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Maya et Harvey, deux jeunes Américains, partent pour Murianos, planète jumelle de la Terre, pour être guéris d’un mal mystérieux. La contrepartie ? Un don de génome humain aux hybrides pour endiguer la mainmise de leur intelligence artificielle. Seulement, le choc des cultures, la soif de pouvoir, la trahison et la découverte du secret des origines hantent leur parcours. Atteindront-ils leur objectif ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ancien lauréat du conservatoire,
Jean-Pierre Klein est sensible à l’art. Ayant une inclinaison spéciale pour le thriller fantastique et la science-fiction, avec
Maya ou l’appel des étoiles, il signe son septième ouvrage.
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Jean-Pierre Klein
Maya ou l’appel des étoiles
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean-Pierre Klein
ISBN : 979-10-377-8355-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Avertissement
Toute ressemblance avec des personnes, des situations ou des lieux existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.
Du même auteur
- Disparitions, Éditions Edilivre, 2018 ;
- Que jamais cette porte ne s’ouvre, Éditions Edilivre, 2019 ;
- Revenir, Éditions Edilivre, 2020 ;
- Trois nouvelles nées du confinement, Éditions Edilivre, 2020 ;
- Au-delà du rêve, au-delà du temps, Éditions Edilivre, 2021 ;
- Tes yeux, Éditions Edilivre, 2022.
Liste des personnages
Terriens
Bryan et Marina, Américains, exploitants d’une pizzeria dans le quartier italien de New York
Harvey, leur fils
Maria-Paola et Pedro, Brésiliens. Elle : violoncelliste au Met. Lui : technicien dans un journal
Maya, leur fille
Pretty et Ronald. Elle : chef de service au New York Times. Lui : dirigeant d’une start-up.
Couple sans enfant
Le Président Hilton
Murianais
Cassiopée, la femme libellule, impératrice
Menson, son conseiller
Altaïr, chef de l’expédition vers la Terre
Joachim et Astarté, couple hybride chargé de Harvey et Maya.
Fixus, le chef des Soronariens.
Illonas
Cordalex
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Ondine
Tandis que le vaisseau s’éloigne à une vitesse prodigieuse, l’épaisse brume qui couvre la Vallée de la mort, et plus particulièrement le village de Rhyolytte, se lève petit à petit laissant l’armada de militaires américains médusée devant le fiasco de l’opération « Secret défense »…
Harvey et Maya, deux adolescents de 15 ans, sont les seuls Terriens à bord.
Le voyage qui s’annonce est vital pour eux car les effets du Blindium 17, transmis par leurs parents, sont loin d’avoir disparu et seul un séjour prolongé sur Murianos leur permettra une guérison totale.
Après un passage dans le sas de décontamination, ils rejoignent leur cabine. Dans ce milieu aseptisé, leur nouvelle demeure pour de longs mois, ils se remémorent le passé, hors du commun.
— Nous sommes quand même nés dans des conditions particulières, lance Harvey.
— Ça, tu peux le dire ! Ton père puis ma mère se sont dématérialisés le jour même de notre naissance pour se retrouver perdus dans les steppes de Mongolie.
— Tout cela à cause d’un précédent voyage à bord du Transsibérien. Ils nous l’avaient raconté, leur accident, les soins au dispensaire d’Irkoutsk où, à leur insu, ils avaient été inoculés, à des fins militaires, de la molécule le Blindium 17, pour servir de cobaye.
— Oui, mais les Russes n’y ont vu que du feu. Ils pensaient détenir le Graal en trafiquant une molécule inconnue, issue des débris de la comète.
Ils rient de bon cœur, malgré leur état de fatigue presque continu.
— Derrière tout ça ? L’arrivée des Murianais sur Terre qui avaient mis à profit le passage de la comète pour poser leur vaisseau, tout en passant inaperçus.
— Finalement, c’est grâce à eux que nos parents avaient été sauvés de leur cryogénisation dans le désert de Mongolie.
