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"Lettre à ma fille" offre une plongée profonde dans l’histoire d’une femme mûre qui, à travers ses mots chargés d’émotion, dévoile les méandres de son passé. De ses récits émerge un chemin semé d’obstacles, mais aussi de moments de grâce, jusqu’à l’épanouissement dans une relation amoureuse idéale. En parallèle, une photographie envoûtante invite à contempler la quintessence de la féminité, élevant cette expression visuelle au rang de chef-d’œuvre. Dans cet ouvrage, la femme est célébrée pour sa capacité à inspirer le bonheur et à élever les hommes par ses exigences.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après une carrière professionnelle enrichissante,
Paul Balsumetti revient à son premier amour : l'écriture. Désireux de raconter son histoire et de partager ses convictions à travers le roman, il nous présente "Lettre à ma fille", une œuvre centrée sur la femme et l'amour.
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Paul Balsumetti
Lettre à ma fille
Roman
© Lys Bleu Éditions – Paul Balsumetti
ISBN : 979-10-422-3534-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Si mon chat me tenait en mauvaise estime, je serais affreusement honteux et déçu.
Le mépris et la jalousie sont les deux pôles d’une même planète, peuplée par des personnes destructrices.
Dieu me garde d’y habiter.
P.B.
J’étais assise à l’arrière du cockpit, tout près des flots, puisque le navire gîtait de mon côté. Mon bras droit agrippait la filière tribord, tandis que le gauche, se tenait à l’arceau surmontant le tableau arrière. Nous naviguions au plus près, aussi la bôme se trouvait au-dessus de ma tête, la grand-voile gonflée par une bonne brise de nord-ouest. Le barreur à ma gauche gouvernait dans le 320°, tandis qu’un équipier manœuvrait la grande écoute, afin d’exploiter la force du vent de façon optimum. Deux autres personnes étaient à bord, un homme dans la descente, et une femme de l’autre côté du cockpit, chacun des bras passés derrière un chandelier. Martial était accroupi au bout du passavant, une main cramponnée à la rambarde bâbord du rouf.
Il regardait bien au-delà de la proue, lorsque soudainement, il tourna la tête vers la poupe. Quand il vit que je l’observais, il sourit en faisant un geste vague et rapide, englobant l’ensemble du gréement. Puis il serra le poing gauche avec le pouce levé, indiquant sa satisfaction concernant la marche du navire. Je me sentis toute contente de le voir heureux. Ce n’était pas si fréquent, de voir un aussi beau sourire illuminer son visage. J’étais fort aise pour lui, pas pour moi. Cette absence d’égoïsme dans mon cœur me fit du bien. Pour la première fois depuis de longues semaines, je ne songeais pas à mes ennuis.
Surtout, je compris à cette seconde que j’étais amoureuse. Amoureuse depuis des mois peut-être, des années même. Au fond, cette question avait peu d’importance. Martial avait cessé de me regarder. Je pouvais donc me laisser aller à l’introspection. Autrefois, la découverte de l’amour, niché au fond de moi, me rendait toujours nerveuse, anxieuse. À cet instant, je ressentais seulement du bien-être. Cela découlait peut-être de davantage de maturité. Je venais d’avoir trente ans au mois de juin. Est-ce que je prenais conscience combien, comme disait la chanson, aimer rendait plus heureux que d’être aimé ? Je ne crois pas. Cette phrase de Daniel Balavoine était tout bonnement idiote. Il n’y avait pas de bonheur à attendre, d’un amour non partagé. Simplement, j’étais convaincue des sentiments de Martial à mon endroit. Sa conduite de ces derniers temps ne laissait aucune équivoque. De plus, les séances chez mon psychologue m’avaient éclairée, quant aux méandres de la nature humaine. Ce praticien s’avérait tout simplement prodigieux, dans son accompagnement thérapeutique, si bien que j’avais, à un moment donné, succombé à son charme. Cependant, il m’avait ramenée sèchement sur terre, par quelques dures paroles bien senties, comme quoi, je n’avais rien à espérer de son côté. Il entendait conserver une approche strictement professionnelle avec moi.
