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À Ribe, Gwendoline règne en maîtresse absolue, mais ses pensées s’envolent de plus en plus vers la Bretagne, sa terre natale. Là-bas, Nominoë, le futur roi breton, quitte les mystérieux bois de Brocéliande à la tête d’une délégation, destination Aix-la-Chapelle pour rencontrer Louis le Pieux. Embarqué sur la voie de son destin royal, il est déterminé à unir la Bretagne sous une seule bannière. Pendant que les Vikings sèment la terreur le long des côtes, Ribe devient le centre d’une activité florissante. Inspiré par la détermination de Gwendoline, Nominoë entreprend une mission audacieuse : forger une Bretagne unie. La couronne de ce royaume naissant est sur le point de briller.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Passionné par les romans historiques,
Michel Raboteau prend la plume pour partager avec les lecteurs le fruit de son imagination. Cette grande aventure littéraire fait également hommage à ses deux régions d’adoption, la Bretagne et la Normandie.
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Michel Raboteau
Les Vikings
Tome III
Aachen
Roman
© Lys Bleu Éditions – Michel Raboteau
ISBN :979-10-422-3634-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
– Les Vikings – Tome I – Brocéliande, 2023, Le Lys Bleu Éditions ;
– Les Vikings – Tome II – Ribe, 2024, Le Lys Bleu Éditions.
La Bretagne et la Neustrie
Les raids de Jörgen
Rois de France
Charlemagne
742 / 768 / 814
Louis le Pieux
778 / 814 / 840
Rois de Bretagne
Morvan (Murman) 750 / / 818
Année
802
808
816
817
818
Tome 1 - Brocéliande
Évènements
Naissance de Gwendoline
Naissance de Nominoë
Gwenaëlle à Roazhon. Raid sur l’île aux Bretons
Gwendoline à Barfleur. Nominoë à Brocéliande
Attaque de Barfleur par Jörgen.
Rois de France
Louis le Pieux
778 / 814 / 840
Rois de Bretagne
Morvan
750 / / 818
Wiomarc’h
/ 822 / 825
Année
818
819
820
824
Tome 2 – Ribe
Événements
Gwendoline à Ribe
Raid sur Caen. Naissance de Rolf
Vengeance de Gwendoline
Négociations pour la délégation
Rois
de France
Louis le Pieux
778 / 814/840
Charles II le chauve
823/ 840/877
Rois
de Bretagne
Wiomarc’h
/822/825
Nominoë
808 / 830/851
Année
825
826
829
835
843
845
Tome 3 – Aachen
Événements
Délégation des Bretons
à Aachen
Retour
de Gwendoline
à Brocéliande
Nominoë représentant de l’empereur
1er raid de Rolf
Retour
de Gwendoline
à Ribe
Naissance
de Rollon
Rois
de France
Charles II Le chauve
823 / 840 / 877
Rois
de Bretagne
Nominoë
808 / 830 / 851
Erispoë
851/857
Salomon
857/874
Gurwant
874/876
Année
847
848
851
857
860
866
872
874
Tome 4 – Rollon
Evènements
Le Roi Horik
Indépendance
de la Bretagne
Assassinat d’Erispoë
Retour
de Gwladys
Rollon chassé
de Ribe
Rollon
à Âlesund
Assassinat de Salomon
Roazhon………………………………………………….Rennes
Gwened………………………………………………….Vannes
Prizieg……………………………………………………Priziac
Gazilieg………………………………………………La Gacilly
Gwenrann……………………………………………..Guérande
Sant Brieg……………………….………………….Saint Brieuc
Sant Ke…………………………………....Saint Quay-Portrieux
Pempoull………………………………………………..Paimpol
Rosko……………………………………………………Roscoff
Kab Frehel……………………………………………Cap Fréhel
Aachen………………….……………………….Aix la Chapelle
Neustrie……………….…..Partie Occidentale du royaume Franc
Un langskip………………….………...Drakkar terme générique
Un karv…………..…..Drakkar de 10 jeux de rames, 35 guerriers
Un snekkja…………...Drakkar de 20 jeux de rames, 80 guerriers
Un ferja……………………………….………...Bateau de pêche
Un knörr…………………………………...Bateau de commerce
Skàli…………………………………….Grande demeure viking
Jarl…………………….……………Chef de guerre ou de village
Træl……………………………………………………...Esclave
Les trois navires ne s’étaient pas perdus de vue durant toute la descente de la mer du nord, qui avait été plutôt facile avec des vents de nord portants et réguliers. Maintenant qu’ils étaient arrivés près des côtes du sud, en dessous de la mer du nord, le temps était clément et doux, même un peu chaud pour ces Vikings plus habitués aux froids mordants qu’aux étés de la Neustrie du Sud-ouest. Vigø avait repris le fonctionnement qu’avait institué Jörgen, tous les matins il faisait le point avec Tristan et Fulbert.
— Nous arriverons sur les côtes Franques ! Probablement en fin de journée !
Vigø était obligé de crier, le vent était fort, et bien que les bateaux se soient rapprochés, ils étaient encore à une distance appréciable, il n’était pas prudent de naviguer trop près avec un tel vent.
— Comme prévu, Fulbert, tu iras sur Barfleur, moi avec Tristan, nous descendrons sur Saint-Vaast, nous nous retrouverons au large de cette petite bourgade.
Il fit une pause pour reprendre, sur un ton énervé.
— Fulbert, il te faudra refaire des vivres et de l’eau autant que tu pourras. Il ne faudrait pas que tu nous retardes !
— Oui, je connais un peu ce village, je pense que ça ne posera pas de problème.
— Parfait, nous naviguons comme ça route au sud, tu partiras sur l’ouest dès que tu verras Barfleur, nous nous continuerons !
Les trois Langskips s’écartèrent naturellement. Fulbert n’était pas mécontent de devoir quitter les deux autres navires, au moins pour quelques jours, il supportait mal Vigø depuis le départ. Il était autoritaire et cassant, sa prise de fonction en tant que chef de l’expédition l’avait fait changer, Fulbert ne le reconnaissait plus. Il décida de positionner son Snekkja, sur tribord, le plus à l’ouest, afin de pouvoir distinguer la côte, le plus tôt possible. Hier, il avait déjà fait remarquer à Vigø qu’ils étaient trop à l’est, il pouvait manquer l’atterrage, mais il n’avait rien voulu entendre, il devenait têtu en plus.
— La barre un poil à tribord, on s’écarte en douceur.
— Vigø va encore râler si tu t’écartes de trop !
— Oui, mais on est obligé, sinon nous passerons trop loin, nous ne pourrons pas arriver à Barfleur, il nous faudra louvoyer pendant des heures voire des jours, et alors on sera en retard à Saint-Vaast, et il râlera aussi !
— Tu as raison, il vaut mieux le maître en colère maintenant, dans trois jours il aura oublié.
Après une heure, les deux navires étaient à peine visibles l’un de l’autre. Fulbert avait bien remarqué que Vigø s’était agité sur son bateau, mais il avait fait mine de ne pas le voir, maintenant il était seul sur l’océan. Par deux fois, il avait un peu changé sa route pour se porter davantage vers l’ouest, il faisait maintenant route au sud-ouest.
— Crois-tu que Barfleur est en face ?
— Oui, j’espère, nous serons fixés d’ici quelques heures.
— Je ne suis pas mécontent que Vigø m’ait demandé de venir sur ton snekkja, il ne m’a jamais beaucoup apprécié. Je suis mieux ici.
— Il a tort aussi sur ce point, tu es un très bon barreur Göngu, et un excellent guerrier, moi je suis content de t’avoir sur mon bateau.
— En plus, ton langskip a la bénédiction de deux sorcières, nous sommes chacun l’homme d’une de ces femmes exceptionnelles, ça devrait nous porter chance !
— C’est vrai, j’ai été surpris lorsqu’Aure a été annoncée comme sorcière, je ne lui voyais aucun talent pour cela, et pourtant, elle commence à changer, maintenant elle a des attitudes de sorcière, je me demande comment Gwendoline a deviné si tôt sa vocation.
