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Une édition de référence du Malade Imaginaire de Molière, spécialement conçue pour la lecture sur les supports numériques.
« Argan. Mais toujours faut-il demeurer d'accord que, sur cette matière, les médecins en savent plus que les autres.
Béralde. Ils savent, mon frère, ce que je vous ai dit, qui ne guérit pas de grand'chose : et toute l'excellence de leur art consiste en un pompeux galimatias, en un spécieux babil, qui vous donne des mots pour des raisons, et des promesses pour des effets.
Argan. […] Mais, enfin, venons au fait. Que faire donc quand on est malade ?
Béralde. Rien, mon frère.
Argan. Rien ?
Béralde. Rien. Il ne faut que demeurer en repos. La nature, d'elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C'est notre inquiétude, c'est notre impatience qui gâte tout ; et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies. » (Extrait de l’Acte III, scène 3)
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Seitenzahl: 115
Veröffentlichungsjahr: 2012
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Le plus grand soin a été apporté à la mise au point de ce livre numérique de la collection Candide & Cyrano, afin d’assurer une qualité éditoriale et un confort de lecture optimaux.
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Le Malade imaginaire
Molière
Argan, malade imaginaire.
Béline, seconde femme d'Argan.
Angélique, fille d'Argan, et amante de Cléante.
Louison, petite fille d'Argan, et sœur d'Angélique.
Béralde, frère d'Argan.
Cléante, amant d'Angélique.
Monsieur Diafoirus, médecin.
Thomas Diafoirus, son fils, et amant d'Angélique.
Monsieur Purgon, médecin d'Argan.
Monsieur Fleurant, apothicaire.
Monsieur Bonnefoy, notaire.
Toinette, servante.
(La scène est à Paris.)
Après les glorieuses fatigues et les exploits victorieux de notre auguste monarque, il est bien juste que tous ceux qui se mêlent d'écrire travaillent ou à ses louanges, ou à son divertissement. C'est ce qu'ici l'on a voulu faire, et ce prologue est un essai des louanges de ce grand prince, qui donne entrée à la comédie du Malade imaginaire, dont le projet a été fait pour le délasser de ses nobles travaux.
(La décoration représente un lieu champêtre fort agréable.)
(En musique et en danse.) Flore, Pan, Climène, Daphné, Tircis, Dorilas, deux Zéphirs, troupe de Bergères et de Bergers.
Flore.
Quittez, quittez vos troupeaux, Venez, Bergers, venez, Bergères, Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux : Je viens vous annoncer des nouvelles bien chères, Et réjouir tous ces hameaux. Quittez, quittez vos troupeaux, Venez, Bergers, venez, Bergères, Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux.
Climène et Daphné.
Berger, laissons là tes feux, Voilà Flore qui nous appelle.
Tircis et Dorilas.
Mais au moins dis-moi, cruelle,
Tircis.
Si d'un peu d'amitié tu payeras mes vœux ?
Dorilas.
Si tu seras sensible à mon ardeur fidèle ?
Climène et Daphné.
Voilà Flore qui nous appelle.
TircisetDorilas.
Ce n'est qu'un mot, un mot, un seul mot que je veux.
Tircis.
Languirai-je toujours dans ma peine mortelle ?
Dorilas.
Puis-je espérer qu'un jour tu me rendras heureux ?
Climène et Daphné.
Voilà Flore qui nous appelle.
(Entrée de ballet Toute la troupe des Bergers et des Bergères va se placer en cadence autour de Flore.)
Climène.
Quelle nouvelle parmi nous, Déesse, doit jeter tant de réjouissance ?
Daphné.
Nous brûlons d'apprendre de vous Cette nouvelle d'importance.
Dorilas.
D'ardeur nous en soupirons tous.
Tous.
Nous en mourons d'impatience.
Flore.