Nous avions essuyé un grain assez conséquent dans la matinée. Celui-ci s’était épuisé vers 13 h 30, si bien que nous avions déjeuné dans des conditions de mer encore assez chahutées. Certes, le vent avait molli, mais la mer hachée avait laissé place à une houle aussi fascinante qu’inquiétante pour une novice comme moi. Il était primordial de se restaurer, afin de ne pas avoir l’estomac à l’envers. La cuisson du riz pilaf, et la confection de l’omelette avaient donné cours à de bonnes parties de rigolades pour tout l’équipage. En ce qui me concerne, je riais un peu jaune, car le mal de mer pointait le bout de son nez, au creux de mon ventre. Je m’efforçais de faire corps avec les oscillations du navire, comme Martial me l’avait appris, un peu comme on regarde la route en automobile.
Ayant consulté, comme chaque jour à la radio, la météo, Martial nous avait informés que le temps se lèverait en début d’après-midi, et qu’il nous serait sans doute possible de lancer tous les chevaux par la suite. Par chevaux, il entendait hisser toute la toile, que pouvait supporter le navire. C’était drôle cette façon qu’avaient les hommes, de tout comparer à une belle mécanique. J’espérais qu’il ne considérait pas les femmes sous cet angle. Pour ma part, j’imaginais un quadrige de chevaux blancs nageant dans l’écume, pour tirer notre embarcation, un peu comme ce char baignant dans le bassin d’Apollon, au cœur des jardins de Versailles.
J’ai rencontré Martial pour la première fois, lors de mon premier poste dans la fonction publique, juste après l’obtention du concours. Je me trouvais nommée en région parisienne. Fraîchement débarquée de ma province, je me sentais affreusement dépaysée. J’évoluais dans un service administratif de la capitale, ayant pour spécialité, l’urbanisme et le développement des territoires. Je débutais mon année en tant que stagiaire, qui se terminerait, si tout allait bien, par ma titularisation. J’étais follement inquiète, car si je m’étais toujours montrée douée pour les études, je doutais de mes capacités pratiques et de mon efficacité. C’est donc la cervelle embrumée de problèmes en tous genres, que j’accueillis l’invitation à prendre un verre d’un collègue du service, Martial en l’occurrence, mais je ne connaissais pas encore son prénom, seulement son nom. J’eus un petit sourire amusé, en me disant que ce monsieur ne perdait pas de temps, puisque ma présence datait de moins d’une semaine. Son empressement découlait également de ma joliesse. Je ne l’ignorais pas. Mon père en premier lieu, puis le regard et les réflexions de bien des personnes ensuite, m’avait communiqué un gros capital confiance à ce sujet. J’étais blonde, ondulée, avec un teint clair et de charmants yeux bleus. Je considérais ma physionomie, comme à la fois mignonne et sympathique. Ma taille dépassait un peu la mensuration moyenne des femmes. Sans être un top-modèle, je me savais bien faite, avec une chute de reins plaisante, un bassin évocateur au rythme de mes pas, ainsi qu’une poitrine suffisamment sensuelle. Martial craignait donc certainement la concurrence, pour m’entreprendre aussi rapidement. Je déclinai cependant son invitation, pour la bonne et simple raison que je n’étais pas libre. Gérard, mon compagnon depuis mes débuts à l’Université, occupait tout mon espace amoureux, et je ne souhaitais pas mettre cette relation en danger. Il devait me rejoindre à Paris, dès qu’il aurait décroché un emploi à proximité. Il travaillait dans le privé depuis un an en province. Martial s’assombrit à ma réponse, mais il ne fit aucun commentaire, et tourna les talons. Par la suite, je lui adressai la parole uniquement pour les politesses d'usage. Je n’en concevais aucune frustration, car Martial ne faisait pas partie de ma vie, pour ne jamais, tout bonnement, y être entré.
Gérard m’avait rejoint six mois après, et nous avions emménagé dans un appartement plus spacieux. Gérard était bel homme, avec sa chevelure noire frisée, son teint mat et ses prunelles vertes. Il avait une prestance agréable, et j’affectionnais sa manière de se déplacer un peu chaloupée. Je n’étais pas la seule, surprenant sur lui, le regard appuyé d’autres femmes et demoiselles. Je savais Gérard sensible à ces marques d’intérêt, mais je n’en prenais pas encore ombrage. Il m’était très attaché, je le savais. Nous vivions donc le parfait amour de deux jeunes bourgeois gagnant bien leur vie, mais englués chacun dans leurs vies professionnelles, comme deux abeilles dans un pot de miel. Le soir à table, nous discutions, en effet, beaucoup « boulot », et en fin de semaine, des loisirs attrayants de notre week-end. Nous faisions souvent, avidement l’amour avant le sommeil, comme deux enfants mordraient, avec gourmandise, dans un fruit généreux. Bref, nous étions heureux, et rien ne semblait pouvoir nous arriver.