— Si l’on compte Brunhilde et Frigg, ça fait quatre sorcières rien qu’à Ribe, un vrai nid !
— Oui, je me demande si Brunhilde sera encore vivante à notre retour ?
— Ho ! Oui, ça fait plusieurs années que l’on prévoit sa mort, mais elle est toujours là.
— Aure ne t’a rien dit là-dessus ?
— Non, elle ne me parle pas de ces affaires-là, c’est son domaine, je ne dois pas y regarder !
— Je me souviens tout de même que ça fait longtemps qu’elle porte Veðrfö sur son bras, j’aurais dû voir un signe de sa capacité à être une sorcière, réfléchit tout haut Fulbert.
— Tu as raison, elle me faisait déjà peur avec cet oiseau, bien avant d’être reconnue comme sorcière. J’ai encore du mal à réaliser qu’une de mes femmes est une sorcière.
— Tu peux, par contre ça te donne un statut, dans Ribe, qui n’est pas anodin !
— Si mon père me voyait, il n’en reviendrait pas, moi qui étais plutôt un tout petit fermier, sans envergure, me voilà guerrier reconnu et marié à deux femmes dont une grande sorcière. J’ai même un esclave !
Göngu se mit à rire, Fulbert lui donna une bonne tape sur l’épaule en s’en allant sur l’avant.
— Garde ton cap Göngu, tu rêves trop à tes femmes ! Nous allons louper Barfleur !
Fulbert se dirigea vers un homme qui n’avait pas l’aspect d’un Viking, il était plus petit, bien charpenté, mais moins que Fulbert, ses cheveux n’étaient pas blonds, ils étaient châtains.
— Léon ! Viens me voir !
Le jeune homme arriva précipitamment, comme un esclave doit le faire à l’appel de son maître.
— Oui, que veux-tu, Fulbert ?
Il parlait lentement, c’était un peu la marque de tous les esclaves qui avaient le plus grand mal à apprendre cette langue si différente de la leur.
— Dis-moi, tu parles bien le français, m’a dit Gwendoline.
— Oui, c’est ma langue maternelle.
— Pourquoi es-tu volontaire pour faire le raid sur la Neustrie ? C’est ta patrie !
— J’ai très envie de revoir ma ville, ma terre, juste la toucher, juste poser mes pieds dessus.
— Hum, tu vas chercher à t’échapper !
— Non ! Je te le jure, je ne le ferais pas ! Je l’ai promis à Gwendoline !
— J’ai un peu de mal à te croire, mais je vais te surveiller, je serais sans pitié si tu cherches à me tromper !
— Non ! Non ! Je ne te tromperais pas !
— Bien, à Barfleur tu viendras avec moi et Göngu, nous ne ferons pas l’attaque, nous irons visiter une dame et j’aurais besoin de toi pour parler avec elle.
— Ha ? Je ne vais pas participer à l’attaque de la ville ?
— Pas à Barfleur, dans les autres villes, après oui, mais pas là !
— Je vais tout de même rapporter une part de prise à mon maître ?
— Tu es inquiet de cela ?
— Oui, il ne doit pas être déçu, il compte sur ce gain pour mieux vivre.
— Ne t’inquiète pas de ça, la part de ton maître sera la même que celle tous les guerriers, c’est avec cet accord financier que les fermiers envoie leurs esclaves à la guerre.
— D’accord.
— Si tu me sers bien pour discuter avec la femme, je donnerai un supplément à ton maître, il sera fier de toi !
— Merci, oui je vais te servir, Fulbert, tu ne seras pas déçu, Gwendoline me l’a demandé comme un service, je ne peux rien lui refuser.
Fulbert sourit à l’évocation de Gwendoline et ce pouvoir qu’elle avait de séduire les hommes, au-delà du raisonnable.
— TERRE ! Droit devant !
Fulbert posa sa main sur son épaule avant de se diriger calmement vers l’avant, il prenait son temps comme s’il était parfaitement sûr de son atterrage.
— Là, juste un peu sur l’avant tribord.
Fulbert scrutait l’horizon, dans la direction indiquée, comme pour percer la distance qui l’empêchait de mieux voir.
— Oui, ça me paraît bien, approchons-nous encore un peu ! dit-il en regardant l’horizon.
Il se tourna vers le barreur, à l’arrière du snekkja.
— La barre un poil à tribord !
Le jour déclinait, Fulbert savait que la côte était difficile d’approche, de nombreux cailloux jonchaient la mer autour de la petite ville. Il resta à l’avant, observant la côte qui se dévoilait un peu plus à chaque instant. Le ciel était nettement plus sombre derrière, à l’est, c’était souvent ainsi à la tombée de la nuit, la clarté était à l’ouest, ça lui permettait d’avancer avec un peu de visibilité, mais le bateau devait encore être invisible de la côte.
— La barre encore un peu à tribord ! Ajuster la voile !
Göngu s’appuya sur le manche en bois pour faire évoluer le navire.
— Oui, comme ça, pas plus !
Fulbert se leva. Et se tourna vers les hommes qui le regardaient.
— Nous allons faire une approche en douceur, dès ce soir, j’irais négocier l’approvisionnement en vivre et en eau ! Si cela se passe comme je veux, nous n’aurons pas à nous battre, ils vont nous donner gentiment ce que nous demanderons.
Des rires fusèrent.
— Amenez la voile ! Paré aux rames !
Tous se précipitèrent sur les tâches ordonnées.
— Nager !
En peu de temps, le snekkja était passé de voilier à bateau à rames. Cela permettait bien sûr de faire une approche plus contrôlée entre les rochers, mais aussi d’être beaucoup moins visible de la côte.
— Je veux une approche discrète, en silence, on parlera à voix feutrées. Deux hommes avec moi à l’avant pour repérer les brisants.
Fulbert était monté sur le cou du dragon, les deux hommes installés de chaque côté observaient minutieusement le devant de l’étrave, ils lui signalaient les brisants de chaque côté, Fulbert donnait les ordres de barre pour éviter les rochers. Il avait déjà repéré la plage de galets, la lune faisait briller la surface de la mer malgré la nuit profonde qui s’était déjà installée. Les brisants à fleur d’eau s’en trouvaient bien visible, par l’écume brillante qui les signalait, les rameurs avançaient doucement sans forcer. Göngu s’appliquait à louvoyer entre les rochers en suivant les ordres de son capitaine. Le snekkja venait de passer les derniers, il le dirigea vers la plage que lui avait désignée Fulbert. Le navire monta sur le sable et s’immobilisa en douceur.
— Toi tu connais ton rôle, tu sonnes le rappel en cas de menace, vous dix vous sécurisez l’approche du bateau, il est peu probable que nous ayons de la visite maintenant, Göngu, et Léon, vous venez avec moi. Nous serons dans cette maison. Erick, tu feras l’aller-retour pour m’informer de la situation si besoin.
Fulbert tâta la lettre de Gwendoline dans son vêtement, comme pour se rassurer qu’elle était bien là.
— Bien, allons-y !
Les trois hommes partirent dans la nuit. Fulbert se dirigea directement vers la maison qui était bien visible, il en fit le tour pour arriver devant la porte, une lumière à l’intérieur était perceptible entre les volets mal joints. Il frappa fermement à l’huis. Il dut attendre un moment.
— Qui est là ? demanda une voix de jeune femme.
Fulbert interrogea du regard Léon.
— Elle veut savoir qui est là.
— Dis-lui que c’est un messager de Gwendoline.
Léon traduisit :
— Aliénor ! C’est un messager de Gwendoline, alerta la voix à l’intérieur.
— Gwendoline ? Ce n’est pas possible ! Fais-le entrer !