La voici : silence, silence ! Vos vœux sont exaucés, Louis est de retour, Il ramène en ces lieux les plaisirs et l'amour, Et vous voyez finir vos mortelles alarmes. Par ses vastes exploits, son bras voit tout soumis : Il quitte les armes, Faute d'ennemis.
Tous.
Ah ! quelle douce nouvelle ! Qu'elle est grande ! Qu’elle est belle ! Que de plaisirs ! Que de ris ! Que de jeux ! Que de succès heureux ! Et que le ciel a bien rempli nos vœux ! Ah ! quelle douce nouvelle ! Qu'elle est grande, qu'elle est belle !
(Entrée de Ballet Tous les Bergers et Bergères expriment par des danses les transports de leur joie.)
Flore.
De vos flûtes bocagères Réveillez les plus beaux sons : Louis offre à vos chansons La plus belle des matières. Après cent combats, Où cueille son bras, Une ample victoire, Formez entre vous Cent combats plus doux, Pour chanter sa gloire.
Tous.
Formons entre nous Cent combats plus doux, Pour chanter sa gloire.
Flore.
Mon jeune amant, dans ce bois Des présents de mon empire Prépare un prix à la voix Qui saura le mieux nous dire Les vertus et les exploits Du plus auguste des rois.
Climène.
Si Tircis a l'avantage,
Daphné.
Si Dorilas est vainqueur
Climène.
À le chérir, je m'engage.
Daphné.
Je me donne à son ardeur.
Tircis.
Ô très chère espérance !
Dorilas.
Ô mot plein de douceur !
Tous deux.
Plus beau sujet, plus belle récompense Peuvent-ils animer un cœur ?
(Les violons jouent un air pour animer les deux Bergers au combat, tandis que Flore, comme juge, va se placer au pied de l'arbre, avec deux Zéphirs, et que le reste, comme spectateurs, va occuper les deux coins du théâtre.)
Tircis.
Quand la neige fondue enfle un torrent fameux, Contre l'effort soudain de ses flots écumeux Il n'est rien d'assez solide ; Digues, châteaux, villes, et bois, Hommes et troupeaux à la fois, Tout cède au courant qui le guide : Tel, et plus fier, et plus rapide, Marche Louis dans ses exploits.
(Ballet Les Bergers et Bergères de son côté dansent autour de lui, sur une ritournelle, pour exprimer leurs applaudissements.)
Dorilas.
Le foudre menaçant, qui perce avec fureur L'affreuse obscurité de la nue enflammée, Fait d'épouvante et d'horreur Trembler le plus ferme cœur : Mais à la tête d'une armée Louis jette plus de terreur.
(Ballet Les Bergers et Bergères de son côté font de même que les autres.)
Tircis.
Des fabuleux exploits que la Grèce a chantés, Par un brillant amas de belles vérités Nous voyons la gloire effacée, Et tous ces fameux demi-dieux Que vante l'histoire passée Ne sont point à notre pensée Ce que Louis est à nos yeux.
(Ballet Les Bergers et Bergères de son côté font encore la même chose.)
Dorilas.
Louis fait à nos temps, par ses faits inouïs, Croire tous les beaux faits que nous chante l'histoire Des siècles évanouis : Mais nos neveux, dans leur gloire, N'auront rien qui fasse croire Tous les beaux faits de Louis.
(Ballet Les Bergers et Bergères de son côté font encore de même, après quoi les deux partis se mêlent.)
Pan(suivi des Faunes).
Laissez, laissez, Bergers, ce dessein téméraire. Hé ! que voulez-vous faire ? Chanter sur vos chalumeaux Ce qu'Apollon sur sa lyre, Avec ses chants les plus beaux, N'entreprendrait pas de dire, C'est donner trop d'essor au feu qui vous inspire, C'est monter vers les cieux sur des ailes de cire, Pour tomber dans le fond des eaux. Pour chanter de Louis l'intrépide courage, Il n'est point d'assez docte voix, Point de mots assez grands pour en tracer l'image : Le silence est le langage Qui doit louer ses exploits. Consacrez d'autres soins à sa pleine victoire ; Vos louanges n'ont rien qui flatte ses désirs ; Laissez, laissez là sa gloire, Ne songez qu'à ses plaisirs.