— Oui, parce qu’ils les considéraient comme le couple dont parlait la légende ! Et pour se retrouver où ? dans une ambre géante pendant dix ans, au fin fond du Brésil, là où avait atterri le vaisseau. Une lente et interminable guérison qui nous a privés d’eux bien longtemps ! On les croyait disparus pour toujours…
Maya prend le bras de Harvey et pose sa tête contre son épaule.
— Mon père avait perdu tout espoir de retrouver un jour son épouse.
Et elle ajouta sur le ton de la confidence, avec un petit sourire en coin :
— Il a fini par s’amouracher de ta mère. C’est eux qui nous ont vus grandir, qui nous ont élevés.
— Jusqu’au jour où Pedro avait décidé de retourner au Brésil avec toi. C’était terrible. Je me souviens de nos adieux sur le tarmac. C’est à ce moment que j’avais vraiment compris que j’étais raide dingue de toi !
Maya se blottit encore davantage contre Harvey. Son regard se perd au loin comme si elle visualisait intérieurement ses propos.
— La voyante que j’ai rencontrée au Brésil, Astarté, et ton professeur à l’université, Joachim, jamais nous n’aurions pu imaginer qu’il s’agissait d’hybrides venus de Murianos ! Ils ne s’étaient manifestés à nous sous leur véritable identité que bien plus tard, lorsque nos parents étaient sortis guéris de l’ambre géante.
— Oui ! C’était miraculeux, inespéré. Les couples s’étaient reformés et tout était rentré dans l’ordre.
Harvey haussa les épaules en affichant une petite moue et ajouta :
— Sauf que nous sommes tombés malades. À peine les parents retrouvés nous voilà obligés de partir à notre tour, mais pour un voyage intersidéral, direction Murianos.
— C’est pour guérir, Harvey ! C’est pour guérir. Tu sais bien que nos multiples hospitalisations ont été un échec ! Nous n’avons pas d’autre choix. Je pense que nos amis Murianais ont prouvé à maintes reprises qu’ils étaient dignes de confiance. Ce n’était pas facile pour eux, depuis leur vie en autarcie dans le village brésilien, d’approcher notre civilisation.
Harvey prend une grande inspiration.
— Tu crois vraiment à la légende que nous ont racontée Joachim et Astarté ?
— Quelle légende ?
— Au sujet de Murianos. Qu’à l’origine c’était une planète jumelle de la Terre où la vie avait été semée simultanément et qu’à présent, l’heure de la rencontre entre les deux civilisations est venue.
— Oui, je m’en souviens. Mais cette fameuse rencontre, à grande échelle, ce n’est pas pour demain, crois-moi ! Tu sais qu’il y a une monnaie d’échange à notre guérison : des prélèvements de notre génome ! Altaïr, le commandant de bord, m’a dit qu’il sera inoculé aux Murianais dont la partie humaine est encore suffisamment éveillée et prête à contrer la mainmise totale des robots sur Murianos ! Bref, pour faire barrage à une forme de déshumanisation…
— Et si tout ce qu’on nous a raconté était faux, Maya ? Si on voguait vers une planète toute différente des nombreuses images montrées par Joachim sur son écran ? Je me souviendrai toujours de cette après-midi lorsque lui et Astarté sont arrivés pour la première fois à la pizzeria. Avec son dé à ergot placé sur l’index, il avait alors tracé un signe invisible sur le mur et donné vie à de très nombreuses vues de Murianos.
Maya sourit :
— La mentalité commune est de considérer avec suspicion tout ce qui est différent de notre culture. L’Amérique c’était le Nouveau Monde pour les explorateurs. Nous, à notre tour, nous allons vers un monde nouveau. Le même problème existera lorsque nous reviendrons dans quatre ou cinq ans. Comment expliquer notre parcours à des incrédules qui ne pensent qu’à la suprématie américaine ?