Fulbert entendit les verrous qui se dégageaient, la porte s’ouvrit, la jeune femme apparut, elle resta figée en voyant les redoutables guerriers, Fulbert poussa fermement la porte pour entrer. Göngu referma la porte derrière eux. Aliénor était debout au milieu de la pièce, ces deux enfants étaient à ses côtés, ils se serrèrent contre elle. La soubrette avait reculé pour venir chercher la protection de sa maîtresse. Fulbert s’avança vers elle. Il s’arrêta à deux mètres d’elle, il la dominait d’une bonne tête.
— Aliénor ? dit-il distinctement en faisant un effort pour articuler ce nom que lui avait donné Gwendoline.
— Oui !
Aliénor n’avait pas tremblé, elle restait digne sans peur apparente. Fulbert sortit la lettre de Gwendoline et lui tendit. Elle le regarda un moment, puis se détacha de ses enfants pour faire un pas en avant et prendre la lettre. Elle la retourna plusieurs fois dans ses mains, son nom était inscrit dessus par une belle écriture, qui était celle de Gwendoline, elle l’avait reconnue. Elle regarda le Viking qui parlait à un de ses hommes, celui-ci se tourna vers elle.
— Bonjour, Aliénor, je suis Léon, un esclave qui a été kidnappé le même jour que Gwendoline, je vais traduire les paroles de Fulbert, qui est un ami de Gwendoline.
— Tu es de Barfleur ?
— Oui, de la ferme qui se trouve à une lieue d’ici sur le chemin de Saint-Vaast. La lettre que t’a remise Fulbert a été écrite par Gwendoline, elle lui a demandé de te la donner.
Aliénor qui regardait les hommes un par un, se ressaisit, elle ouvrit fébrilement la lettre et la déplia.
« Chère Aliénor, j’espère que ce courrier te trouvera en bonne santé toi et tes enfants. Je viens par celui-ci te donner des nouvelles de moi et d’Aure. Nous nous portons bien et notre vie ici est plutôt plaisante, Ribe est un charmant village viking. J’ai été adopté dès mon arrivée par Brunhilde, la sorcière de Ribe, je suis aujourd’hui moi-même la sorcière de ce village, avec pas mal de pouvoir. Aure que je forme aussi est l’épouse de Göngu, elle a un fils qui s’appelle Rolf, il a déjà cinq ans. »
Aliénor s’essuyait régulièrement les yeux, elle se laissa glisser doucement par terre pour s’agenouiller, elle mit son visage dans ses mains, puis se ressaisit et poursuivit sa lecture.
« Aure est heureuse, elle ne rentrera sans doute jamais, sa vie est ici maintenant, je suis également heureuse, mais ma vie est en Bretagne, j’y retournerai bientôt, j’espère pouvoir te voir. Je t’embrasse, embrasse Jeanne et Lothaire pour moi, je vous aime. »
« Gwendoline. »
Elle se retourna vers ses enfants :
— Gwendoline va bien, elle vous embrasse, Aure est avec elle, elles sont heureuses !
Elle tendit la lettre à Jeanne qui se mit à lire, elle se releva pour faire face à Fulbert.
— Merci pour cette lettre, elle me fait tellement plaisir. Je les croyais mortes.
Léon traduisit aussitôt.
— Gwendoline est une amie très chère, elle m’a demandé ce service, je ne pouvais lui refuser.
— Vous êtes venus avec votre bateau, vous allez tuer et incendier la ville comme la dernière fois ? demanda directement Aliénor.
— Non, je voudrais que tu m’aides à négocier, pour que je ne sois pas obligé de le faire.
— Comment cela ?
— J’ai besoin d’eau et de vivres pour mon expédition, si les habitants de cette ville acceptent de me donner ce dont j’ai besoin, je ne le prendrais pas par la force !
— D’accord, comment désires-tu que l’on fasse ?
— Le chef du village habite-t-il loin d’ici ? Le connais-tu ?
— Il habite à deux rues de là.
— Bien, demain matin de bonne heure, nous irons le voir, tu lui exposeras la situation, tu pourras lui dire que grâce à la demande de Gwendoline et ton accueil, je suis d’accord d’épargner votre village.
— Si je comprends bien, tu vas juste nous voler.
— Oui, c’est un peu ça, c’est mieux que d’incendier la ville, tuer quelques dizaines de personnes, les voler et emmener des esclaves !
— Je n’ai jamais marchandé comme cela, mais tu as raison, c’est mieux, de toute façon nous ne pouvons vous résister, Josselin acceptera. Des coups furent frappés à la porte. Göngu alla ouvrir, c’était Erick.
— Tout va bien, il n’y a personne, pas un villageois.
— Ici aussi, ça se passe bien, tu peux dire aux hommes de prendre le repas et de dormir par bordée.
Erick repartit.
— Que voulait-il ? demanda Aliénor.
— S’assurer que tout allait bien, que tu ne nous avais pas massacrés ni violés, et me donner la situation près du bateau. Les hommes vont manger et dormir.
Il lui sourit alors que Léon traduisait, elle lui retourna son sourire.
— Tu dois être un bon chef pour que tes hommes s’inquiètent comme cela, désirez-vous manger ?
— Ce n’est pas de refus.
— Flore, apporte le repas pour ces gens. Prends du vin aussi.
Elle se tourna vers Fulbert.
— Tu vas me donner des nouvelles de Gwendoline et d’Aure, je veux tout savoir, venez vous asseoir.
Elle se mit en bout de table, depuis la mort de Gautier, elle avait pris la place du chef de famille.
— Gwendoline va me demander des nouvelles de toi et de ta famille, que pourrais-je lui dire ?
— Je vais préparer une lettre, tu pourras lui remettre ?
— Bien sûr.
— Tu lui diras que nous allons bien, Jeanne et Lothaire apprennent avec moi ce n’est pas si bien, qu’avec elle, mais ce sont de bons enfants. La fortune de mon mari me permet de vivre confortablement.
— As-tu un autre mari ? lui demanda Fulbert en la regardant avec un regard plus chaud, comme une invitation ou une promesse.
— Non, le premier m’a déçu, je n’en veux plus d’autres.
Leurs regards restèrent liés un instant. Fulbert y prenait plaisir.
— Concernant Aure, je te présente Göngu, son mari, je vais le laisser t’en parler.
Flore revenait de la cuisine, elle déposa un plat de viande sur la table, elle apporta les assiettes et les gobelets, et repartit vers la cuisine, chercher le vin.
— J’ai acheté Aure à son arrivée, elle a très rapidement parlé notre langue, elle a été de suite adorable. Gwendoline qui était déjà la sorcière m’a demandé de la prendre comme seconde épouse, j’ai bien sûr accepté, je ne pouvais de toute façon rien refuser à une sorcière aussi puissante, elle m’aurait fait brûler dans la minute qui aurait suivi mon insolence.
— Gwendoline est une sorcière ?
— Oui, mais une adorable sorcière, reprit Fulbert, qui voulait rester le centre d’intérêt, il ne faut pas la contredire, ou lui manquer de respect, mais sinon elle est douce et gentille, et très belle aussi.
— Oui, je me souviens qu’elle était déjà très belle, alors qu’elle n’avait que quatorze ans.
Elle se tourna vers Göngu.
— J’attends la suite pour Aure, dit-elle avec un adorable sourire.
— Gwendoline m’a demandé d’affranchir Aure, elle n’est donc plus mon esclave, elle est ma femme, elle m’a donné un beau garçon, Rolf, il est fort, en bonne santé ! Mais également une adorable fille, Agnès.
— Gwendoline est-elle une esclave ? demanda-t-elle en se tournant à nouveau vers Fulbert.
— Non ! Brunhilde l’a affranchi très rapidement, reprit Fulbert, une sorcière ne peut être asservie, c’est un haut rang dans notre société viking.
Léon traduisait à toute vitesse, pour que la conversation soit la plus fluide possible.
— Toi, Léon, tu es un esclave ?
— Oui, mais, je ne me plains pas, je ne suis pas battu, mon maître est bon, il m’a accordé de participer à ce voyage, j’avais trop envie de revenir ici, même si ce n’est qu’un passage.