Tous.
Laissons, laissons là sa gloire, Ne songeons qu'à ses plaisirs.
Flore.
Bien que, pour étaler ses vertus immortelles, La force manque à vos esprits, Ne laissez pas tous deux de recevoir le prix : Dans les choses grandes et belles Il suffit d'avoir entrepris.
(Entrée de Ballet Les deux Zéphirs dansent avec deux couronnes de fleurs à la main, qu'ils viennent ensuite donner aux deux bergers.)
Climène et Daphné(en leur donnant la main).
Dans les choses grandes et belles Il suffit d'avoir entrepris.
TircisetDorilas.
Ha ! que d'un doux succès notre audace est suivie ! Ce qu'on fait pour Louis, on ne le perd jamais.
Les quatre amants.
Au soin de ses plaisirs donnons-nous désormais.
FloreetPan.
Heureux, heureux qui peut lui consacrer sa vie !
Tous.
Joignons tous dans ces bois Nos flûtes et nos voix, Ce jour nous y convie ; Et faisons aux échos redire mille fois : « Louis est le plus grand des rois ; Heureux, heureux qui peut lui consacrer sa vie ! »
(Dernière et grande entrée de Ballet Faune, Bergers et Bergères, tous se mêlent, et il se fait entre eux des jeux de danse, après quoi ils se vont préparer pour la Comédie.)
(Le théâtre représente une forêt. L'ouverture du théâtre se fait par un bruit agréable d'instruments. Ensuite une Bergère vient se plaindre tendrement de ce qu'elle ne trouve aucun remède pour soulager les peines qu'elle endure. Plusieurs Faunes et Aegipans, assemblés pour des fêtes et des jeux qui leur sont particuliers rencontrent la Bergère. Ils écoutent ses plaintes et forment un spectacle très divertissant.)
Plainte de la Bergère.
Votre plus haut savoir n'est que pure chimère, Vains et peu sages médecins ; Vous ne pouvez guérir par vos grands mots latins La douleur qui me désespère : Votre plus haut savoir n'est que pure chimère. Hélas ! Je n'ose découvrir Mon amoureux martyre Au Berger pour qui je soupire, Et qui seul peut me secourir. Ne prétendez pas le finir, Ignorants médecins, vous ne sauriez le faire : Votre plus haut savoir n'est que pure chimère. Ces remèdes peu sûrs dont le simple vulgaire Croit que vous connaissez l'admirable vertu, Pour les maux que je sens n'ont rien de salutaire ; Et tout votre caquet ne peut être reçu... Que d'un Malade imaginaire. Votre plus haut savoir n'est que pure chimère, Vains et peu sages médecins ; Vous ne pouvez guérir par vos grands mots latins La douleur qui me désespère ;
Argan (seul dans sa chambre assis, une table devant lui, compte des parties, d'apothicaire avec des jetons ; il fait, parlant à lui-même, les dialogues suivants). Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt. Trois et deux font cinq. « Plus, du vingt-quatrième, un petit clystère insinuatif, préparatif, et remollient, pour amollir, humecter, et rafraîchir les entrailles de monsieur. » Ce qui me plaît de monsieur Fleurant, mon apothicaire, c'est que ses parties sont toujours fort civiles : « les entrailles de monsieur, trente sols » Oui, mais, monsieur Fleurant, ce n'est pas tout que d'être civil, il faut être aussi raisonnable, et ne pas écorcher les malades. Trente sols un lavement : Je suis votre serviteur, je vous l'ai déjà dit. Vous ne me les avez mis dans les autres parties qu'à vingt sols, et vingt sols en langage d'apothicaire, c'est-à-dire dix sols ; les voilà, dix sols. « Plus, dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat, et autres, suivant l'ordonnance, pour balayer, laver, et nettoyer le bas-ventre de monsieur, trente sols. » Avec votre permission, dix sols. « Plus, dudit jour, le