’essaie donc de remonter sur le lit, en m’aidant de mes coudes, sans l’aide de Nina bien sûr, écroulée de rire, qui continue à filmer, pour qu’Alex n’en perde pas une miette.

Heureusement, la gynéco choisit de sortir à ce moment-là !

Mais c’est qui cette dingue ??

Je ne sais pas Léa, mais à ta place, je demanderais un autre avis. Elle a l’air un peu barge non ? Je n’ai jamais vu un médecin qui commence par annoncer le négatif, et qui est totalement faux, en plus !

Incroyable ! Vite, on sort d’ici !

Et elle ne t’a même pas pesée ?

Ah bon ? Elle devait le faire ?

Ah ben oui, pour pouvoir contrôler ton poids, c’est important, à cause du diabète gestationnel.

Non, ça va comme ça, je sais que j’ai juste un peu grossi.

Léa ?

Oui, c’est vrai, je devrais faire attention, car je suis déjà un peu ronde, mais je me fais tellement plaisir depuis que je sais que je suis enceinte. Au moins, j’ai une bonne excuse pour manger.

Tu es magnifique, avec tes longs cheveux châtains bouclés, et tes yeux noisette qui pétillent tellement, depuis que tu es enceinte, ça te va merveilleusement bien.

Merci mon amie. Et merci d’être venue avec moi finalement et d’avoir filmé ce sketch. Je suis certaine que ça fera beaucoup rire Alex !

En effet, de retour chez moi, je mets la vidéo sur mon ordinateur et je prépare le souper en attendant l’arrivée d’Alex.

Trop pressé de voir la scène, Alex propose qu’on mange après. Il rigole déjà suite à mes explications au téléphone. Même Truc et Astuce insistent, à leur manière, pour qu’on se rassemble dans le salon.

Pendant la diffusion de la vidéo, on est morts de rire tous les deux, et je le rassure quand je lui dis que cette femme est de passage à l’hôpital et que je comprends maintenant pourquoi elle est toujours stagiaire à son âge.

Je pressens, malheureusement pour elle, une fin de carrière sans la moindre progression. Et pitié pour les futures mamans, surtout jamais d’accouchements !

Le principal est que tout se passe bien pour le bébé, qu’il soit bien placé et surtout, qu’il n’y en ait qu’un !

Au moment de passer à table, mon téléphone sonne et je vois que c’est mon père.

J’hésite à répondre. Je le vois très peu, c’est un homme d’affaires à la retraite, mais encore très occupé.

Quand je l’ai au téléphone, deux fois par an, nous parlons de banalités. J’ai vraiment l’impression qu’il m’appelle par politesse. Mais ça me va, je crois.

La dernière fois, il m’a demandé si mon nouveau travail se passait bien. Je lui ai répondu que depuis cinq ans, j’avais eu un peu de temps pour prendre mes marques.

Il m’a aussi demandé, comme à chaque fois, si j’avais un compagnon, pour lui donner un petit-fils. Je lui ai donc dit que j’étais ménopausée. Je suis légèrement embêtée maintenant de lui dire que je suis enceinte.

Nous mangeons tranquillement puis pendant qu’Alex range la cuisine, je m’installe dans le salon pour rappeler mon père.

Bonsoir papa, tu as essayé de me joindre, mais tu n’as pas laissé de message.

Oui, bonsoir, comment ça va ?

Très bien, et toi ?

Eh bien, ça ne va pas très fort.

Ah bon, que se passe-t-il ?

J’ai fait une mauvaise chute en sortant de ma voiture, et je me suis cassé le pied.

Ah bon, comment est-ce que tu as fait ton coup ?

Eh bien, c’est bête, mais je me suis garé et je n’ai pas serré le frein à main et quand je suis descendu de la voiture, elle s’est mise à reculer et je suis tombé.

Ah bon, ce n’est pas de chance ça.

Non, ce n’est pas de chance.

Bon, eh bien, prompt rétablissement, comme on dit hein !

Merci, c’est gentil, mais ce n’est pas tout.

Ah ?

En fait, je me suis disputé avec Fiona, et elle m’a demandé de partir.

Ah bon, ce n’est pas de chance, ça non plus.

Ben non, du coup, je me disais…

Que tu allais louer une maison ou un appart pour toi, cette fois…

Non, pas vraiment.

Et tu pensais à quoi ? Il faut bien que tu te loges ?

Justement, je me disais que, comme tu travailles la journée, ça ne te dérangerait pas que je vienne quelques semaines chez toi.