— Oui, mais être un esclave ce n’est pas drôle ! C’est mieux d’être libre !
— Être libre, comme vacher dans une ferme ici ce n’est pas mieux, je suis plus heureux à Ribe ! Je mange mieux, je n’ai jamais faim !
— Je suis surprise que tu me dises ça !
— C’est la vérité, mais il y a des esclaves qui sont moins bien traités, moi j’ai de la chance, et Gwendoline nous aide, elle demande à ce que nous soyons bien traités, alors comme ils ont peur d’elle, ils font attention.
— Ils ont peur d’elle !
— Oui, elle est très puissante, notre jarl est mort il y a environ cinq ans, un chef a exigé que ses deux esclaves soient sacrifiés pour sa cérémonie, elle s’y est opposée, l’homme l’a provoqué en duel, elle l’a tué !
Aliénor les regardait, elle semblait apaisée de les écouter. La soirée passa vite.
— Aliénor, je dois te remercier, ce repas était délicieux, surtout pour des marins qui viennent de passer un mois en mer. Je repasserai demain pour que nous discutions avec Josselin.
— Oui, mais on peut encore parler, dit-elle en le regardant dans les yeux, les enfants, vous allez vous coucher, Flore tu peux nous laisser.
Fulbert n’avait pas manqué le regard d’Aliénor.
— Léon, peux-tu lui dire que je reviens, je vais m’assurer du campement.
Les trois Vikings sortirent, Fulbert fit le tour du bateau, la ville était calme, il donna ses consignes.
— Göngu, je retourne dans la maison, demain matin avant le lever du jour, on se retrouve ici pour aller négocier, il me faudra dix hommes en arme, nous devrons impressionner le chef de leur village. Léon, tu viendras aussi. À demain !
Il commença à partir vers la demeure d’Aliénor, Léon le suivit, mais Fulbert se retourna.
— Merci, Léon, mais je ne vais pas avoir besoin de traduction.
— Ha ! J’avais compris que tu voulais discuter avec elle.
— Oui, mais je vais me débrouiller seul.
— Viens, Léon, on monte à bord, le rappela Göngu, qui riait de sa méprise.
Fulbert frappa à la porte, elle s’ouvrit de suite, Aliénor était là, elle avait une chemise de nuit beaucoup plus fine que la tenue qu’elle portait encore le moment d’avant, ses formes féminines pouvaient facilement se deviner, Fulbert entra, elle referma la porte, il la prit dans ses bras pour l’embrasser, il sentit de suite son relâchement, son besoin d’avoir un homme, il pensa à Gwendoline, et le jeu qu’elle lui avait fait faire avec Ingrid.
— Oui, je vais te faire patienter, ma jolie, tu vas adorer, dit-il dans cette langue qu’elle ne pouvait pas comprendre.
Il la serra plus fort, comme pour imprimer son corps avec le sien, son baiser était chaud, viril. Il commença à promener ses mains sur le tissu léger de sa tenue de nuit. Il avait autant de plaisir à la caresser que si elle avait été nue. Il fit descendre sa bouche le long de son cou, puis sur ses épaules, Aliénor se livrait à lui, mieux qu’il ne l’avait espéré avec ses regards. Il passa son bras sous ses cuisses et la souleva, elle se retrouva d’un coup dans ses bras, s’accrochant à son cou. Elle avait pris soin de ne pas faire tomber la bougie qui donnait le peu de lumière qui régnait dans la maison. Il la regarda pour lui demander où il pouvait l’emmener, mais dans un premier temps Aliénor ne sembla pas comprendre sa demande, elle lui offrit ses lèvres, qu’il prit avec passion, puis après plusieurs baisers, elle lui montra une direction, qu’il suivit, il se dirigea vers l’escalier, qu’il monta jusqu’au premier palier, puis vers la porte qu’elle lui montrait, elle l’ouvrit de sa main libre. Fulbert découvrit une chambre joliment meublée, il la posa, par terre, elle alla mettre la chandelle sur la petite table à côté du lit et se retourna vers lui, il finissait de se dévêtir. Il était nu, elle profita un instant de la vue de cet homme pour elle, cela faisait sept années qu’elle n’avait plus les plaisirs que lui offrait Gwendoline. Fulbert s’approcha, il la prit dans ses bras pour la serrer contre son torse, lui offrant toute sa force, elle ressentait sa virilité extrême, une force et une virilité qu’elle ne connaissait pas. Si Jörgen lui avait fait découvrir, mais ça avait été tellement brutal, et rapide qu’elle n’avait pas pu apprécier. Là, c’était différent, elle désirait Fulbert, elle voyait son désir dans ses yeux, dans la force de ses mains qui se promenaient sur son corps, il lui enleva sa chemise légère pour l’avoir nue, et la coucha sur le lit, il profita d’elle un bon moment en s’appliquant à reproduire les caresses que Gwendoline lui avait fait faire à Ingrid. Aliénor gémissait, son corps entier était agité, elle le réclamait par ses mouvements, mais il s’en amusait, et ne montrait aucun signe de vouloir aller plus loin.
— Prends-moi Fulbert ! Prends-moi !
Il la regarda en souriant, sans arrêter la caresse intime qu’il lui faisait, sachant la douce torture qu’il lui imposait. Gwendoline a raison, se mit-il à penser, c’est délicieux de voir la femme me désirer à ce point, oui c’est aussi bon que de la prendre.
— Prends-moi ? répéta-t-il doucement, en lui souriant et en l’interrogeant de son regard brûlant.
— Oui, prends-moi, répéta-t-elle en tentant de l’attirer sur elle.
Fulbert fit mine de comprendre son désir, mais il prit son temps avant de se coucher sur elle. Aliénor avait écarté ses cuisses pour le recevoir, il dirigea son membre vers son intimité, la faisant encore patienter, il la prit comme lui avait demandé Gwendoline avec Ingrid, lentement, très lentement. Aliénor criait de plaisir de l’avoir en elle, il accéléra alors, son mouvement se faisant plus viril, plus mâle, s’enfonçant en elle un peu plus à chaque fois, ses mains enserraient ses seins, alors qu’elle s’accrochait à ses épaules, son plaisir la submergea avec une violence inconnue, elle sentit Fulbert aimer en elle. Il se coucha ensuite sur le dos l’attirant pour qu’elle pose sa tête sur son torse. Aliénor resta un moment à reprendre ses esprits, elle le caressait, elle profitait de ce bonheur qu’elle savait éphémère. Elle se laissa s’endormir sur lui.
Au petit matin, Fulbert lui fit encore l’amour, mais en la prenant comme il en avait l’habitude avec plus de virilité, sans la faire autant le désirer, il sentait qu’elle pouvait aimer cela.
Il se leva, regarda par la fenêtre qui donnait vers l’est, le jour se lèverait bientôt, Aliénor se leva et enfila sa chemise de nuit, elle se mit devant lui.
— Aliénor, dit-elle en se désignant du doigt.
Il la regardait.
— Fulbert, poursuivit-elle en faisant de même vers son torse.
— Oui ?
— Fulbert Aliénor, deux fois dit-elle en montrant ses deux doigts.
— Oui.
— Fulbert et Gwendoline ? lui dit-elle en l’interrogeant des yeux.
Il lui sourit, il avait compris sa demande.
— Oui, Gwendoline et moi, oui on s’aime souvent !
Elle lui montra un doigt, en l’interrogeant à nouveau du regard. Il prit ses doigts pour les lever un par un, puis il en fit de même avec l’autre main, laissant en suspend le décompte.
— Merci, dit-elle en se lovant dans ses bras.
Il la serra un moment, puis il sortit pour se diriger vers son bateau.
Un moment après, il revint avec une vingtaine d’hommes, dont Göngu et Léon. Aliénor s’était apprêtée rapidement, elle avait senti qu’il ne désirait pas attendre.
— Bonjour, Aliénor, Fulbert est prêt pour aller voir Josselin, fit Léon.
— Allons-y !
