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Extrait : "CLIMENE : Je viens de voir, pour mes péchés, cette méchante rapsodie de l'Ecole des femmes. Je suis encore en défaillance du mal de cœur que cela m'a donné, et je pense que je n'en reviendrai de plus de quinze jours. ELISE : Voyez un peu comme les maladies arrivent sans qu'on y songe ! URANIE : Je ne sais pas de quel tempérament nous sommes, ma cousine et moi ; mais nous fûmes avant-hier à la même pièce, et nous en revînmes toutes deux saines et gaillardes."
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Seitenzahl: 45
Veröffentlichungsjahr: 2015
EAN : 9782335012453
©Ligaran 2014
À la Reine Mère
Madame,
Je sais bien que Votre Majesté n’a que faire de toutes nos dédicaces, et que ces prétendus devoirs, dont on lui dit élégamment qu’on s’acquitte envers Elle, sont des hommages, à dire vrai, dont Elle nous dispenserait très volontiers. Mais je ne laisse pas d’avoir l’audace de lui dédier la Critique de l’École des femmes ; et je n’ai pu refuser cette petite occasion de pouvoir témoigner ma joie à Votre Majesté sur cette heureuse convalescence, qui redonne à nos vœux la plus grande et la meilleure princesse du monde, et nous promet en Elle de longues années d’une santé vigoureuse. Comme chacun regarde les choses du côté de ce qui le touche, je me réjouis, dans cette allégresse générale, de pouvoir encore obtenir l’honneur de divertir Votre Majesté ; Elle, Madame, qui prouve si bien que la véritable dévotion n’est point contraire aux honnêtes divertissements ; qui, de ses hautes pensées et de ses importantes occupations, descend si humainement dans le plaisir de nos spectacles et ne dédaigne pas de rire de cette même bouche dont Elle prie si bien Dieu. Je flatte, dis-je, mon esprit de l’espérance de cette gloire ; j’en attends le moment avec toutes les impatiences du monde ; et quand je jouirai de ce bonheur, ce sera la plus grande joie que puisse recevoir,
Madame,
De Votre Majesté,
Le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet,
J.-B.P. Molière.
Comédie représentée pour la première fois à Paris, sur le Théâtre du Palais-Royal le vendredi premier juin 1663 par la Troupe de Monsieur, frère unique du Roi.
Personnages
Uranie.
Élise.
Climène.
Galopin, laquais.
Le Marquis.
Dorante ou le Chevalier.
Lysidas, poète.
Uranie, Élise.
Quoi ? Cousine, personne ne t’est venu rendre visite ?
Personne du monde.
Vraiment, voilà qui m’étonne, que nous ayons été seules l’une et l’autre tout aujourd’hui.
Cela m’étonne aussi, car ce n’est guère notre coutume ; et votre maison, Dieu merci, est le refuge ordinaire de tous les fainéants de la cour.
L’après-dînée, à dire vrai, m’a semblé fort longue.
Et moi, je l’ai trouvée fort courte.
C’est que les beaux esprits, Cousine, aiment la solitude.
Ah ! très humble servante au bel esprit ; vous savez que ce n’est pas là que je vise.
Pour moi, j’aime la compagnie, je l’avoue.
Je l’aime aussi, mais je l’aime choisie ; et la quantité des sottes visites qu’il vous faut essuyer parmi les autres est cause bien souvent que je prends plaisir d’être seule.
La délicatesse est trop grande, de ne pouvoir souffrir que des gens triés.
Et la complaisance est trop générale, de souffrir indifféremment toutes sortes de personnes.
Je goûte ceux qui sont raisonnables, et me divertis des extravagants.
Ma foi, les extravagants ne vont guère loin sans vous ennuyer, et la plupart de ces gens-là ne sont plus plaisants dès la seconde visite. Mais à propos d’extravagants, ne voulez-vous pas me défaire de votre marquis incommode ? Pensez-vous me le laisser toujours sur les bras, et que je puisse durer à ses turlupinades perpétuelles ?
Ce langage est à la mode, et l’on le tourne en plaisanterie à la cour.
Tant pis pour ceux qui le font, et qui se tuent tout le jour à parler ce jargon obscur. La belle chose de faire entrer aux conversations du Louvre de vieilles équivoques ramassées parmi les boues des halles et de la place Maubert ! La jolie façon de plaisanter pour des courtisans ! et qu’un homme montre d’esprit lorsqu’il vient vous dire : "Madame, vous êtes dans la place Royale, et tout le monde vous voit de trois lieues de Paris, car chacun vous voit de bon œil, " à cause que Boneuil est un village à trois lieues d’ici ! Cela n’est-il pas bien galant et bien spirituel ? Et ceux qui trouvent ces belles rencontres, n’ont-ils pas lieu de s’en glorifier ?
On ne dit pas cela aussi comme une chose spirituelle ; et la plupart de ceux qui affectent ce langage savent bien eux-mêmes qu’il est ridicule.
Tant pis encore, de prendre peine à dire des sottises, et d’être mauvais plaisants de dessein formé. Je les en tiens moins excusables ; et si j’en étais juge, je sais bien à quoi je condamnerais tous ces Messieurs les turlupins.
Laissons cette matière qui t’échauffe un peu trop, et disons que Dorante vient bien tard, à mon avis, pour le souper que nous devons faire ensemble.
Peut-être l’a-t-il oublié, et que…
Galopin, Uranie, Élise.
Voilà Climène, Madame, qui vient ici pour vous voir.
Eh mon Dieu ! quelle visite !
Vous vous plaigniez d’être seule aussi : le Ciel vous en punit.
Vite, qu’on aille dire que je n’y suis pas.
On a déjà dit que vous y étiez.
Et qui est le sot qui l’a dit ?
Moi, Madame.
Diantre soit le petit vilain ! Je vous apprendrai bien à faire vos réponses de vous-même.
Je vais lui dire, Madame, que vous voulez être sortie.
Arrêtez, animal, et la laissez monter, puisque la sottise est faite.