Pardon ??

Mais je partagerai les frais bien sûr.

Mais comme c’est aimable !

Je ne prends pas beaucoup de place, tu sais.

Papa, je sais exactement la place que tu prends, j’ai des souvenirs, tu sais.

Oui, mais avec ta mère, ce n’était pas le même.

Ah bon ??

Et là je vois Alex qui me fait des signes pour que je me calme, et se caresse le ventre, pour que je pense au bébé, ce qui me fait sourire.

Tu es toujours là ?

Oui, je suis là. Je vais y réfléchir et je te retéléphone.

Quand ?

Quand je pourrai. Quand je saurai te donner une réponse. Bonne soirée.

Quand je raccroche, je suis excédée. Alex trouve ça drôle. On voit bien qu’il ne connaît pas mon père. Il a toujours eu une femme pour s’occuper de lui et il est hors de question que j’en fasse de même.

Que comptes-tu faire ?

Je ne sais pas, je crois que je n’ai pas le choix.

On a toujours le choix.

Je sais. Je me sens un peu coincée et si je le reçois ici, je serai forcée de te présenter et de lui dire que je suis enceinte, et je n’avais pas prévu ça maintenant.

Ah bon, et quand alors ? Lors de la rentrée scolaire du petit ?

Je ne sais pas, pas maintenant.

Tu ne crois pas que c’est une sorte de petite vengeance que tu fais là ?

C’est possible. Comme il m’a délaissée, je veux lui faire payer et accentuer la distance.

Si tu voyais plutôt le fond du problème ?

Comment ça ?

Qu’est-ce qui te soule le plus chez lui ?

Par exemple, tu m’as dit qu’il était extrêmement ponctuel.

Plus que ça, il peut rester trente minutes devant un magasin avant qu’il ouvre, car il est parti trop tôt de chez lui.

Oh la vache ! Et il peut arriver de nuit parfois aussi ?

Tu ris toi, mais tu verras. C’est du vécu, promis, je n’exagère rien !

Eh bien, s’il te reproche, à toi, un retard par exemple, tu auras envie de te justifier : « Il y avait du monde sur la route, je n’ai pas su me garer, etc. »

Oui, c’est vrai.

Surtout pas, car le problème n’est pas toi, mais lui et son rapport avec le temps.

Au lieu de voir la forme du problème, c’est-à-dire, le retard dans l’instant, tu peux te dire qu’au fond, c’est lui qui a un souci avec la ponctualité, qu’il a probablement été malmené, par on ne sait qui, sur ce sujet, et que tu es bien désolée pour lui, mais que toi, tu n’as pas ce tracas, tu vois ?

Je crois que je vois. Mais il peut être blessant aussi parfois dans ses paroles ou ses réflexions. Je pense qu’il ne s’en rend même pas compte en plus, pour lui, ça sort tout seul.

Il faut dire que c’est une autre génération. Si tu veux, je serai là quand tu le recevras et je t’accompagnerai dans la discussion, si tu en as besoin. Un léger recadrage peut peut-être aider…

C’est plus facile pour moi qui suis étranger à la situation.

OK, merci beaucoup pour ta présence et ton écoute, allons nous coucher, la nuit porte conseil, j’y verrai plus clair demain. Mais hors de question de quelques semaines ! Une, voire deux semaines grand max !

C’est un bon début, tu sais déjà ce que tu veux.

Chapitre 4

Quand le taxi dépose mon père devant la maison, Alex est avec moi pour l’accueillir. Nous nous sommes mis d’accord pour un délai entre cinq et dix jours, le temps de trouver un logement.

Nous avons aussi mis au point certaines règles de vie, mais je n’y crois pas beaucoup.

Bonjour papa.

Bonjour Léa, c’est quand même incroyable que même les chauffeurs de taxi n’arrivent pas à être à l’heure ! Tu te rends compte que j’ai dû attendre dix minutes devant l’hôpital. Tu aurais pu venir me chercher, non ?

Oh c’est dommage, je n’ai pas encore ma licence de taxi, ce sera pour une prochaine fois. Bonjour, je suis Alex, le compagnon de Léa, et le futur papa de notre bébé, enchanté.

Vous rentrez ou vous comptez rester devant la porte avec la bouche ouverte ?

Moi aussi j’ai la bouche ouverte, c’est bien la première fois que quelqu’un arrive à clouer le bec de mon père ! Je jubile à l’intérieur. Ça commence très fort.

Entre papa et assieds-toi. Tu veux un verre d’eau ?