Elle sortit suivie des Vikings, laissant seule Flore qui préparait le déjeuner du matin. Elle se dirigea vers la ville, passa juste derrière la petite église. Il faisait encore nuit, l’est commençait juste à s’éclaircir, promettant une belle journée. Ils arrivèrent devant une belle maison en pierre, encore plus grande que celle d’Aliénor, Fulbert en regardant à droite et à gauche, nota qu’il ne voyait plus les traces de leur premier passage, tout semblait avoir été reconstruit, mais il n’était pas sûr, la faible clarté ne permettait pas une bonne estimation.
Aliénor frappa fermement à la porte, elle attendit un instant, puis du bruit se fit entendre à l’intérieur, une personne arrivait. La porte s’ouvrit. La jeune domestique regarda avec de grands yeux cet attroupement. Elle s’apprêtait à crier.
— Bonjour, je suis Aliénor, peux-tu appeler Josselin, nous devons lui parler de toute urgence.
— Monsieur ! Monsieur, venez vite ! Madame Aliénor veut vous parler ! cria-t-elle en se reculant.
Fulbert poussa la porte, pour que tous puissent entrer dans le hall, qui était vaste. Léon s’appliquait à traduire toutes les paroles échangées. Un homme d’une quarantaine d’années arriva en haut de l’escalier, il regarda surpris, les Vikings en tenue de combat.
— Bonjour, Josselin, le chef viking, Fulbert désire négocier avec toi.
— Il veut négocier ? dit-il en descendant l’escalier de façon presque normale, mais son pas était tout de même un peu lent.
— Oui. Il est venu chez moi me dire qu’il nous donnait le choix entre piller, tuer et incendier notre village, ou si l’on préférait lui donner les vivres qu’il demande il nous laisserait tranquilles.
— Ha ! Pourquoi tant de mansuétude ?
— Gwendoline, la jeune femme qui s’occupait de l’éducation de mes enfants qu’ils ont kidnappées, il y a sept ans, est devenu une personne important là-bas dans leur pays, elle lui a demandé de ne pas nous faire souffrir à nouveau.
— D’accord, je vois, combien sont-ils ?
Aliénor n’eut pas le temps de répondre, Léon avait traduit, Fulbert s’avança vers Josselin en faisant signe à Aliénor de ne pas répondre.
— Nous sommes une petite centaine, ou tu acceptes sans plus discuter, ou je rase ton village !
L’homme recula devant l’air agressif de Fulbert, pendant que Léon lui traduisait.
— Oui, oui, bien, restons calme, j’accepte, que voulez-vous exactement ?
— Il nous faut de l’eau douce pour emplir nos tonneaux, de la viande et du poisson séchés en quantité.
— D’accord, nous allons sortir pour demander cela aux habitants de Barfleur, dit Josselin qui se remettait de sa surprise.
En sortant, Fulbert constata que le jour était levé, selon ses ordres, les Vikings étaient partout en ville, les gens sortaient ne comprenant pas ce qui se passait. Les Vikings les dirigeaient vers la petite place le long du quai. Josselin se dirigea aussi vers la place, il monta sur des caisses qui étaient là. Il surplombait la foule qui se rassemblait, poussée par les Vikings.
— Chers amis, les Vikings que vous voyez sont les mêmes que ceux qui nous ont attaqués il y a sept ans. Ils nous proposent de ne pas incendier le village comme la dernière fois, ni de tuer, ni d’emmener des esclaves, si nous leur donnons les vivres qu’ils demandent.
Josselin fit une pause, d’autres villageois arrivaient visiblement sortis du lit par les Vikings, qui avaient totalement investi le village.
— Je demande à chacun de faire un effort et d’amener, de la viande et du poisson séché.
— Qui nous dit qu’ils tiendront parole ? L’interpella une voix dans la foule.
Fulbert qui avait eu la traduction monta sur les caisses.
— Moi ! Je m’y engage, de toute façon, vous n’avez pas vraiment le choix, aller faisons vite avant que je change d’avis. Amenez-moi tout au snekkja !
Léon traduisait d’une voix aussi forte que Fulbert.
Josselin reprit la parole.
— Faites vite, je ne veux pas d’effusion de sang ! Ce sera mieux pour tout le monde !
Tous repartis vers leur habitation ou petite ferme pour faire plaisir à ces terribles Vikings, qu’il ne fallait pas fâcher. Rapidement, les villageois commencèrent à arriver vers le bateau, apportant leur contribution. Certains arrivaient avec une brouette chargée, d’autres portaient directement leur bien, mais ce n’étaient que des hommes, ils préféraient laisser leurs femmes et enfants loin de ces guerriers sanguinaires. Les hommes une fois délestés de leurs dons se voyaient confier un tonneau pour aller le remplir au puits du village. En fin de journée, l’approvisionnement du snekkja était fait, il pouvait reprendre la mer.
— Fulbert, nous sommes prêts à repartir, nous avons fait le plein, l’informa Göngu.
— La nuit va tomber, nous ne repartirons que demain matin.
— Vigø ne va pas être content si tu es en retard au large de Saint-Vaast !
— Je m’en fiche ! Aliénor, pouvons-nous dîner avec toi ? lui demanda-t-il directement.
Léon traduisit.
— Oui, j’aurais plaisir à discuter avec vous encore un peu.
Göngu et Léon profitèrent du repas, la soirée fut agréable pour tous. Aliénor avait une foule de questions concernant Gwendoline et Aure, Fulbert voulait tout savoir d’elle pour pouvoir informer Gwendoline à son retour. À la fin du repas, Göngu et Léon repartirent laissant seul Fulbert avec Aliénor.
Fulbert se leva de très bonne heure comme la veille, il embrassa Aliénor, qui se leva aussi, elle avait les traits tirés de quelqu’un qui n’a pas assez dormi, mais elle ne s’en plaignit pas. Elle attrapa Fulbert par la manche avant qu’il ne sorte de sa maison, elle lui tendit une lettre.
— S’il te plaît, pour Gwendoline.
Fulbert la regarda en lui souriant, il se saisit de la lettre et la mit à l’intérieur de son vêtement, il lui prit le visage pour l’embrasser amoureusement.
— Au revoir !
Aliénor se dirigea vers le bout de sa propriété, derrière la grange, elle le regarda partir vers son étrange bateau.
Des ordres fusèrent, puis les rames se mirent à pousser sur l’eau, le snekkja recula doucement, avant de pivoter sur lui-même, puis il repartit en avant se faufilant entre les écueils qui étaient déjà visibles, malgré le soleil à peine levé. Le vent de nord-ouest était fort, il mit rapidement à la voile, s’écarta un peu de la côte avant de faire route au sud, direction Saint-Vaast.
— Que va dire Vigø ? demanda Göngu, visiblement inquiet.
— Il va se mettre dans une belle colère, comme d’habitude, il fera des bons sur son bateau, pendant que nous naviguerons, il se calmera.
— Quelle est la prochaine ville ?
— Nous partirons à Carentan, une belle bourgade que nous trouverons en remontant un cours d’eau, un peu comme Caen, mais la rivière est beaucoup plus courte, enfin, si l’on peut faire confiance à nos cartes.
Les deux hommes se turent pour regarder le bateau et la côte qui défilait sur tribord, elle était à peine visible.
— Nous avons de la chance, le vent du nord nous porte bien, nous y serons dans la journée !
— Ce n’est pas ça qui va calmer Vigø !
En fin de matinée, ils arrivèrent en face de Saint-Vaast, les deux langskips de Vigø et Tristan étaient là, ils remontaient lentement vers la ville, le vent leur était contraire, ils venaient d’une route plus au sud, Fulbert ne comprenant pas complètement la situation décida de s’approcher, pour parler avec Vigø. Il rangea son snekkja à quelques dizaines de mètres. Il remarqua de suite la mauvaise humeur de son chef d’expédition.
— Alors, Vigø, que fais-tu ? cria-t-il.
— Nous attaquons maintenant, tu tombes bien !