Et puis, deux ans après, donc bien après ma titularisation, le chef de service m’a confié un dossier à traiter, en partenariat avec Martial. Je n’étais pas enchantée de cette situation. Me souvenant de son invitation, je m’attendais à subir ses avances, et cela m’agaçait. Il n’en fut rien. Martial se conduisit en parfait professionnel, soucieux d’efficacité. D’emblée, il se dit heureux de travailler avec moi, car il avait remarqué mon aisance dans mes rapports avec autrui. Il me confia que dans ce domaine, il se sentait moins confiant. Nous allions donc nous organiser de la façon suivante : il prendrait à son compte la méthode, l’ordonnance, les calculs, la gestion, tandis que j’irais « pêcher » les informations et résultats nous faisant défaut, auprès d’autres collègues, parfois officiant au sein de services plus éloignés. Je dois dire que notre association fit merveille. Le dossier fut bouclé dans les délais, et nous obtînmes les congratulations de notre supérieur. Nous pouvions nous estimer satisfaits. En tout cas, Martial, visiblement, l’était. En ce qui me concerne, bizarrement, je restai un peu sur ma faim. Pour cette raison, je fis part à mon partenaire que la prochaine fois, de mon souhait de travailler de concert avec lui, sur le plan relationnel, mais aussi organisationnel. Le rôle de charmeuse de serpents bureaucratiques ne me déplaisait pas, mais je possédais aussi un cerveau, et je n’entendais pas le mettre en veilleuse. Martial eut un petit mouvement de recul dû à la surprise, mais très vite, il accepta. « Bon d’accord, c’est noté », dit-il, et nous repartîmes chacun dans nos vies respectives.
En outre, bien que j’avais mauvaise conscience à me l’avouer, je ressentais une légère pointe de frustration, du fait que Martial n’ait pas tenté une seule fois de me séduire. J’ en avais été agacée à l’avance, et voilà que je le regrettais après coup. J’étais habituée à être courtisée, et un petit sentiment d'amertume me titillait le cœur. Par commodité personnelle, je mis le « respect » de Martial, sur le compte de la timidité.
Ma vie reprit son cours, et j'apercevais Martial, comme auparavant, seulement de loin. Je me souviens juste d’un matin, où il était rentré de congés si bronzé, avec la marque des lunettes de soleil, que je n'avais pu m’empêcher de lui lancer :
« Tu reviens du ski, en plein mois de mai » ? Il eut un rire de gorge grave et rétorqua :
« Non, non, je fais de la voile sur l’Atlantique ».
« Ah OK, je vois ! » dis-je en riant à mon tour de bon cœur.
Tout allait bien pour nous avec Gérard, à tel point que nous envisagions de faire un enfant. L’idée me séduisait d’enfanter un bambin qui nous ressemble, et de le chérir. Il me semblait que cette naissance couronnerait notre union. Aux dires de notre entourage, celle-ci était déjà idyllique. En effet, notre existence s’écoulait sans heurt, dans une sérénité parfaite. Pourtant, paradoxalement, cette absence de nuage m’inquiétait. J’avais remarqué que nous faisions un peu moins l’amour, que nous partagions aussi moins verbalement. En résumé, je commençais à trouver notre relation, non pas pesante, certainement pas, mais un peu fade.