— Oui, je pense que tu as raison. Tous ces flashs que tu as eus dans le passé, tu t’en souviens ? Tu as un pouvoir, Maya. Tu as pu aider Altaïr dans ton rêve, avant même de le rencontrer, alors qu’il était encore en route pour la Terre ! Une anomalie dans la machinerie du vaisseau… réglée à distance. C’est tout de même fascinant !
Maya devient pensive comme si elle analysait une vision intérieure, puis elle fronce les sourcils et murmure :
— Nos trois amis hybrides sont sincères. Leur interminable voyage en recherche de la planète jumelle a pris fin, mais pendant toutes ces années que s’est-il vraiment passé sur Murianos ? Altaïr a certes eu l’aval de son impératrice pour l’expédition, mais à son retour comment sera-t-il accueilli, comment serons-nous reçus ?
— Arrête ! Tu me fous la frousse ! lance Harvey, moitié railleur, moitié sérieux. Tu as fait des rêves prémonitoires ?
— Pas particulièrement. C’est difficile à dire. Quelque chose d’indicible m’alerte en toute discrétion. Je n’ai pas de repère. Tout sera tellement différent sur Murianos.
Harvey acquiesce en silence. Il a toujours pu faire confiance aux visions de Maya. Il change de sujet.
— Je pense aux parents. J’espère que le FBI ne leur mènera pas la vie trop dure et qu’ils arriveront à communiquer avec nous grâce aux deux boîtiers, les mémospaces, mis en lieu sûr par Astarté et Joachim.
— J’ai essayé moi-même sur les nôtres. Pas réussi à les contacter ! Ils ont peut-être été suivis par les agents du FBI en allant les récupérer dans la cachette. Ou alors, les mémospaces ont purement et simplement disparu. J’espère que ce n’est pas le cas ! Je ne m’imagine pas rester toutes ces années sans nouvelles…
Harvey serre Maya contre lui comme pour la rassurer. Ils se regardent amoureusement. Maya éprouve un sentiment de plénitude. Elle murmure :
— C’est comme si je te connaissais depuis toujours, Harvey. Et dire que nous aurions très bien pu ne jamais nous rencontrer. Un hasard vraiment incroyable.
— Oui ! Mon père était tombé sur un article du New York Times évoquant le cas d’une jeune violoncelliste brésilienne atteinte d’un mal mystérieux dont les symptômes ressemblaient aux siens. Il avait pris contact avec elle, s’était même déplacé à Rio pour la rencontrer. À ce moment-là, ils ignoraient l’événement qui les unissait : le voyage dans le Transsibérien…
Ils s’embrassent longuement mais leur étreinte est interrompue par l’ouverture de la porte du sas. C’est Altaïr, le chef de l’expédition, qui vient aux nouvelles. Il s’assied à côté du couple.
— Quoi de neuf, côté Terre ?
— Rien. Toujours rien pour le moment !
Il prend la main de Maya. Il parle sur le ton de la confidence :
— Maya, souviens-toi. Depuis ton lit, lorsque tu étais encore avec les tiens, tu es entrée en communication avec mon vaisseau. Essaie à présent de visualiser New York, fais le tour de la pizzeria dans le quartier italien, du New York Times où travaille l’amie de tes parents, et dis-nous ce que tu vois.
Maya prend une grande inspiration. Au même moment, Max, le chien de leur enfance, ressuscité par Astarté, sort à son tour du sas de décontamination. Il vient se coucher aux pieds de Harvey.
À peine Maya a-t-elle serré la main d’Altaïr que la première vision arrive.
La jeune fille se doute bien que cette scène se répétera encore souvent pendant le voyage. Une autre façon de communiquer… Pourquoi pas.
Après le départ du vaisseau, les militaires quittent la zone de la Vallée de la mort pour rejoindre leur garnison. La section spécialisée dans les objets volants non identifiés reste sur place pour passer le site au peigne fin.