— Tu attaques maintenant, mais qu’avez-vous fait ces derniers jours ?
— Le vent nous a emmenés trop loin, nous avons dû faire demi-tour et ce vent de nord-ouest nous contre depuis deux jours.
— D’accord, allons-y ! Cette petite baie est charmante, je trouve !
Vigø ne répondit pas, Fulbert laissa son navire s’écarter un peu plus au nord.
— Pourquoi n’a-t-il pas encore attaqué, demanda Göngu, qui n’était pas sûr d’avoir saisi le problème.
— Cet âne de Vigø est passé trop loin de la côte, il a loupé Saint-Vaast, et lorsqu’il s’en est aperçu, il était trop au sud, c’est long de remonter contre le vent !
— Donc nous ne sommes pas en retard, c’est lui en fait !
— Exactement, si j’avais su, j’aurais pu passer encore une nuit avec Aliénor !
Les deux hommes se mirent à rire.
Les trois Langskips en ligne passèrent au nord de l’île Tatihou, pour accoster sur la plage de sable, les guerriers par groupe de trois ou quatre se ruèrent vers la ville qui était juste sur la gauche. Fulbert avait décidé de rester pour garder les trois bateaux avec une poignée d’hommes. Il inspecta minutieusement les environs sans détecter de menace. Au nord s’étendait une plage sur sans doute une bonne lieue, sans qu’il puisse en voir le bout, ni personne. À gauche, c’était la ville, l’attaque en pleine journée n’avait pas été une surprise, nombre d’habitants s’étaient échappés en les voyant arriver. Pour ce qu’il pouvait voir d’où il était, il n’y avait pas de résistance. Une bonne heure après le début, des groupes revenaient pour déposer leur butin, et repartaient aussi vite. La mer continuait à monter, mais ça ne durerait pas, il serait bien d’être parti d’ici deux heures. De la fumée montait de plusieurs habitations, Gwendoline avait demandé qu’ils fassent plusieurs raids pour terroriser les populations et que le roi Louis Le Pieux en entende parler, songea-t-il.
— Ici, ce sera fait, mais pour Barfleur, je n’ai pas semé la terreur, bon c’est mieux ainsi, Aliénor aurait été peinée. Elle est adorable, cette femme, pensa-t-il, en laissant venir un large sourire.
Les aller-retour des guerriers se poursuivirent plus de deux heures, il n’y avait que trois esclaves, les autres jeunes du village avaient dû partir se réfugier dans la campagne, avant qu’ils ne débarquent. Une attaque au petit matin est bien plus profitable, se dit Fulbert.
— Vigø est vraiment un imbécile, il n’a pas l’étoffe pour commander l’expédition, se dit-il pour lui-même. J’en parlerais à Jörgen, il devra me confier cette tâche.
Tous les guerriers étaient de retour, juste quelques blessés légers, pas de perte. Les trois navires repartirent vers la haute mer, laissant la ville dévastée, encore fumante des incendies qui se finissaient. Vigø était à nouveau de bonne humeur, il était venu plaisanter avec lui avant de repartir en mer, il ne lui avait posé aucune question sur l’attaque de Barfleur, il ne semblait pas concerné. Fulbert avait positionné son bateau entre la côte et celui de Vigø qui était plus loin en mer. Fulbert préférait garder un œil sur le rivage, il ne voulait pas se faire avoir comme lui, et être obligé de passer deux jours à remonter au vent. Le vent de Nord-ouest se maintenait dans cette direction, mais il était moins fort.
L’embouchure de la rivière de Carentan fut aperçue en fin de journée, Vigø décida de remonter le cours d’eau sans attendre. Fulbert l’avait incité à ne pas perdre plus de temps, il était content de sa décision. Vigø était devant, Tristan le suivait, il y avait presque deux lieues pour remonter de la mer à la ville, les hommes forçaient sur les rames, ils étaient entrés dans une zone de marais inhospitalière, la nuit était tombée, l’avancée des bateaux ne pouvait se faire que lentement. C’est vers trois heures du matin que la ville fût devinée, Vigø localisa rapidement une zone herbeuse pour accoster les bateaux. Les guerriers avaient trois cents mètres à parcourir pour arriver aux premières maisons du bourg.
Fulbert se dirigea directement vers le clocher de l’église qu’il avait repéré en arrivant, il avait entraîné trois groupes de son snekkja avec lui. La résistance dans les églises et les bâtiments attenants était généralement très faible et les richesses abondantes. Il s’enfonça dans la ville par les ruelles étroites sans prêter attention à ce qu’il pouvait trouver en chemin. Comme il s’y attendait l’église, notre dame de Carentan tint toutes ses promesses, les richesses étaient nombreuses, la résistance inexistante, et il eut la bonne surprise de trouver, quinze jeunes moines endormis dans le dortoir. Les moines étaient toujours de bons esclaves, dociles, ne se rebellant pas contre leurs maîtres, et sachant travailler dur. Il fallait prendre soin de leur laisser un peu de temps pour être avec leur dieu, ce qu’ils pouvaient facilement faire, le soir sur leur paillasse en fermant les yeux.
Ils retournèrent vers le bateau après une petite heure, Fulbert autorisa Göngu à partir avec les hommes qui étaient restés pour garder le navire. Les cinq guerriers qui étaient à bord rangeaient le butin, Fulbert observa les autres bateaux. Visiblement, son raid avait été bien plus rémunérateur que celui de Vigø et Tristan. Il observait cela avec attention, car Vigø avait décrété que les capitaines seraient rémunérés en fonction des richesses ramenées à leur bord. Il lui vint un beau sourire, son escale à Barfleur ne devait pas le mettre en bonne place pour ce challenge, mais en fait, il s’en sortait plutôt bien, il avait tous les vivres dont il avait besoin pour le retour, mais en plus il avait fait l’attaque sur Saint-Vaast, qui n’était pas prévue pour l’équipage de son snekkja. Il se mit à observer l’environnement des navires, personne ne venait de ce côté, la ville était juste un peu plus loin, Vigø pour cela avait bien choisi son point d’accostage. Les guerriers revenaient par petit groupe, aucun ne signalait de résistance de la part de la population, Fulbert les laissait repartir vers la ville pour continuer le pillage. Après trois heures, Fulbert fit sonner le rappel. La longue corne au son lugubre se mit à sonner durant de longues minutes. Le flux de guerriers se fit rapidement plus important, Vigø arriva, il déchargea son butin sur son bateau, Fulbert se porta vers lui.
— Pourquoi as-tu sonné le rappel, il n’y a pas de résistance dans la ville, nous pouvions continuer, dit-il amer.
— Nous sommes là depuis plus de trois heures, et la mer commence à descendre il serait bon de prendre le courant qui nous portera, de plus nous ignorons le fond de cette rivière il ne faudrait pas se faire coincer dans ces marais à basse mer.
— Oui, tu as raison, il vaut mieux être prudent, admit-il à contrecœur.
Les derniers Vikings rentraient, il n’y avait pas d’absent. Les trois navires quittèrent leur quai d’un jour, pour descendre sans précipitation la rivière qui devait les mener à la mer.
Au petit matin, Vigø faisait le point comme Jörgen l’avait fait avant lui.
— Nous allons faire halte dans des petits ports le long de la côte pour refaire des vivres et surtout de l’eau.
— Pour ma part, je n’en ai pas besoin, j’ai refait le plein à Barfleur, souligna Fulbert.
— Quoi ? Tu as ce qu’il te faut pour faire le voyage retour ?
— Oui, j’en ai même plus qu’il ne m’en faut pour un retour normal.
Vigø n’insista pas, sa colère montait, mais il ne savait plus que dire.
— Bien, Tristan, tu me suis, nous allons trouver pour refaire de l’eau, Fulbert, tu peux aller faire un raid, on se retrouve dans quinze jours devant la rivière Orne !
— Bien à dans quinze jours !