Lors d’un week-end en famille, je m’en ouvris prudemment à mon père, profitant d’un moment où nous étions seuls, dans son bureau. Je m’étais toujours sentie plus proche de mon père, que de ma mère. J’étais « sa » préférée. Pour autant, toute petite, il m’avait spécifié, en noyant son regard dans le mien, que sa faiblesse à mon endroit, ne devait pas lui faire oublier ses devoirs de père. Par conséquent, il les avait assumés sans faillir envers moi, comme envers mon frère et ma sœur, même si je sentais qu’un lien particulier nous unissait, celui de la séduction. Ma mère et ma sœur en étaient un peu jalouses. Devant mon léger dépit et mon souci, il arbora un petit sourire amusé, mais un peu triste. « Tu sais Marine, dit-il, tu fais tout simplement l’expérience de l’amour dans sa durée. La vie d’un couple est ponctuée de hauts et de bas. Une histoire d’amour commence toujours par une passion, mais celle-ci ne peut durer indéfiniment. Ensuite, il faut s’efforcer de la relancer, même si on ne retrouve jamais, par la suite, le plaisir de la découverte des débuts. Ce constat est toujours un peu douloureux, mais il est nécessaire. Nous mûrissons à ce prix. Cependant, tu t’apercevras, et là il sourit plus franchement, que mûrir ne rime pas avec périr, à condition de faire preuve de courage ».
« Tu insinues que je me laisse aller ! »
« Du tout, je te connais ma fille. Depuis le jour où je t’ai mise au pied du mur étant petite, tu t’es toujours efforcée d’affronter les obstacles par la suite. Aussi, je ne doute pas de ta réactivité ».
« Quand tu parles de relancer la passion, qu’est-ce que tu entends par là ? »
« Eh bien, faites des projets de tous ordres. Construire à deux, charpente le couple, fait découvrir de nouvelles facettes de son compagnon. Je me suis laissé dire par ta mère que vous désiriez un enfant. Voilà une heureuse perspective allant dans ce sens ».
« Tu as raison », dis-je, convaincue, sur le moment.
En début de semaine suivante, je pris un rendez-vous chez la gynécologue, bien décidée à stopper la pilule. En même temps, je m’investis avec Gérard dans la préparation de sorties pour les week-ends à venir, ainsi que pour nos congés estivaux. Nos loisirs, promenades, excursions, visites en tous genres, activités sportives étaient, comme par le passé, agréables. Néanmoins, je constatais que mon géniteur se trompait sur un point. Ils ne me faisaient pas découvrir d’autres facettes de mon compagnon. Gérard restait fidèle à lui-même, un homme monolithique, sur lequel je pouvais compter, m’appuyer. Mais il ne me surprenait pas davantage qu’auparavant ! Je connaissais par cœur ses qualités, ses défauts et son humour. Je dois dire avec un peu d’amertume que ce dernier avait tendance à me lasser, car il se renouvelait peu.
Ma gynécologue m’avait informée qu’il ne fallait pas arrêter la pilule en milieu de cycle. C’est la raison pour laquelle, j’avais continué à l’ingérer. Cependant, en fin de plaquette, ma déception me poussa, mi consciemment mi inconsciemment, à poursuivre la contraception. Je me disais que nous n’étions pas à un mois près, pour faire un enfant. J’entrevoyais au fond de moi, des sentiments floues, donc difficiles à décrypter. Les pensées que je parvenais à démêler, me renvoyaient aux questions suivantes : « Si je ressens maintenant un peu d’ennui, qu’en sera-t-il plus tard, alors que nous serons profondément engagés dans l’éducation d’un enfant ? Est-ce qu’un enfant viendra à bout, de ce léger vague à l’âme ? Ce dernier est-il destiné à empirer, ou bien à mourir de lui-même ? » Bref, je doutais.
J’avais envie d’en discuter avec une amie, que j’avais rencontrée lors de mon arrivée dans la capitale. Nous faisions du shopping ensemble, ainsi qu’occasionnellement, des parties de tennis. Nous nous entendions bien, et il n’y avait pas, à proprement parler, de tabous entre nous. Cependant, un ancien conseil maternel me retint : « Montre toujours le bon côté de ton couple. Il n’est pas utile de partager tes déboires conjugaux avec les autres. Le peu de fois où je l’ai fait, je l’ai toujours regretté ». Je m’abstins donc. Et puis une nuit, je fis le rêve suivant : « Demande à Martial, il est de bon conseil ». Je ne voyais pas bien en quoi mon collègue pouvait m’aider, mais après moult hésitations, dans le doute, je lui touchai un mot de mes difficultés, quelques jours plus tard. Après un silence, il avala sa salive, et il articula : « Je ne suis pas doué dans le rôle de confident. La seule chose que je peux t’affirmer, c’est que si tu as des états d’âme, il faut consulter un spécialiste, autrement dit, un psychologue ».