Si tu n’as rien d’autre à boire, ça va pour le verre d’eau. C’est l’heure de l’apéro après tout…

Ah ben c’est mal tombé, car Alex et moi n’avons plus d’alcool à la maison.

Quelle drôle d’idée ?

Une année d’abstinence ne nous fera pas de tort !

Et donc, tu es enceinte ?

Oui, de trois mois.

Et vous vous connaissez depuis combien de temps ?

Suffisamment pour savoir que nous avions envie de faire un enfant ensemble, répond Alex en me prenant la main.

Il me fait un petit clin d’œil. Que c’est agréable de me sentir soutenue, je suis rassurée pour la suite.

Je remarque aussi que mon père n’a pas fait le rapprochement entre ma soi-disant ménopause et le fait que je sois enceinte. Il a sans doute oublié ce petit détail, ou pense qu’il est possible d’être dé-ménopausée.

Alors papa, que cherches-tu comme appartement ?

Eh bien, je ne sais pas si je vais réellement déménager de chez Fiona. Je crois qu’elle nous fait une petite crise de la soixantaine, elle est un peu nerveuse en ce moment, sûrement des trucs de bonne femme, ça va lui passer.

Tu crois vraiment ? Mais tu t’entends parler ?

Je ne te trouve pas très respectueux avec elle, je comprends qu’elle préfère prendre ses distances avec toi, si tu tiens ce genre de propos.

Est-ce que le mieux ne serait pas de te trouver un logement, pour toi, pour une fois ne pas dépendre d’une femme pour te loger ?

Je te trouve un peu dure là.

Moi ? Dure ? Non, juste consciente du problème. Alex et moi avons notre vie, tu es le bienvenu ici, mais juste le temps de trouver une solution, tu as dix jours maximum.

Ben, ma rééducation dure six semaines…

J’ai dit dix jours. Je vais me faire un thé. Quelqu’un en veut ?

Non merci, j’ai de l’eau !

J’entends que mon père continue la conversation avec Alex. C’est l’avantage d’avoir une cuisine ouverte sur le living, je tends l’oreille.

Au rez-de-chaussée, en plus de ma pièce salon – salle à manger – cuisine, j’ai ma chambre et la pièce d’à côté qui me sert de dressing, puis ma salle de bains.

J’ai loué un lit d’hôpital que j’ai mis dans mon dressing pour mon père. J’ai pratiquement vidé toute la pièce pour lui laisser de la place.

Quand je reviens dans le salon avec mon thé, j’entends qu’il parle de ma mère.

Papa, veux-tu bien laisser maman de côté, elle est très bien là où elle est.

Elle nous a quand même abandonnés pour aller s’installer au soleil.

Et elle a bien fait !

La conversation sur ce sujet est close.

En soirée, nous installons ses affaires, puis nous mangeons et au lit, je suis exténuée.

*

Nous avons décidé qu’il prendrait ses repas de midi seul, car je voudrais mener à bien un nouveau projet, comme j’ai du temps devant moi.

Je vais donc lui commander des plats tout faits, livrés à la maison chaque jour.

Le soir, nous mangerons ensemble. Je pense qu’à ce rythme-là, la cohabitation peut fonctionner une semaine.

Tu n’avais pas dit dix jours ? me reprend Alex.

Tu crois ? C’est possible, j’ai la mémoire qui vacille, j’oublie des choses parfois.

MDR. Quand ça t’arrange.

Ce qui m’arrangerait, c’est d’oublier l’horreur que j’ai vue ce matin dans la salle de bains !

Ne me dis pas que tu as vu ton père tout nu ?

Mais t’es malade, là c’était l’infarctus assuré !

Quoi alors ?

J’ai trouvé ses dents dans un verre sur le lavabo !

Oh mon Dieu, heureusement que je ne suis pas resté hier soir finalement !

Tu m’étonnes. Je ne savais même pas qu’il avait de fausses dents.

Eh bien, maintenant, tu sais !

Autre chose à me dire ? Juste histoire de me prévenir, je ne sais pas moi, un œil de verre ? Un pied mariton ? Une jambe de bois ?

Très drôle !

Allez, tout se passe bien finalement, tu vois ?

Oui en effet, mais il n’est là que depuis quarante-huit heures, ce serait dommage.

C’est vrai…

Chapitre 5

Ce matin, je me suis levée tôt, car je vais à l’hôpital. Non pas pour travailler bien sûr, mais pour parler d’un nouveau projet.

