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Après avoir exploité ses connaissances du Japon pour développer divers produits, Sei ouvre enfin sa propre boutique. Lors d’une visite dans une ville portuaire, elle tombe par hasard sur des ingrédients qu’elle cherchait depuis longtemps ! La redécouverte du riz et du miso ravive sa passion pour la cuisine ! Elle se lie d’amitié avec l’équipage d’un navire marchand, pour qui elle concocte des provisions conservables qui leur seront utiles lors des longues traversées. Elle met alors pleinement à profit sa compétence Cuisine. Plus tard, Yuri, le commandant des sorciers, découvre que les plats de Sei possèdent des effets uniques…
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Seitenzahl: 211
Cover
Pages couleur
Chapitre 1 — La firme
Chapitre 2 — Les produits venus de l’étranger
En coulisses
Chapitre 3 — Cuisine du monde
Chapitre 4 — Cuisine japonaise
En coulisses
Chapitre 5 — La cérémonie de présentation officielle
Histoire courte 1
Histoire courte 2
Histoire courte 3
Postface
A propos de JNC Nina
Copyright
Pages couleur
Table des matières
Trois mois s’étaient écoulés depuis mon retour du domaine de Klausner. L’été s’approchait peu à peu – c’était le second que j’allais vivre dans ce monde.
Depuis mon retour à la capitale, j’avais parcouru diverses contrées pour combattre les monstres sur sollicitation du palais. Malgré l’ampleur de la tâche, nous avions réussi à purifier tous les marais noirs identifiés jusqu’à présent. Les échos des différentes provinces dans lesquelles je m’étais rendue attestaient d’une diminution considérable de la population de monstres, ce qui était un réel soulagement.
Cependant, il était prématuré de conclure que leur activité avait cessé pour de bon, car de nouveaux marais noirs pourraient toujours apparaître. Ainsi, nous avions décidé de poursuivre nos investigations et de les purifier si jamais nous en découvrions d’autres. Les régions exemptes de ces fléaux étaient généralement laissées sous la surveillance des ordres de chevaliers – je n’avais donc pas à m’y rendre. Cela m’avait permis de disposer d’un peu plus de temps libre récemment.
C’est alors qu’une importante livraison en provenance du domaine de Klausner arriva à l’institut de recherche sur les plantes médicinales.
— Incroyable…, murmurai-je spontanément en voyant les caisses empilées telles des montagnes dans l’entrepôt.
Non seulement celles-ci renfermaient des graines, mais elles étaient aussi remplies d’herbes médicinales qui nous faisaient cruellement défaut pour la préparation des potions de PV et de PM. Ces ingrédients servaient également à concocter des remèdes contre les brûlures, les paralysies et autres altérations d’état. Certaines herbes rares incluses avaient provoqué des cris de joie parmi les chercheurs – des cris qui s’apparentaient davantage à des rugissements qu’à de simples exclamations enthousiastes.
Eh bien, il a du coffre, celui-là !
Alors que je m’étonnais du comportement inhabituel d’un de mes collègues d’ordinaire si réservé, le directeur m’interpella, un papier à la main :
— Sei, il y a aussi une lettre pour toi.
Un courrier m’étant personnellement adressé était arrivé avec celui destiné à l’institut. En retournant le pli, je vis le nom de Corinna inscrit dessus. Je l’ouvris sur-le-champ et un sourire se forma sur mes lèvres à mesure que je parcourais les lignes : elle avait découvert mon intervention pour restaurer la forêt endommagée par les slimes avant de quitter le domaine. Bien que la lettre n’en fasse pas directement mention, elle était rédigée de manière suffisamment allusive pour être comprise par qui savait lire entre les lignes. De plus, des remerciements formulés avec soin y étaient inscrits.
Une telle générosité laissait supposer que, tout comme Corinna, le seigneur de la région était sans doute lui aussi au courant. Même pour quelqu’un comme moi, pourtant peu versée en politique, cela paraissait évident vu le volume considérable de marchandises arrivées du domaine de Klausner. Il faut dire que nous avions reçu deux types de caisses : celles destinées à l’institut et celles qui m’étaient personnellement adressées.