Jeff Williamson, le responsable du FBI, embarque les trois couples qui avaient assisté Harvey et Maya au moment du départ. Dans son bureau, un peu petit pour tout ce monde, et après avoir soigneusement abusé de son tic consistant à lisser sa moustache grise, il lève la tête et s’adresse à Bryan :
— Monsieur Kelvister, vous nous devez des explications sur ce qui vient de se passer ! Vous savez que vous avez déjà un dossier chez nous à la suite de votre mystérieuse disparition. Vous avez réapparu dix ans plus tard en ne vous souvenant de rien. Soit. Voilà qu’à présent vous fricotez avec des extraterrestres sans en informer les autorités ?
— Vous êtes déjà au courant de tout ! lance Bryan sur un ton sec.
— Nous allons tout reprendre depuis le début si vous voulez bien, insiste Williamson sur un ton faussement mielleux.
Bryan ne se laisse pas démonter.
— Nos enfants sont gravement atteints. Plusieurs séjours dans les meilleurs hôpitaux new-yorkais ont été un échec malgré une exsanguino-transfusion.
Le policier fronce les sourcils.
— Une exo quoi ?
Bryan précise :
— Le remplacement du sang.
Et il enchaîne :
— Vous trouvez normal qu’il fasse 42° à New York et que l’on soit obligé de se promener certains jours avec des masques tellement l’air est pollué ? Les hybrides de Murianos nous proposent des solutions à ces problèmes. Un échange de bons procédés et….
Williamson coupe la parole à Bryan :
— Ne changez pas de sujet. C’est à nous d’en décider. Pas vous. On poursuit !
Au bout de quatre heures d’interrogatoire, ils peuvent enfin retourner chez eux avec interdiction absolue de quitter New York.
Les trois couples se soutiennent moralement. Cette sorte de malédiction qui les poursuit depuis une quinzaine d’années, ils vont en venir à bout. Surtout ne pas douter du retour du gamin et de la gamine. Ils savent que quatre à cinq années les attendent, où, par sa surveillance insidieuse, le FBI ne va pas les lâcher.
Et après, à leur retour, les enfants deviendront-ils des bêtes de cirque ? Seront-ils mis en lieu sûr par les autorités et à nouveau soumis à des examens médicaux dans le cadre d’une opération secret défense ? Quel accueil sera réservé aux Murianais ?
Aucun n’a commis de crime mais peut être taxé d’intelligence avec une puissance étrangère ! Pas d’emprisonnement mais une surveillance particulière. Il faut s’y attendre. Aussi conviennent-ils, dès lors, de ne pas déroger à leur train-train quotidien pour démontrer l’inutilité du flicage dont ils feront, très certainement, l’objet.
Marina et Bryan continuent à gérer leur pizzeria. Maria-Paola assure des extras au Métropolitain Opera. Son époux, Pedro, ne se plaint pas de l’emploi subalterne que Pretty lui avait déniché au New York Times lors de son retour du Brésil. Quant à Ronald, il s’épanouit au sein de sa start-up.
***
Aujourd’hui, Marina est triste car les boîtiers permettant de communiquer avec les enfants n’ont toujours pas été récupérés dans la cachette. Bryan la console :
— Il est beaucoup trop tôt pour chercher les mémospaces. Si on se fait suivre, tout sera fichu.
— Que doivent penser les enfants ? Qu’on les a oubliés ?
— Mais non ! Pas du tout. Encore un peu de patience, ma chérie.
Joachim, avant son départ pour Murianos, avait indiqué à Marina l’endroit où il avait dissimulé les mémospaces, ces machines à rêver le passé, à visualiser les images de Murianos et surtout à communiquer.