Fulbert donna un ordre au barreur pour reprendre un peu plus vers la haute mer, il voulait gagner en vitesse, pour aller plus loin et avoir le temps de faire plusieurs raids, comme l’avait demandé Gwendoline. Le lendemain, il attaqua un beau port de pêcheur, qui n’avait pas d’église, mais de bonnes choses à offrir, puis il lâcha ses Vikings sur un port noté Arromanches sur sa carte. Il prenait plaisir à suivre les consignes de Gwendoline, les bourgades n’étaient pas très grandes, mais c’était toujours la même terreur qui se rependait à leur passage, le dernier matin avant le rendez-vous, de très bonnes heures, il attaqua le village de pêcheur juste à l’embouchure de la rivière Orne, sur la rive gauche, il compléta ses vivres et trouva des tonneaux pour compléter ses réserves d’eau, mais il trouva aussi plusieurs esclaves. Il en avait vingt-cinq, rien que sur son bateau.
— Fulbert nous n’avions pas besoin de ces vivres et de ces futailles d’eau, fit remarquer Göngu.
— Tu as probablement raison, mais nous avons beaucoup d’esclaves, il faudra les nourrir, et le voyage peut être plus long que prévu, j’aime autant avoir ce qu’il faut.
— Je suis d’accord, mais le snekkja est lourd.
— Oui, Göngu, je vois que tu deviens un vrai marin, nous ne pouvons pas en prendre davantage, je suis d’accord, je ne suis jamais revenu avec autant à bord, Jörgen va être content. Mais je vais demander à Vigø de prendre une partie de notre charge, il faut alléger le snekkja.
— Crois-tu que Vigø sera en retard ?
— Il devrait déjà être là depuis deux jours, attendons.
La côte était clairement visible au sud, mais aussi à l’est, les embouchures des rivières Orne et Seine étaient également visibles. Fulbert n’était pas inquiet d’attendre comme cela au large des côtes Franques, il n’y avait pas à craindre la venue de bateaux pouvant leur nuire. Cela aurait été différent près des côtes de l’île aux Bretons, les risques de voir arriver des bateaux hostiles étaient plus forts.
Fulbert dut attendre toute la journée, ce n’est qu’en toute fin de soirée qu’il aperçut les deux langskips approcher, il se porta vers eux en remontant vers le nord-ouest. En le voyant, Vigø l’imita pour se porter également vers le nord. Ils se retrouvèrent à portée de voix juste avant la nuit.
— Nous avons tout ce qu’il nous faut, déclara triomphalement Vigø, nous rentrons à Ribe !
Il y eut qu’un petit écho à cette déclaration. Pour les bateaux de Vigø et Tristan la recette était mince, quelques attaques, profitables, mais pas de gros succès, les autres n’avaient fourni que des vivres et quelques esclaves, alors que Fulbert en avait fait sept. Fulbert nota que les tirants d’eau des deux autres navires étaient bien moindres, ils n’étaient pas chargés comme son bateau.
— Vigø ! Je suis extrêmement chargé, il serait bien que l’on répartisse les charges, ce serait moins risqué.
— Nous allons perdre du temps, c’est compliqué en mer de transborder des marchandises !
— Nous gagnerons en vitesse pour le retour, il suffit d’aller sur une plage tranquille, ça ne prendra que quelques heures, pas plus ! Demain matin, nous serons repartis !
— Je suis le chef de cette expédition ! On remonte vers le nord, vers Ribe.
Vigø donna un ordre, la voile de son snekkja se tendit dans toute sa puissance, son navire prit de la vitesse, laissant derrière le snekkja de Fulbert qui malgré toute la voile déployée ne pouvait pas accélérer, il s’enfonçait lourdement dans chaque vague, qui semblait vouloir le stopper.
Gwenaëlle et Izild poursuivaient leurs enseignements avec Nominoë, elles savaient qu’il leur restait tout l’hiver et le printemps, pour lui donner le reste de ce qu’elles savaient, après ce serait le voyage vers Aachen. Mais les connaissances de Nominoë étaient déjà bien avancées, ce n’étaient plus des cours, mais plutôt des discussions, avec quelques approfondissements sur les connaissances des grands de ce monde. Izild lui prodiguait des conseils, pour qu’il analyse finement les comportements de ses futurs interlocuteurs, et comment arriver à les influencer sans qu’ils s’en rendent compte. L’hiver était là, pas très rigoureux pour ce début de mauvaise saison, mais il était là. Gwenaëlle s’ennuyait un peu, surtout qu’elle pensait beaucoup au beau Gwendal, qu’elle avait hâte de revoir, en fin de printemps, probablement pas avant. Généralement le matin Izild se levait la première comme elle l’avait toujours fait, Corentin et Nominoë ne traînaient pas au lit, ils réalisaient toutes les tâches de la petite ferme, ils étaient bien occupés, Yseult et Aodrene se levaient de plus en plus tard, tous deux semblaient faire une course à celui qui vieillirait le plus vite. Ils perdaient la vitalité qui les avait animées durant de longues années.
Aodrene était sourd et avait de gros problèmes pour se mouvoir, sa blessure à la cuisse, la handicapait de plus en plus, il dormait beaucoup, même durant la journée, il s’éteignait petit à petit, Yseult n’avait pas de difficulté à bouger, mais elle n’avait plus d’envie, comme si elle se laissait aller, elle semblait copier le rythme de vie d’Aodrene, elle se levait de son lit pour aller s’asseoir à la table, attendant le repas de midi, puis allait faire une sieste. Elle acceptait les tâches qui ne la faisaient pas bouger, écosser les pois ou des choses comme cela. Izild faisait l’ensemble des tâches de la maison bien secondé par Gwenaëlle. Depuis son retour, la jeune femme parlait beaucoup plus avec sa tante qu’avec sa mère.
— Izild !
— Oui.
— Ma mission de fée était de premier abord, bien plus intéressante que celle de Gwendoline qui semblait vraiment être qu’une tâche sans importance avec très peu de chance de devenir passionnante.
Elle s’interrompit, mais Izild la laissa suivre son raisonnement sans la couper. Elle lui avait jeté un coup d’œil, pour lui montrer qu’elle l’écoutait.
— Être la préceptrice d’un futur roi de la Bretagne était vraiment une mission exaltante, sachant que je devais aussi veiller à sa sécurité, et qu’il y avait de vraies menaces contre lui, Gwendoline n’avait qu’un petit rôle d’espionnage mal défini, qui n’était pas très prometteur.
— Ton rôle a été déterminant, Gwenaëlle, tu as parfaitement assumé les deux volets de ta mission.
— Oui, c’est vrai, je suis d’accord, mais même si j’apprécie d’être revenue ici à Brocéliande, il n’y a plus d’excitation, plus d’aventure depuis des années. Gwendoline, elle vit intensément, et elle a été déterminante aussi.
— Tu as raison, sur un point, sur l’analyse que tu as de ces dernières années, on ne choisit pas sa vie, mais tu auras bientôt l’occasion de vivre intensément, comme tu le dis, le voyage vers Aachen ne sera pas de tout repos, les enjeux seront importants, et les résultats vont dépendre en grande partie de ton habileté pour aider Nominoë à remplir son rôle.
— Oui, c’est vrai, mais c’est encore loin, d’ici le mois de juin que vais-je faire.
Izild arrêta la préparation du repas, elle posa le couteau qui lui servait à nettoyer les légumes, et se retourna, elle la regarda dans les yeux.
— Ma chérie, ne serais-tu pas impatiente de revoir le beau Gwendal ?
— Ho, Izild, j’en meurs ! J’étouffe !
— Je le vois, tu l’as choisi ?
— Oui, j’aurais une fille de lui, il me la ferra durant le voyage.
— Bien, c’est un choix important, pour nous les fées de choisir l’homme qui nous fera notre descendance, il est important de le sentir, je suis d’accord avec ton choix, je l’ai compris comme toi le jour où il a passé cette porte, je savais que c’était lui.