Des colis à mon nom avaient aussi été livrés dans un autre entrepôt, contenant vraisemblablement des herbes médicinales soigneusement collectées à travers l’ensemble du domaine malgré la pénurie toujours persistante. Je me sentais quelque peu coupable face à tant de sollicitude ; toutefois, la prévenance de Corinna m’émut profondément et réchauffa mon cœur.
Alors que le directeur inspectait le contenu des caisses avec d’autres chercheurs, il remarqua que j’avais fini de lire ma lettre et revint vers moi.
— Qu’est-ce que c’était ?
Curieux d’en connaître la teneur, il arborait un grand sourire, mais son attention était surtout captée par le sac que j’avais entre les mains et qui renfermait visiblement des graines. Dessus étaient inscrits les noms d’herbes célèbres et rarement disponibles sur les marchés. La joie de pouvoir cultiver des plantes peu communes paraissait le ravir au plus haut point.
— C’est une lettre de remerciement pour avoir vaincu les monstres. Et les herbes sont une sorte de cadeau, semble-t-il.
— Ah, je vois. Tu as encore agi sans réfléchir, n’est-ce pas ? rétorqua-t-il avec un ton moqueur.
Saisie d’un léger sentiment de culpabilité, je me mis à bafouiller, tout en faisant la moue :
— Vous êtes injuste. Ce n’est pas le cas… Enfin, je crois ?
D’un coup, le ton du directeur se chargea de consternation :
— Le fait que tu me répondes sous forme de question est assez révélateur.
Je l’entendis pousser un profond soupir alors que je détournais le regard.
— Tu sais, j’ai déjà eu quelques échos par Al…, ajouta-t-il avec un sourire dans la voix.
Je pâlis, prise d’une sueur froide.
— Vrai-Vraiment ?
Le commandant l’avait-il informé des événements survenus à Klausner ? Avait-il également eu vent de mes actions dans la forêt de slimes ? À en juger par l’intonation de sa voix, peut-être pas encore ? Si c’était le cas, je pouvais m’attendre à une sévère réprimande. Sachant qu’il me rappelait constamment de faire preuve de modération, il ne me restait plus qu’à prier pour que cela reste secret.
Afin de détourner la conversation, je mentionnai les caisses reçues.
— Avec tout ce que nous venons de réceptionner, nos recherches devraient pas mal avancer, vous ne croyez pas ?
Comme je l’avais espéré, ma stratégie fonctionna.
— Absolument, nous avions dû mettre en pause certains de nos travaux, faute de matières premières. À ce propos, j’ai remarqué qu’il y a des graines de plantes qui ne poussent pas par ici parmi les colis qui te sont adressés, n’est-ce pas ?
Le directeur, passionné de botanique, semblait plus intéressé par les possibilités offertes par les graines que par les herbes en elles-mêmes.
— Il s’agit sans doute de celles que j’avais demandées.
— Oh, vraiment ?
— Oui, j’ai appris là-bas comment cultiver ces herbes. Je pensais essayer de les faire pousser ici, à la capitale.
— Intéressant…
— Il se pourrait que j’aie besoin de votre aide, d’ailleurs.
— Aucun problème !
Rien qu’en regardant les noms des herbes inscrits sur les sacs contenant les graines, il avait pu déterminer si ces herbes étaient cultivables ici, dans la capitale, preuve indéniable de son expertise en la matière.
J’étais curieuse de tester les diverses semences, que celles-ci nécessitent ou non une bénédiction du sol. Quant aux obstacles liés au climat local et à l’environnement différent, nous pourrions assurément les surmonter grâce à ma magie des saintes et à celle de terre du directeur. Je me promis de lui concocter un plat d’une de mes nouvelles recettes pour le remercier d’avoir accepté de m’aider avec tant de bonne volonté.
Les quantités d’herbes livrées promettaient de m’offrir de nombreuses possibilités, pas seulement pour la concoction de potions, mais aussi pour d’autres usages. Parmi les colis qui m’étaient adressés, il y avait des plantes idéales pour la confection de cosmétiques. Peut-être pourrais-je créer de nouveaux types de lotions ou de crèmes ? Ce serait un véritable plaisir de jouer avec les différentes fragrances des herbes.