Le FBI connaissait l’existence de ces appareils jetés initialement dans le Hudson River, depuis le pont de Brooklyn, par Marina et Maria-Paola. Leur recherche était restée infructueuse, sauf pour Joachim…
Les mémospaces récupérés, il avait fallu les mettre en lieu sûr. Joachim avait compris. Les vivants fréquentaient les vivants. Les morts restaient entre eux. Rien de plus simple donc que de cacher les mémospaces dans un cimetière et pas n’importe lequel ! : l’immense cimetière « Green-wood cemetery » de Brooklyn.
Joachim avait donc camouflé les appareils dans une cavité du buisson ornant la tombe de Léonard Bernstein, chef d’orchestre et compositeur.
Pretty et Ronald, comme généralement tous les mardis, viennent dîner à la pizzeria. Marina leur fait part de son inquiétude : qui envoyer au cimetière sans attirer l’attention ? Ronald trouve la solution.
— Il faut envoyer quelqu’un d’autre que nous. Une personne de confiance et qui soit futée en même temps.
— Mais qui ?
— Un musicien. Pourquoi pas un pote de l’orchestre de l’opéra ?
— J’appelle presque tous les jours Maria-Paola pour se redonner espoir, réplique Marina. Je vais lui poser la question.
Après une pizza et quelques Budweiser, Ronald devient plus loquace.
— Maria-Paola m’a dit s’être liée d’amitié avec un certain Edward, un collègue de son pupitre de violoncellistes. Pourquoi elle ne lui demanderait pas d’aller récupérer les mémospaces ? Et pour passer inaperçu, rien de tel que de se montrer. Il dit adorer Bernstein. Il emmène son instrument et joue devant la tombe. Au moment opportun, il fouille dans le buisson, récupère les objets et les fourre dans l’étui du violoncelle ou dans son sac à partitions. Il joue un dernier morceau. Il remballe le tout, fait semblant de méditer un moment devant la tombe, puis repart d’un pas lent, posé, naturel. Et le tour est joué.
Pretty lui tape sur l’épaule.
— Tu sais que tu peux être génial, si tu veux ?
— Mais surtout rien au téléphone, les filles ! Nous sommes peut-être sur écoute. Faites venir Maria-Paola au restaurant et discutez de tout cela dans le brouhaha des clients.
Ronald consulte sa montre.
— Il n’est pas tard. Appelle-la. Qu’elle vienne encore ce soir avec Pedro.
Le couple débarque une demi-heure plus tard. Maria-Paola finit par acquiescer à la proposition.
— Je réfléchis simplement à qui je pourrais faire confiance sans me faire passer pour une folle ! Je pense qu’ici, à New York, on n’est pas au courant de mes antécédents, malgré l’article paru à l’époque dans le New York Times !
Maria-Paola faisait allusion à l’époque où, revenue de son voyage dans le transsibérien et infectée par le Blindium 17, elle avait planté l’archet de son violoncelle dans l’œil du chef d’orchestre en prétendant que la statue du Christ du Corcovado avait disparu… Mais c’était au Brésil et c’était il y a plus de quinze ans !
***
La prochaine répétition est prévue vendredi à 14 h. Edward, l’ami violoncelliste est un petit célibataire rondelet à la tonsure de moine dont le restant des cheveux forme des petites bouclettes. Maria-Paola est certaine qu’il l’aiderait, mais elle hésite. Edward est adorable, mais bouffé de tics, souvent dans la lune et contestataire par nature. Peut-être que rendre ce service loufoque à une collègue l’émoustillerait…
À la pause, Maria-Paola s’approche de lui et lui explique la situation à sa façon : un ami de passage avait voulu lui faire un cadeau, mais ils s’étaient ratés et il avait déposé le présent derrière une tombe. Il suffirait de le récupérer. Elle brûle de lui confier l’épisode du Brésil, mais il n’écoute déjà plus.
— Alors ? hasarde Maria-Paola.
Edward se mouche bruyamment dans son mouchoir à carreaux, qui fait la taille d’un set de table, et répond avec flegme :
— Je n’aime pas Bernstein !