« Mais, je ne suis pas folle ! » m’écriai-je un peu blessée. Il rétorqua :
« On ne s’adresse pas à un psychologue parce qu’on est fou, mais justement, pour éviter de le devenir ».
« Tu es déjà allé en voir un ? » lui demandai-je.
« Non, mais rien ne prouve que cela ne m’arrivera pas. La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille, heureusement d’ailleurs par certains côtés. Si tu en trouves un, compétent, avec qui le courant passe, il pourra certainement t’aider ».
« Et tu en connais un, toi, de valable ? »
« Non, mais rien ne t’empêche de te renseigner ».
Sur ce, il me laissa en plan, en me disant qu’il avait à faire, puisque débordé pour l’immédiat.
J’étais déçue. Mon rêve ne me conduisait à rien de bien consistant. Dans ma famille, on avait toujours tourné en dérision, cette catégorie de personnes se préoccupant du psychisme. Pour mon père et ma mère, il valait mieux ne pas se tourmenter le cerveau, sous peine de se perdre. Ils considéraient ce genre de médecin, comme un peu farfelu et dangereux. Je me traitais d’idiote, d'avoir octroyé du crédit à un simple songe. De surcroît, j’étais en colère contre Martial. À mon sens, il s’était comporté comme un mufle, refusant de me porter assistance.
C’est alors que je fis un autre rêve la nuit suivante. Celui-ci démentait mon impression, et louait le conseil de Martial. J'étais contrariée. Mon premier rêve m’avait conduite, non pas véritablement à une humiliation certes, mais à une déconvenue. Aussi, j’étais fermement déterminée à en rester là. Les jours s’égrenèrent lentement. Je prenais toujours la pilule, mais mon cycle allait à nouveau s’achever, et j'étais toujours dans l'impasse. Je redoutais un peu que Gérard ne s’informe au sujet d’une éventuelle grossesse. Finalement, cette crainte eut raison de ma résolution. La mort dans l’âme, je téléphonais à un médecin, pour lui demander, s’il ne connaissait pas un bon thérapeute. Il me donna les coordonnées de deux praticiens. Il ajouta que, si je n'en étais pas satisfaite, je pouvais aussi m’adresser au conseil de l’ordre des psychologues. Ce dernier pourrait sans doute me communiquer un contact plus approprié. Je me sentais un peu pressée, par conséquent, je ne me voyais pas multiplier les entrevues dans divers cabinets. C’est pourquoi je suivis sa dernière suggestion. Une voix féminine au bout du fil, m’indiqua d’autres thérapeutes, jouissant d’une bonne renommée. Puis elle conclut, non sans une inexplicable hésitation, par un dernier nom, un certain monsieur Paprica. Après un temps, elle me souffla qu’il avait toujours laissé un excellent souvenir à ses patients. Par contre, il n’était pas très apprécié de ses confrères. Je ne perdis pas de temps, et optai pour l’adresse la plus proche de mon domicile. Au moment, où la sonnerie se fit entendre, je raccrochai en catastrophe, en me qualifiant d’imbécile. Gérard ignorait tout de ma démarche. Il était donc plus sage, de choisir un psychologue à proximité de mon bureau. Je me rendrais chez lui, après le déjeuner. Ainsi, je n’aurais pas à en informer mon compagnon. Paprica correspondait le mieux à mon objectif, et je composai donc son numéro. Encore une fois, c’est une femme qui décrocha. De sa voix flûtée, elle se présenta seulement par son prénom, en ajoutant « Standard professionnel de l’Avenue des Charmes ». Je demandai un rendez-vous avec Monsieur Paprica, entre 13 h et 14 h, le plus rapidement possible. Après avoir consulté son planning, sa voix poursuivit de manière encore plus enjouée, comme quoi j’avais de la chance, car un patient s’était désisté le vendredi suivant. Cette jeune femme annonçait ce petit coup de pouce, comme si j’étais la grande gagnante du Loto national. C’était comique et avenant, et je souris malgré moi, de ce rayon de soleil inattendu. Les choses s'arrangeaient rondement, et j’étais ravie en reposant le combiné.