soir, un julep hépatique, soporatif, et somnifère, composé pour faire dormir monsieur, trente-cinq sols. » Je ne me plains pas de celui-là, car il me fit bien dormir. Dix, quinze, seize et dix-sept sols, six deniers. « Plus, du vingt-cinquième, une bonne médecine purgative et corroborative, composée de casse récente avec séné levantin, et autres, suivant l'ordonnance de monsieur Purgon, pour expulser et évacuer la bile de monsieur, quatre livres. » Ah ! Monsieur Fleurant, c'est se moquer ; il faut vivre avec les malades. Monsieur Purgon ne vous a pas ordonné de mettre quatre francs. Mettez, mettez trois livres, s'il vous plaît. Vingt et trente sols. « Plus, dudit jour, une potion anodine et astringente, pour faire reposer monsieur, trente sols. » Bon, dix et quinze sols. « Plus, du vingt-sixième, un clystère carminatif, pour chasser les vents de monsieur, trente sols. » Dix sols, monsieur Fleurant. « Plus, le clystère de monsieur réitéré le soir, comme dessus, trente sols. » Monsieur Fleurant, dix sols. « Plus, du vingt-septième, une bonne médecine composée pour hâter d'aller, et chasser dehors les mauvaises humeurs de monsieur, trois livres. » Bon, vingt et trente sols : je suis bien aise que vous soyez raisonnable. « Plus, du vingt-huitième, une prise de petit-lait clarifié, et dulcoré, pour adoucir, lénifier, tempérer, et rafraîchir le sang de monsieur, vingt sols. » Bon, dix sols. « Plus, une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoard, sirops de limon et grenade, et autres, suivant l'ordonnance, cinq livres. » Ah ! Monsieur Fleurant, tout doux, s'il vous plaît ; si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade : contentez-vous de quatre francs. Vingt et quarante sols. Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt. Soixante et trois livres, quatre sols, six deniers. Si bien donc que de ce mois j'ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines ; et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements ; et l'autre mois il y avait douze médecines, et vingt lavements. Je ne m'étonne pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l'autre. Je le dirai à monsieur Purgon, afin qu'il mette ordre à cela. Allons, qu'on m'ôte tout ceci. Il n'y a personne : j'ai beau dire, on me laisse toujours seul ; il n'y a pas moyen de les arrêter ici. (Il sonne une sonnette pour faire venir ses gens.) Ils n'entendent point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin, drelin, drelin : point d'affaire. Drelin, drelin, drelin : ils sont sourds. Toinette ! Drelin, drelin, drelin : tout comme si je ne sonnais point. Chienne, coquine ! Drelin, drelin, drelin : j'enrage. (Il ne sonne plus mais il crie.) Drelin, drelin, drelin : carogne, à tous les diables ! Est-il possible qu'on laisse comme cela un pauvre malade tout seul ? Drelin, drelin, drelin : voilà qui est pitoyable ! Drelin, drelin, drelin : ah, mon Dieu ! Ils me laisseront ici mourir. Drelin, drelin, drelin.
Toinette, Argan.
Toinette(en entrant dans la chambre). On y va.
Argan. Ah, chienne ! ah, carogne... !
Toinette(faisant semblant de s'être cogné la tête). Diantre soit fait de votre impatience ! Vous pressez si fort les personnes, que je me suis donné un grand coup de la tête contre la carne d'un volet.
Argan(en colère). Ah ! traîtresse... !
Toinette(pour l'interrompre et l'empêcher de crier, se plaint toujours en disant). Ha !
Argan. Il y a...
Toinette. Ha !
Argan. Il y a une heure...
Toinette. Ha !
Argan. Tu m'as laissé...
Toinette. Ha !