Avec toutes ces expéditions pour chasser les monstres et le reste, j’ai l’impression d’avoir un peu bronzé ; peut-être que je pourrais tenter d’élaborer une crème pour blanchir la peau ?
Alors que je regardais les chercheurs, toujours en pleine effervescence autour des caisses, je fus tirée de mes pensées par le directeur :
— Que se passe-t-il ?
— Oh, rien. Je songeais juste à essayer de créer de nouveaux produits cosmétiques avec les herbes qui viennent d’arriver.
Je partageai avec lui ces réflexions qui me traversaient l’esprit, et il répondit d’une voix intriguée :
— De nouveaux produits ?
Mon regard se posa sur le directeur dont l’expression du visage reflétait l’intonation de sa voix. Après lui avoir expliqué que je projetais de développer des cosmétiques aux propriétés et aux parfums distincts de ceux que j’avais élaborés jusqu’à présent, il sembla saisir et acquiesça d’un « Je vois » pensif.
— De nouveaux produits de beauté, donc…
— Y a-t-il un problème ?
— Ah, non… Tu as aussi prévu de les revendre à la boutique en ville ?
— À vrai dire, je n’y avais pas vraiment réfléchi.
— D’accord. Mais il est fort probable qu’il y ait des personnes intéressées.
— Hum… C’est bien possible.
Les propos du directeur me rappelèrent un fait que j’avais presque oublié : les cosmétiques que je confectionnais étaient convoités par beaucoup pour leur efficacité notoire. Ma compétence Pharmacologie jouait un rôle clé là-dedans.
À l’origine, je les avais créés pour moi, mais séduite par leurs bienfaits, Liz s’était mise à m’en réclamer pour son usage personnel. Leur popularité s’étendit rapidement à son entourage et ses amis exprimèrent eux aussi le souhait d’en obtenir à leur tour.
Si fournir à Liz seule des cosmétiques était envisageable, produire une quantité suffisante pour satisfaire tout ce monde dépassait mes capacités, surtout avec mes responsabilités à l’institut. Par conséquent, j’avais demandé au directeur de partager la formule avec une certaine compagnie pour qu’elle prenne en charge la production à ma place.
Après avoir annoncé à Liz que mes produits seraient vendus dans ce commerce, l’engouement avait été impressionnant. Beaucoup plus de personnes que je ne l’avais imaginé étaient venues en acheter. Le directeur m’avait confié que, bien qu’habituée à commercialiser des marchandises très populaires, cette compagnie avait eu du mal à gérer les longues files de nobles affluant chaque jour.
À présent, la production s’était stabilisée, et la boutique pouvait gérer les commandes régulières des familles issues de la noblesse. Toutefois, il n’était pas difficile d’imaginer que la sortie d’une nouveauté pourrait susciter un enthousiasme similaire à celui connu à l’époque. Réfléchir à la commercialisation en amont paraissait donc être une démarche prudente.
— Nous devrions peut-être en discuter avec quelqu’un de chez eux, non ?
— Oui, tu as raison. Je vais m’occuper de les contacter.
— Je vous remercie.
Je pouvais le laisser gérer cette partie en toute confiance.
Tout en passant en revue l’inventaire des marchandises qui m’avaient été envoyées, je méditais sur de potentielles nouvelles créations. Absorbée par mes réflexions, je n’avais pas remarqué l’air pensif que le directeur arborait en quittant l’entrepôt.
◆
Les jours où je devais me rendre à mes nombreuses classes sur les bonnes manières, je me préparais mentalement à me métamorphoser en dame de la noblesse. Ce matin-là, entourée dès l’aube de mes servantes attitrées dans une des chambres du palais, Marie, qui les supervisait, remarqua un flacon en porcelaine blanche, dont la présence sur la coiffeuse était inhabituelle.
— Dame Sei, quel est ce produit ? demanda-t-elle en le tenant délicatement.