La jeune femme est sidérée. Ah non ! Pas ce grain de sable qui enraye la machine ! Lorsqu’Edward a remballé son mouchoir, il ajoute sur le même ton que précédemment :
— Mais pour toi, je vais le faire.
Maria-Paola lui saute au cou et l’embrasse en lui réitérant ses recommandations de discrétion.
***
Un beau ciel bleu règne sur Brooklyn le jour où Edward se rend au Green-wood Cemetery. Le plan à l’entrée indique la localisation des tombes célèbres. Facile. Il s’agit d’une sépulture toute simple garnie de petits buissons et d’un enrochement sommaire de la plaque commémorative.
Edward déplie son tabouret, ouvre la housse, en extirpe la boîte et sort son violoncelle. Son grand sac qu’il a porté en bandoulière contient des partitions pour la forme. Plus de place qu’il n’en faut pour le cadeau décrit.
Il accorde son instrument et commence par une suite de Bach. Tout en jouant, il observe la tombe, mais a priori aucun signe extérieur n’est apparent, pouvant le guider dans sa recherche. Mais à force de scruter la stèle, tout en jouant, il aperçoit, sur le côté gauche de la plaque commémorative, une sorte de renfoncement de la terre qui se poursuit d’une manière prononcée, sous un des buissons.
Edward veut se lever pour s’assurer qu’il a bien vu, mais des badauds se sont attroupés autour de lui pour l’écouter jouer. Il n’a pas le choix, il doit continuer… La mission qu’on lui avait confiée commence tout doucement à l’enquiquiner. Mais il doit bien ce service à Maria-Paola qui l’a remplacé à deux reprises à l’orchestre, au pied levé.
Au bout d’un moment, il s’arrête de jouer et sort sa bouteille d’eau pour boire, puis son téléphone portable pour faire semblant de téléphoner. Enfin, les badauds s’éloignent. Il jette un coup d’œil aux alentours. Personne.
Edward sonde le bas du buisson avec l’archet de son instrument : une véritable cavité. Il pose l’archet, le violoncelle, et s’agenouille devant le buisson.
Mais à peine a-t-il commencé à fouiller, qu’il entend des voix s’approcher. Il se redresse vivement. C’est le gardien du cimetière qui fait également fonction de guide. Il est entouré de cinq personnes et ne va pas tarder à emprunter l’allée. Il faut faire vite. Edward gratte la terre et tombe sur ce qui peut être un tissu formant housse. C’est le bout du sac et à l’intérieur les deux appareils : de longs tubes tels que Maria-Paola les avait décrits. Plus volumineux que prévu !
Il tire de toutes ses forces et fourre le sac, encore plein de terre, dans son cabas à partitions. Il n’a pas le choix.
Le gardien emprunte l’allée pour montrer la tombe de Léonard Bernstein aux visiteurs. Edward a tout juste eu le temps de se remettre en place et d’entamer la deuxième suite de Bach…
Il explique au guide qu’il est venu rendre hommage au compositeur. Après éloignement des curieux, il se hâte de débarrasser les lieux, sort du cimetière et se dirige vers la station de métro la plus proche. Arrivé sur le quai, il ne voit pas immédiatement le groupe de jeunes qui l’observe d’un œil amusé.
— Hé bouffon ! lance le plus aguerri de la bande. Tu vas où comme cela ? Reste un peu avec nous, tu veux ? Qu’on se marre un coup !
Alors que le meneur s’approche de lui, Edward tourne la tête comme s’il ne se sentait pas concerné. Arrivé à sa hauteur l’inconnu lui tire l’épaule.
— Qu’est-ce que tu trimbales dans ton sac ?
Sans aucune gêne, il examine son contenu : deux tubes qu’il n’arrive pas à identifier. Apparemment, il n’y a rien à en tirer. Il repousse Edward d’un geste de dépit.
— Allez, barre-toi, connard !