Un de nos patients du quatrième, monsieur Alfred Gabelet, a hérité d’une grosse somme d’argent. Comme à notre étage des personnes âgées, beaucoup restent près de nous jusqu’à la fin, cet aimable monsieur a décidé de faire don d’une partie de cet argent à l’hôpital.

Son projet, c’est de faire construire une annexe entre notre établissement et l’école d’à côté, pour créer une école du devoir, accessible aussi pour les internes et le pensionnat.

L’idée est simple, les plus anciens donneraient des cours aux plus jeunes défavorisés, ne pouvant pas s’offrir de cours particuliers. Je trouve ça génial et je soutiens le projet à fond.

Mais il faut une coordinatrice pour tout cela…

Personne n’a dit que je ne pouvais pas me proposer, en tout cas, je ne l’ai pas entendu !

Je suis écartée de mon travail à cause de ma grossesse, mais le fait d’être enceinte ne m’empêche pas de faire du bénévolat. Ce serait déjà ça de gagné comme frais, pour ce projet.

Ce n’est pas fatigant comme travail en plus et c’est super passionnant : trouver des patients balaises dans certaines branches et les mettre en connexion avec les enfants qui ont des lacunes dans ces matières ! Fastoche !

Je pensais faire passer de petits tests aux patients qui le veulent, dans les différentes branches, et voir qui a le niveau pour donner un petit coup de main à ces enfants.

L’annexe est loin d’être prête, mais je pourrais déjà commencer mes recherches de parrains.

Lorsque je m’apprête à quitter la maison, je fais un énorme câlin à mon chien Truc, qui ne veut absolument pas me laisser partir, c’est alors que mon père sort de sa chambre-buanderie.

Bonjour papa, bien dormi ?

Ça va, j’ai eu un peu mal au pied cette nuit, mais ça va.

Tu as tout ce qu’il te faut comme médicaments ?

Oui oui, c’est bon, il faut juste du repos.

Il y a du thé de préparé si tu veux ?

OK, merci, je vais faire du café. Dis-moi, tu pars ?

Oui, je dois passer à l’hôpital.

Ah OK, et tu y vas comme ça ?

Comment « comme ça » ?

Ben habillée comme ça ?

Heuuu, qu’as-tu à redire à ma tenue ?

Je ne sais pas, mais je t’ai rarement vue si colorée ! Du jaune, du rouge, du vert…

Et ?

Eh bien entre porter un peu de couleur et risquer de provoquer une crise d’épilepsie chez un patient, il y a un juste milieu non ?

C’est vrai, tu as peut-être raison, c’est le printemps, il y a du soleil, il fait doux, j’aurais dû mettre une robe noire col roulé ou un complet gris. J’y penserai pour demain, merci pour l’idée.

Mais non, ce n’est pas ce que je voulais dire…

Si si, c’est bien ce que tu voulais dire. Je ne sais pas du tout ce que mamie t’imposait comme tenue, et je suis bien désolée pour toi si tu subis toujours ce traumatisme de t’habiller en foncé, mais pour moi, tout va bien de ce côté-là, j’assume !

Veux-tu que nous allions faire les boutiques ensemble cet aprèm ?

Euh…

C’est parfait, je serai là vers quatorze heures, je me garerai tout près comme ça, tu n’auras pas à marcher.

À tantôt.

À tantôt… Merci.

Et toc ! Je suis super fière de moi, je me suis à peine laissé déstabiliser.

En arrivant à l’hôpital, je suis accueillie par des accolades, des sourires, des compliments, que ça fait du bien !

C’est Jasmine qui va me remplacer pendant mon absence, elle est pro, j’ai vraiment appris à la connaître ces derniers mois, c’est une chouette fille. Maman célibataire avec deux ados, ça n’est pas toujours facile pour elle, mais elle ne se plaint jamais.

Je vois aussi Aline qui sort d’une chambre et qui accourt vers moi.

Aline, c’est ma collègue de chaque jour. On s’entend bien et on se complète, les patients l’adorent aussi.

Peut-être un peu tête en l’air et légèrement mêle-tout, mais c’est ça aussi qui fait son charme.

Léa, que je suis contente de te voir, tu es partie si vite !

Et oui, ce n’était pas trop prévu cette grossesse, mais ça se passe super bien, on est heureux. Et toi, ça va ?

Oui, super, je vais continuer mon tour de chambre, tu m’accompagnes ?

Non, pas cette fois, j’ai rendez-vous avec la direction.