— Moi aussi, j’ai ressenti cette révélation, je suis contente que tu me dises ça ! Je ne voudrais surtout pas me tromper.
— Tu es contente, mais tu t’ennuies en attendant ce moment fort de ta vie !
— Oui, c’est exactement ça !
— Veux-tu une bonne occupation, pour les mois à venir, saine, pleine de bons moments, mais aussi d’un fort investissement, dans un domaine que tu n’as pas exploré, car tu n’y as pas trouvé d’appétence.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Faire comme Gwendoline retrouver et exercer un savoir ancestral, dans le domaine de la télépathie, de la transmission des pensées, et des rêves prémonitoires.
— Oui ! Tu vas m’enseigner ce savoir qu’elle t’a transmis ?
— Non, je ne suis pas assez experte, mais je vais te faire rencontrer Gwams, lui pourra t’instruire dans ce domaine, il a formé Gwendoline !
Gwenaëlle se mit à réfléchir en la regardant, Gwams, elle l’avait déjà vu en rêve, elle avait donc forcément une part de ce pouvoir, elle en avait les capacités, elle n’avait pas de doute, Gwams était le korrigan amoureux de Gwendoline, oui s’était plutôt exaltant à envisager.
— Je suis tentée, je pourrais communiquer avec Gwendoline, ou même avec toi, lorsque je serai en voyage vers Aachen, ça pourrait être utile !
— Je le crois aussi, et ce serait un pouvoir que tu pourrais ensuite transmettre à ta fille.
— Ho ! Oui ! Tu as raison, je dois apprendre ça pour elle !
— Bien ! Cet après-midi, nous irons faire une promenade en forêt, pour voir Gwams.
— D’accord, mais il ne fait pas beau pour aller se promener, on pourrait voir ça demain.
— Gwenaëlle, tu n’as plus une minute à perdre si tu veux être prête avant ton départ, ce type de savoir peut être long à acquérir !
— Tu as toujours raison, ma tante, je sais d’où vient ce défaut de Gwendoline !
Les deux femmes se mirent à rire de bon cœur. Chaque parole de l’une ou de l’autre qui faisant penser à Gwendoline était toujours un moment de douceur, qu’elles aimaient partager.
Durant le repas, Izild s’appliqua à penser à Gwams, elle savait pertinemment qu’elle ne pouvait pas entrer en communication avec lui, mais elle se doutait que lui sentirait son appel et qu’il les trouverait rapidement dans la forêt.
Elles partirent juste après le repas, Izild connaissait bien le chemin à suivre pour aller vers la petite rivière.
— Tu vois, lorsque tu veux voir Gwams, tu remontes la petite rivière, et il ne devrait pas tarder à arriver.
— Comment cela ?
— Je me suis forcé, à penser à lui durant le repas, il a dû sentir mon appel, il va venir, c’est sûr !
Elles n’eurent pas longtemps à attendre, Gwams arriva et se jeta dans ses bras, en s’accrochant au col de son manteau.
— Bonjour, Mam Izild, dit-il en lui donnant un baiser à la commissure des lèvres, comme il adorait le faire avec Gwendoline.
— Gwams, as-tu entendu mon appel ?
— Oui, tu as beaucoup pensé à moi pendant que tu étais à manger, je t’ai bien senti. Tu progresses, tu seras bientôt aussi forte que mon amoureuse.
— Alors, c’est bien, oui, tu as raison, je progresse.
Gwams regarda Gwenaëlle qui s’était approché pour mieux le voir.
— Bonjour, Gwenaëlle, que me vaut ta visite ?
— Gwams, je voulais te la présenter, et te demander de la former aux rêves télépathiques, c’est possible ?
— Bien sûr, c’est une fée, je sais qu’elle est douée pour le rêve, dit-il en la regardant d’un air fripon plein de sous-entendus, qui firent rougir Gwenaëlle.
— Comment peut-on faire, il faudrait qu’elle soit formée et autonome avant fin juin.
— Mam Izild, dit-il d’un air de reproche, tu es comme Gwendoline, toujours pressée, ou peut-être est-ce Gwendoline qui est comme toi…
— C’est un de mes défauts, j’ai dû lui transmettre.
— Je crois, oui ! Bon, ce n’est pas grave, Gwenaëlle est douée, je le sais, insista-t-il. Si elle vient me voir régulièrement et qu’elle s’applique à faire des exercices, elle sera prête. Quel est le but ?
— Je dois partir en juin vers Aachen, c’est très loin, je voudrais pouvoir communiquer avec Gwendoline et Izild.
— Et avec moi aussi !
— Bien sûr, j’ai cru comprendre que Gwendoline avait beaucoup de plaisir à le faire, je ne doute pas d’en avoir aussi.
— Parfait, si tu veux nous pouvons commencer aujourd’hui, je vais te faire visiter notre source, tu pourras t’y baigner si tu veux.
— Me baigner aujourd’hui, en plein hiver, à sûrement pas !
— Ha ! Gwendoline s’y baignait toute l’année.
— Ma cousine est folle, moi, je n’aime pas l’eau autant qu’elle.
— Alors tu es comme moi, je n’aime pas l’eau, mais j’aimais bien la regarder prendre son bain toute nue, elle était tellement belle.
— Gwams, tu es un affreux farfadet fripon, lui dit Izild.
— Je sais, je ne peux le nier, tu me connais trop bien dans ce domaine, répliqua-t-il effrontément.
— Tu vas me faire rougir, bien je vous laisse, tu raccompagneras Gwenaëlle ? Elle ne connaît pas la forêt comme Gwendoline.
— D’accord, mais ce ne sera que demain, car cette nuit nous allons discuter avec Gwendoline.
— C’est vrai tu vas me faire faire le rêve avec Gwendoline ?
— Bien sûr.
— Où vais-je dormir ?
— Dans notre petite grotte, tu verras c’est confortable et bien chaud.
— En plus, tu auras le plaisir de dormir dans le décolleté de Gwenaëlle, je suppose ! fit Izild en riant d’avance.
— C’est un peu inévitable, je suis très frileux !
— Tu sembles bien informer Izild, fit remarquer Gwenaëlle en lui souriant.
— C’est vrai, je l’avoue, Gwams est un adorable korrigan, même si parfois il est un petit coquin de farfadet, mais Gwendoline me l’avait dit, et elle avait raison, c’est tellement bon. Je vous laisse, je ne suis pas inquiète Gwenaëlle, tu vas passer une bonne soirée. À demain !
— Je m’y engage Mam Izild. Dit-il tout sourire. Viens, Gwenaëlle, nous allons remonter la rivière du sous-bois, dit-il en sautant dans ses bras alors qu’Izild s’en retournait.
Gwenaëlle se mit à suivre le cours d’eau, le paysage bien qu’hivernal était plaisant, le tapis de feuilles laissé par l’automne était encore épais, Gwams s’était blotti dans le creux de son bras, mais la protection était légère contre le froid, le petit korrigan frissonnait.
— Tu as froid ?
— Oui, mais nous sommes bientôt arrivés.
Gwenaëlle entrouvrit le col de son manteau pour qu’il s’y réfugie, ce qu’il fit de suite, elle remit son dernier bouton pour que seule sa petite tête soit dehors.
— Tu es mieux ?
— Ho ! Oui, je suis bien là.
— As-tu des nouvelles de Gwendoline ?
— Oui, toutes les semaines et parfois plus souvent. Tu vas la voir ce soir, elle va être surprise ! J’adore lui faire des surprises. Je vois ses yeux pétiller de plaisir, elle m’aime encore plus dans ces moments-là.
— C’est bizarre de savoir que tu l’aimes et qu’elle t’aime, vous êtes si différent.
Il n’est pas rare qu’un homme aime son cheval, ou son chien.
— Ce n’est pas le même amour, Gwams, j’ai bien compris le type de relation que tu avais avec elle !
— Toi, Gwenaëlle, serais-tu capable de m’aimer, d’avoir une relation intime avec moi ?
— Non, je suis désolé, Gwams, mais non !