Le jour dit, je me restaurai rapidement, pour pouvoir honorer mon rendez-vous. La petite place Borveau était pimpante en cette fin de printemps, avec ses quatre énormes tilleuls et sa joyeuse fontaine, enclavée dans la muraille soutenant la rue Favre. Ma station de Métro se trouvait à environ soixante-dix mètres derrière moi, lorsque je dégringolai l’un des deux escaliers me permettant ensuite de traverser la place, et gagner l’immeuble au numéro sept. À gauche de la porte, se trouvaient gravés, sur plusieurs plaques en laiton, les noms de professeurs libéraux. L’une d’elles mentionnait « R. PAPRICA. Psychologue. Premier étage ». Je gravis les degrés quatre à quatre, pour me retrouver essoufflée, devant un second vantail en chêne, et une autre plaque au même patronyme. Je sonnai et entrai. Je me retrouvai dans une salle d’attente tout à fait ordinaire. Une fois assise, j’entendais cogner mon cœur dans ma poitrine, en partie due à ma précipitation, en partie à la curiosité pour ce premier rendez-vous. Deux minutes plus tard, un homme mince, dans la quarantaine, aux cheveux grisonnants ouvrit la porte. Était-il laid, ordinaire ou beau ? Je ne pus répondre à cette interrogation, car de grosses lunettes de myope masquaient une bonne partie de son visage. Il me serra la main de façon courtoise, en se présentant très sobrement. Sa voix grave, bien timbrée et incisive, me plut. Je déclinai à mon tour mon identité, et, galamment, il m’invita à pénétrer dans son cabinet. Je remarquai que la porte était intérieurement capitonnée de cuir marron. Je fus surprise de découvrir une sorte de vaste sas, débouchant sur une deuxième porte identique à la première. Si la salle d’attente ne payait pas de mine, le cabinet éveilla mon intérêt. Une bibliothèque occupait tout le mur du fond. Elle était si haute, qu’une échelle de bois était indispensable pour atteindre les rayons supérieurs. Garnie d’ouvrages de toutes sortes et de différentes couleurs, elle ressemblait à un grand patchwork. Devant, se tenait un bureau noir et massif, rehaussée d'une lampe ancienne avec un pied de métal et un abat-jour vert, un sous-main en cuir, sur lequel était posé un dossier fermé. Sur le côté gauche, se trouvait une sorte de boîte artisanale, ouverte sur une provision de cartouches d'encre, plusieurs effaceurs, un stick correcteur, ainsi qu’un stylo en acier brossé. Lorsque je pris place, sur l’une des trois chaises qu’il me désigna, je remarquai, à portée de main, deux ou trois voitures miniatures, des figurines humaines en costumes civils, professionnels ou militaires, quelques poupées, ainsi que divers animaux en plastique. Je lui demandai ce que signifiait cet étalage. En mon for intérieur, je considérais que cela dénotait avec le reste du décor. Il sourit, en me précisant que certains de ses patients comptaient plus de trente ans de moins que lui. « Ah ! » fis-je, un rien confuse de ne pas y avoir pensé. Je regardai autour de moi. Les murs étaient tendus d'une toile écrue. Seul celui dans mon dos, je le constaterais en sortant, était entièrement recouvert de capiton en cuir, pareil aux portes du sas. Sur le mur gauche, une peinture de taille relativement grande montrait un chat couché sur un dessus de lit rose, avec un fond bleu clair. Je n’avais jamais vu un félin, arborant pelage semblable. Une profusion de teintes semblaient fondues ensemble, mais je ne pris pas le temps de m’y attarder. Plus à droite, un cadre gardait prisonnier, un gros soleil jaune orangé, bordé de pétales aux couleurs multiples, judicieusement ordonnées. Suivant mon regard, Monsieur Paprica m’expliqua qu’il s’agissait d’un Mandala. Sa contemplation était censée favoriser la méditation.
Mandala
Je hochai la tête. Une fenêtre ajourait le mur droit, au-dessus de la rue adjacente. Près d’un radiateur, une table supportait un photocopieur. Le psychologue prit la parole, avec une légère moue bienveillante :
« Maintenant que vous avez pris contact avec mon environnement, nous allons faire connaissance si vous le voulez bien ». J’acquiesçai.