Ah bon, et pourquoi ?

Aline, je crois que ça ne te regarde pas.

C’est vrai. Tu sais, j’ai été un peu déçue de ne pas te remplacer comme responsable de l’étage. J’aurais pu me débrouiller, tu sais ?

Je n’en doute pas une seconde, mais Jasmine a quand même plus d’expérience.

J’ai compté en nombre de jours de présence dans le service l’autre fois, à quelques mois près, j’ai autant d’expérience qu’elle.

C’est sûrement ça qui a fait la différence.

Quoi ? Le nombre de jours ?

Ou de mois, je dirais. Je te laisse y réfléchir, je dois y aller, mais je repasse tout bientôt, promis.

Aline ?

Oui ?

Tu fais quoi ?

J’y réfléchis…

Et si tu réfléchissais à ça chez toi ce soir, la chambre 415 sonne, c’est la chambre de monsieur Dupont.

Oui, j’y vais, à très vite.

*

Quand j’arrive devant le bureau de la direction, la porte est ouverte. Je m’engouffre dans la pièce avec une telle détermination, que le directeur sursaute.

Mon dossier à la main, il me désigne une chaise en face de lui, je m’y installe.

Bonjour mademoiselle Aubène, vous êtes ponctuelle. J’ai dix minutes.

Bonjour monsieur le directeur, c’est de famille. J’en ai besoin de sept !

Il sourit, c’est déjà ça.

Je vous écoute.

Vous connaissez le projet de monsieur Alfred Gabelet, notre résident-héritier, qui consiste à construire une annexe à l’hôpital, pour réunir les patients aptes à donner des cours, et les enfants de l’école et du pensionnat, dans le besoin de recevoir ces cours ?

Tout à fait, une aubaine pour notre hôpital, me dit-il avec un petit clin d’œil et un sourire, content de sa vanne.

Ah ben tiens, on ne me l’avait jamais faite celle-là ! Je ne suis pas avare, je lui rends quand même son sourire, je suis justement dans un bon jour.

En effet. Comme je suis écartée de mon poste et que le local pour les cours de couture est disponible, je pensais commencer les tests pour les patients la semaine prochaine, avec le statut de bénévole.

Je me hâte, car nous sommes déjà fin mai et si les enfants ont besoin d’un coup de main pour leur scolarité, c’est maintenant. Nous commencerions cette année, par la tranche d’âge huit – douze ans.

Les vacances d’août seront dédiées au rattrapage.

Voici les tests que je ferai passer à certains résidents qui ont la capacité de donner cours et qui s’ennuient.

Qu’en dites-vous ? Je m’occuperai de la connexion entre l’école et les résidents jusqu’à ma date d’accouchement.

Il nous reste deux minutes.

Comme à votre habitude, vous êtes rapide et efficace. De plus, je ne peux qu’apprécier cette demande.

Vous me laissez votre dossier, j’y jette un œil ce week-end.

Très bien, vous voyez que tout le monde y gagne, et la réputation de l’hôpital ne peut qu’être valorisée par ce projet.

Tout à fait, vous savez mettre le doigt dessus quand il le faut, vous avez de bons arguments.

Merci pour votre attention, je vous souhaite une agréable journée.

Vous aussi, merci.

Je sors ravie de cet entretien, ça va se mettre en place rapidement, je suis super heureuse.

C’est fou que, quand on croit tellement fort en ses projets, ils se réalisent…

Je suis sur la route vers la maison, en immersion totale dans mes songes.

Une question me vient souvent à l’esprit : comment améliorer mes rapports avec mon père ?

J’imagine différents scénarios pour essayer de me rapprocher de lui, de pouvoir lui dire les choses qui me tiennent à cœur. A-t-il conscience de la distance qu’il y a entre nous ? Ou croit-il que c’est normal ?

Toutes ces questions sans réponses…

À croire que je cherche l’inspiration plongée dans cette publicité pour de la colle dentaire, située à l’arrière d’un bus, car je le suis depuis un certain temps.

Ça me fait penser à ma dernière visite chez le dentiste. Un frisson traverse mon corps…

Quand je dis dernière, ce n’est pas une façon de parler, ce sera vraiment ma dernière visite, de toute ma vie.

C’est décidé ! Je ne sais pas encore quelle solution je vais trouver pour remplacer ce rendez-vous annuel, mais hors de question que je retourne chez ce boucher, pardon, chez ce dentiste.

Et ce n’est pas que j’ai spécialement une dent contre lui, car je les considère tous de la même manière.