— Oh, c’est un nouveau produit de beauté.
Aussitôt, tous les regards des servantes se tournèrent vers moi avec une telle intensité qu’on aurait presque pu les entendre.
— Un nouveau produit de beauté ?
— Oui. J’ai tenté de concocter une crème pour blanchir la peau.
— Pour la blanchir…, murmura une autre servante, en même temps qu’un bruit de déglutition sonore retentissait.
Leur réaction était compréhensible. Dans le royaume de Slantania, l’un des critères de beauté pour les femmes était d’avoir la peau claire. Raison pour laquelle les jeunes nobles évitaient autant que possible l’exposition au soleil. Néanmoins, malgré leurs efforts, certaines finissaient par bronzer, surtout les dames de compagnie travaillant au palais. Ces dernières, qui étaient elles-mêmes de jeunes filles issues de la noblesse, faisaient des efforts considérables chaque jour pour préserver la blancheur de leur peau. Il allait de soi qu’elles ne pouvaient rester indifférentes devant des cosmétiques qui promettaient un tel effet. Je le savais parfaitement.
— Dame Sei, est-ce que cette crème…, commença timidement une servante.
— J’aimerais l’essayer personnellement pendant un moment, et si je ne constate aucun problème, je serais heureuse de vous la faire tester, proposai-je.
— Nous serions ravies de vous aider dans vos essais ! s’exclama-t-elle en acquiesçant vivement, son visage rayonnant de joie.
Marie, qui d’ordinaire aurait réprimandé une telle effusion, ne fit qu’esquisser un sourire embarrassé, trahissant peut-être son propre intérêt pour cette nouveauté.
Avant de proposer de nouveaux produits cosmétiques à la vente, la compagnie procédait systématiquement à des tests au préalable pour vérifier qu’ils ne causaient pas d’irritations cutanées. J’étais la première à les essayer, et si aucun problème n’était observé, nous procédions à des essais sur d’autres personnes.
Lorsque nous avions mis en boutique les cosmétiques lors de notre première collaboration, c’étaient les servantes qui avaient été sollicitées pour les tests. Ayant déjà entendu parler de ces produits renommés parmi les dames de la noblesse, elles y avaient participé avec un enthousiasme évident. Leur satisfaction face à l’efficacité remarquable des cosmétiques n’avait fait qu’intensifier leur désir de contribuer à nouveau au développement des futures créations.
Voilà pourquoi j’avais pensé solliciter leur assistance une fois de plus. Par chance, elles semblaient disposées à participer cette fois encore.
— C’est une crème spécialement formulée pour éclaircir le teint, c’est bien cela ? demanda l’une d’elles.
— J’ai hâte de voir jusqu’à quel point elle peut blanchir la peau, ajouta une autre avec impatience.
Alors que je me faisais maquiller, les servantes apportaient robes et accessoires et ne cessaient de parler de la crème, leurs yeux pétillants d’enthousiasme à l’évocation des promesses liées à ce produit.
— Je ne peux pas garantir que son efficacité soit à la hauteur de vos attentes. Les résultats peuvent varier d’une personne à l’autre, tempérai-je en esquissant un sourire forcé pour calmer les esprits.
Ma tentative ne produisit pas l’effet escompté.
— Qui pourrait douter de l’efficacité de vos cosmétiques ? rétorqua l’une d’elles.
— Exactement. Moi, je ne peux plus me passer de vos produits, renchérit une autre.
Il m’était difficile de déterminer les attentes des servantes quant à son efficacité, mais j’étais persuadée que nous observerions des améliorations notables. La crème, riche en herbes aux vertus éclaircissantes, promettait d’offrir des résultats tangibles.
En vérité, après que j’en avais appliqué sur ma peau enflammée par l’exposition au soleil durant une journée de travail dans les jardins de l’institut, les rougeurs s’étaient atténuées presque immédiatement. L’effet avait été si rapide que l’on aurait presque pu parler de potion topique. Toutefois, je ne saurais dire si les résultats seraient aussi spectaculaires sur une peau déjà bien hâlée.