Il fait la moue et va rejoindre sa bande. Edward souffle un bon coup et s’engouffre avec hâte dans la rame qui vient d’arriver. Il débarque à la pizzeria un peu avant 19 h.
C’est Marina qui l’accueille.
— Alors ? demande-t-elle, les yeux inquiets.
— Je les ai, regardez. C’est bien ce que vous m’avez demandé ?
Il sort les deux appareils de leur housse.
— Oui ! s’exclame Marina avec joie. Merci mille fois, vraiment merci.
Elle va se jeter au cou d’Edward tout confus qui n’est pas habitué à ce genre d’effusion. Le jeune homme parti, Marina respecte les consignes de prudence et n’appelle pas Maria-Paola pour lui annoncer la bonne nouvelle. Elle laisse simplement vibrer son portable pendant quatre sonneries : c’est le code convenu pour annoncer que l’opération a réussi.
À la fermeture du restaurant, Bryan et Marina essaient de faire fonctionner les mémospaces, tout heureux d’entamer les premiers contacts avec les enfants, mais c’est sans succès. Bryan grommelle :
— Qu’est-ce qui nous prouve que le FBI n’a pas mis la main dessus avant nous en les remettant en place pour ne pas éveiller les soupçons ? À l’heure actuelle, il y a peut-être une puce cachée sur l’appareil… Il tourne un mémospace dans tous les sens, l’examine avec minutie mais ne remarque rien de particulier.
— De toute façon, il n’y a aucun moyen de l’ouvrir. Tout semble fait d’une seule pièce, fait remarquer Marina.
Le second appareil, destiné à Pedro et Maria-Paola, est observé à son tour. Mais là encore, aucun élément nouveau n’est visible à l’œil nu. Ils sont déçus et interrogatifs.
Bryan conclut :
— Il vaut mieux remettre nos investigations à plus tard. Les gens du FBI s’attendent à ce que nous bougions. Malgré ce que cela nous coûte, il vaut mieux faire le mort pour le moment, croyez-moi.
Il leur reste le dé à ergot que Joachim avait confié à Bryan. Il suffit de le mettre sur l’index et d’effectuer un grand geste en direction d’un mur proche, pour faire apparaître toutes les vues concernant Murianos. Cet objet servira, comme ultime roue de secours pour montrer, le jour venu, aux autorités, le caractère pacifique de l’expédition des Murianais.
***
Dans le vaisseau, Altaïr tient toujours la main de Maya dans la sienne. La jeune fille parle.
— Je vois un musicien qui joue devant une tombe.
— Un musicien ?
— Oui !
— Tu peux me décrire la tombe ?
Maya s’efforce de donner des détails mais ce n’est pas évident. Altaïr reconnaît la description faite par Joachim et il comprend :
— Maria-Paola a envoyé un collègue musicien à sa place. Très bien ! Concentre-toi encore.
— Je vois la pizzeria. Un homme sort les mémospaces de son sac et les montre à Marina.
— Alors, nous aurons des nouvelles bientôt, lance Altaïr, rassuré. Il est temps de retourner à vos appartements.
Appartements était un grand mot. Plutôt une cabine géante en forme d’habitation où la pesanteur terrestre a été recréée pour éviter que les muscles et les os des deux jeunes Terriens ne s’atrophient durant le voyage. Puis, grâce au système imaginé par Ixo2, l’ordinateur géant, la pesanteur évoluera jusqu’à atteindre celle de Murianos.
Tout est prévu jusqu’aux chaussures surcompensées, également pour Max, l’adorable golden retriever, le chien de leur enfance, ressuscité grâce à un poil retrouvé sur le coussin de sa niche…
Malgré tout cela, Harvey et Maya ne se sentent pas encore suffisamment dans la confidence des autres hybrides de l’expédition. Heureusement que Joachim et Astarté sont là. Leur présence leur est indispensable pour ce long voyage à bord du vaisseau, dans ce milieu nouveau, en huis clos, qui leur pèse par intervalles réguliers.