Subitement, un autre frisson me parcourt le corps, la même sensation ressentie lorsque la fraise du dentiste ne s’arrête pas de creuser ma dent, encore et encore.

Je me demande vraiment si ça se terminera un jour ? Mais non, pas du tout, il faut encore creuser un peu, histoire d’arriver à l’os de la mâchoire, je présume.

Et puis ce n’est pas tout, pour le même prix, j’ai la douche gratuite !

Malgré la pompe qui aspire autant la langue et la joue que la salive (ce qui, à mon sens, produit un son similaire à un violon désaccordé), l’excès d’eau finit toujours par remonter dans la bouche, ajouté à l’air de la fraise, c’est l’éclaboussure assurée jusqu’au front !

Opacité directe pour le pauvre qui porte des lunettes.

Ça donne vraiment envie de serrer les dents !

Alors mon réflexe est d’essayer d’avaler, pour éviter la noyade ou le débordement. Parfois ça marche, mais parfois, un petit bout de composite vient se caler dans ma gorge…

Je n’ai qu’une envie : tousser un bon coup pour dégager tout cela : il n’y a pas de raison que je sois la seule à être éclaboussée, après tout, finalement…

Voit-il, à ce moment-là, dans mes yeux révulsés, qu’il ne me reverra plus jamais ??

Comprend-il à quel point je le déteste de me faire subir ça, et qu’il se fasse les dents sur moi ?

Mais parfois, le contrôle ne décèle rien d’anormal, alors mon dentiste chéri va improviser un détartrage, il m’aime tellement !

Bam, c’est reparti pour une douche garantie, de la salive qui coule dans le cou, le tout accompagné du doux bruit de l’ultrason, une pure merveille.

Mais ce n’est pas tout, que serait le détartrage sans un bon polissage ? Cette brosse qui roule sur vos dents avec de petits grains de fluor qui accrochent…

Soit, j’ai peut-être la solution, enfin, ma solution, pour une vie meilleure : se faire placer un dentier pour ne plus devoir aller chez le dentiste, jamais.

On se fait enlever les dents, sous anesthésie totale de trois jours, et nous voilà tranquilles à vie. Une commande annuelle de colle dentaire, et la vie est belle !

Je ris toute seule de mes bêtises… Faut que je pense quand même à programmer un rendez-vous après l’accouchement, ou quand les poules auront des dents !

Ça fait en effet dix minutes que je suis ce bus scolaire, qui roule à du soixante kilomètres-heure.

Force est de constater que je n’ai pas du tout envie de rentrer chez moi.

Il n’est que onze heures trente et je me lance, je téléphone à mon père pour qu’il se prépare plus tôt, que je passe le chercher pour que nous allions manger un bout ensemble.

Il n’est pas très emballé de quitter la maison si tôt, mais Couvin n’est pas un grand centre-ville, il y a toujours moyen de se garer à proximité.

En effet, je me gare juste devant le resto. Je lui amène ses béquilles et nous rentrons. Il ne se débrouille pas trop mal.

Nous choisissons une table près de l’entrée.

Tu sais, j’aurais pu manger à la maison.

Je sais, mais mon projet à l’hôpital se concrétise, et je voulais le fêter avec toi.

Tu vas boire un apéro alors ?

Bien sûr, un cocktail de jus de fruits.

Youhouu, c’est la fête, me dit-il en riant.

Je n’ai pas nécessairement besoin de boire de l’alcool, tu sais.

Oui, je sais, je dis ça comme ça. Par contre, moi je vais prendre un demi de rosé.

Très bien. Je commande deux boulettes sauce liégeoise, frites ?

C’est parfait. Alors comme ça, le projet que tu m’as expliqué, ça va marcher ?

Oui, le directeur a l’air aussi emballé que moi.

Et si tu dois te reposer, à cause de ta grossesse ?

Je ne vois pas pourquoi ce serait le cas.

On ne sait jamais.

Tu sais, enceinte ne veut pas dire malade, et j’ai bien l’intention de continuer à vivre normalement, à part quelques restrictions alimentaires évidemment.

Pourquoi es-tu toujours aussi sceptique par rapport à mes projets ? Ce n’est pas agréable, tu sais. Je sens que tu doutes constamment de moi.

Ce n’est pas ça, mais je me fais du souci pour toi.