Étant donné que je passais mon temps cloîtrée dans l’institut depuis mon arrivée ici, ma peau conservait une pâleur naturelle telle que cela rendait difficile pour moi d’apprécier pleinement l’effet du produit. Je me demandais si les servantes, qui achetaient déjà leurs cosmétiques à la boutique en ville, partageraient le même sentiment. Par conséquent, j’éprouvais une certaine appréhension quant à ma capacité à répondre à leurs attentes.
En dépit de mes inquiétudes, elles mirent en ordre mes affaires avec plus d’entrain que de coutume, sans compromettre leur rapidité habituelle.
Le jour suivant, je fus convoquée de bon matin par le directeur. J’avais aussi reçu pour instruction de faire du thé. Après en avoir préparé au réfectoire, je me rendis à son bureau avec quatre tasses : une pour lui et trois pour ses invités.
Du moins, je suppose ? Je me demande qui est censé venir aujourd’hui ?
Avec ces pensées en tête, je frappai à la porte de son bureau.
— Excusez-moi de vous déranger.
— Désolé de te solliciter de si bon matin, me répondit-il.
Après avoir été invitée à entrer, je découvris des visages inconnus, comme je m’y attendais. Toutefois, seules deux personnes étaient présentes. Voyant mon hésitation, le directeur m’invita à m’asseoir sur le siège à côté de lui.
— Voici Franz et Oscar.
— Enchanté, je suis Franz, dit l’un, un homme aux cheveux blancs coiffés en arrière et aux yeux d’un bleu profond comme des saphirs.
— Oscar, ravi de vous rencontrer, se présenta l’autre, aux cheveux orange et aux yeux vert éclatant comme des émeraudes.
— Ravie de vous rencontrer, je suis Sei.
Franz était un homme élancé et portait des lunettes, mais contrairement au lord intello, son sourire, plus doux, lui donnait une allure de grand-père bienveillant. Il émanait de lui une aura de majordome idéal, au point que j’étais tentée de le renommer Sebastian dans ma tête.
D’une taille et d’une corpulence moyennes, Oscar, avec ses cheveux quelque peu hirsutes et ses yeux en amande qui remontaient légèrement, dégageait une impression de dynamisme. On aurait dit qu’il avait le même âge que Jude, mais peut-être était-il un peu plus âgé ? En tout cas, il était plus jeune que le directeur.
Les deux ne portaient pas de tenues nobiliaires, mais leur allure suggérait une certaine opulence. Le directeur confirma cette impression en les présentant comme des membres d’une compagnie marchande : Franz en était le président et Oscar, son bras droit.
— Vous faites partie de la firme avec laquelle nous collaborons ?
— Oui, et nous envisageons d’en créer une nouvelle, expliqua Franz.
— Créer une nouvelle firme ?
— Exactement, la tienne, pour être plus précis, ajouta le directeur.
— La mienne ?
Remarquant ma confusion, il prit alors le temps de m’expliquer que les cosmétiques que j’avais conçus étaient vendus par l’intermédiaire d’un commerce qu’il m’avait recommandé. Apparemment, leur popularité avait entraîné des ventes bien supérieures aux attentes. Leur succès croissant avait cependant suscité des jalousies et des problèmes avec d’autres compagnies.
Cherchant davantage la commodité que le gain financier, le directeur avait choisi cette firme, en particulier, car elle était liée à sa famille. Toutefois, à mesure que les tensions s’étaient exacerbées, il s’était trouvé de plus en plus contraint de s’impliquer, ce qui avait compliqué la conciliation de son travail avec ses responsabilités à l’institut. Récemment, d’autres familles nobles avaient commencé à s’immiscer dans ces affaires, forçant celle du directeur à prendre part à ces démêlés.
Je lui étais profondément reconnaissante pour tout ce qu’il avait accompli et pour avoir compensé mon inexpérience dans ce domaine. Ses efforts avaient permis que les bénéfices me reviennent et que mes ressources personnelles augmentent. Apprendre que sa famille aussi était affectée par cette situation m’avait sincèrement désolée.