Ah bon ? Et depuis quand ? Eh bien, il ne faut pas, je vais bien, je suis heureuse, tout va bien dans ma vie. Je ne roule pas sur l’or, mais je n’ai pas besoin de beaucoup pour vivre. Je me satisfais de peu, car je trouve mon bonheur à l’intérieur de moi, et ça, ça ne coûte rien.

Comment ça, à l’intérieur ?

Eh bien, quand je n’ai pas le moral ou que je doute de moi, je répète des mantras positifs sur la confiance en moi ou je fais de la méditation. Ça me permet de me calmer et de me recentrer sur le plus important, c’est-à-dire, moi.

Ce n’est pas un peu égoïste ça ?

Mais pas du tout, j’ai décidé que la personne la plus importante au monde, c’était moi. Donc je fais les choses qui me comblent, qui m’enrichissent, qui me font du bien. J’ai décidé de ne plus faire d’effort pour des gens qui n’en valent pas la peine.

Il y a une merveilleuse citation d’Anthony Hopkins, que je relis régulièrement et qui dit plus ou moins ceci :

« Laisse partir les gens qui ne sont pas prêts à t’aimer. C’est la chose la plus difficile que tu auras à faire dans ta vie et elle sera aussi la plus importante : arrête de donner ton amour à ceux qui ne sont pas prêts à t’aimer.

Arrête d’avoir des conversations difficiles avec des gens qui ne veulent pas changer. Arrête d’apparaître pour les gens qui sont indifférents à ta présence… »

Et ça continue encore, puis il termine par ces mots merveilleux : « Décide que tu mérites une amitié réelle. Puis attends… juste une minute… Et regarde à quel point tout commence à changer… »

Et c’est vrai, quand tu ne donnes plus de nouvelles et qu’on ne prend plus des tiennes, ce n’est pas la peine de t’accrocher.

J’en suis là, j’ai laissé de côté les gens qui ne méritaient pas mon amour, mon attention et je me sens tellement plus légère.

Et puis d’autres gens sont arrivés dans ma vie, car maintenant il y a de la place pour les relations vraies… Quel bonheur !

Waouh, c’est bien dit. Tu dis ça pour moi aussi…

Nous, nous avons un lien de parenté, mais c’est vrai que tu n’as pas cherché à être plus présent dans ma vie, et je l’ai accepté. Donc maintenant quand tu reviens parce que tu as besoin de moi, tu te rends bien compte que c’est un peu compliqué pour moi de te faire de la place et d’être disponible, mais ça va, je gère.

Et puis j’ai un homme formidable qui me permet de relativiser. Nous parlons beaucoup, nous échangeons nos ressentis et nos avis.

Et enfin, la méditation me permet de me rassurer quand je doute, de me vider la tête.

Ah oui, Fiona aussi elle fait ça, et ça lui fait du bien. Moi je n’y arrive pas, je m’endors à chaque fois.

C’est parce que tu t’installes trop confortablement. Tu fais ça où ?

Dans mon lit.

Ah ben, oui. Tu cherches les ennuis aussi, hein. Tu devrais essayer assis.

Méditer, ça me permet de cibler mes vraies valeurs et de faire confiance à mes anges gardiens pour me guider vers les bons choix à faire.

Et ça marche ?

Eh bien écoute, je peux dire que je me lève heureuse chaque matin, c’est déjà pas mal non ?

C’est vrai.

Comment trouves-tu ton rosé ?

Il est très bien, si on veut se déchausser les dents du bas, c’est parfait ! Il attaque bien la gencive, c’est un bon détartrage pour pas cher !

Nous partons alors dans un fou rire tous les deux, qui nous donne les larmes aux yeux. Et ce n’est pas que grâce à l’humour décapant de mon père.

Au moins, tu n’auras pas de polissage après !

Pourquoi tu dis ça ?

Non, rien, c’est juste un trip que je me suis fait toute seule.

Cette conversation nous a fait beaucoup de bien à tous les deux.

Je crois que j’ai tout gâché avec Fiona. Elle a le même discours que toi sur les vibrations positives, mais elle n’a jamais vraiment pris le temps de m’expliquer, donc je n’accroche pas vraiment, je la prends pour une illuminée.

Ah carrément !

C’est à elle que tu dois dire tout ça, tu sais. Peut-être qu’elle a essayé de t’expliquer, mais que tu ne l’as pas écoutée ?

C’est possible. Elle me dit qu’elle croit en Dieu, aux Archanges et tout ça, ça me fait un peu flipper. Et toi ? Tu crois en quoi ?

En l’univers, à mes anges gardiens, aux êtres de lumière, à cette force qui nous entoure et qui nous accompagne, etc.