Avec l’arrivée de nouveaux produits, il était certain que les problèmes ne feraient que s’aggraver. Ainsi, le directeur avait décidé de dissocier mes affaires lucratives de la compagnie liée à sa famille en fondant une nouvelle firme indépendante. Il avait été convenu que les produits que je développerais seraient vendus exclusivement par cette entité distincte, déchargeant ainsi le directeur de toute responsabilité.
Le problème peut-il vraiment être résolu simplement en transférant la vente de mes produits d’une entreprise à une autre ?
Le directeur chassa rapidement cette interrogation de mon esprit.
— Qui serait assez fou pour défier la compagnie de la sainte ?
— Eh bien… Hum, en êtes-vous si certain que cela ?
En réponse à l’observation du directeur, Franz et Oscar acquiescèrent comme pour approuver sa remarque.
C’est somme toute logique, quand on considère le statut de la sainte ici.
Bien que je n’en sois pas tout à fait convaincue, je décidai de mettre de côté cette question pour le moment. Si cette nouvelle firme était bien la mienne, il y avait d’autres points que je souhaitais clarifier.
— Vous parlez d’en faire ma propre compagnie, mais je ne sais faire qu’élaborer des produits…
Mes compétences se limitaient en effet à la fabrication de potions et de cosmétiques. La gestion d’un commerce était bien au-delà de mes capacités. Le directeur désigna alors du doigt Franz et Oscar.
— Je le sais bien. C’est pour cela que ces deux-là sont ici.
Selon lui, tout ce que j’avais à faire était de poursuivre mes inventions et créations à ma guise, comme je l’avais toujours fait. Franz et son équipe se chargeraient de l’intégralité des aspects commerciaux. Ainsi, l’unique changement consisterait en la transmission des formulations des produits à la nouvelle entité, sans incidence sur mes responsabilités ou ma rémunération.
Frantz et Oscar avaient été méticuleusement choisis parmi les membres de l’ancienne compagnie et se distinguaient par leur expertise. Je pouvais sans crainte leur confier les rênes. L’idée que leur départ puisse causer du tort à leurs anciens employeurs me préoccupait ; toutefois, le directeur m’avait rassuré en m’expliquant que sa famille avait facilité la transition.
Peut-être devrais-je envoyer un cadeau à la famille Valdec pour les remercier ?
— J’espère que notre collaboration se passera bien.
— Nous en sommes convaincus, répondirent Franz et Oscar avec un sourire, tout en inclinant respectueusement la tête.
L’approbation du directeur et la compétence manifeste de ces deux hommes me rassurèrent. Une fois les salutations échangées, notre rencontre prit fin.
◆
Un mois après avoir été présentée à Franz et Oscar, un nouveau commerce fut inauguré dans la capitale. La boutique, gérée par la firme nouvellement créée et dirigée par Franz, était située dans une avenue fréquentée par la noblesse. Ce choix stratégique visait principalement à attirer une clientèle aristocratique. La proximité de rues commerçantes plus populaires laissait également entrevoir une future clientèle composée de riches bourgeois, offrant ainsi la perspective d’élargir notre marché.
Cette stratégie de Franz porta ses fruits. La boutique séduisait non seulement les nobles, mais aussi de jeunes femmes de familles marchandes qui s’y pressaient. Ainsi accompagnées de leurs serviteurs, leur venue contribuait à alimenter l’effervescence qui régnait sans cesse à l’intérieur. Dans ce quartier où les boutiques de luxe abondaient, il était rare de voir un établissement aussi animé. C’est du moins la remarque que je me fis en observant d’un peu plus loin l’établissement fraîchement inauguré.
— On dirait que c’est un véritable succès.
— En effet, confirma Oscar. Tes cosmétiques remportent un succès encore plus grand que ce que nous avions pu imaginer.
— Si je ne m’abuse, seuls les nobles les achetaient dans l’ancienne boutique.
— Et ils engrangeaient déjà de très bons profits. C’était un lieu bien connu des familles marchandes de la capitale, ce qui avait du coup suscité l’intérêt de leurs épouses par la même occasion, ajouta-t-il.
— Le commerce d’origine était exclusivement réservé à la noblesse, c’est bien cela ?
— Oui, mais c’est surtout parce qu’ils avaient du mal à répondre à la demande. D’ailleurs, Frantz m’a dit combien il t’était reconnaissant, tu sais ? Ton idée a contribué à l’élargissement considérable de la base de clients.
Oscar avait adopté avec moi un ton décontracté. Au cours de ce mois de préparation à l’ouverture, nos échanges s’étaient multipliés et notre relation avait gagné en simplicité. Initialement plus formel, il avait su s’adapter aux circonstances, ce qui facilitait grandement nos interactions. Je l’avais donc laissé faire sans lui en tenir rigueur dès qu’il avait adopté cette approche plus détendue.
En fait, l’attitude d’Oscar ne semblait pas plaire à tout le monde et dérangeait manifestement l’autre personne assise à mes côtés. Il s’agissait du commandant, qui avait accepté de nous escorter jusqu’à la capitale. Son expression était figée et son regard incisif. Il s’était abstenu de parler jusqu’alors, mais il prit soudain la parole, manifestement interpellé par la remarque d’Oscar :
— C’était quoi, cette idée ?
Je ne saurais dire s’il avait remarqué le regard que messire Hawke lui avait lancé, mais Oscar lui répondit sur un ton bien plus adapté pour s’adresser à un noble :
— Dame Sei nous a préconisé de classer les cosmétiques par gamme selon leur efficacité, voyez-vous.
Ce que j’avais proposé à Franz, c’était de mettre sur le marché des cosmétiques à moindre coût. Les produits jusqu’alors disponibles étaient élaborés par des personnes possédant la compétence Pharmacologie, ce qui justifiait le prix élevé. Cependant, puisque les formulations que j’utilisais provenaient de mon monde d’origine, ces tâches auraient pu être effectuées par des individus qui ne possédaient pas nécessairement cette compétence, mais dans ce cas, les produits finaux auraient été nettement moins performants.
J’avais donc émis l’idée de les vendre à des prix plus compétitifs. Les résultats parlaient d’eux-mêmes : malgré nos avertissements en boutique concernant une possible baisse d’efficacité par rapport à nos produits habituels, la demande restait forte.
— Donc tout se passe bien, je présume ? demandai-je à Oscar.
— Absolument. Les nouveaux employés sont compétents, je ne m’inquiète pas pour la suite.
— Tant mieux, alors.
— Sei, du coup, tu prévois de passer voir la boutique un peu plus tard, c’est ça ?
— Oui, je crois qu’il y a un peu trop de monde aujourd’hui.
— OK ! Dans ce cas, tu rentres directement ?
— C’est ce qui est prévu…
— Et si tu en profitais pour faire un petit détour ? Il y a un nouveau salon de thé qui vient d’ouvrir et qui est déjà très populaire.
— Ah bon ?
— Oui, c’est un lieu réservé aux nobles. On peut y déguster des thés insolites venus de l’étranger qui font fureur chez les aristocrates friands de nouveautés.
Initialement, je pensais jeter un coup d’œil rapide à la boutique avant de rentrer directement au palais, mais l’évocation du salon de thé avait piqué ma curiosité. La perspective de découvrir des variétés importées était tentante. En attendant, aller là-bas signifiait que le commandant, qui assurait ma protection, devait me suivre.
Moi, je suis en congé, mais lui, il est en service. Est-ce que je peux me permettre de lui demander de m’accompagner ? Je dirais que non…
Rien que l’idée me faisait me sentir coupable. D’autant plus que j’avais déjà augmenté sa charge de travail en prétextant vouloir faire un saut à la boutique ce jour-là. La tentation de m’arrêter au salon de thé était grande, mais l’idée de le déranger me posait problème.
Je m’apprêtais à décliner l’offre lorsque messire Hawke me devança.
— Où se trouve ce salon de thé ?
— Eh bien, en partant d’ici…
Hein ? Pourquoi ? Je n’ai même pas encore parlé, si ? Est-ce que cela l’intéresse aussi ?