Peu importe en qui ou en quoi nous croyons, le tout est de se fier à ce qui nous porte quand on ne sait plus. Cette aide qui est là, à notre portée, et qu’on ne voit pas nécessairement, mais qu’on peut sentir. Il faut juste se faire confiance, s’écouter, écouter ses émotions.

Parfois, quand je fais le ménage chez moi, je me cogne le coude, une fois, deux fois puis je m’arrête. Qu’est-ce que j’ai à comprendre ? Que je suis trop speed ou fatiguée pour continuer ? Que j’ai autre chose de plus urgent à faire ? De plus intéressant ? De plus productif ?

S’écouter, s’aimer, prendre soin de soi, c’est la recette. Les relations s’améliorent d’office avec les autres quand on est dans ce trip-là. Comme on fait attention à soi, on peut plus facilement faire attention aux autres, les aimer et les accepter comme ils sont.

Une question qu’on peut facilement se poser : Comment peux-tu aimer quelqu’un si tu ne t’aimes pas toi-même ?

C’est vrai… Merci pour cette belle conversation. Le repas était délicieux. Est-ce qu’on pourrait reporter notre shopping de cet aprèm

 ? J’aimerais rentrer et appeler Fiona, je crois que j’ai des choses à lui dire…

Avec plaisir. Et tu dois être fatigué aussi ?

Un peu. Je suis heureux de cet échange. Tu m’apportes ta sagesse, ma fille, alors que ça devrait être le contraire.

C’est que ça devait se passer comme ça.

Que veux-tu dire ?

Que rien n’arrive par hasard, si tu t’es cassé le pied, c’est que tu devais venir chez moi, pour vivre ça.

Ah ça, j’y crois, qu’il n’y a pas de hasard. Je peux rester chez toi alors ?

Dans tes rêves. Tu ne termines pas ton rosé ?

Euh non, merci, je crois que mes dents sont suffisamment blanches comme ça, et si je le termine, il va peut-être même me trouer l’estomac.

Ben oui, mais tu as demandé du sec aussi.

C’est vrai, extra sec dans ce cas-ci ! Allez on rentre.

Arrivés à la maison, mon père s’isole dans sa chambre et j’entends qu’il parle au téléphone, avec Fiona sûrement. Je suis contente d’avoir pu lui transmettre une manière de voir la vie autrement.

S’il y fait attention et qu’il y travaille un peu chaque jour, qu’il change juste sa manière de penser, ça peut le faire.

Chapitre 6

Cet après-midi, Nina ne travaille pas, nous décidons d’aller faire un peu de shopping.

Moi qui suis plutôt simple et sobre dans mes couleurs de vêtements habituellement, je me rends compte que je tends vers de plus en plus de clarté et de peps, alors que mon corps s’arrondit et que je devrais plutôt le camoufler.

C’est normal, me dit Nina, la grossesse te va si bien, tu t’assumes et tu as envie de la montrer aussi. En tout cas moi, c’était comme ça, je me pavanais avec des vêtements super moulants pour partager mon petit bidou.

Oui, je me souviens, mais comme tu es très mince à la base, tu as dû attendre un bon quatre mois pour qu’on voie quelque chose.

Moi ça va, j’ai de la marge, à bientôt trois mois, ça se voit déjà un peu.

Mais tu es dure avec toi-même.

Non, réaliste.

Tu es si belle, je suis jalouse.

Eh bien vas-y, tu peux t’y remettre aussi, nous avons pratiquement le même âge !

Je crois que si je ramène cette nouvelle à Marc, il me quitte !

Ça ne lui plairait pas ?

Au début, on était partants pour trois enfants, et puis après deux, on s’est dit que c’était parfait. Avec tous ses déplacements, ce n’est déjà pas facile pour moi de tout gérer, même s’il est super quand il est là.

Pour moi, il n’y a pas photo, un seul, ce sera déjà bien, c’est déjà un miracle à quarante ans.

À ce propos, tu es retournée faire l’échographie avec Alex ?

Je passerai la semaine prochaine, ma gynéco est revenue, ouf !

Oui, il vaut mieux un second avis, au cas où il y en aurait vraiment deux !

Et avec ton papa, ça va ?

Eh bien écoute, mieux que ce que je pensais. Nous sommes allés manger un bout ce midi, nous avons bien discuté, il commence à comprendre la connexion avec l’univers et ses bienfaits.

Tu m’étonnes, je ne saurais plus vivre sans cette conscience.